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05/08/2021 | BéNIN | N°2019-12/CA1

Bénin | Bénin, Cour suprême, 05 août 2021, 2019-12/CA1


Texte (pseudonymisé)
N°228/CA du Répertoire
N°2019-12/CA1 du Greffe
Arrêt du 05 août 2021
AFFAIRE :
Aa B REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d'instance, enregistrée au greffe de la Cour, le 29 mars 2019 sous le n° 371/GCS, par laquelle Aa B a saisi la Cour suprême d'un recours de plein contentieux, tendant à :
- l’annulation de la décision implicite de rejet de la demande d'annulation du décret n°2018-290 en date du 06 juillet 2018 portant sa radiation des effectifs de la Police républ

icaine ;
- la réparation de tous les préjudices par lui subis, à hauteur de cinquante mil...

N°228/CA du Répertoire
N°2019-12/CA1 du Greffe
Arrêt du 05 août 2021
AFFAIRE :
Aa B REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d'instance, enregistrée au greffe de la Cour, le 29 mars 2019 sous le n° 371/GCS, par laquelle Aa B a saisi la Cour suprême d'un recours de plein contentieux, tendant à :
- l’annulation de la décision implicite de rejet de la demande d'annulation du décret n°2018-290 en date du 06 juillet 2018 portant sa radiation des effectifs de la Police républicaine ;
- la réparation de tous les préjudices par lui subis, à hauteur de cinquante millions (50.000.000) de francs ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport ;
L’avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité du recours
Considérant que le requérant, au soutien de son recours, expose :
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Que courant le mois de décembre 2016, il a été nommé commissaire au commissariat de police de la localité de DJIDJA et a pris officiellement service courant le mois de janvier 2017 ;
Que les dépenses de ce commissariat sont réparties autour de la carburation, des fournitures bureautiques et autres, des opérations d'entretien des moyens roulants et des primes de patrouille ;
Que dans le cadre de la mise en œuvre de sa nouvelle politique sécuritaire, le Gouvernement a alloué des fonds à toutes les unités de police et de gendarmerie pour accompagner les initiatives de sécurité ;
Qu'ainsi, par note de service n°0003/MISP/DC/SGM/SA du 13 janvier 2017 portant allocation desdits fonds aux unités de la police et de la gendarmerie, le ministre Ad C a invité tous les commandants d'unités à se rapprocher des services financiers du Ministère de l'intérieur et de la sécurité publique, munis de leurs actes de nomination pour entrer en possession desdits fonds ;
Que courant la période de janvier à octobre 2017, les fonds prévus pour couvrir les dépenses, notamment la dotation en carburant, l'appui au fonctionnement des unités, les opérations et l'entretien des moyens roulants ont été mis à la disposition du commissariat dont il assure la gestion ;
Que ces fonds ont servi au démarrage des activités dès sa prise de fonction ;
Considérant que Aa B poursuit qu'en juin 2018, la dotation du mois de mars 2018 a été mise à la disposition du
Que vers la fin du mois de septembre 2018, trois mois de dotations d'entretien des moyens roulants ont été alloués au commissariat ;
Que s'agissant de la dotation du mois d'avril 2018, elle n'a pas été mise à la disposition de l'unité de police ;
Qu'au total, cinq mois de dotations de fonctionnement ont été mis à la disposition de l'unité pendant cette période d'activités ;
Que face à la mise à disposition irrégulière des dotations, une partie des fonds de carburant a dû servi à couvrir les dépenses concernant l'entretien des moyens roulants et pour le fonctionnement de l'unité durant cette période ;
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Que deux mois de dotations ont été alloués courant le mois de janvier 2017 pour le démarrage des activités ;
Qu'en juin, la dotation du mois de mars a été perçue ;
Qu'à la fin du mois de septembre, les dotations des mois de mai et juin 2017 ont été perçues ;
Que la dotation pour la carburation du mois d'avril n'a pas été perçue ;
