N°110/CA du Répertoire
N° 2020-18/CA1 ; N° 2020-20/CA1 ; N° 2020-21/CA1 ; N° 2020-22/CAI ; N° 2020-23/CA1 ; N° 2020-24/CA1 ; N° 2020-25/CA1 ; N° 2020-26/CA1 ; N° 2020-30/CA1 ; N° 2020-33/CA1 ; N° 2020-36/CA1 ; N° 2020-39/CA1 ; N° 2020-40/CA1 ; N° 2020-41/CA1 ; N° 2020-42/CA1 du Greffe
Arrêt du 10 juin 2021 REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE AFFAIRE :
AG Ac Ah
et quatorze (14) autres
PR-MCVDD-MTFP-MEF
La Cour,
Vu la requête introductive d'instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 12 juin 2020, enregistrée au greffe de la Cour suprême le 15 juin 2020 sous le n° 0763/GCS par laquelle AG Ac Ah, fonctionnaire des eaux, forêts et chasse, a saisi la Cour d’un recours en annulation contre le décret n° 2019-511 du 18 novembre 2019 portant nomination de vingt-six (26) élèves officiers forestiers au grade de sous-lieutenant des eaux, forêts et chasse ;
Vu les autres requêtes introductives d’instance valant mémoires ampliatifs en date à Cotonou du même jour par lesquelles X Elie, DADA Kouéchi, AH At Ap, X Ac Ar, AJ Am, B Aj Ab, Z Ag Af, HOUNKPETO Alexandre, Y Ad AI Al, C As X, AK An Ai, TOGLA O. Aq, A Ao Aa Ak, ont saisi la Cour de recours en annulation contre le décret n° 2019-511 du 18 novembre 2019 portant nomination de vingt-six (26) élèves officiers au grade de sous-lieutenant des eaux, forêts et chasse ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprème ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République
du Bénin ; # 2
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport ;
L’avocat général Nicolas Pierre BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la jonction des procédures
Considérant que AG Ac Ah et quatorze (14) autres officiers des eaux, forêts et chasse ont saisi la Cour qui a ouvert les procédures n° 2020-18/CA1, n° 2020-20/CA1, n° 2020-21/CA1, n° 2020- 22/CA1, n° 2020-23/CA1, n° 2020-24/CA1, n° 2020-25/CA1, n° 2020- 26/CA1, n° 2020-30/CA1, n° 2020-33/CA1, n° 2020-36/CA1, n° 2020- 39/CA1, n° 2020-40/CA1, n° 2020-41/CA1 et n° 2020-42/CAI ;
Considérant que l’ensemble des recours ainsi introduits présentent à juger les mêmes faits et tendent aux mêmes fins ;
Que pour une bonne administration de la justice, il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
Sur la recevabilité du recours
Considérant qu’au soutien de leur recours, les requérants exposent :
Qu’ils ont été reclassés en 2014 par arrêté interministériel année 2015 n° 7854/MTFPRAI/SGM/DGFP/DRSC/SPEES/DPE du 03 novembre 2015 dans le corps des officiers ingénieurs des eaux, forêts et chasse, conformément aux dispositions du décret n°98-206 du 11 mai 1998 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux, forêts et chasse ;
Qu’après la promulgation de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015 portant statut spécial des personnels des forces de sécurité publique et assimilées et au terme de leur formation d’officiers des eaux, forêts et chasse, ils ont été nommés au grade de sous-lieutenant des eaux, forêts et chasse pour compter du 1” octobre 2019, au lieu du grade de lieutenant, mérité et attendu au regard des dispositions du décret n° 99-17 du 08 avril 1999 fixant les attributs de l’Administration des eaux forêts et chasse, les tenues d’uniformes, les galons des personnels et les conditions de port ;
Que ce comportement de l’Administration s’assimile à un retrait de leur décision de reclassement intervenue en 2014, par le ministère en charge de la fonction publique alors qu’en vertu d’une jurisprudence constante des juges français et béninois, le retrait d’un acte administratif créateur de droits, même illégal, ne peut s’opérer que lorsqu’il intervient
