AAG
N°306/CA du Répertoire
N° 2018-58/CA1 du Greffe
Arrêt du 23 septembre 2021
AFFAIRE :
A Aa
Ag Ac REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance en date à Cotonou du 02 octobre 2018, enregistrée au greffe le O5 novembre 2018 sous le n°529/GCS par laquelle A Aa, commissaire de police de deuxième classe, matricule 6027, ayant pour conseil, maître Safiatou BASSABI ISSIFOU, a saisi la Cour suprême d’un recours en annulation de la décision de sa radiation des effectifs des agents de l’ex-police nationale, contenue dans le relevé du conseil des ministres en date du 02 mai 2018 ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin, modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Césaire KPENONHOUN entendu en son rapport ;
L'avocat général Hubert DADJO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité du recours
Considérant que le conseil du requérant, maître Safiatou BASSABI ISSIFOU expose que A Aa a été recruté à la police nationale avec le grade d’élève commissaire en 2014 ;
Qu’après sa formation, il a été titularisé commissaire de police de
2ème classe en mai 2012 ; R Ÿ 2
Qu’il était précédemment en service à la direction départementale de la police républicaine de l’Af ;
Que par suite, il a servi au commissariat d’Abomey-Calavi :
Qu’à la création des unités spécialisées de surveillance des frontières (USSF) en 2016, il avait servi aux postes de police de Madécali et de Ségbana en qualité de commissaire de l’unité mobile n°8 ;
Que le 13 janvier 2017, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique a, par note de service n°003/MISP/DC/SGM/SA portant allocation de fonds additionnels aux unités de police et de la gendarmerie, mis des fonds d’appui à la disposition de l’unité mobile n°8 de Ségbana dirigé par le requérant ;
Que lesdits fonds étaient libellés comme suit :
- dotation en carburant : 365.000 FCFA/mois ;
- appui au fonctionnement des unités : 90.000 FCFA/mois ;
- fonds d’opération : 83.000 FCFA/mois ;
- frais d’entretien des moyens roulants (non précisés) ;
- primes alimentaires (non précisées) ;
Que A Aa a aussitôt confié la responsabilité financière des fonds sus indiqués au gardien de la paix de première classe C Ai ;
Que l’unité du requérant a en dotation onze (11) motos et un véhicule pick-up de marque Ah Ae immatriculé PN/0678/01 RB ;
Que courant l’année 2017, le ministre de l’Intérieur a entrepris de contrôler la gestion des fonds mis à la disposition de l’unité mobile n°8 ;
Qu’une première commission de vérification de la gestion est arrivée à Ségbana le samedi 19 août 2017 ;
Que la commission était dirigée par le colonel DAYATO ;
Que cette commission a vérifié la gestion qui est faite des fonds alloués pour les trois premiers mois de l’année 2017, soit de janvier à mars ;
Que la commission n’a décelé aucune irrégularité ;
Qu’en novembre 2017, une autre commission s’est rendue à
Que des membres de la commission, le contrôleur général AWEKE Roger et le major B Ad sont déjà admis à faire valoir leurs droits à la retraite ; @ Qu’à l’issue de ses travaux, la seconde commission a élaboré un rapport au terme duquel les pièces justificatives de la rubrique relative à la dotation en carburant de janvier à avril 2017 soit, des quatre premiers mois de ladite année ne paraissent pas probantes ;
Que l’irrégularité constatée par devant la commission tenait au défaut de signature des états du personnel en vue de leur authentification ;
Mais qu’à l’époque, aucune obligation ne pesait sur les chefs d’unités de remplir les états du personnel ;
Qu’en outre, la commission a décelé d’autres irrégularités :
- le registre d’évaluation de la consommation en carburant comprenait des informations peu fiables ;
- les factures comportaient des informations approximatives ;
- l’utilisation irrégulière de la dotation de carburant pour l’achat de lubrifiants ;
- des factures d’achat de carburant délivrées par des stations d’essence autres que celles des villes de Ségbana et de Ab ;
