AAG
N° 361 /CA du Répertoire
N° 2019-11/CA1 du Greffe
Arrêt du 16 décembre 2021
AFFAIRE :
Ac Aa B
Ministre de l’Intérieur et de Publique
Etat Béninois RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
AU NOM DU PEUPLE BÉNINOIS
COUR SUPRÊME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE
la Sécurité La Cour,
Vu la requête introductive d'instance en date du 22 mars 2019, enregistrée au greffe de la Cour le même jour sous le n° 0347/ GCS, par laquelle Ac Aa B a saisi la Cour suprême d'un recours de plein contentieux tendant à l'annulation du décret n°2018-291 du 06 juillet 2018 portant radiation des effectifs de la police républicaine et à la réparation du préjudice à lui causé par ledit décret ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin modifiée par la loi n° 2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Dandi GNAMOU entendu en son rapport et l’avocat général Mardochée KILANYOSSI en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la recevabilité
Considérant que le requérant expose que par décision n° 0285/ MDN/DC/DRH/SAAC//SP-C portant admission des élèves-gendarmes de la 34*"° promotion, il est admis dans la gendarmerie du Bénin à compter du 08 mai 2009 ;
Que poursuivant sans faille son parcours, il a occupé différents postes et gravi les échelons au sein de l'administration de la gendarmerie nationale, ce qui lui a valu plusieurs lettres de félicitations et d'encouragement ;
Que le 1“ juillet 2018, il a été promu au grade de capitaine par décret n°2018-027 du 31 juillet 2018 ;
Qu'il a été par la suite affecté à l'ex-direction organisation et emploi, puis reversé à la fin de stage et formation de la police
Considérant que le requérant poursuit que malheureusement, cette brillante carrière a été interrompue par le décret n°2018-291 du 06 juillet 2018 portant sa radiation des effectifs de la police républicaine ;
Que cette radiation trouve son fondement dans le fait qu'il a été accusé de s'être approprié des armements, matériels, deniers ou objets appartenant à l'Etat ;
Qu'en effet, dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle politique sécuritaire du gouvernement, des fonds additionnels ont été alloués à toutes les unités de police et de gendarmerie pour accompagner les initiatives de sécurité ;
Que par note de service n° 0003/MISP/DC/SGM/SA du 13 janvier 2017 portant allocation desdits fonds aux unités de la police et de la gendarmerie, le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique a invité tous les commandants d'unités à se rapprocher des services financiers du ministère munis de leurs actes de nomination, en vue d'entrer en possession desdits fonds ;
Qu'ainsi, de janvier 2017 à octobre 2017, les fonds destinés à la dotation en carburant, à l'appui au fonctionnement des unités, aux opérations et à l’entretien des moyens roulants ont été mis à la disposition de l’ancienne brigade territoriale de gendarmerie de la localité de Banigbé dont il assurait la gestion ;
Qu'au titre de ces allocations, il a perçu une somme totale de FCFA six millions trente mille (6.030.000) ;
Que ces fonds se répartissent comme suit :
- quatre millions trois cent quatre-vingt mille (4.380.000) francs CFA affectés à la carburation courant la période du 1 “ janvier au 30 juin 2017, à raison de sept cent trente mille (730.000) francs CFA par mois ;
- neuf cent douze mille (912.000) francs CFA affectés à l'appui au fonctionnement des unités, courant la période du 1 “ janvier au 30 juin 2017, à raison de cent cinquante-deux mille (152.000) francs CFA par mois ;
- quatre cent quatre-vingt-dix-huit mille (498.000) francs CFA attribués aux opérations courant la période du 1 “ janvier au 30 juin 2017, à raison de quatre-vingt-trois mille (83.000) francs CFA par mois ;
- et deux cent quarante mille (240.000) francs CFA mis à sa disposition au mois de septembre, aux fins d'entretien des moyens
Considérant que le requérant affirme que les sommes ci-dessus allouées ont été utilisées suivant un point général des dépenses effectuées ;
Que compte tenu du retard observé lors de la mise à disposition des fonds, ce montant a été utilisé jusqu'en octobre 2017 ;
