[N°16/CJ-P du répertoire ; N° 2019-72/CJ-P du greffe ; Arrêt du 12 mars 2021 ; Affaire: Aa A CI/ - MINISTERE PUBLIC - AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
Procédure pénale — Chambre des libertés et de la détention — Ordonnances de rejet de la demande de mise en liberté provisoire — Absence de prolongation du mandat de dépôt - Violation des dispositions impératives de l’article 147 du code de procédure pénale — Cassation (oui).
La non prolongation du mandat de dépôt dans le délai de six (06) mois ouvre droit à la mise en liberté d’office de l’inculpé.
Viole les dispositions impératives de l’article 147 du code de procédure pénale la chambre des libertés et de la détention qui confirme une ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant une demande de mise en liberté provisoire en dépit de l’absence de prolongation du mandat de dépôt.
La Cour,
Vu l’acte n°001/19 du 09 avril 2019 du greffe de la Cour d’appel de Cotonou par lequel maître Guy DOSSOU, conseil de Aa A, a élevé pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°029/2019 rendu le 08 avril 2019 par la chambre des libertés et de la détention de cette Cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu les pièces du dossier ;
Oui à l'audience publique du vendredi TZ mars ZUZT le conseiller Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU en son rapport ;
Ouï l’avocat général Nicolas BIAO en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°001/19 du 09 avril 2019 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Guy DOSSOU, conseil de Aa A, a élevé pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l'arrêt n°029/2019 rendu le 08 avril 2019 par la chambre des libertés et de la détention de cette Cour ;
Que par lettres n°4826/GCS et n°6676/GCS des 05 avril et 18 septembre 2019 du greffe de la Cour suprême, maître Guy DOSSOU a été invité à produire ses moyens de cassation dans le délai d’un (01) mois conformément aux dispositions des articles 12 et 13 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Que le mémoire ampliatif a été produit ;
Qu’en revanche, le procureur général près la Cour d’appel de Cotonou n'a pas produit son mémoire en défense en dépit de la communication à lui assurée du mémoire ampliatif de maître Guy DOSSOU et des mises en demeure objet des correspondances n°7657/GCS et n°1470/GCS des 27 novembre et 05 mars 2020 du greffe de la Cour suprême ;
Que cependant, l’Agent Judiciaire du Trésor (AJT) a produit son mémoire en défense ;
EXAMEN DU POURVOI
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND Faits et procedure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le lundi 04 février 2013, des individus se sont introduits par effraction dans le bureau du caissier central de la Direction Générale du Trésor (DGT), après avoir endommagé les portes et coffres-forts et ont réussi à emporter la somme totale de cent quatre-vingt-dix-neuf millions quatre cent trente-cinq mille deux cent quatre-vingt-cing (199 435 285) francs CFA ;
Que les investigations ont abouti à l’interpellation des personnes impliquées dont Aa A, l’un des militaires chargés de la surveillance des lieux ;
Qu’interpellés et poursuivis pour les crimes d'association de malfaiteurs et vol qualifié, Aa A, ses complices et coauteurs ont été inculpés par le juge d’instruction du quatrième cabinet du Tribunal de Première Instance de Cotonou et placés sous mandat de dépôt ;
Que par ordonnance rendue le 02 juin 2018, le juge des libertés et de la détention dudit tribunal a rejeté la demande de mise en liberté de Aa A sous mandat de dépôt du 11 février 2013;
Que sur appel de son conseil maître Guy DOSSOU, la chambre des libertés et de la détention de la Cour d’appel de Cotonou a rendu l’arrêt confirmatif n°029/2019 du 08 avril 2019 ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le moyen unique tiré de la violation de l’article 147 du code de procédure pénale
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, de la violation des dispositions de l’article 147 du code de procédure pénale, en ce qu’il a confirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 02 janvier 2018 qui a rejeté la demande de mise en liberté du demandeur au pourvoi, alors que, selon le moyen, ladite demande en date du 17 février 2017 adressée au juge d'instruction était entre autres fondée sur Te non renouvellement du mandat de dépôt de Aa A entre- temps omis dans l'instruction du dossier pour avoir été transféré et isolé à la prison civile d’Akpro-Missérété et sur le fait qu’il était détenu depuis plus de six (06) ans sans être présenté à une juridiction de jugement ;