Considérant qu'au total, expose le requérant, sur les dix (10) mois d'activités, seuls cinq (05) mois de dotations pour carburation ont été perçues et des retards ont été observés dans la dotation pour l'entretien des moyens roulants ;
Qu'ainsi, un ajustement des fonds a été fait pour le bon fonctionnement de l'unité ;
Qu'’au titre des allocations, le requérant a perçu une somme totale de trois millions (3.000.000) de francs ;
Que les dépenses effectuées au cours de la période de janvier à septembre s'élèvent à un million quatre cent soixante-treize mille trois cent soixante-cinq (1 473 365) francs et le solde est de un million cinq cent vingt-six mille six cent trente-cinq (1.526.635) francs ;
Que s'agissant des dotations relatives au fonctionnement, les dépenses s'élèvent à un million deux cent un mille huit cent quinze (1.201.815) francs, y compris les dépenses effectuées au cours du mois d'octobre 2017, d'un montant de sept cent soixante mille (760.000) francs ;
Que les dépenses relatives au fonctionnement ont été évaluées sans tenir compte des diverses dépenses effectuées sans factures relatives à la vulcanisation et certaines pannes techniques ;
Que l'équipe de vérification a relevé un déficit d'un montant de quatre cent quinze mille huit cent quinze (415 815) francs, qui s'explique par la non-disponibilité des fonds alloués aux patrouilles et par l'utilisation des fonds à d'autres rubriques, aux fins du bon fonctionnement de l'unité ;
Que malgré toutes les explications fournies par le requérant et son comptable, l'équipe de vérification a accusé le requérant d'avoir détourné la somme de trois millions (3.000.000) de francs, ce qui équivaut à la totalité de la dotation allouée ;
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Que contre toute attente et sur instructions de ladite équipe, le requérant a versé la totalité des dotations d'un montant de trois millions (3.000.000) de francs contre décharge ;
Que par la suite, le 13 octobre 2017, par message téléphonique n° 1028/DGPE/DRH/SA, le requérant a été relevé de ses fonctions de commissaire de police de la localité de DJIDJA et a été contraint au remboursement de la totalité des fonds mis à sa charge par la commission de vérification ;
Qu'en conséquence, une demande d'explication lui a été adressée, suivie d'une décision de traduction devant le conseil de discipline ;
Que le 15 janvier 2018, le conseil de discipline a fait une proposition de mise en position de non-activité de trois (03) mois à son encontre ;
Que le 02 mai 2018, le Conseil des ministres a pris le décret portant sa radiation ;
Considérant que selon le requérant, ledit décret a été pris sans tenir compte des pièces justificatives produites lors de l’inspection menée par l'équipe de vérification ;
Qu'il a été accusé à tort pour manquement grave aux règles d'éthique et de déontologie, mauvaise manière habituelle de servir portant atteinte à l'honneur, à la probité et au prestige de la Police nationale ;
Que les résultats relevés lors de son rapport professionnel prouvent à suffisance que le requérant n'a jamais manqué à ses obligations professionnelles, encore moins aux règles d'éthique et de déontologie pouvant porter atteinte à l'honneur, à la probité et au prestige de la Police nationale ;
Que mieux, en dépit des faits inexacts qui lui sont reprochés, le requérant a eu la bonne foi de verser la totalité de la dotation, alors même que les factures des dépenses effectuées sont des preuves tangibles pouvant convaincre l'équipe de vérification ;
Que le requérant a été pourtant traduit devant le conseil de discipline sur la base d'un rapport inexact et non contradictoire ;
Que le décret n°2018-290 du 06 juillet 2018 portant la radiation du requérant des effectifs de la Police républicaine a été pris en violation du principe du contradictoire ;
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Que la radiation, sanction la plus sévère lui a été infligé, alors qu'il a produit toutes les pièces qui justifient la gestion des dotations qui lui ont été allouées ;
Qu'une sanction prononcée sur la base de faits inexacts est une sanction arbitraire ct illégale ;
Que cet état de chose lui fait grief et lui cause des préjudices irréparables ;