Que contre toute attente, le mardi 24 octobre 2017, il a reçu une visite de la commission d’inspection de la Présidence de la République chargée de la vérification de la gestion des fonds mis à la disposition de la brigade :
Que cette équipe a soulevé l'existence d'irrégularités liées à la gestion des fonds, auxquels le requérant dit avoir apporté des éléments de clarification et des justificatifs ;
Qu'en dépit de cela, le vendredi 15 décembre 2017, au moment où lui était notifiée la sanction qui lui a été infligée dans le cadre de la gestion de ces fonds, il s'est rendu compte que le procès-verbal de vérification, établi et signé le 24 octobre 2017, en sa présence, ne correspond pas au procès-verbal de sanction ayant servi de fondement à la mesure disciplinaire ;
Que dans ledit procès-verbal de vérification, il lui est reproché d'avoir acheté un réfrigérateur d'une somme de quatre-vingt-cinq mille (85.000) francs CFA dans son bureau ; que reconnaissant ledit achat pour le compte de la brigade et sur instruction de la commission de vérification, il a pris un engagement écrit, aux fins de remboursement ;
Que la commission de vérification a pourtant fait inscrire au procès-verbal de punition qu'il se serait opposé au remboursement ;
Considérant que le requérant expose que les faits qui lui sont reprochés sont inexacts ;
Que sur le fondement du rapport, le comité lui reproche d'avoir détourné par ailleurs la somme de cinq millions cent cinquante-sept mille deux cent soixante-cinq (5.157.265) francs en ce qui concerne la carburation, alors que ce fonds, à la date d'arrivée de ladite commission le 24 octobre 2017, s'élève à quatre millions trois cent quatre-vingt mille (4.380.000) francs CFA, soit une augmentation inexacte de sept cent soixante-dix-sept mille deux cent soixante-cinq (777.265) francs CFA sur le montant réel perçu ;
Que de plus, les quatre millions trois cent quatre-vingt mille (4.380.000) francs CFA représentent en réalité les frais de carburation durant la période du 1” janvier au 30 juin 2017, soit théoriquement sept cent trente mille (730.000) francs CFA par mois ;
Que compte tenu du retard observé dans la mise à disposition des fonds, cc montant a été utilisé jusqu'en octobre 2017 ;
Que sur les lieux, la réserve de carburant contenue dans plusieurs bidons de vingt-cinq (25) litres était stockée dans les locaux de la brigade ;
Que les membres de la commission ont ignoré ce fait dans leur caleul ;
Que le cahier de désignation du service, le registre de consommation de carburation et les bulletins de service avec les noms des agents exécutants justifient l’utilisation de ces ressources ;
Que l'on peut noter que le kilométrage du compteur du véhicule neuf de dotation affiche une distance de trente-trois mille neuf cent soixante-dix-sept (33.977) kilomètres ;
Considérant, poursuit le requérant, qu'à l'issue des vérifications dans son bureau et n'étant pas convaincu de l'authenticité des factures de carburation, les membres de la commission l'ont obligé à se mettre à leur disposition pour un déplacement vers les 3 stations d'approvisionnement ;
qu'une fois dans lesdites stations, les pompistes rencontrés n'ont fait qu’attester de l’originalité desdites factures ;
Qu'en ce qui concerne le fonds d'entretien qui s'élève à deux cent quarante mille (240.000) francs CFA à la date d’arrivée de la commission, soit dix (10) mois de fonctionnement des matériels roulants, ladite commission n'a pas pu contrôler sa gestion et a promis repasser une autre fois ;
Qu'il faut préciser que tous les entretiens du véhicule se font à la direction des réparations automobiles de l’ex gendarmerie nationale ;
Que ces différents entretiens, qui sont consignés toutes les fois dans le livret de bord dudit véhicule, n'ont pas été contestés par la
Que s'agissant des fonds d'opération d'un montant de quatre cent quatre-vingt-dix-huit mille (498.000) francs CFA, la note de service ayant mis à disposition les fonds additionnels a précisé qu'ils sont destinés à « gérer l'information via les collaborateurs civils et toutes les activités de sensibilisation concourant à la sécurité des localités », ce que le requérant dit avoir fait avec toutes précisions ;
Considérant que somme toute, concomitamment à ses tâches administratives, affirme-t-il, il produisait régulièrement à l’administration le rapport mensuel sur la gestion du fonds additionnel alloué à la brigade territoriale suivi de la liste d'éÉmargement du personnel ;