dans le délai du recours contentieux ; ÿ Qu'ils soutiennent que dans le cas d'espèce, l'Administration ; à opéré par la prise du décret incriminé, le retrait de leur décision de reclassement, cinq ans après ;
Que cet acte de l’Administration est illégal et viole les principes de non-rétronctivité des actes administratifs et de sécurité juridique ;
Qu'ils soulignent en outre, qu’il existe trois voies d’accès au corps des officiers conservateurs des caux, forêts et chasse (ex-corps des officiers ingénieurs des caux, forêts et chasse), conformément à l’article 38 du décret n° 2016-147 du 17 mars 2016 portant statuts particuliers des corps des personnels des caux, forêts et chasse, à savoir : le concours dircet, le concours semi-dircet et le concours professionnel ;
Que par ailleurs, ils n’ont quant à eux, emprunter aucune de ces voies et que la régularisation de leur situation administrative objet des présents recours, diffère d’une demande d’attribution de galons suite à l’obtention d’un diplôme académique ;
Qu’il est plutôt question de l’application des dispositions de l’article 94 nouveau du décret n° 2017-552 du 29 novembre 2017 portant modification du décret n° 2016-147 du 17 mars 2016 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux, forêts et chasse qui dispose : « sont reversés dans le corps des officiers des eaux, forêts et chasse et après succès aux examens de fin de formation initiale d'officier des eaux, forêis et chasse, de douze (12) mois à l'Ecole Nationale des Eaux, Forêts et Chasse ou toute autre école agréée par l'Etat : les sous- officiers gardes forestiers, sous-officiers contrôleurs adjoints et sous- officiers ayant bénéficié d’un reclassement par la fonction publique dans le corps des officiers ingénieurs des eaux, forêts et chasse et dont la date de prise d'effet est antérieure au 19 juin 2015 » ;
Qu’ils doivent en effet, bénéficier d’un reversement suivi d’avancement, à l’instar des autres fonctionnaires des eaux, forêts et chasse, conformément à l’article 98 du même décret ;
Qu’à l’appui de leurs recours, ils ont cité le cas des élèves officiers forestiers du 3“"° cours ayant terminé leur formation en septembre 2015 et à qui l’Administration a fait porter directement le galon de lieutenant, suivant le relevé du conseil des ministres n° 14/PR/SGG/COM/OJORD/ 12/14 du 21 mai 2014 ;
Qu’en raison du préjudice que leur crée le décret incriminé, ils ont, chacun, en ce qui le concerne, saisi le Président de la République d’un recours gracieux resté sans suite, pour voir rapporter ledit décret ;
Qu’il y a lieu de s’en référer à la haute Juridiction À 4
Considérant que l’Administration affirme n’avoir pas gardé le silence par rapport aux recours gracieux des requérants ;
Qu'en effet, sur instruction de la haute autorité, par lettre n° 115/ DGEFC/DOFP/SP du 23 avril 2020, une réponse explicite défavorable à leur recours leur à été notifiée et qu’il importe de rejeter cette allégation des requérants et de déclarer leurs recours, irrecevables ;
Mais considérant que ceux-ci soutiennent n’avoir reçu aucune réponse de l’Administration dans les délais légaux ;
Qu’ils ont formé, chacun en ce qui le concerne, leurs recours gracieux le 17 février 2020 ;
Que la décision de l’Administration était attendue le 17 avril 2020 au plus tard ;
Qu'elle a répondu par lettre n°115/DGEFC/DOFP/SP du 23 avril 2020 ;
Qu’ainsi n’ayant pas agi dans le délai de deux mois, l’Administration n’est plus fondée à affirmer qu’elle leur a adressé sa décision explicite de
Qu’il convient de dire et juger que les recours de AG Ac Ah et quatorze (14) autres, ont été introduits dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il y a lieu de les déclarer recevables ;
Au fond
Sur la légalité du décret querellé
Considérant que l’Administration souligne le caractère régulier du décret n°2019-511 du 18 novembre 2019 et conclut au rejet des prétentions des requérants ;
