N°12/CA du Répertoire REPUBLIQUE DU BENIN
N° 2004-138/CA3 du Greffe AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
Arrêt du 08 janvier 2021
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
AFFAIRE :
A Ae
Préfet du département de l’Ouémé
La Cour,
Vu la requête introductive d’instance en date à Azowlissè du 28 septembre 2004, enregistrée au greffe le 05 octobre 2004, sous le numéro 1349/GCS, par laquelle A Ae a saisi la Cour suprême d’un recours en annulation de l’arrêté n°1C/16/SG-BAD du 29 octobre 2003 portant attribution au ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation d’un domaine de cinq (05) hectares sis à Aa Af, commune d’Adjohoun ;
Vu la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin modifiée par la loi n°2019-40 du 07 novembre 2019 ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu toutes les pièces du dossier ;
Le conseiller Rémy Yawo KODO entendu en son rapport et l’avocat général Saturnin AFATON en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité
Considérant que le requérant expose :
Que suivant deux conventions de vente datées respectivement des 10 janvier et 08 décembre 1979, il a acquis un vaste domaine champêtre,
Au a 2
respectivement auprès de X Y Ac (42056m?) et de A B Ad (47693m°) pour une superficie totale de O8ha 97a 49ca ;
Que l’ancien maire de la commune d’Azowlissè et ses collaborateurs lui ont retiré par la force ledit domaine et l’ont reboisé après avoir abattu tous les palmiers qui s’y trouvaient ;
Que toutes les démarches entreprises pour récupérer ledit domaine sont demeurées vaines ;
Que c’est dans ces conditions que de guerre lasse, il a saisi le tribunal de première instance de Porto-Novo contre qui de droit dans le but de reprendre son domaine ;
Que le tribunal a renvoyé le dossier pour règlement à l’amiable, à la demande de l’ancien maire de la commune d’Aa C Ab et du chef d’arrondissement HOUEDANOU Narcisse ;
Que contre toute attente, il a été informé de la prise de l’arrêté n°1C/16/SG-BAD du 29 octobre 2003 portant attribution d’une partie de son domaine à la Police Nationale ;
Qu’il est inadmissible qu’un domaine faisant l’objet de litige encore pendant devant une juridiction, fasse l’objet d’un arrêté d’attribution à une administration de l’Etat ;
Qu’ayant fortuitement découvert l’existence dudit arrêté, il a saisi le maire d’Adjohoun par recours gracieux en date du 20 juillet 2004 aux fins de son retrait ;
Que n’ayant obtenu aucune satisfaction de sa part, il en réfère à la haute Juridiction aux fins d’annulation de l’arrêté en cause ;
Considérant que le recours a été introduit dans les forme et délai prévus par la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
fond
Considérant que le requérant sollicite l’annulation de l’arrêté n°1C/16/SG-BAD du 29 octobre 2003 portant attribution au ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation d’un domaine de cinq (5) hectares à la Police Nationale aux fins d’érection des infrastructures destinées à accueillir un service public ;
Qu’il soulève d’une part, la violation de la loi portant expropriation pour cause d’utilité publique et d’autre part, l’incompétence de l’auteur de
l’acte ; fi 3
- Sur le moyen tiré de la violation de la loi portant expropriation pour cause d'utilité publique
Considérant que le requérant soutient que l’arrêté querellé a été pris en violation des dispositions prévues en matière d’expropriation pour cause d'utilité publique ;
Considérant que l’occupation des terres par l’Etat est régie par la loi, en l’occurrence par le décret sans numéro en date du 25 novembre 1930 modifié par le décret du 24 août 1933 et le décret n°49-186 du 09 février 1949, règlementant l’expropriation pour cause d’utilité publique en AOF;
Considérant que ces différents textes prévoient la procédure à observer à commencer par les formalités relatives à la déclaration d’utilité publique, puis l’enquête de commodo et incommodo et enfin le juste et préalable dédommagement ;
