HOD
N°22/CA du Répertoire
N°2012-80bis/CA2 du Greffe
Arrêt du 05 février 2021
AFFAIRE :
Ac B et autres
MTFP et Etat béninois REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 09 juillet 2012 enregistrée au greffe le 16 juillet 2012 sous le n° 769/GCS, par laquelle les agents du ministère des finances représentés par messieurs Ac Ab B et Ad Aa A, 04 BP 1300 CAD Cotonou, assistés de maître Augustin M. COVI avocat au barreau du Bénin, ont saisi la Cour suprême d’un recours en annulation de la lettre n° 087/MTFP/DC/SGM/DGFP/SA du 17 janvier 2012 portant refus de mise en œuvre du protocole d’accord en date du 24 novembre 2003, intervenu entre l’Etat et la FESYNTRA-FINANCES et relatif au reclassement systématique, sans concours professionnels, en application des arrêts n°40/CA du 03 juin 1999 et n°013/CA du 30 mars 2000 de la Chambre administrative ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin, modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu toutes les pièces du dossier ;
Le Conseiller Rémy Yawo KODO entendu en son rapport et l’Avocat général Hubert DADJO en ses conclusions ;
Ge délibéré conformément à la loi :
En la forme
Sur la recevabilité du recours
Considérant qu’au soutien de leur recours, les requérants exposent :
Que du 1” janvier 1982 au 31 décembre 1999, l’administration s’est abstenue d’organiser les concours professionnels au profit de certains agents permanents de l’Etat (APE), dont ceux du ministère chargé des Finances ;
Qu’ils entrevoyaient de tirer les conséquences de ce manquement qui leur causait d’énormes préjudices lorsque la chambre administrative de la Cour suprême a rendu l’arrêt n°40/CA du 3 juin 1999 en faveur des agents de la Poste, puis l’arrêt n°013/CA du 30 mars 2000 rendu au bénéfice de GANDONOU Blaise, fonctionnaire de police ;
Que les deux arrêts ont en commun l’inorganisation du fait de l’Etat des concours professionnels, toute chose qui a déterminé l’introduction des recours ;
Qu’au terme des négociations entreprises avec le gouvernement, un protocole d’accord a été signé entre les parties le 24 novembre 2003 et dont le point 4, deuxième tiret prévoit que le reversement immédiat sans examens professionnels des agents du ministère de l’Economie et des Finances en catégories supérieures, des agents ayant accompli les conditions fixées à l’article 69 de la loi 86-013 du 26 février 1986 et pour lesquels l’administration n’a pas organisé lesdits concours (Arrêt n°013/CA de la Cour suprême du 30 mars 2000) ;
Que pour une application effective dudit accord, un arrêté interministériel a été pris, à savoir l’arrêté n°085/ MTFP/MEF /DC/SGM/DGFP/DRSC/SA du 08 mars 2011 « portant création d’une commission interministérielle chargée de l’examen du mémoire sur les revendications de la Fédération des Syndicats des Travailleurs du ministère chargé des Finances (FESYNTRA-FINANCES) en date du 1°" décembre 2010. » ;
Qu’au lieu de donner un contenu à l’accord, le ministre en charge de la Fonction Publique a modifié les dispositions de l’article 2 de l’arrêté ci-dessus évoqué et prétexté par suite des difficultés d’exécution liées notamment au manque d’évaluation préalable de l’incidence financière découlant des reclassements systématiques de tous les APE concernés par la mesure ;
Que cette nouvelle position du ministre du Travail et de la
Fonction DGFP/SA Publique, du 17 janvier contenue 2012 dans constitue la lettre une n° entrave 087/MTFP/DC/SGM/ à l’autorité de A 3
chose jugée découlant des arrêts n°40/CA du 03 juin 1999 et n°013/CA du 30 mars 2000 de la chambre administrative de la Cour suprême, lesquels ont effet à l’égard de tous et donc des agents de leur ministère ;
Qu’ils ont saisi le ministre en charge de la Fonction Publique d’un recours gracieux dont retour leur a été fait par la Poste parce que refusé par l’administration ;
Qu'ils en réfèrent à la haute Juridiction aux fins ci-dessus indiquées sous astreinte journalière de deux cent cinquante mille (250.000) francs et de cent mille (100.000) francs à la charge respectivement du ministre du Travail et de la Fonction Publique et des agents de l'Etat qui s’obstinent à ne pas mettre en œuvre la reconstitution de carrière convenue ;