Que le juge des libertés et de la détention avait alors fait litière de ces arguments en fondant sa décision sur d’autres motifs et a été suivi par la chambre des libertés et de la détention ;
Qu’en décidant comme ils l’ont fait les juges de la chambre des libertés et de la détention ont violé à plusieurs niveaux les dispositions de l’article 147 du code de procédure pénale exposant ainsi leur décision à cassation ;
Attendu en effet, qu’il ressort des pièces du dossier que Aa A a été placé sous mandat de dépôt le 11 février 2013 ;
Qu’ayant été d’abord transféré à la prison civile de Parakou suivant réquisitoire de transfèrement n°1451/PRC-2013 du 03 avril 2013 puis à la prison civile d’Akpro-Missérété suivant réquisitions en date du 27 janvier 2014 il a pu faire l’objet d’omission dans la conduite du dossier par les autorités judiciaires ;
Qu’ainsi, son mandat de dépôt n’a pas fait l’objet de prolongation comme prescrit par la loi ;
Que c'est en cet état de la procédure que par lettre n°0255/17/GRGD/CH en date à Cotonou du 14 février 2017, le demandeur au pourvoi a saisi le magistrat instructeur de sa demande de mise en liberté en invoquant la violation des dispositions de l’article 147 du code de procédure pénale notamment le non renouvellement de son mandat de dépôt du 11 février 2013 ainsi que les décisions rendues en faveur de ses co- inculpés par la chambre des libertés et de la détention en raison de ces mêmes irrégularités ;
Qu’après avoir essuyé un refus de mise en liberté par ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a préféré s'appuyer sur des motifs liés à la gravité des faits et au trouble à [rordre public, 1e demandeur au pourvoi a eleve le debat au niveau de la chambre des libertés et de la détention de la Cour d’appel de Cotonou, en vain ;
Attendu qu’aux termes des dispositions des alinéas 2 et 3 de l’article 147 du code de procédure pénale : « En tout autre cas, aussi longtemps que le juge d'instruction demeure saisi de l'affaire, la détention provisoire ne peut excéder six (06) mois ;
Si le maintien en détention apparaît nécessaire, le juge d'instruction saisit le juge des libertés et de la détention qui, sur réquisitions motivées du procureur de la République et après avoir requis les observations de l'inculipé ou de son conseil, peut prolonger la détention, par ordonnance spécialement motivée d’après les éléments de la procédure » ;
Que l’allinéa 5 du même article dispose ce qui suit: « En l’absence d’une telle ordonnance, l'inculpé est immédiatement mis en liberté par le président de la chambre des libertés et de la détention sans qu'il ne puisse être placé à nouveau sous mandat de dépôt sous la même inculpation. Le juge d'instruction saisi devra sans délai être informé par le régisseur de la demande d’écrou » ;
Qu’en décidant de rejeter la demande de mise en liberté du demandeur au pourvoi et de confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention sous prétexte qu’en vertu de l'effet dévolutif de l’appel, seuls les griefs formulés contre l’ordonnance querellée sont discutés et que le moyen soulevé en cause d’appel et relatif à l'absence de prolongation du mandat de dépôt depuis plus de deux (02) ans est un moyen nouveau, la chambre des libertés et de la détention a violé les dispositions impératives du code de procédure pénale ci-dessus rappelées ;
Qu’ainsi, l’arrêt attaqué encourt cassation ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Au fond, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°029/2019 rendu le 08 avril 2019 par la chambre des libertés et de la détention de la Cour d’appel de Cotonou ;
Met les frais à Ta charge du Trésor public ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême, au procureur général près la Cour d’appel de Cotonou ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur général près la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de : Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ; Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU et Georges TOUMATOU, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi douze mars deux mille vingt-et-un, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de : Nicolas BIAO, AVOCAT GENERAL; Osséni SEIDOU BAGUIRI, GREFFIER;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle O. A. CARRENA ADOSSOU
Le greffier
Osséni SEIDOU BAGUIRI