Considérant, poursuit le requérant, qu'à la suite du décret n°2018- 290 du 6 juillet 2018 portant sa radiation des effectifs de la Police républicaine pour « manquement grave aux règles d'éthique et de déontologie, mauvaise manière habituelle de servir portant atteinte à l'honneur, à la probité et au prestige de la Police Nationale », il a saisi le Président de la République, Chef de l'Etat, Chef du Gouvernement, par un recours gracieux reçu le 23 novembre 2018, conformément à l'article 13 alinéa 2 du décret n°2008-493 du 29 août 2008 portant règlement de discipline générale dans les forces armées béninoises ;
Que le silence gardé jusqu'au-delà du 30 janvier 2019 par le Président de la République, s'analyse comme une décision implicite de rejet dudit recours ;
Que le recours contentieux est, en l’espèce, recevable jusqu'au 30 mars 2019 ;
Que c'est en conséquence de ce qui précède que le requérant saisit la chambre administrative de la Cour suprême par requête introductive d'instance, aux fins de lui soumettre ses demandes, objet du recours gracieux afin qu'il y soit fait droit ;
Qu'il sollicite que son recours soit déclaré recevable sous réserve du développement des moyens à produire dans un mémoire ampliatif ultérieur ;
Que la décision implicite de rejet de sa demande d'annulation du décret querellé soit annulée et que soit ordonnée la réparation de tous ces préjudices subis à hauteur de cinquante millions (50.000.000) de francs ;
Considérant que le décret n°2018-290 du 6 juillet 2018 portant la radiation de Aa B des effectifs de la Police républicaine a été pris le 6 juillet 2018 ;
Que le recours gracieux a été reçu par le Président de la République le 30 novembre 2018 ;
Que jusqu'à la date du 30 janvier 2019, le Président de la République n'a pas donné suite à ce recours ;
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Que ce silence s'analyse donc comme une décision implicite de
Que le requérant disposait dès lors, d'un délai de deux mois allant jusqu'au 30 mars 2019 pour introduire son recours contentieux ;
Que ledit recours ayant été introduit au greffe de la Cour suprême le 29 mars 2019, il est intervenu dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
1-Sur le moyen de légalité externe, tiré du défaut de motivation du décret n° 2018-290 du 06 juillet 2018, portant radiation de fonctionnaires de police au nombre desquels, Aa B
Considérant que la motivation d'une mesure disciplinaire a pour finalité de mettre le fonctionnaire fautif en situation d'avoir connaissance des griefs formulés à son encontre et justifiant la sanction qui lui est administrée ;
Considérant qu'en l'espèce, le requérant a été invité à comparaître devant un conseil de discipline le 9 mars 2018, ainsi qu'en fait foi le procès-verbal de conseil de discipline dressé en cette circonstance ;
Qu'il ressort dudit procès-verbal que le requérant a reçu communication de son dossier personnel ainsi que du dossier de l'affaire objet de cette poursuite disciplinaire ;
Qu’il a été mis en mesure de présenter ses observations ;
Considérant que de ce procès-verbal, il ressort également que le conseil de discipline a conclu que les faits reprochés sont fondés et s'analysent comme présentation de « factures inéligibles » et « mauvaise gestion des fonds alloués par le gouvernement pour accompagner les initiatives de sécurité » ;
Qu'après délibération, la commission a rédigé le procès-verbal et l'a communiqué au requérant pour prise de connaissance et signature ;
Que les conditions du déroulement de la procédure disciplinaire n'ont pas été contestées par Aa B qui a apposé sa signature sur le procès-verbal ;
Considérant que par ailleurs, le procès-verbal de conseil de discipline en question a fait l'objet d'un visa sur le décret n°2018-290 du 6 juillet 2018, déféré devant le juge administratif ;
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Considérant que dès lors, le requérant a été mis en situation de connaître très précisément les faits qui lui sont reprochés ;
Que le moyen tiré de la violation des règles de la légalité externe par défaut de motivation n'est pas fondé et mérite donc rejet ;
