AAG
N° 229/CA du Répertoire
N° 2020-02/CA1 du Greffe
Arrêt du 05 août 2021
AFFAIRE :
Jean TOZE
Président de la République REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d'instance, valant mémoire ampliatif en date du 9 janvier 2020, enregistrée au greffe de la Cour le même jour sous le n° 040/GCS, par laquelle Jean TOZE a saisi la Cour suprême d'un recours tendant à l'annulation du décret n° 2019-200 du 17 juillet 2019 du Président de la République pris en Conseil des ministres et portant nomination du directeur général de la police républicaine ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, modifiée par la loi n° 2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport ;
L’avocat général Nicolas Pierre BIAO entendu en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité du recours
Considérant que le requérant expose :
Que par le décret n° 2019-200 du 17 juillet 2019, publié au Journal Officiel n° 17 du 1” septembre 2019, le Président de la République, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination des officiers supérieurs dans leurs différents emplois à la police républicaine, a procédé à la nomination du contrôleur général de police (CGP) Aa Ab A, au poste de directeur général de cette institution, sur proposition du ministre de l'intérieur et de la sécurité publique ;
Qu'une telle nomination lui fait grief en ce qu'elle n'est pas intervenue suivant les règles statutaires fixées par les différents textes régissant la police républicaine et les principes généraux du droit ;
Qu'en effet, au moment de l'intervention du décret querellé, le contrôleur général de police Aa Ab A occupait le 14°" rang dans la hiérarchie des officiers supérieurs du grade de CGP, habilités à être nommés en qualité de directeur général de la police républicaine, alors que lui, le requérant était premier (1) sur la liste ;
Qu'il est écarté depuis plusieurs années de tout poste de responsabilité à la police républicaine, sans aucun motif juridique valable ;
Que c'est en raison du non-respect de ces règles statutaires fondées sur le respect de la hiérarchie et des principes généraux du droit qui encadrent le pouvoir de nomination du Président de la République, qu'il introduit un recours en vue de l'annulation de ce décret avec toutes les conséquences de droit ;
Considérant que Jean TOZE affirme qu'à cet effet, il a introduit le 13 septembre 2019, au Président de la République, un recours administratif, portant la mention « voie hiérarchique » comme l'exigent les textes applicables, notamment l'article 82 du décret n°2018-314 du 11 juillet 2018 portant règlement du service, pris en application de la loi n° 2017-42 du 02 juillet 2018 portant statut des personnels de la police républicaine ;
Que le recours a été déposé au ministre chargé de la sécurité, en sa qualité d'autorité de tutelle, à la même date sous le numéro 7422, pour transmission à l'autorité de nomination ;
Que face au silence gardé par le Président de la République plus de deux mois après l’exercice du recours préalable, il s’en remet à la haute Juridiction, aux fins de la voir annuler le décret n° 2019-200 du 17 juillet 2019 portant nomination du contrôleur général de police Aa Ab A aux fonctions de directeur général de la police républicaine ;
Considérant que le recours de Jean TOZE est introduit dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
1 - Sur le moyen tiré de la violation des articles :
- 7 de la loi n° 2017-42 du 02 juillet 2018 portant statut des personnels de la police républicaine,
- 2 du décret n° 2018-006 du 17 janvier 2018, portant attributions, organisation et fonctionnement de la direction générale de la police républicaine,
- 9 du décret n° 2018-356 du 25 juillet 2018 portant code d'éthique et de déontologie de la police républicaine,
relatifs au respect de la hiérarchie dans les grades pour les nominations
Considérant qu'il est de principe général en droit, que le particulier déroge au général ;
Que ce principe général du droit est énoncé sous la maxime latine specialia generalibus derogant ;
Considérant en l'espèce, que tant les articles 7 de la loi n° 2017- 42 du 02 juillet 2018 portant statut des personnels de la police républicaine que 2 du décret n° 2018-006 du 17 janvier 2018, portant attributions, organisation et fonctionnement de la direction générale de la Police républicaine notamment, prescrivent le respect du principe hiérarchique dans le fonctionnement de la police républicaine ;
Que ce principe régit les nominations aux différents postes au sein de la Police républicaine, en fonction du grade de chaque fonctionnaire ;
Considérant toutefois que la nomination du directeur général de la Police républicaine et de son adjoint obéit à des dispositions particulières ;
Qu'il s'agit de l'article 10 du décret n° 2018-006 du 17 janvier 2018, portant attributions, organisation et fonctionnement de la direction générale de la Police républicaine qui énonce que « le directeur général de la Police républicaine et son adjoint sont nommés, par décrets en Conseil des ministres, sur proposition du ministre chargé de la sécurité publique, parmi les hauts fonctionnaires de la Police républicaine titulaires au moins du grade de contrôleur général de police » ;
