N° 75/CJ-DF du répertoire ; N° 2010-19/CJ-CT du greffe ; Arrêt du 11 décembre 2020 ; Marie ANAGO-KPOGLA née DANNON (Me Hippolyte YEDE) C/ Ac AG (Cabinet d’Avocats des Ah C)
Action immobilière – Vente d’immeuble – Instance en cours - Nullité (oui)
Pourvoi en cassation – Moyen – Dénaturation des faits – Interprétation d’un fait – Rejet (oui).
Procèdent à une saine et juste application de la loi, les juges d’appel qui ont confirmé la nullité de la vente d’immeuble faisant l’objet d’instance devant le tribunal de droit traditionnel.
Encourt rejet, le moyen tiré de la dénaturation qui se fonde sur des faits plutôt qu’un écrit.
La Cour,
Vu l’acte n°014/2009 du 23 juin 2009 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Hippolyte YEDE, conseil de Aa AH, a déclaré élever pourvoi en cassation contre l’arrêt n°035/09 rendu le 09 juin 2009 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi onze décembre deux mil vingt, le conseiller Michèle CARRENA ADOSSOU en son rapport ;
Ouï le procureur général Ag Ae Y en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°014/2009 du 23 juin 2009 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Hippolyte YEDE, conseil de Aa AH, a déclaré élever pourvoi en cassation contre l’arrêt n°035/09 rendu le 09 juin 2009 par la chambre de droit traditionnel de cette cour ;
Que par lettres n°0845/GCS du 23 septembre 2010 et n°1369/GCS du 23 décembre 2010, maître Hippolyte YEDE a été mis en demeure de consigner dans un délai de quinze (15) jours et de produire ses moyens de cassation dans un délai d’un (01) mois, le tout conformément aux articles 3,6 et 12 de la loi 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Aa AH a acquis de Ai A la parcelle J du lot 1466 sise au quartier X B sur un domaine qui a été cédé à celui-ci par Ab AJ Af dont le droit de propriété a été reconnu par le jugement n°194/86 du 26 septembre 1986 rendu par le tribunal de première instance de Cotonou ;
Que ce jugement a été confirmé par l’arrêt n°52/93 du 14 avril 1993 de la chambre traditionnelle de la cour d’appel de Cotonou ;
Qu’en dépit de la vente intervenue, AJ Af a délivré à Ac AG une attestation de jouissance datée du 17 novembre 1997 ;
Qu’en réponse à une sommation interpellative du 03 décembre 2004 à la requête de Aa AH, AJ Af a expliqué qu’après avoir gagné son procès contre son adversaire Ad AI, certains acquéreurs de ce dernier s’étaient rapprochés de lui pour négocier le rachat de parcelles ;
Que c’est dans ces circonstances que Ac AG avait lui aussi négocié le rachat de parcelles en y incluant frauduleusement la parcelle qui a été vendue, avec son accord, par Ai A à Aa AH ;
Que s’étant aperçu de la fraude et du préjudice causés à celle-ci, il a retiré l’acte frauduleux que Ac AG a soumis à sa signature ;
Que le tribunal de première instance de Cotonou par un autre jugement n°06/2CB/07 du 18 septembre 2007 a annulé les ventes sur la parcelle J du lot 1466 de X B, intervenue d’une part, le 07 août 1986 entre Ab AJ Af et Ai A et d’autre part, le 24 octobre 1996 entre Ai A et Aa AH avec l’accord de Ab AJ Af, et confirmé le droit de propriété de Ac AG sur le domaine revendiqué ;
Que la cour d’appel de Cotonou par l’arrêt n°35/2009 du 09 juin 2009 de la chambre traditionnelle a confirmé en toutes ses dispositions le jugement n°06/2CB/07 du 18 septembre 2007;
Que c’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION DES MOYENS
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en ce que, les juges d’appel ont fondé la confirmation du droit de propriété de Ac AG sur le prétendu acte de rachat au mépris des dispositions légales rendant nulle la cession intervenue sur la parcelle litigieuse au cours de l’instance judiciaire en expulsion engagée contre lui par Aa AH, alors que, selon le moyen, l’ordonnance n°70-3D/MJL du 28 janvier 1970, frappant d’indisponibilité les immeubles litigieux, assurant l’exécution des décisions de justice et portant interdiction de vente d’immeuble d’autrui s’applique à toute instance judiciaire et devrait s’appliquer à l’instance opposant depuis le 26 septembre 1997 Aa AH à Ac AG qui s’est fait établir frauduleusement l’attestation de jouissance délivrée le 17 novembre 1997 ;
Qu’en se déterminant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges d’appel ont fait une mauvaise application de la loi ;