Qu’au sujet de la rubrique en carburant, la vérification des pièces justificatives fait état d’un manquant évalué à la somme de FCFA 1.771.500 ;
Que toutefois, les irrégularités ci-dessus énumérées par la commission ne sont pas fondées ;
Que celle-ci a par ailleurs rejeté les factures d’un montant de quatre cent quarante-et-un mille cinq cents (441.500) FCFA relatif aux dépenses qui ont été effectuées dans le cadre des opérations de renseignements ;
Que les bénéficiaires des dépenses relatives aux fonds de renseignements sont la plupart du temps illettrés et dans l’incapacité de délivrer des décharges :
Qu’en l’absence des décharges, la commission de vérification lui a recommandé de s’engager à rembourser la somme de francs CFA de deux millions deux cent treize mille (2.213.000) comme étant un manquant de caisse ;
Que dans l’hypothèse où il prendrait un tel engagement, le rapport à établir par la commission sera sans suite ;
Que A Aa a alors pris l’engagement le 09 novembre 2017 de rembourser le manquant d’un montant de francs CFA de deux millions deux cent treize mille (2.213.000) ; &
4
Que par ailleurs, le rapport produit par la commission d’enquête n’a pas été communiqué à A Aa pour produire ses observations ;
Que contre toute attente, il a été relevé de ses fonctions et mis aux arrêts de rigueur de vingt-cinq (25) jours par le directeur départemental de la police de l’Af pour compter du 11 décembre 2017 ;
Que l’arrêt de rigueur a été porté dans un premier temps à quarante- cinq (45) jours et dans un second temps à soixante (60) jours ;
Que c’est à la suite de ces sanctions qu’il a été porté à sa connaissance qu’une procédure disciplinaire est enclenchée contre lui ;
Que le 07 février 2018, il lui a été notifié qu’il comparaîtra devant le conseil de discipline et il a été entendu par le rapporteur dudit conseil le 08 février 2018 aux fins de recueillir ses observations ;
Qu’il a comparu devant le conseil de discipline le 09 février 2018 ;
Qu’à l’issue de l’instruction du dossier, le conseil de discipline a proposé qu’il écope une sanction d’« un mois de cessation de fonctions assortie d’une suspension de solde » ;
Qu’en revanche, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique a plutôt décidé de la radiation du requérant ;
Que le conseil des ministres en a pris acte en sa séance du 02 mai 2018 ;
Que le 02 juillet 2018, il a saisi le président de la République d’un recours gracieux ;
Que plus de deux mois se sont écoulés sans que le président de la République ait daigné répondre au recours administratif préalable de l’intéressé ;
Qu’il n’en fallait pas plus pour introduire un recours devant la Cour suprême aux fins de voir annuler la décision de radiation contenue dans le relevé du Conseil des ministres en date du 02 mai 2018, et le décret n°2018-290 du 06 juillet 2018 qui en porte confirmation ;
Que son recours pour excès de pouvoir a été exercé le 02 octobre
Considérant que l’Administration observe que dans son recours gracieux le requérant a entrepris de contester la décision contenue dans le relevé du conseil des ministres en date du 02 mai 2018 ;
Que cette décision a prescrit que certains fonctionnaires fautifs de la
police républicaine soient radiés ; (2 sf 5
Qu’il est toutefois évident que la décision en date du 02 mai 2018 du Conseil des ministres n’est qu’une simple instruction ;
Qu'’en tant que telle, elle ne saurait être prise pour un acte qui fait grief au requérant ;
Qu'’en outre, le demandeur a mal lié le contentieux ;
Que les prétentions du plaideur ont évolué du recours gracieux au recours contentieux ;
Que le décret n°2018-290 du 06 juillet 2018 portant radiation de A Aa est à l’origine d’un recours gracieux que celui-ci avait exercé le 03 juillet 2018 ;
Qu’à la date du 02 juillet 2018, le décret du 06 juillet 2018 était matériellement inexistant ;
Qu’il y a lieu pour la Cour de déclarer le recours contentieux irrecevable ;
