N°261/CA du Répertoire
N° 2016-006/CA3 du greffe
Arrêt du 06 août 2021 REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME CHAMBRE ADMINISTRATIVE
AFFAIRE :
Héritiers Af Ab représentés par
Af René
-Maire de Porto-Novo
-GBADAMASSI A. Ae
La Cour,
Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 21 décembre 2015, enregistrée au greffe le 29 décembre 2015 sous le n°0974/GCS, par laquelle les héritiers Af Ab représentés par Af René, assistés de maître Gustave Anani CASSA, avocat au barreau du Bénin, ont saisi la Cour suprême d’un recours tendant d’une part, a l’annulation de l’arrêté n°020/SG/SDO-SADU du 20 avril 2008 portant attribution par le maire de la commune de Porto-Novo, de la parcelle n°6 du lot « O » relevée à l’état des lieux sous le n°570 * tranche « B » du lotissement de Ouando, Les palmiers, à HOVINOU Jean, du certificat administratif n°146/SG/DSO-SADU du 21 juin 2013 et de l’attestation de recasement n°1/053/SG/DST/SAD du 25 juin 2013 établis au profit de B Ad Ae, et d'autre part, à la condamnation de la commune de Porto-Novo à payer la somme de cinquante millions (50.000.000) de francs aux requérants, toutes causes de préjudices confondus ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant
composition, organisation, fonctionnement et attributions de la # Cour suprême ; @ ç Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu toutes les pièces du dossier ;
Le conseiller Césaire KPENONHOUN entendu en son rapport et l’avocat général Mardochée KILANYOSSI en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Sur la recevabilité du recours
Considérant que le requérant expose :
Qu’au nom et pour le compte de son feu frère Ab Af, il s’est porté acquéreur d’une parcelle de terrain auprès de la préfecture de l’Ouémé qui fait partie d’un domaine sis à Aa et objet du projet de résidence « les Palmiers » ;
Qu'il a rempli un formulaire valant acte de cession d'immeuble, accompli toutes les formalités administratives subséquentes, et versé un acompte de cinq cent mille (500.000) francs dans le compte n°3820000183143 ouvert dans les livres de la Banque Commerciale du Bénin (BCB) intitulé "Lotissement les palmiers” ;
Qu’Il restait devoir la somme de cent vingt cinq mille (125.000) francs sur le montant de six cent vingt cinq mille (625.000) francs fixé comme prix de cession et une somme de trois mille (3000) francs au titre des frais de dossier ;
Que le 14 novembre 1984, le préfet de l’Ouémé l’a invité à solder le prix d'acquisition de la parcelle, ce à quoi il s’est obligé ;
Que par suite, les services de la société provinciale de gestion
mgrohlilre (SOPROGIM) lui ont indiqué la parcelle En lot it O relevée à l'état des lieux sous le numéro 570a tranche B du lotissement de Ouando les Palmlers, comme étant la sienne ;
Que de retour d’un voyage, il eut la désagréable surprise de découvrir sur la parcelle d’une part, une autre plaque d’identification au nom de VODOUNOU et d'autre part, deux (02) voyages de sable marin ;
Que bien qu’il ait dénoncé ces faits aux autorités communales, la parcelle de terrain dont s'agit a été attribuée suivant arrêté municipal année 2008 n°020/SG/DSO/SAD du 20 avril 2008, à A Af Ac qui a requis son recasement auprès du technicien géomètre Pierre CHEKPO ;
Que ce dernier a alors produit un rapport technique dont il ressort que la parcelle n°6 du lot « O » relevée à l'état des lieux sous le n°570a tranche B lotissement de Ouando “Les Palmiers”, est la propriété présumée de Af Ab qui l’a acquise auprès de la préfecture de l’Ouémé, maître d’ouvrage à l’époque des faits et que le cas de A Af Ac relevait d’une omission ;
Qu'en dépit de tout cela, l’administration municipale de Porto-Novo a cautionné les différentes cessions relatives à ladite parcelle et a délivré au profit de B Ad Ae, le certificat administratif n°146/SG/DSO-SADU du 21 jun 2013 et l’attestation de —recasement n°1/053/SG/DST/SAD du 25 juin 2013 et ce, au mépris des droits de la succession Af Ab représentée par Af René ;