Que malheureusement, le procès-verbal établi par la commission de vérification a relevé des allégations inexactes ;
Qu'en somme, il est accusé d'avoir détourné la somme de cinq millions sept quarante mille deux cent soixante-cinq (5.740.265) francs CFA, ce qui représente la quasi-totalité du fond perçu ;
Qu'on peut donc déduire que pour la commission, l'unité qu'il commandait n'a pas du tout fonctionné durant les dix (10) mois d'exercice, ce qui n'est pas le cas ;
Que par ailleurs, le lundi 26 février 2018, suite à un entretien qu'il a eu avec d'autres officiers avec le directeur général de la police républicaine et son adjoint, il a remboursé la somme d'un million (1.000.000) de francs CFA, à la direction des finances de la police républicaine, sur instruction de ses supérieurs hiérarchiques, au motif d'obtenir l'indulgence du Président de la République sur les sanctions infligées ;
Qu'il a ensuite pris un engagement pour qu'un prélèvement soit effectué sur son salaire jusqu'à remboursement intégral des fonds prétendument dus ;
Que c'est ainsi que le 1" mars 2018, il a sollicité une nouvelle vérification de sa gestion ;
Que malheureusement, cette requête est restée sans suite ;
Que pourtant, certains parmi ses collègues ont été inspectés à nouveau et leurs noms ont été retirés de la liste des mis en cause ;
Que cette situation préjudiciable et injuste qui a servi de base à sa traduction en conseil de discipline est un manquement au principe du contradictoire et la violation du principe d'égalité et donc des droits de la défense ;
Considérant que de tout ce qui précède, il convient de rappeler que le procès-verbal ayant servi de fondement à sa traduction devant le conseil de discipline a été édicté sans motivation ;
Que c'est sur la base de ce document qu'il a été décidé, en conseil de discipline, de sa radiation des effectifs de la Police républicaine ;
Que le décret n°2018-291 du 06 juillet 2018 portant radiation de deux (02) officiers subalternes des effectifs de la Police républicaine, sur lequel son nom figure, a été pris le 06 juillet 2018, matérialisant la décision du conseil de discipline pour motif de «s'approprier tout armement, matériel, deniers ou objets appartenant à l’Etat », puis notifié le 25 septembre 2018, soit deux (02) mois et 19 jours après ;
Que contrairement à ces mentions, la gestion des fonds alloués à la brigade territoriale de gendarmerie de la localité de Banigbé, sous sa direction a été menée à bon escient ;
Qu'il ne s'est en aucun cas approprié ni armement, ni matériel, ni deniers ou objets appartenant à l'Etat ;
Considérant selon le requérant, qu'en l'espèce, après la prise du décret n°2018-291 du 06 juillet 2018 portant sa radiation des effectifs de la police républicaine pour le motif mentionné ci-dessus, il a saisi le Président de la République d'un recours gracieux, reçu le 23 novembre * 8107 °1QUoAOU radiation de deux officiers subalternes des effectifs de la police républicaine dont Ac B et, d'autre part, de la violation du principe du contradictoire
Considérant que la motivation d'une mesure disciplinaire a pour finalité de mettre le fonctionnaire fautif en situation d'avoir connaissance des griefs formulés à son encontre et justifiant la sanction qui lui est administrée ;
Considérant qu'en l'espèce, sur décision n° 2018- 0190/MDN/DC/SG/DAF/SRHDS/DADC/SA du 05 février 2018 du ministre de la défense nationale, le lieutenant Ac Aa B a été traduit devant un conseil de discipline le 05 mars 2018, ainsi qu'en fait foi le procès-verbal de conseil de discipline dressé en cette circonstance ;
Qu'il ressort dudit procès-verbal qu'il a reçu communication de son dossier personnel ainsi que du dossier de l'affaire objet de cette poursuite disciplinaire ; qu'il a fait le choix d'un défenseur en la personne du capitaine Ab A ;
Qu'il a eu le loisir de présenter ses observations ;
Considérant que, toujours de ce procès-verbal, il ressort que le conseil de discipline a conclu que les faits reprochés sont fondés et méritent la sanction de « perte de grade avec la radiation des Forces armées béninoises » ;