Considérant que le requérant affirme que le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique a décidé de le radier des rangs des agents de la police républicaine ;
Que le Conseil des ministres en a pris acte en sa séance du 02 mai
Considérant que pour en avoir pris acte, le Conseil des ministres du 02 mai 2018 venait de confirmer la décision de radiation prise par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, fût-elle une proposition ;
Qu’en témoigne le relevé du conseil des ministres en date du 06 juillet 2018 ;
Que ce dernier relevé du Conseil des ministres a été formalisé par décret n°2018-290 du 06 juillet 2018 ;
Que c’est à juste titre que le décret n°2018-290 du 06 juillet 2018 a visé le compte rendu du conseil des ministres en date du 02 mai 2018 qui a traduit la proposition faite par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité en une décision de radiation ;
Qu’il n’en faut pas plus pour noter que la décision portant radiation du requérant a été prise par le conseil des ministres en date du 02 mai 2018 ;
Qu’il s’ensuit que c’est à bon droit que le recours préalable du requérant soit intitulé : «recours gracieux contre la décision du 02 mai 6
Que le recours gracieux qui a été reçu par l’Administration le 03 juillet 2018 n’était pas exercé contre le décret n°2018-290 du 06 juillet 2018 comme celle-ci tentait de l’affirmer ;
Considérant qu’au demeurant la décision de radiation étant du 02 mai 2018, le délai du recours gracieux doit impérativement courir du 03 mai au 02 juillet 2018 ;
Qu’il s’agit d’un délai administratif et non d’un délai franc ;
Qu'en tant que tel, il ne saurait être assorti ni de prorogation moins encore de prolongation ;
Considérant cependant que le recours gracieux du 02 mai 2018 qui est exercé contre la décision du 02 mai 2018 a été reçu par l’Administration contre décharge le 03 juillet 2018 ;
Qu’il en résulte que le recours administratif préalable a été exercé hors délai ;
Considérant au surplus que le décret n°2018-290 du 06 juillet 2018 portant confirmation de la radiation de A Aa constitue en réalité une réponse expresse au recours administratif préalable du 03 juillet
Que le caractère collectif du décret n°2018-290 du 06 juillet 2018 n’exclut pas qu’il soit une réponse explicite de rejet que le président de la République avait eu à adresser au demandeur ;
Que c’est à tort que ce dernier accuse le président de la République de n’avoir pas accordé une suite expresse ou formelle à sa tentative de règlement amiable ;
Qu’à partir de la réponse explicite de rejet du président de la République en date du 06 juillet 2018, le requérant disposait d’un délai de deux mois francs pour exercer le recours contentieux ;
Que ce délai court du 07 juillet 2018 au 07 septembre 2018 ;
Mais considérant que le recours contentieux de A Aa en date du 02 octobre 2018 a été enregistré au greffe de la Cour suprême le 05 novembre 2018 sous le n°1298/GCS sans qu’il soit possible de le relever de l’irrecevabilité au moyen du cachet de la poste qui ferait foi ;
Qu’en conséquence, il y a lieu de le déclarer irrecevable ; L Par ces motifs,
Décide :
Article 1°" : Le recours en date à Cotonou du 02 octobre 2018 de A Aa, tendant à l’annulation de la décision de sa radiation des effectifs des agents de l’ex-police nationale, contenue dans le relevé du Conseil des ministres en date du 02 mai 2018 est irrecevable ;
Article 2 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au Procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :
Dandi GNAMOU, Conseiller à la Chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Césaire KPENONHOUN
Et CONSEILLERS ;
Edouard Ignace GANGNY
Et prononcé à l’audience publique du jeudi vingt-trois septembre deux mille vingt-et-un, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Hubert DADJO, Avocat général,
MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE, GREFFIER ;
Et ont signé,
La Présidente, Le Rapporteur,
Pre Dandi GNAMOU Césaire KPENONHOUN
Le Greffier,
Gédéon Affouda AKPONE