Qu’en revanche, ceux-ci soulèvent son illégalité ;
Considérant qu’il ressort du dossier que par arrêté interministériel année 2015 n° 7854/MTFPRAI/SGM/DGFP/DRSC/SPEES/DPE du 03 novembre 2015, AG Ac Ah et quatorze (14) autres, fonctionnaires des eaux, forêts et chasse ont été reclassés pour compter de 2014, dans le corps des officiers des eaux, forêts et chasse sous l’empire du décret n° 98-206 du 11 mai 1998 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux, forêts et chasse ;
Que le grade militaire correspondant à l’échelon 1 de la catégorie A1 à laquelle ils ont été reclassés, est celui de lieutenant et ce conformément à l’annexe 1 du décret n° 99-171 du 08 avril 1999;
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Qu’en raison de l’inertie de l’Administration, l’arrêté du ministre de tutelle n’a pas été pris dans le délai légal de 15 jours consécutifs à leur reclassement pour leur faire porter le galon de lieutenant puis celui de capitaine suivant les dispositions de l’article 20 du décret 99-171 du 08 avril 1999 ;
Qu’après promulgation de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015 portant statut spécial des personnels des forces de sécurité publique et assimilées, des décrets d'application ont été pris dont le décret n° 2017-552 du 29 novembre 2017 portant modification du décret 2016-147 du 17 mars 2016 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux, forêts et chasse ;
Que conformément à ce texte, ils ont été mis en formation à l’Ecole Nationale des Officiers de Toffo et à la fin de celle-ci, nommés au grade de sous-lieutenant pour compter du 1” octobre 2019 par décret n° 2019- 511 du 18 novembre 2019 ;
Qu'ils soutiennent que leur nomination au grade de sous-lieutenant s’assimile à un retrait de la décision relative à leur reclassement ;
Que cet acte de l’Administration est illégal ;
Considérant que l’Administration allègue que conformément aux dispositions de l’article 110 du décret 216-147 du 17 mars 2016 portant statuts particuliers des corps des personnels des eaux, forêts et chasse, il y a trois voies pour accéder au nouveau corps des officiers conservateurs des eaux, forêts et chasse à savoir : le concours direct, le concours semi-direct et le concours professionnel ;
Qu’au terme de la formation d’officiers conservateurs, les articles 11 et 12 du même décret prévoient clairement que les élèves forestiers qui ont passé avec succès les examens de fin de formation sont nommés sous- lieutenants le premier jour du trimestre civil suivant la fin de leur formation ;
Que les requérants sous-lieutenants n’ont passé aucun concours et n’ont emprunté aucune des deux autres voies pour accéder au nouveau corps des officiers conservateurs des eaux, forêts et chasse ;
Que s’ils se retrouvent dans ce corps, cela résulte de leur reversement en application des dispositions de l’article 121 de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015 qui dispose : « les personnels des forces de sécurité publique et assimilés précédemment régis par les textes portants statuts spéciaux et particuliers des corps des personnels de chacune des composantes des forces de sécurité publique et assimilées en service à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, bénéficient d’un reversement
sans effet rétroactif » ; Gif 6
Que les décrets d'application successifs de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015, n’ont fait que conforter ces dispositions qui traitent du reversement du personnel des forces de sécurité publique et assimilées précédemment régies par les textes portant statuts spéciaux ct particuliers des corps des personnels de chacune des composantes des forces de sécurité publique et assimilées ;
