AAG
N°228/CA du Répertoire REPUBLIQUE DU BENIN
N°2016-161/CA1 du Greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
Arrêt du 17 décembre 2020 COUR SUPREME
AFFAIRE : CHAMBRE ADMINISTRATIVE
HOUNGAN CHRISTOPHE
MEF - ETAT BENINOIS
La Cour,
Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif, enregistrée au greffe de la Cour le 17 novembre 2016 sous le n°0742/GCS, par laquelle Aa A, par l’organe de son conseil Maître Alexandre F. SAÏZONOU-BEDIE, a introduit un recours de plein contentieux tendant à voir condamner l’Etat au remboursement des prélèvements indûment opérés sur sa pension de retraite et au paiement de 189.417.528f, à titre de dommages-intérêts ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin, modifiée par la loi n° 2016-16 du 28 juillet
Vu les pièces du dossier ;
Le président Victor Dassi ADOSSOU entendu en son rapport ;
L’avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité des recours
Considérant que le requérant, par l’organe de son conseil, expose :
Que dans le cadre du premier programme d’ajustement structurel, ayant entraîné le départ volontaire de certains | fonctionnaires, il est parti volontairement de la fonction publique le ''" décembre 1989 :
Qu’il était en A1-7 ;
Qu’il totalisait alors 18 ans d’ancienneté conformément à l’article 2 de son arrêté de radiation ;
Qu’à ce titre, il bénéficiait non seulement des primes prévues dans le cadre du programme de départ volontaire, mais aussi des droits acquis au titre de la retraite proportionnelle ;
Que la décision loi n°89-005 du 12 avril 1989, en son article 20 nouveau dispose que la jouissance de cette requête proportionnelle est immédiate pour les partis volontaires ;
Qu’il y a lieu de rappeler le contexte dans lequel il a été obligé de souscrire à ce qui a été appelé départ volontaire et qui n’était qu’un départ suscité par l’Etat ;
Qu'en effet, de 1986 à 1989, le contexte socio-économique du pays était déplorable et les fonctionnaires avaient plusieurs mois d’arriérés de salaire ;
Que dans les longues files d’attente de plusieurs jours, les retraités mouraient pour la perception incertaine de leur modique salaire ;
Que le programme de départ volontaire était accompagné d’une promesse de leur payer une prime, à même de faciliter leur installation en tant qu’entrepreneurs, et de leur garantir le paiement des droits acquis, au titre de la retraite proportionnelle avec jouissance immédiate ;
Que le requérant devait obtenir son livret de pension en janvier 1990, sans aucun reversement au FNRB, puisqu’il était en règle vis- à-vis des cotisations de retraite lorsqu’il quittait la fonction publique ;
Que c’est tardivement qu’il a pu obtenir ledit livret avec mention : « reversement des droits acquis à la retraite : 7.015.454f » ;
Que face à ces protestations, les agents du trésor lui ont fait comprendre qu’après son départ de la fonction publique, en 1992, l’Etat a revu à la baisse, les primes alloués aux agents volontairement partis de la fonction publique ;
Que la somme de plus de neuf millions (9.000.000) de francs qu’il avait perçus règlementairement a été réduite à deux millions (2.000.000), ce qui l’a rendu débiteur de l’Etat Béninois de francs, sept millions quinze mille quatre cent cinquante-quatre (7.015.454) ;
Que pour les avoir déclarés débiteurs de l’Etat, les rappels de pension, de tous les fonctionnaires de la première vague des volontaires des années 1989-1990, ont été gardés par l’Etat en compensation du trop-perçu ;
Qu'en ce qui le concerne, il y a eu le reversement de la somme de quatre millions trois cent soixante-huit mille (4.368.000) francs au FNRB ;
Que ces rappels n’ayant pas suffi pour apurer le prétendu trop perçu, il s’est retrouvé débiteur de l’Etat, de francs de deux millions six cent quarante-sept mille quatre cent soixante-quatre (2.647.464) qu’il devait payer ;
