N°34/CA du Répertoire
N° 2006- 76/CA1 du Greffe
Arrêt du 04 mars 2021
AFFAIRE :
A Aa
Ac Ab REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d'instance en date du 07 juillet 2006, enregistrée au secrétariat de la Chambre administrative de la Cour, le 02 juillet 2006 sous le n°556/CS/CA, par laquelle A Aa, commandant des forces armées du Bénin, demeurant et domicilié au Camp Séro Kpéra de Parakou, ayant pour conseil maître Cyrille Y. DJIKUI, a saisi la Cour d'un recours de plein contentieux aux fins de voir condamner l'Etat au paiement de la somme de soixante-dix millions (70.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts pour toutes causes de préjudices subis du fait du refus de l’Administration à donner suite à sa demande d'indemnisation résultant du bénéfice des dispositions de la loi n°98-310 du 22 juillet 1999 portant amnistie de certains faits commis entre le 1“ janvier 1990 et le 30 juin 1996 ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin ;
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Victor Dassi ADOSSOU entendu en son rapport et l’avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité du recours 2
Considérant qu'au soutien de son recours, le requérant expose :
Qu'ayant été soupçonné de participation à la mutinerie du camp Kaba de Natitingou le 02 août 1992, il a été injustement mis aux arrêts à la brigade spéciale du port le 31 octobre 1995 avant d'être déféré à la prison civile de Cotonou pour complot contre la sûreté de l'Etat ;
Que par décision n°0429/MDN/DCYDAGB/SAG/SP-C du 06 juillet 1995, du conseil de discipline de l'armée, il a été incarcéré pour soixante (60) jours d'arrêt de rigueur :
Qu'il a été par ailleurs détenu pendant six (06) mois ;
Mais que suite au vote de la loi n°98-028 du 22 décembre 1998 portant amnistie de certains faits commis entre le 1“ janvier 1990 et le 30 juin 1996, il a été amnistié :
Que le décret n° 99-310 du 22 juillet 1999 portant application de ladite loi d'amnistie l'a pris en compte au titre des bénéficiaires ;
Que certaines personnes civiles et militaires se trouvant dans les mêmes conditions que lui et bénéficiant de la loi d'amnistie, ont déposé leur dossier de demande d'indemnisation à la commission d'examen des dossiers d'indemnisation mise en place à cet effet ;
Que c'est ainsi que le Conseil des ministres, en sa séance du mercredi 10 août 2005, approuvant les conclusions des travaux d'évaluation des coûts des réclamations desdites personnes civiles et militaires, a demandé au ministre des Finances et de l'Economie de prendre des dispositions utiles pour payer aux intéressés, sur le budget national, la somme de cinq cent soixante-dix-neuf millions quatre cent soixante-dix-neuf mille cent (579.479.100) francs, en fonction des dispositions budgétaires ;
Que cette décision a posé le principe d'indemnisation des personnes bénéficiant de l'amnistie ;
Que les conditions et modalités d'indemnisation des personnes bénéficiaires de l'amnistie ont été prévues par le décret n°2003-55SS du 24 décembre 2003 ;
Qu'ainsi, certains militaires se trouvant dans les mêmes conditions que lui, ont été indemnisés, alors qu'en ce qui le concerne, aucune suite n'a été donnée à sa demande ;
Qu'en l'excluant ainsi implicitement des bénéficiaires de l'indemnisation résultant de la loi d'amnistie, l'Administration a violé le principe de l'égalité des citoyens devant la loi ;
Que la violation de ce principe lui ayant causé des préjudices, il
sollicite de la Cour réparation J ef 3
Le recours ayant été introduit dans les forme et délai de la loi, il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Considérant que le requérant sollicite de la Cour la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de soixante-dix millions de francs (70.000.000) en raison du préjudice qu'il a subi du fait de son exclusion des bénéficiaires de l'indemnisation résultant de la loi n° 98-028 du 22 décembre 1998 portant amnistie de certains faits commis entre le 1“ janvier 1990 et le 30 juin 1996 ;