Considérant que le recours a été introduit dans les forme et délai prévus par la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Considérant que les requérants reprochent à l’Administration publique de n’avoir pas organisé du 1 janvier 1982 au 31 décembre 1999, soit pendant dix-sept (17) ans, les concours professionnels au profit de certains agents permanents de l’Etat (APE), dont les demandeurs eux-mêmes ;
Qu'ils exposent que saisie de ce contentieux par la voie d’un recours en excès de pouvoir, la Chambre administrative de la Cour suprême a mis en évidence la défaillance de l’Etat à organiser les concours professionnels ;
Qu’aux termes de l’article 37 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême, l’arrêt de la Chambre administrative, annulant en tout ou en partie un acte administratif, a effet à l’égard de tous :
Que sur le fondement de deux arrêts de principe (n°40/CA du 03 juin 1999 et n°013/CA du 30 mars 2000) rendus par la Cour suprême, ils ont réclamé et obtenu le protocole d’accord du 24 novembre 2003
carrière DRSC/SA ; du 08 mars 2011, consacrant la reconstitution de leur ik Que depuis lors, le ministre du Travail et de la Fonction Publique (MTFP) et l’Etat béninois ont, par divers artifices, régularisé partiellement la situation administrative de quelques agents publics ;
Qu'en procédant comme elle l’a fait, « l’Administration a fait preuve de discrimination à l’égard des demandeurs en violation flagrante des principes et des droits fondamentaux au travail que constitue le principe de l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession, consacré par la convention de l’OIT n°100 sur l’égalité de rémunération, ratifiée par le Bénin le 16 mai 1968, et la convention n°111 de l’OIT concernant la discrimination, ratifiée par le Bénin le 22 mai 1961 » ;
Que cette discrimination a eu de graves incidences sur le déroulement de leur carrière ;
Qu'il ressort de la lecture des articles 16, 65 et 69 de la loi n° 86-013 du 26 février 1986 portant statut général des Agents Permanents de l’Etat, que l’Etat doit assurer à tous les APE ayant les aptitudes, l’accès aux catégories hiérarchiquement supérieures, par l’organisation des examens professionnels ;
Qu’il s’ensuit que le défaut d'organisation desdits concours est une faute de l’Administration ;
Considérant qu’en réplique, l’Administration fait observer que la non-organisation par le gouvernement des concours professionnels de 1982 à 1999 procédait de l’absence de disponibilités budgétaires dans un contexte de Programme d’C X (PAS) caractérisé par le gel des recrutements ;
Que c’est pour des raisons indépendantes de sa volonté que le gouvernement n’a pu organiser lesdits concours professionnels ;
Qu’au demeurant, les arrêts dont les requérants réclament le bénéfice, ne s'appliquent nullement à eux ;
Qu’en effet, l’arrêt n°40/CA du 03 juin 1999 concerne le collectif des ingénieurs et administrateurs A2 de l’Office des Postes et de Télécommunications dont le reclassement a été bloqué faute d’organisation de concours professionnels alors qu’au même moment, la direction générale de la Poste procédait à des recrutements directs et indirects ;
direct ; Que le concours professionnel est un mode de recrutement A Que c’est à tort que les requérants réclament le bénéfice desdits arrêts étant donné que pendant la période de référence, le Bénin était assujetti au Programme d’C X (PAS) et ne procédait aux recrutements ni directs, ni indirects :
Que l'organisation des concours professionnels n’est pas systématique et que loin d'être les seuls à être concernés par la non- organisation des concours, ce sont des milliers d'agents qui se sont retrouvés dans cette situationet que l'incidence financière d’un reclassement automatique obèrerait les finances publiques :
Considérant que les requérants sollicitent la reconstitution pure et simple de leur carrière du fait du défaut d'organisation des concours
Qu'ils invoquent d’une part, les arrêts n°40/CA du 03 juin 1999 et n°013/CA du 30 mars 2000 comme étant des décisions de principe rendues pour manquement de l'Administration à organiser les concours professionnels, d'autre part, le protocole d'accord du 24 novembre 2003 intervenu entre le gouvernement et la fédération des syndicats des travailleurs du ministère chargé des Finances (FESYNTRA- FINANCES) et dont celui-ci (le gouvernement) s'obstine à ne pas mettre en œuvre le point 4, 2°" tiret :