Que sa pension étant de soixante mille neuf cent quatre-vingt- quatre (60 984) francs, il était question pour le trésor de lui prélever automatiquement 20%, soit douze mille cent quatre-vingt-seize (12.196) francs jusqu’à apurement de sa dette ;
Que le premier prélèvement datant de fin juin 1996 doit s’étendre sur 217 mois, allant de juin 1996 au 30 juin 2014, d’un montant de deux millions six cent quarante-six mille cinq cent trente- deux (2.646.532) francs ;
Qu’en juillet 2014, le trésor ne devait donc lui prélever que neuf cent trente-deux (932) francs (soit 2.647.464 -2646.532 = 932 francs) ;
Qu'’ainsi, pour compter d’août 2014, il n’était plus débiteur et le trésor ne devait plus rien lui prélever ;
Que malheureusement, ce prélèvement mensuel de 12.196f a continué jusqu’à la date d’introduction de son recours, malgré ses nombreuses protestations ;
Qu’à chaque fois qu’il s’adressait aux agents de la division des pensions pour faire mettre fin aux prélèvements faits à tort et obtenir leur remboursement, il lui est opposé l’informatisation intervenue en 2003 qui n’aurait pas pris en compte son reversement issu du 1° rappel ;
Considérant que le requérant demande le remboursement des prélèvements opérés illégalement sur sa pension de juillet 2014 à ce jour et demande la condamnation de l’Etat pour les préjudices financiers et moraux subis ;
Considérant qu’en réponse aux prétentions du requérant, l’agent judiciaire du trésor oppose le moyen unique du mal fondé des demandes de remboursement et de dommage-intérêt ;
Considérant que le recours a été introduit dans les forme et délai légaux ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond a Sur le remboursement des prélèvements indus
Considérant que le requérant a introduit un recours de plein contentieux par lequel il demande la condamnation de l’Etat au remboursement de la totalité des sommes indument prélevées à la date de reddition de l’arrêt en la présente cause, et aux dommage-intérêts d’un montant de cent-quatre-vingt-neuf millions quatre cent dix-sept mille cinq cent vingt-huit (189.417.528) francs ;
Qu’en effet, lors du payement de ses droits relatif au programme de départ volontaire (PDV) de la fonction publique, le requêtant a perçu 9.564.557 FCFA dont 7.015.464 FCFA, au titre des droits acquis à la retraite ;
Qu’à cette époque, le code des pensions ne permettait pas au requérant de jouir d’une retraite proportionnelle ;
Qu’à la faveur d’une évolution de la législation, une pension proportionnelle lui a été concédée à compter du 1“ janvier 1990, sur le fond national des retraités du Bénin (FNRB) sur la base de 18 annuités, suivant un arrêté du 3 juillet 1996 ;
Que le montant des rappels dû au requérant au titre des échéances échues du 1“ janvier 1990 au 1" mai 1996 s’élevaient à la somme de 4.376.672F ;
Que lors du payement de ses droits à pension, le trésor public en exécution de l’ordre de recette du 31 mai 1996 a opéré un prélèvement de 4.368.000F puis il a été programmé, le prélèvement d’une mensualité de 12.196F jusqu’à l’extinction de la dette ;
Qu’à compter de cette date, le montant restant dû par le requérant était de 2.467.464F (7.015.464F — 4.368.000), soit 203 mensualités de 12.196F ;
Considérant que le requérant relève que le premier prélèvement date du 30 juin 1996 et qu’au 31 juin 2014, soit 217 mois plus tard, le montant des prélèvements s’élève à 2.646.532F :
Que pour compter d’août 2014, le trésor public ne saurait opérer aucun prélèvement puisqu’en juillet 2014, le solde (2.647.464 — 2.646.532), soit 932 francs, auraient déjà été prélevés sur sa pension ;
Considérant que le requérant allègue que le prélèvement mensuel automatique de 12.196F continue jusqu’à ce jour, en dépit de ses nombreuses protestations ;
Qu’il explique cet état de chose par l’informatisation du système des pensions, intervenue en 2003, ladite informatisation n’ayant pas tenu compte des 4.368.000F prélevés pour la période allant du 1“ janvier 1990 au 31 mai 1996 ;