Qu'elle à fait une bonne application de la loi ;
Mais considérant qu’après la parution de l’acte de reclassement des requérants, le ministre en charge des caux, forêts et chasse n’a pas pris dans le délai légal de 15 jours l’arrêté de port de galon prévu par l’article 20 du décret n°99-171 du 08 avril 1999 fixant les attributs de l’Administration des eaux, forêts et chasse, des tenues d’uniforme, les galons des personnels et les conditions de port ;
Que ce dysfonctionnement de l’Administration ne saurait être opposé aux requérants et préjudicier ainsi à leur carrière ;
Que le décret n° 99-171 du 08 avril 1999 a fixé en son annexe I la correspondance des galons et grades du corps des officiers des caux, forêts et chasse de telle manière que le grade de capitaine est attribué aux fonctionnaires des eaux, forêts et chasse de la catégorie A, échelle 1, échelon 1 à 4 ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que les requérants ont acquis des droits au port de galons du fait de leur reclassement, avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015 ;
Qu’en conséquence, il y lieu de les rétablir dans leur droit conformément aux annexes I et II du décret n° 99-171 du 08 avril 1999 fixant les attributs de l’administration des eaux-forêts et chasse, les tenues d’uniformes, les galons des personnels et les conditions de port ;
Qu’il y a lieu d’annuler, en ce qui concerne les requérants, le décret n° 2019-511 du 18 novembre 2019 portant nomination de vingt-six (26) élèves officiers forestiers au grade de sous-lieutenant des eaux, forêts et chasse avec toutes les conséquences de droit.
Par ces motifs,
Décide :
Article 1°" : Il est ordonné la jonction des procédures numéros 2020-
18/CA1, 2020-20/CA1, 2020-21/CA1, 2020-22/CA1, 2020-23/CA1, 2020-
24/CA1, 2020-25/CA1, 2020-26/CA1, 2020-30/CA1, 2020-33/CA1, 2020-
36/CA1, 2020-39/CA1, 2020-40/CA1, 2020-41/CA1 et 2020-42/CAI,
pour y être statué par une seule et même décision GP 7
Article 2: Sont recevables, les recours en date à Cotonou du 12 juin 2020, de AG Ac Ah, X Elie, DADA Kouéchi, AH At Ap, X Ac Ar, AJ Am, B Aj Ae Ab, Z Ag Af, HOUNKPETO Alexandre, Y Ad, AI Al, C As X, AK An Ai, TOGLA O. Aq, A Ao Aa Ak, tendant à l’annulation du décret n° 2019-511 du 18 novembre 2019 portant nomination de vingt-six (26) élèves officiers au grade de sous-lieutenant des eaux, forêts et chasse aux fins de prise en compte de leurs droits acquis avant l’adoption de la loi n°2015-20 du 19 juin 2015 portant statut spécial des personnels des Forces de sécurité publique et assimilés ;
Article 3: Lesdits recours sont fondés ;
Article 4: Est annulé en ce qui concerne les requérants, le décret n° 2019-511 du 18 novembre 2019 portant nomination de vingt-six (26) élèves officiers au grade de sous-lieutenant des eaux, forêts et chasse ;
Article 5 : Il est ordonné à l’Administration de tenir compte des grades acquis par les requérants avant l’adoption de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015 conformément aux annexes I et II du décret n° 99-171 du 08 avril 1999 fixant les attributs de l’Administration des eaux, forêts et chasse, les tenues d’uniformes, les galons des personnels et les conditions de port ;
Article 6 : Les frais sont mis à la charge du trésor public :
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :
Victor Dassi ADOSSOU, Président de la Cour suprême ;
PRESIDENT ;
Dandi GNAMOU
Césaire KPENONHOUN CONSEILLERS ;
Edouard GANGNY
Pascal DOHOUNGBO
Et prononcé à l’audience publique du jeudi dix juin deux mille vingt- et-un la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
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Nicolas Pierre BIAO, MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE, GREFFIER ;
Le Président5— Le Rapporteur,
Le Greffier,
Gédéon Affôuda AKPONE