Qu'il soutient que cette exclusion viole le principe de l’égalité de tous devant la loi, en ce que les personnes se trouvant dans les mêmes conditions que lui ont été indemnisées par l'Etat ;
Considérant que l'Agent Judiciaire du Trésor fait valoir le mal fondé de l'action du requérant et conclut à son rejet ;
Qu'en effet, le dossier de demande d'indemnisation du requérant date du 20 février 2006, alors que les personnes indemnisées au titre de la loi d'amnistie sus indiquée l'ont été suite à l'approbation de leurs dossiers d'indemnisation par le conseil des ministres en sa séance du 10 août 2005 ;
Que le requérant ne pouvait, dans ces conditions, être pris en compte au titre des personnes à indemniser ;
Que du reste, le dossier du requérant est en cours d'examen par la commission d'indemnisation ;
Qu'il y a donc lieu de déclarer non fondé son recours et de le rejeter ;
Considérant qu'au regard des dispositions du décret n°99-310 du 22 juillet 1999 portant application de la loi d'amnistie sus indiquée, le requérant est éligible au titre des personnes à indemniser ;
Considérant que le bénéfice dudit décret d'application de la loi d'amnistie est assorti de conditions à remplir par toute personne susceptible de prétendre à une indemnisation au titre de cette loi ;
Considérant que les dispositions de l’article 08 de la loi n° 98- 028 du 22 décembre 1998 portant amnistie de certains faits commis entre le 1” janvier 1990 et le 30 décembre 1996, reprises par l’article 2 du décret 99-310 du 22 juin 1999 de la loi d’amnistie sus indiquée, enferment dans un délai de trois mois, les réclamations pouvant subvenir aussi bien en ce qui concerne la loi d’amnistie
que son décret d’application / ; # 4
Considérant qu'une commission connaît des dossiers de demande d'indemnisation avant leur approbation en conseil des ministres ;
Qu'à défaut d'avoir régulièrement transmis son dossier en temps utile, soit plus de sept (07) ans après la prise du décret d’application, le requérant n'a pas mis la commission en mesure de l'examiner favorablement ;
d'indemnisation approuvés par le Conseil des ministres, celui du requérant n'a pu l'être, faute d'avoir été transmis à bonne date :
Qu'il est donc manifeste que le requérant ne se trouvant pas dans les mêmes conditions que les personnes dont les dossiers d'indemnisation ont été approuvés par le Conseil des ministres, la violation du principe d'égalité dans la présente cause doit être écartée ;
Considérant au surplus, que le requérant même s’il disposait de l’option d’attaquer la décision du conseil des ministres prise en sa séance du 10 août 2005, approuvant les conclusions des travaux d’évaluation des coûts des réclamations des personnes civiles et militaires bénéficiaires desdites indemnisations, serait irrecevable en son action dans la mesure où à la date de sa saisine du conseil des ministres, il s’est écoulé près d’une année ;
Qu’ainsi, le requérant ne s’est pas conformé au délai de trois mois prescrit aussi bien par la loi d’amnistie que son décret d’application ;
Qu’il y a donc lieu de dire et juger que le recours est rejeté :
Par ces motifs,
Décide :
Article 1°" : Le recours en date à Cotonou du 07 juillet 2006, de A Aa, tendant à la condamnation l'Etat à lui payer la somme de soixante-dix millions (70.000.000) de francs pour n’avoir pas pu bénéficier de l’indemnisation découlant de la loi d’amnistie n° 98-028 du 22 décembre 1998, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge du requérant :
Article 4: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Rémy Yawo KODO
et CONSEILLERS ;
Dandi GNAMOU
Et prononcé à l’audience publique du jeudi quatre mars deux mille vingt-et-un la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, Avocat général
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPO
GREFFIER ;
Le Greffier ,
Gédéon Affouda AKPONE