[N° 18/CJ-DF du Répertoire ; N°
Arrêt du 12 mars 2021 ; Affaire
Y rep/ Ae
B) CI Af Am C.
2019-67/CJ-DF du greffe ;
Héritiers de feu Ai
Y (Me Cyrille Droit foncier — Pourvoi en cassation — Juridiction de cassation — Appréciation des faits (Non).
Moyen de pur droit relevé d’office — Violation du principe du contradictoire — Cassation (Oui).
Est irrecevable le moyen tiré de la violation du droit à un procès équitable qui, dans son développement, remet en débat devant le juge de cassation les faits souverainement appréciés par les juges du fond.
Est irrecevable, le moyen tiré du défaut de base légale qui remet en débat devant la juridiction de cassation, les éléments de faits souverainement appréciés par les juges du fond.
La Cour,
Vu les actes n°37 et 38 du 20 juin 2019 du greffe de la cour d'appel de Cotonou par lesquels Ae Y et maître Cyrille DJIKUI, conseil des héritiers de feu Ai Y ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°052/19 rendu le 11 juin 2019 par la même cour d’appel statuant en matière de droit de propriété foncière ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu là ToI N7 ZU13-U1 du 14 aout 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi douze mars deux mil vingt et un, le conseiller Michèle CARRENA ADOSSOU en son rapport ;
Ouï l’avocat général Pierre Nicolas BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant les actes n°37 et 38 du 20 juin 2019 du greffe de la cour d'appel de Cotonou, Ae Y et maître Cyrille DJIKUI, conseil des héritiers de feu Ai Y ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°052/19 rendu le 11 juin 2019 par la même cour d'appel statuant en matière de droit de propriété foncière ;
Que suivant lettres n°7815 et 7816/GCS du 28 novembre 2019 du greffe de la Cour suprême, Ae Y représentant les héritiers de feu Ai Y et leur conseil ont été invités à consigner dans le délai de quinze (15) jours sous peine de déchéance et à produire leurs moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1” et 933 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été payée et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que par courrier en date à Cotonou du 27 juillet 2020, enregistré au greffe de la Cour suprême le 05 août 2020 sous le n°1082/GCS, maître Victorien Olatoundji FADE a versé ses observations au dossier ;
Qu'il en est de même de maître Alphonse ADANDEDJAN qui l’a fait par courrier daté du 07 août 2020 et enregistré à la Cour suprême sous le n°1091/GCS de la même date ;
Que par courrier en date à Cotonou du 19 août 2020, enregistré au greffe de la Cour suprême le 20 août 2020 sous le N°1128/GCS, maitre Cyrille DJTKUT à fait parvenir ses observations au dossier ;
EXAMEN DU POURVOI
Attendu que les présents pourvois ont été introduits dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il y a lieu de les déclarer recevables ;
Au fond
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête en date à Cotonou du 30 juillet 2001, Af Am C a saisi le tribunal de première instance de première classe de Cotonou d’une action en confirmation du droit de propriété de son géniteur feu Ac C sur un domaine de contenance 02ha O5a 35ca sis à Tankpè à Abomey-Calavi contre Ai Y, Ah Z, Al Z et Ag Z ;
Que vidant son délibéré, le tribunal saisi s’est entre autres, déclaré incompétent pour connaître du litige relatif à la portion du domaine muni de Titre Foncier, en a ordonné la distraction du reste et confirmé le droit de propriété de Ai Y sur le domaine limité au Nord par Am Ak X, à l’Ouest par Al Ad AH, au Sud par Ai Y et l'Est par Aj AG et Ab AI ;
Que sur appel de Am Af C, la cour d’appel de Cotonou a infirmé le jugement rendu en ce qu’il a confirmé le droit de propriété de Ai Y sur la portion du domaine dont les limites sont précisées audit jugement, puis, évoquant et statuant à nouveau, a confirmé le droit de propriété de OUSSOU GBEDIJI sur le domaine non immatriculé sis à HOUETO (Abomey- Calavi) de contenance 1ha 97a 80ca limité au Nord par le domaine de Am Ak X, au Sud par le Titre Foncier n°1927 enregistré au nom des héritiers de feu Ai Y, à l’Ouest par le domaine de Al Ad AH et à l’Est par les domaines de Aj AG et Aa A ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION Sur le premier moyen tiré du défaut de base légale
Attendu qu'il est reproché à l’arrêt attaqué le défaut de base légale en ce que, pour infirmer le jugement querellé, les juges de la cour d’appel ont relevé ” qu'il existe des anomalies sur la convention des héritiers de feu Ai Y” et ont énoncé ’qu’en se fondant sur de telles conventions pour confirmer leur droit de propriété sur le reste du domaine, le premier juge n’a pas fait une bonne appréciation des faits”, alors que, selon le moyen, le simple fait de relever des anomalies sur des pièces du dossier ne suffit pas à infirmer une décision de justice ;
Que la cour d’appel se devait d'indiquer dans son arrêt en quoi consiste la mauvaise appréciation des faits par le premier juge ou préciser en quoi les anomalies constatées sur les pièces du dossier constituent un mal jugé, ou à tout le moins, dire s’il revenait au juge de relever d'office lesdites anomalies, ou, si en les ignorant, il enfreignait une règle de droit déterminée ;