Considérant que le maire de la commune d’Adjohoun n’a pas réagi aux mesures d’instruction ordonnées par la Cour ;
Qu'il est réputé avoir acquiescé aux faits tels qu’ils ont été exposés par le requérant ;
Considérant qu’il ressort du dossier que l’administration n’a accompli aucune des formalités précisées ci-dessus et exigées par la loi en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique ;
Qu'en attribuant le domaine en cause sur lequel le requérant jouit d’un droit présomptif de propriété, au ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation pour y accueillir des infrastructures de la Police Nationale sans un juste et préalable dédommagement ni aucun formalisme, le maire de la commune d’Adjohoun a violé la loi ;
- Sur l’incompétence de l’autorité communale ayant pris
Considérant que le maire de la commune d’Adjohoun a pris l’arrêté n°1C/16/SG-BAD du 29 octobre 2003 portant attribution d’un domaine de cinq (5) hectares au profit du ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation pour y être érigé des infrastructures de la Police Nationale ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1” dudit arrêté, « ZI est attribué au ministère de l'Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation un domaine de 5 ha dans la commune d’Adjohoun » ;
fait partie Considérant d’une propriété qu’il n’est plus pas grande contesté du requérant que le domaine ; ainsi distrait fi Considérant que l’article 3 alinéa 2 du décret sans numéro en date du 25 novembre 1930 modifié par le décret du 24 août 1933 d’une part, d’autre part du décret n°49-186 du 09 février 1949, règlementant l’expropriation pour cause d’utilité publique en AOF, dispose :
« Le droit d'expropriation résulte :
2° - De l'acte qui déclare expressément l'utilité publique desdites opérations. Lorsque l'acte qui autorise les travaux ou opérations est soit une loi ou un décret, soit un arrêté du gouvernement général en Conseil de gouvernement, et qu'il ne déclare pas l'utilité publique, cette déclaration résultera d’un arrêté du gouverneur général en commission permanente du Conseil de gouvernement ; dans tous les cas, la déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté des Lieutenants- gouverneurs en commission permanente du Conseil d'administration,
Considérant qu’il ressort de cette disposition que l’expropriation pour cause d’utilité publique relève de la compétence du préfet ;
Qu’en prenant l’arrêté contesté, le maire de la commune d’Adjohoun s’est immiscé dans une matière étrangère à son champ de compétence ;
Qu’un tel arrêté est contraire à la loi ;
Mais considérant qu’à la date du recours, la Police Nationale s’était déjà installée sur le domaine objet de l’arrêté n°1C/16/SG-BAD du 29 octobre 2003 et qu’elle l’occupe depuis lors ;
Que ledit arrêté pris en violation de la loi, a néanmoins produit des effets de droit ;
Qu’il y a lieu de le déclarer illégal sans qu’il soit besoin de l’annuler, à charge pour le requérant d’en tirer toutes les conséquences de droit ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE :
Article 1°": Le recours en date à Azowlissè du 28 septembre 2004, de A Ae tendant à l’annulation de l’arrêté n°1C/16/SG-BAD du 29 octobre 2003 portant attribution au ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation d’un domaine de cinq (05) hectares sis à Aa Af, commune d’Adjohoun et appartenant au requérant, est recevable ;
b_ Article 2 : Ledit recours est fondé ; Je Article 3 : L'arrêté municipal n°1C/16/SG-BAD du 29 octobre 2003, est illégal ;
Article 4 : Les frais sont mis à la charge de la mairie d’Adjohoun ;
Article S : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative)
composée de :
Rémy Yawo KODO, Conseiller ;
PRESIDENT ;
Césaire KPENONHOUN
Et CONSEILLERS ; Edouard Ignace GANGNY
Et prononcé à l’audience publique du vendredi huit janvier deux mille vingt et un, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Saturnin AFATON,
GENERAL ;
Bienvenu CODJO,
GREFFIER ;
Et ont signé :
Le Président rapporteur, Le Greffi