Considérant qu'il ressort du dossier qu'’antérieurement au recours, le gouvernement a conclu avec la FESYNTRA-FINANCES, un accord qui prévoit le reversement immédiat sans examen professionnel en catégories supérieures, des agents du ministère en charge de l'Economie et des Finances ayant rempli les conditions de l’article 69 de la loi n°86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l'Etat pour lesquels l'Etat n’a pas organisé les concours professionnels ;
Considérant que ledit accord n’a pas été mis en œuvre parce qu’il a été acté sans aucune étude préalable des modalités de son application :
Considérant que suivant lettre n°087/MTFP/DC/SGM/DGFP/
SA du 17 janvier 2012 adressée à Ac Ae B, représentant du collectif des bénéficiaires du protocole d'accord « Gouvernement- FESYNTRA-FINANCES », le ministre du Travail et de la Fonction Publique a rappelé :
- le contexte dans lequel les concours professionnels n’ont pas
A été organisés, du fait notamment du gel des recrutements ; % - la reprise des recrutements et par suite des concours professionnels à partir de l’année 2000 ;
- le défaut d’évaluation de l’incidence financière de la satisfaction de la demande de reversement de tous les APE concernés dans les catégories supérieures ;
Qu’enfin, le ministre de la Fonction Publique a notifié au représentant du collectif des bénéficiaires du protocole d’accord, l’avis défavorable du gouvernement à opérer des reclassements automatiques ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que dans les années mille neuf cent quatre-vingts, la République du Bénin était sous C X et qu’en raison du programme d’C X (PAS), l’Etat avait procédé au gel des recrutements dans la fonction publique ;
Qu’il en a été de même des concours professionnels qui devaient permettre aux agents de l’Etat d’accéder aux hiérarchies supérieures ;
Considérant que de par sa nature, le PAS était un programme spécial dont l’application a entraîné la perte du contrôle de ses leviers essentiels de gestion par l’Etat, notamment des personnels administratifs ;
Que ce programme a affecté non seulement l’Etat dans son fonctionnement régulier, mais aussi l’ensemble des agents publics ;
Qu’à preuve, non seulement l’Etat a gelé les recrutements pourtant nécessaires au renforcement de l’Administration, mais encore et surtout, il n’a pu organiser les concours professionnels au profit de ceux de ses agents qui pouvaient y prétendre ;
Considérant que les APE relevant du ministère des Finances ne sont pas les seuls agents de l’Etat à avoir été victimes de l’inorganisation des concours professionnels ;
Qu’il s’ensuit que ceux-ci n’ont pas souffert d’un préjudice spécial et disproportionné par rapport à l’ensemble des APE affectés par ce dysfonctionnement de l’Administration ;
Considérant en outre que la reconstitution automatique et intégrale de la carrière des requérants tendrait à les promouvoir dans des catégories ou hiérarchies supérieures alors même qu’il n’a pas été préalablement procédé à l’évaluation de leurs aptitudes à occuper les emplois supérieurs ;
Que non seulement une telle reconstitution de carrière serait
Ôb— discriminatoire, é d’une part, à l’égard de l’ensemble des autres agents y ? l'Etat, d’autre part, vis-à-vis de ceux-là qui ont passé les concours professionnels organisés à partir de l’année 2000 ;
Qu’il n’est pas sans intérêt de relever que le recours daté du 06 juillet 2012 objet de la procédure n°2012-080/CA2 et de l’arrêt n°211/CA du 06 novembre 2020, a été porté devant la Cour le 02 janvier 2013, soit douze (12) ans après que l’Etat a repris l’organisation des concours professionnels ;
Qu’il n’est pas justifiable en droit que des agents de l’Etat dont ceux du ministère des Finances, se soumettent aux épreuves tendant à évaluer leurs aptitudes à être élevés dans la hiérarchie, cependant que d’autres s’y soustraient dans l’attente d’une promotion d’office ;
Qu’au bénéfice de ce qui précède, la demande de reconstitution de carrière est mal fondée ;
Considérant par ailleurs que les requérants invoquent les arrêts n°40/CA du 03 juin 1999 et n°013/CA du 30 mars 2000 ;