Qu'après délibération, la commission a rédigé le procès-verbal et l'a communiqué au requérant pour prise de connaissance et signature ;
Que ce procès-verbal a été signé par le requérant sans réserve ;
Que ces conditions du déroulement de la procédure disciplinaire n'ont pas été contestées par Ac Aa B ;
Considérant que par ailleurs, le procès-verbal du conseil de discipline en question a fait l'objet d'un visa sur le décret n°2018-291 du 06 juillet 2018, déféré devant le juge administratif ;
Considérant que dès lors, le requérant a été mis en situation de
connaître très précisément les faits qui lui sont reprochés ;
Que le moyen tiré de la violation des règles de la légalité externe par défaut de motivation et violation du principe du contradictoire n'est donc pas fondé et mérite rejet ;
2-Sur le moyen de légalité interne tiré de la violation du principe de proportionnalité de la sanction à la faute
Considérant qu'aux termes respectivement des articles 49 et 50 du décret n° 2008493 du 29 août 2008 portant règlement de discipline générale dans les forces armées béninoises ;
« Les causes pouvant motiver l'envoi d'un militaire devant un conseil de discipline sont les suivantes :
- Inconduite habituelle ;
- Faute grave dans le service ;
- Faute grave contre la discipline ;
- Faute contre l'honneur ;
- Condamnation à une peine de prison par une juridiction pénale. »
- « Le conseil de discipline peut prononcer les sanctions suivantes :
- La radiation ;
- La réforme par mesure disciplinaire ;
- La réduction de grade ;
La mise en non activité par mesure disciplinaire. La durée de la non activité par mesure disciplinaire est de deux mois au moins et de six mois au plus ;
- L'acquittement. »
Considérant que par ailleurs, aux termes de l’article 48 du décret n°2017-521 du 15 novembre 2017 modifiant le décret n° 2008-493 du 29 août 2017 portant règlement de discipline générale dans les forces armées béninoises « Le conseil de discipline, s'il n'est pas un tribunal ni par conséquent une juridiction au sens pénal du terme, n'est pas moins une commission appelée à donner au ministre en charge de la défense nationale, un avis sur l'opportunité d'une mesure disciplinaire ou statutaire » ;
Que l’article 55-15 du même décret dispose : « Le Président de la République, chef suprême des armées, dispose d'un pouvoir général de réformation de décisions prononcées en matière disciplinaire. » ;
Qu'il ressort de ces dispositions et du dossier qu'en tout état de cause, l'autorité de sanction dispose d'un large pouvoir de la peine disciplinaire à administrer et a suivi la sanction proposée suivant avis du conseil de discipline ;
Qu'il convient de rejeter comme mal fondé, le moyen tiré de la violation du principe de la proportionnalité de la sanction à la faute ;
3- Sur la demande de paiement de dommages-intérêts du requérant
Considérant que le requérant sollicite de la Cour le paiement à son profit de la somme de montant francs CFA vingt millions (20.000.000) de francs à titre de réparation :
Mais considérant qu'en conséquence de ce qui précède, l’administration n’est pas fautive ;
Que sa responsabilité ne peut-être engagée :
Qu’il y a lieu de déclarer mal fondée la demande de paiement de dommages-intérêts du requérant ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1“ : Est recevable, le recours en date du 22 mars 2019, enregistré au greffe de la Cour suprême le 22 mars 2019, de Ac Aa B, tendant d’une part, à l’annulation de la décision implicite de rejet de la demande d’annulation du décret n°2018- 291 du 06 juillet 2018 portant sa radiation des effectifs de la police républicaine, d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de vingt millions (20.000.000) de francs pour toutes causes de préjudices confondus ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 4: Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Dandi GNAMOU, conseiller à la Chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Edouard Ignace GANGNY
Et CONSEILLERS ;
Pascal DOHOUNGBO
Et prononcé à l’audience publique du jeudi seize décembre deux mille vingt-et-un, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Mardochée KILANYOSSI, Avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE, GREFFIER ;
Et ont signé :
Le Président, Le Greffier,
Pre Dandi GNAMOU Gédéon Affouda AKPONE