2-Sur le moyen de légalité interne, tiré de l'inexactitude matérielle des faits reprochés au requérant et de l'erreur de qualification
Considérant qu'il ressort du procès-verbal du conseil de discipline en date du 9 mars 2018 et signé sans réserve par le requérant, que les factures ayant servi à justifier l'usage des fonds mis à disposition du commissariat de police de la localité de DJIDJA par le gouvernement, sont inéligibles et qu'il a été procédé à une mauvaise gestion desdits fonds ;
Qu'en qualifiant, dans le décret attaqué, ces faits de « manquement grave aux règles d'éthique et de déontologie, mauvaise manière habituelle de servir portant atteinte à l'honneur, à la probité et au prestige de la police nationale », le Président de la République a procédé à une exacte analyse des faits ainsi qu'à leur juste qualification ;
Que par ailleurs, il ressort du compte-rendu de punition du 12 décembre 2017 élaboré par le directeur départemental de la police nationale du Zou, que Aa B avait déjà fait l'objet d'une sanction antérieure de quatre (4) mois de suspension, pour perte d'une arme de marque PA Glock ;
Qu'au regard de ce qui précède, il convient de rejeter comme mal fondé, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits reprochés ;
3-Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité de la sanction à la faute
Considérant que le requérant allègue le caractère disproportionné de la sanction tant au regard de la faute que de la proposition faite par le conseil de discipline ;
Considérant qu'aux termes de l'article 118 de la loi n°2015-20 du 19 juin 2015 portant statut spécial des personnels des forces de sécurité publique et assimilées, « La radiation peut être prononcée pour l'une des causes suivantes :
Indiscipline grave ou mauvaise manière habituelle de servir » ;
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Considérant que la sanction prononcée, en l’occurrence la radiation, est en adéquation avec la qualification disciplinaire donnée aux faits poursuivis ;
Qu'une telle sanction, même si elle pouvait s'analyser comme disproportionnée par rapport à la proposition faite par le Conseil de discipline, ne relève pas d'une erreur manifeste d'appréciation, l'autorité de nomination, au regard de la politique que le pouvoir exécutif entend mener pour la moralisation de la vie publique (Décret n°2017-522 du 15 novembre 2017), pouvant prendre la sanction qu’elle juge adaptée à la
Qu'en tout état de cause, l'autorité de nomination dispose d'un large pouvoir d'appréciation de la sanction à infliger et n'est pas liée par l'avis du conseil de discipline ;
Que l'autorité de sanction a donc pu à raison, décider de la radiation du requérant ;
Qu'il convient de rejeter comme mal fondé, le moyen tiré de la violation du principe de la proportionnalité de la sanction à la faute ;
Qu'au regard de tout ce qui précède, il convient de rejeter la demande du requérant tendant au paiement par l'Administration, de la somme de cinquante millions (50.000.000) de francs à titre de réparation ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1°" : Le recours non daté, enregistré au greffe de la Cour suprême le 29 mars 2019, de Aa B, tendant à l'annulation du décret n°2018-290 en date du 06 juillet 2018 portant sa radiation des effectifs de la police républicaine et à la réparation de tous les préjudices par lui subis, à hauteur de cinquante millions (50.000.000) de francs, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Dandi GNAMOU, conseiller à la chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Césaire KPENONHOUN
et CONSEILLERS ;
Edouard Ignace GANGNY
Et prononcé à l’audience publique du jeudi cinq août deux mille vingt et un la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Ab Ac A,
Et ont signé,
Le président-rapporteur Le greffier,
Pre Dandi GNAMOU Ab Ac A


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2019-12/CA1
Date de la décision : 05/08/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2021-08-05;2019.12.ca1 ?
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