Qu’en affirmant, sans en rapporter la preuve et sans aucune analyse que le premier juge n’a pas fait une bonne appréciation des faits pour conclure à l’infirmation de la décision entreprise, les juges de la cour d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision et que l’arrêt encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que sous le grief de défaut de base légale, le moyen, dans son développement tend en réalité à remettre en débat devant la haute Juridicton les éléments de faits souverainement appréciés par les juges du fond ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation du droit à un
procès équitable
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué la violation du droit à un procès équitable en ce que, pour infirmer le jugement querellé, les juges de la cour d'appel ont relevé d’office des anomalies sur les titres présomptifs de propriété produits par le demandeur au pourvoi sans effectuer le même exercice sur le titre du défendeur qui comportait des anomalies similaires, alors que, selon le moyen, le droit à un procès équitable est énoncé dans divers instruments internationaux ratifiés par la République du Bénin dont la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui fait partie intégrante de la Constitution Béninoise ;
Que ce droit recouvre le droit d'être juge par un tribunal indépendant et impartial et le droit de voir son procès se dérouler suivant des principes d’équité, ce qui suppose que le même traitement soit réservé à toutes les parties au procès ;
Qu’en l’espèce, la cour d'appel de Cotonou a écarté le certificat administratif délivré à feu Ai Y par le district rural d’Abomey-Calavi, au motif qu’il aurait été délivré le 15 avril 1985, un dimanche et a conclu à la validité de la convention de vente établie au nom de Ac C, et affirmée le 13 avril 1969 alors même que cette date est également un dimanche ;
Qu’en procédant ainsi, les juges d'appel ont fait du « deux poids, deux mesures », violant du coup le droit du demandeur au pourvoi à un procès équitable ;
Que l'arrêt encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que ce moyen, tout comme le premier tend à remettre en débat devant la haute Juridiction les faits souverainement appréciés par les juges du fond ;
Qu'il est irrecevable ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation du principe du
contradictoire
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation du principe du contradictoire en ce que, pour infirmer le jugement n°027/1CB/09 du 23 avril 2009 et confirmer le droit de propriété de Ac C sur le domaine querellé, les juges de la cour d'appel ont, en l’absence de tout débat contradictoire préalable, énoncé : « … qu'il résulte de l’analyse des pièces du dossier par la cour que … qu’au regard de ces éléments, il pèse un doute sérieux sur la validité et l'authenticité de .…. et il y a lieu en conséquence d’écarter lesdites pièces du dossier », alors que, selon le moyen, l’article 17 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes dispose : « Le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut, retenir dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
ITne peut fonder sa décision sur Tes moyens de pur droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. » ;
Qu'en l’espèce, la cour d'appel a relevé d’office des anomalies sur les titres de propriété produits par les héritiers de feu Ai Y), et, sans provoquer une discussion des parties sur ces anomalies, elle s’y est fondée pour rendre son arrêt, exposant ainsi son arrêt à cassation pour non-respect du principe de la contradiction ;
Attendu en effet que le principe de la contradiction consacre l’échange des arguments, des moyens, des pièces non seulement entre les parties au procès, mais également entre le juge et les parties ;
Que l’exigence du contradictoire participe de la transparence et de la crédibilité de la justice, surtout lorsque le juge entend fonder sa décision sur la résultante de ses propres analyses des éléments du dossier ;
Qu’en l’espèce, il ne ressort pas de l'arrêt querellé que les parties ont eu la possibilité de présenter leurs observations sur le moyen tiré de l’incohérence présumée de certaines mentions des titres présomptifs de propriété du demandeur au pourvoi ;
Qu’aucune mention de la carte du dossier, ni les notes d'audience, ne permettent d’établir la matérialité des débats sur cette question déterminante sur la décision rendue ;
Qu'en relevant ainsi d'office le moyen tiré de l’incohérence des mentions sur des actes sans avoir, au préalable, invité les parties à en débattre contradictoirement, la cour d’appel a méconnu le principe de la contradiction, et que l’arrêt encourt cassation de ce chef, sans qu’il soit nécessaire d'examiner les autres moyens ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Au fond et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres
moyens, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt
n°052/19 rendu le 11 juin 2019 par la cour d’appel de Cotonou
statuant en matière de droit de propriété foncière ;
Renvoie la cause et les parties devant la même cour d'appel autrement composée ;
Met les frais à la charge du Trésor public ;
Ordonne la notfication du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu'aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire)
composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Michèle CARRENA ADOSSOU
Et
André SAGBO CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi douze mars deux mil vingt et un, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus en présence de :
Pierre Nicolas BIAO, avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Michèle CARRENA ADOSSOU
Le greffier,