Que c’est fort de ces actes administratifs illégalement pris que B Ae a saisi le président du tribunal de première instance de première classe de Porto-Novo statuant en matière de référés civils pour cessation de troubles dans la jouissance paisible de son bien ;
Qu'il en réfère à la Cour aux fins d’annulation d’une part, de l’arrêté municipal et de tous les actes administratifs querellés, d'autre part, de condamnation de l’administration à lui payer des dommages-intérêtsde cinquante millions (50.000.000) francs en réparation des préjudices subis ;
Considérant que le recours a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ; A :
AU FOND
Considérant que les requérants fondent leur recours sur deux moyens tirés d’une part de la violation de la loi et d'autre part, du détournement de pouvoir ;
Sur le moyen tiré de la violation de la loi sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen
Considérant que les requérants soutiennent que l'arrêté n° n°020/SG/SDO-SADU du 20 avril 2008 portant attribution par le maire de la commune de Porto-Novo, de la parcelle n°6 du lot « O » relevée à l’état des lieux sous le n°570 * tranche « B » du lotissement de Ouando, Les palmiers, à HOVINOU Jean, du certificat administratif n°146/SG/DSO-SADU du 21 juin 2013 et de l'attestation de recasement n°1/053/SG/DST/SAD du 25 juin 2013 établis au profit de B Ad Ae, ont été pris en violation de l’article 352 de la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin ;
Que cet article assujettit à des obligations aussi bien le titulaire de l’un quelconque des droits coutumiers qui entend se faire délivrer un titre qui constate l’existence et l’ étendue des droits que l’administration elle-même ;
Que les prescriptions fixées à l’article 352 de la loi ci-dessus visée qui constituent une reprise des dispositions de l’article 4 alinéa 2 du décret n°64-276 PC/MFAEP/EDT du 02 décembre 1964 fixant le régime des permis d’habiter au Dahomey, mettent à la charge du maire, une double obligation à savoir une enquête auprès d’une commission prévue à l’article 3 du décret ci-dessus indiqué et un contrôle physique et préalable des lieux pour s'assurer que la parcelle pour laquelle un permis est sollicité, est libre de toute occupation ;
Que le maire de Porto-Novo n’a pas observé cette prescription avant de prendre au profit de HOVINOU Jean et de B Ad Ae, les actes attaqués qui portent préjudice à la succession Af Ab ;
Qu’en ce qui concerne les susnommés bénéficiaires des actes administratifs attaqués, ceux-ci ne se sont pas conformés à l’article 352 de la loi n°2013-01 du 14 août 2013 et n’ont adressé aucune demande au Bureau communal de l’organe en charge de la confirmation des droits fonciers aux fins de la reconnaissance formelle et écrite de leurs droits ;
Considérant que lors de l’instruction de la présente affaire, la Cour a adressé à B Ad Ae suivant lettre
son n°1030/GCS mémoire du en 26 défense avril 2017, ; A une , mise en R, demeure D de produire Que suivant lettre n°4826/GCS en date du 13 juin 2018 reçue contre décharge le 03 juillet 2018, le greffe a vainement adressé à B Ad Ae une ultime mise en demeure de produire ses observations ;
Considérant qu’aux termes de l’article 352 de la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin « Toute personne désireuse de se faire délivrer un titre opposable qui constate l'existence et l'étendue de ses droits, adresse une demande au bureau communal en charge de la confirmation des droits fonciers aux fins de la reconnaissance formelle et écrite de ses droits ;
Le bureau communal de confirmation des droits fonciers avec l’appui des structures communales villageoises de gestion foncière procède à une enquête publique et contradictoire sanctionnée par un procès-verbal à la suite duquel est délivrée une attestation de détention coutumière.. » ;
Considérant qu’il ressort du dossier que le requérant a entièrement acquitté le prix de vente de l'immeuble qui lui a été cédé comme l’attestent les quittances de paiement des 26 janvier 1981, 18 février 1981 et 29 janvier 1985 ;