Considérant que cette disposition induit un régime particulier de nomination s'agissant du directeur général de la Police républicaine et de son adjoint, caractérisé par une possibilité de choix pour le Président de la République, la condition nécessaire étant que le haut fonctionnaire de police choisi soit au minimum titulaire du grade de contrôleur général ;
Que ce régime déroge au principe général de nomination selon l'organisation hiérarchique tenant compte des corps, grades, échelons et ancienneté ;
Qu'il laisse au Président de la République, un pouvoir discrétionnaire dans le choix du directeur général de la police républicaine, dès lors que ce dernier est contrôleur général ;
Que s'il y avait lieu d'appliquer le principe de hiérarchie dans les grades à la nomination du directeur général de la police républicaine, la formulation du décret devrait être : « Est nommé directeur général de la police républicaine, le contrôleur général de police le plus ancien dans le grade le plus élevé » :
Que tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen du requérant tiré de l'annulation du décret n° 2019-200 du 17 juillet 2019 portant nomination du directeur général de la police républicaine, pour violation des dispositions susvisées, encourt rejet ;
2 - Sur le moyen tiré de la violation de l'article 11 de la loi portant statut des personnels de la police républicaine, relatif au statut de hauts fonctionnaires, des officiers supérieurs et des officiers généraux
Considérant que l'article 11 de la loi n°2017-42 du 2 juillet 2018 portant statut des personnels de la police républicaine dispose que « les officiers supérieurs et généraux de la police républicaine sont de hauts fonctionnaires de l'Etat » ;
Considérant que le décret n°2019-200 du 17 juillet 2019 portant nomination de monsieur Aa Ab A en qualité de directeur général de la police républicaine, ne contrevient en aucune façon à cette
Que les circonstances selon lesquelles le requérant aurait été privé, plusieurs années durant, de tout emploi correspondant à son rang par l'Administration, sont sans rapport avec la question précise de la légalité du décret n° 2019-200 du 17 juillet 2019 portant nomination de monsieur Aa Ab A en qualité de directeur général de la police républicaine ;
Qu'il convient de rejeter ce moyen ;
3 - Sur la violation du principe de l'égalité des citoyens devant la loi (égalité de traitement des fonctionnaires appartenant à la même catégorie), issu de la Constitution et des conventions internationales
Considérant, qu'en saisissant le juge administratif, juge de la légalité des actes administratifs, le requérant a entendu faire censurer pour violation de la loi, le décret n°2019-200 du 17 juillet 2019 portant nomination de monsieur Aa Ab A en qualité de directeur général de la Police républicaine ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été établi, ladite nomination est conforme à l'article 10 du décret n°2018-006 du 17 janvier 2018, portant attributions, organisation et fonctionnement de la direction générale de la Police républicaine, lequel dispose que « le directeur général de la Police républicaine et son adjoint sont nommés, par décret pris en Conseil des ministres, sur proposition du ministre chargé de la sécurité publique, parmi les hauts fonctionnaires de la Police républicaine titulaires au moins du grade de contrôleur général de police » ;
Qu'il ne ressort de ces différents actes, aucune disposition de nature discriminatoire ou attentatoire au principe de l'égalité des citoyens devant la loi ;
Que le moyen encourt rejet ;
4 - Sur le moyen tiré de la violation de l'article 10 du décret n° 2018-006 du 17 janvier 2018 portant attributions, organisation et fonctionnement de la direction générale de la police républicaine
Considérant que l'article 10 du décret n° 2018-006 du 17 janvier 2018 portant attributions, organisation et fonctionnement de la direction générale de la police républicaine dispose : « le directeur général de la Police républicaine et son adjoint sont nommés, par décret pris en Conseil des ministres, sur proposition du ministre chargé de la Sécurité Publique, parmi les hauts fonctionnaires de la Police républicaine titulaires au moins du grade de contrôleur général de police » ;
Que si cette disposition précise les conditions et les modalités de nomination du directeur général de la Police républicaine et son adjoint, elle ne crée en aucun cas une obligation pour le Président de la République, par décret pris en Conseil des ministres, de nommer nécessairement un directeur général adjoint :
Qu'ainsi le moyen tiré de la violation de la loi pour défaut de nomination d'un directeur général adjoint encourt rejet :
Qu'’au regard de tout ce qui précède, les moyens développés sont mal fondés ;
Qu’il convient de rejeter le recours ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1“ : Le recours en date à Cotonou du 09 janvier 2020, de Jean TOZE, tendant à l’annulation du décret n°2019-200 du 17 juillet 2019 portant nomination du directeur général de la Police républicaine, est recevable ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 4: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre administrative) composée de :
Dandi GNAMOU, conseiller à la chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Césaire KPENONHOUN
Et CONSEILLERS ;
Edouard Ignace GANGNY
Et prononcé à l’audience publique du jeudi cinq août deux mille vingt-et-un, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE,
GREFFIER ;
Et ont signé :
Le président-rapporteur, Le greffier,
Pre Dandi GNAMOU Gédéon Affouda AKPONE