Mais attendu que l’arrêt de la cour d’appel, pour confirmer le droit de propriété de Ac AG a énoncé notamment qu’au sens des articles 1 et 2 de l’ordonnance n°70-3/MJL du 28 Janvier 1970 frappant d’indisponibilité les immeubles litigieux, assurant l’exécution des décisions de justice et portant interdiction de vente d’immeuble d’autrui, les immeubles faisant l’objet d’instance devant les tribunaux de droit traditionnel ne peuvent être aliénés ; que la vente consentie par AJ Af à A Ai au mépris des dispositions précitées encourt nullité ; que par voie de conséquence, HOUNKANRIN Marie (DANNON Marie) tenant son droit de A Ai, cette nullité emporte également celle de la vente consentie par celui-ci à celle-là sur la même parcelle, … que l’occupant de la parcelle en cause, avant le procès ayant opposé la collectivité AI Z et la collectivité AJ Af,… reste Ac AG, que celui-ci avait acquis la parcelle auprès de la collectivité AI Z suivant convention de vente du 20 décembre 1972 ; que Ac AG s’est toujours comporté comme le propriétaire de la parcelle en cause (Parcelle J du lot 1466 du quartier X B) ainsi que le prouvent les pièces produites au dossier ;
Qu’ainsi, il a seul qualité, suivant les termes du rapport (rapport de la commission créée par le gouvernement du Bénin) pour racheter la parcelle en cause ; que AJ Af n’est pas fondé à annuler de son propre chef la vente qu’il avait antérieurement consentie à GANLAKY Prosper, ce pouvoir étant réservé exclusivement aux juridictions, … qu’au regard de tout ce qui précède, la décision du premier juge doit être confirmée ;
Qu’en se déterminant ainsi qu’ils l’ont fait, les juges de la cour d’appel ont fait une saine et juste application de la loi et n’ont pas violé l’ordonnance n°70/3D/MJL du 28 février 1970 ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen tiré de la méconnaissance du principe de ratification
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir méconnu le principe de ratification en ce que les juges d’appel ont refusé de reconnaître ledit principe attaché à l’acte juridique posé par Ab AJ Af qui, de ce fait renonce à se prévaloir de la nullité qui pourrait entacher le contrat de vente intervenu le 07 août 1986 sur la parcelle J du lot 1466 de VEDOKO à COTONOU, entre Ai A et lui, alors que, selon le moyen, les juges du fond devraient tenir compte de la ratification ou confirmation en constatant l’acte de ratification posé par le premier vendeur Ab AJ Af dans le cadre de son intervention par sa signature apposée sur l’acte de vente conclu le 24 octobre 1996 entre Aa AH et Ai A, que les juges d’appel s’étant abstenus de le faire, l’arrêt encourt cassation de ce fait ;
Mais attendu que la ratification prévue par les dispositions de l’article 1998 du code civil français n’est pas applicable en l’espèce ;
Que l’article 3 du décret du 02 mai 1906, instituant un mode de constatation écrite des conventions passées entre indigènes en Afrique Occidentale Française (AOF) n’a soumis les conventions écrites qu’à la formalité d’affirmation ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de la dénaturation des faits
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dénaturé les faits en ce que les juges du fond ont omis d’exposer dans leurs décisions les prétentions de Aa AH, alors que, selon le moyen, celle-ci a fait état de ses prétentions appuyées des pièces, en l’occurrence la sommation interpellative en date du 03 décembre 2004 et les décharge et mémoire explicatifs signés de Ab AJ Af le 07 janvier 1997 et le 07 octobre 1997, qui prouvent d’une part, la validité des transactions des 07 août 1986 et 24 octobre 1996 et d’autre part l’irrégularité ainsi que le caractère frauduleux de l’acte dit attestation de jouissance du 17 novembre 1997 ; que cette pièce a été analysée par les juges du fond comme un acte de rachat au profit de son adversaire ; que l’arrêt déféré n’a nullement exposé ses déclarations, ni les preuves rapportées à leur soutien, censurant ainsi les faits dans leur présentation au lieu d’en faire un exposé sommaire ; que l’arrêt a mis le juge de cassation dans l’impossibilité d’exercer son contrôle relativement à la qualification des faits ou la dénaturation des éléments de preuve ;
Mais attendu que seule l’interprétation d’un écrit peut faire l’objet d’un pourvoi fondé sur un grief de dénaturation, mais non l’interprétation d’un fait ;
Que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de Aa AH ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire ; PRESIDENT ;
Michèle CARRENA ADOSSOU Et Goudjo Georges TOUMATOU, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi onze décembre deux mil vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Ag Ae Y, procureur général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA ADOSSOU
Le greffier.
Mongadji Henri YAÏ