Considérant que dans le premier arrêt, le directeur général de l’Office des Postes et Télécommunications (OPT), en position de défendeur, a mis en avant son pouvoir discrétionnaire à organiser les formations de longue durée consécutives au reclassement de tous les agents de l’Office et qu’en réponse, la Cour a considéré qu’en appréciant l’opportunité et la pertinence ou non du moment du déroulement des divers concours et tests prévus par le décret n°85-363 du 11 septembre 1985 alors même qu’il procédait à des recrutements directs et indirects, le directeur général de l’OPT a outrepassé ses pouvoirs, violant ainsi l’esprit des articles 102, 103, 107 et 109 dudit décret ;
Que par suite, la décision implicite de rejet de la demande de formation et de reclassement des requérants agents de la Poste, a été annulée avec toutes les conséquences de droit ;
Considérant que le recours introduit par le collectif des ingénieurs et administrateurs A2 de l’OPT ne peut être rapproché des faits, objet du présent recours en ce que la non- organisation des concours professionnels ne résulte pas de l’expression du pouvoir discrétionnaire de l’Administration ;
Qu’il n’y a pas lieu à sanctionner un tel manquement de l’Etat par une reconstitution systématique de la carrière de tous les agents de l’Etat concernés en général et de ceux du ministère de l’Economie et des Finances en particulier ;
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Considérant en outre que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt n°013/CA du 30 mars 2000, GANDONOU Blaise, officier de police de première classe, a introduit un recours en excès de pouvoir contre le décret n°92-27 du 12 février 1992 ;
Considérant que cette espèce a mis en lumière une application différenciée d’une même loi aux agents d’un même cadre à savoir les fonctionnaires de police ;
Qu’alors que la carrière des commissaires de police a été reconstituée dans le respect de l’article 104 de la loi n°81-014 du 10 octobre 1981 portant statut général des personnels militaires des Forces Armées Populaires du Bénin, celle du requérant GANDONOU l’a été de façon imparfaite au mépris des textes statutaires avec cette particularité que son passage du grade d’officier de police de deuxième (2ème) classe a été étalé sur sept (07) ans au lieu de cinq (05) ;
Que c’est cet excès de pouvoir que la Cour a censuré à travers l’arrêt n°13/CA du 30 mars 2000 de la chambre administrative en ordonnant une juste reconstitution de la carrière de GANDONOU Blaise, victime d’une inégale application de la loi ;
Qu’il n’y a pas lieu à rapprocher les faits de cet arrêt avec les circonstances du présent recours ;
Considérant que la position de la Cour par rapport à l’interprétation des arrêts n°40/CA du 03 juin 1999 et n° 013/CA du 30 mars 2000, a déjà été affirmée dans l’affaire B Ac et cinquante-cinq autres contre ministre du Travail et de la Fonction Publique et l’Etat béninois, enrôlée sous le n°2012-080/CA2 et objet de l’arrêt n°211/CA du 06 novembre 2020 ;
Considérant au total que tous les moyens articulés au soutien du recours sont mal fondés ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de le rejeter ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1" : Est recevable, le recours en date à Cotonou du 09 juillet 2012 des agents du ministère de l’Economie et des Finances, représentés par Ac Ab B et Ad Aa A, tendant à l’annulation de la lettre n°87/MTFP/DC/SGM/DGFP/SA du 17 janvier 2012 portant refus de mise en œuvre du protocole d'accord en date du 24 novembre 2003, intervenu entre l’Etat et la FESYNTRA- Finances et relatif au reclassement systématique, sans concours
G- professionnels, en application des arrêts n°40/CA du 03 juin 1999 et ik 9
013/CA du 30 mars 2000, de la Chambre administrative de la Cour suprême ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge des requérants ;
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :
Rémy Yawo KODO, Conseiller à la Chambre administrative,
PRESIDENT ;
Césaire KPENONHOUN
et CONSEILLERS ;
Edouard GANGNY
Et prononcé à l’audience publique du vendredi cinq février deux mille vingt-et-un , la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Hubert DADJO, Avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Bienvenu CODJO GREFFIER ;
Et ont signé,
Le Président rapporteur,
Rémÿ Yawo KODO Bienvenu CODJO