Que par suite, il lui a été attribué la parcelle n°6 du lot O du lotissement de Porto-Novo dans la zone dite « Résidence Les Palmiers » tranche B ;
Considérant que suivant arrêté municipal Année 2008/N°020/SG/DSO/SADU du 20 avril 2008, le maire de la commune de Porto-Novo a attribué à Ac A des parcelles de terrain dont celle qui avait été précédemment affectée au requérant ;
Que cette attribution a porté sur une parcelle de terrain qui n’était pas libre de toute occupation ;
Mais considérant que l’arrêté en cause ne comporte ni dans ses visas ni par ailleurs aucune énonciation de nature à renseigner sur une demande de HOVINOU Jean et sur l’accomplissement par le Bureau communal de l’enquête publique et contradictoire sanctionnée par un procès-verbal à la suite duquel est délivrée une attestation de détention coutumière ainsi que cela est prévu à l’article 352 de la loi n°2013-01 du 14 août 2013 ;
Que ces deux conditions tirées la première d’une demande du titulaire d’un droit foncier et la seconde de la réalisation d’une enquête publique et contradictoire, sont cumulatives ;
Qu'en l’absence de ce formalisme, il y a lieu de considérer que l'arrêté contesté aussi bien que les actes pris à sa suite, à savoir
le certificat administratif n°146/SG/DSO-SADU (A du 21 juin 2013 N pk ‘ et l’attestatlon de recasement n°1/053/SG/DST/SAD du 25 juin 2013 établis au profit de B Ad Ae, sont contraires à la lol ;
Qu'il y a leu de les annuler ;
Sur la réparation des préjudices subis
Considérant que les requérants sollicitent la condamnation de la commune de Porto-Novo à leur payer la somme de cinquante millions (50.000.000) francs à titre de dommages- Intérêts toutes causes de préjudices confondus ;
Qu'ils allèguent que du fait des actes contestés, l’Administration a porté atteinte à leur droit de propriété en leur retirant indûment une parcelle de terrain présumée leur appartenir, en violation de l’article 22 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui dispose que : « Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique contre juste et …— préalable dédommagements. » ;
Mais considérant que les requérants ne rapportent pas la preuve des préjudices subis ;
Qu'en l’absence de toute preuve, il y a lieu de rejeter cette demande ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE :
Article 1°": Est recevable, le recours en date à Cotonou du 29 décembre 2015 des hoirs Af Ab représentés par Af René, tendant d’une part, à l’annulation de l’arrêté n°020/SG/SDO-SADU du 20 avril 2008 portant attribution par le maire de la commune de Porto-Novo, de la parcelle n°6 du lot « O » relevée à l’état des lieux sous le n°570 * tranche « B » du lotissement de Ouando, Les palmiers, à HOVINOU Jean, du certificat administratif n°146/SG/DSO-SADU du 21 juin 2013 et de l'attestation de recasement n°1/053/SG/DST/SAD du 25 juin 2013 établis au profit de B Ad Ae, d'autre part, à la condamnation de la commune de Porto-Novo à payer la somme de cinquante millions (50.000.000) de francs aux requérants, toutes causes de
préjudices confondus ; M &
Article 2 : Ledit recours est partiellement fondé ;
Article 3 : L'arrêté n°020/5SG/SDO-SADU du 20 avril 2008 délivré à HOVINOU Jean le 20 avril 2008, le certificat administratif n°146/5SG/DSO-SADU du 21 juin 2013 et l'attestation de recasement n°1/053/SG/DST/SAD du 25 juin 2013 établis au profit de B Ad Ae par le maire de Porto-Novo, sont annulés ;
Article 4 : Le reste de la demande est rejeté ;
Article 5 : Les frais sont mis à la charge de la commune de Porto-Novo ;
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Rémy Yawo KODO, Conseiller à la Chambre administrative,
PRESIDENT ;
Et CONSEILLERS ;
Edouard Ignace GANGNY
Et prononcé à l'audience publique du vendredi six août deux mille vingt et un, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Mardochée KILANYOSSI, Avocat Général,
MINISTERE PUBLIC ;
GREFFIER ; Et ont signé :
Le Président, Le Rapporteur, x
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