Considérant que l’agent judicaire du trésor reconnait dans ses écritures que le payement se faisait par coupon et le payement à blanc avec la collecte des informations telles que les oppositions sur pension a démarré à partir de novembre 2003 ;
Que la partie défenderesse poursuit en reconnaissant qu’il est donc évident que les 4.368.000F précomptés sur les rappels du requérant n’ont pas été renseignés dans le système informatique ;
Qu'elle attire, en sus, l’attention de la Cour, sur le fait que même si l’Administration a opéré des prélèvements à tort, seul le remboursement de l’évaluation desdits prélèvements indus peut-être envisagé ;
Considérant, au regard de tout ce qui précède, qu’il apparait de manière incontestable au dossier, que le montant restant dû par le requérant est 2.467.464 francs pour lequel des mensualités de 12.196 francs seront prélevés sur pension, à compter de juin 1996, avec 217 échéances ;
Considérant que 217 mois correspondent à 18,08 années soit 18 ans et un mois au maximum ;
Que le premier remboursement, s’il intervient fin juin 1996, les 217 mensualités, 18 ans et un mois plus tard, arriveront à échéance le 1“ juillet 2014 avec un dernier prélèvement à cette date d’un montant de 932F ;
Qu’il ressort des éléments du dossier que l’Administration a continué les prélèvements au-delà du 1“ juillet 2014 ;
Qu’il convient de relever que depuis cette date du 1” juillet 2014, le requérant est fondé à contester tout prélèvement sur sa pension ;
Que le requérant est par conséquent, fondé, à réclamer tous les prélèvements indus effectués sur sa pension à compter de ladite date ;
Qu’il y a lieu de dire et juger que lesdits prélèvements indus doivent lui être intégralement reversés ;
Sur la demande de dommage-intérêts
Considérant que le requérant allègue de ce que toutes les démarches entreprises pour voir cesser les prélèvements indus après juillet 2014 se sont révélées vaines ;
Qu’il analyse cet état de fait comme une véritable spoliation qui l’a maintenu dans la précarité, l’a rendu malade et lui a causé de réels préjudices financiers et moraux ;
Qu’il réclame la somme de 189.417.528F à titre de dommage- intérêts ;
Considérant que la pension du requérant d’un montant de 60.984F a été amputé indument de 12.196F chaque mois, et ce, après juillet 2014 ;
Que ce comportement de l’administration lui est préjudiciable ;
Mais considérant qu’à l’audience du 05 novembre 2020, le requérant a déclaré que le ministre des finances a signé, à son profit, une lettre de remboursement de ladite somme sans qu’elle ne soit encore virée sur son compte ;
Considérant que pour mieux cerner l’engagement de remboursement de l’administration, la Cour a rabattu le délibéré et ordonné la réouverture des débats ;
Considérant qu’à l’audience du 17 décembre 2020, le représentant du Ministère de l’économie et des finances a affirmé que le requérant sera payé en décembre 2020 ;
Considérant que cet engagement pris par l’administration a rencontré l’adhésion du requérant :
Qu’il vide par effet induit, le présent contentieux de son objet ;
Qu’en conséquence, il y a plus lieu à statuer du fait que le recours est devenu sans objet ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE :
Article 1° : Le recours en date du 08 décembre 2016, de HOUNGAN Christophe, tendant d’une part à la condamnation de l’Etat au remboursement des prélèvements indûment opérés sur sa pension de retraite, et d’autre part au paiement de cent-quatre-vingt- neuf millions quatre cent dix-sept mille cinq cent vingt-huit (189.417.528) francs à titre de dommages-intérêts est recevable ;
Article 2 : ledit recours est devenu sans objet ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, président de la chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Rémy Yawo KODO
Et CONSEILLERS ;
Césaire KPENONHOUN
Et prononcé à l’audience publique du jeudi dix-sept décembre deux mille vingt, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE,
GREFFIER ;
Et ont signé,
Le président r: 4 Le greffier,