N°10/CA du Répertoire
N° 2021-41/CA1 du Greffe
Arrêt du 28 janvier 2022
AFFAIRE :
Commune d’Abomey-calavi
Qui de droit REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête en date à Abomey-Calavi du 27 septembre 2021, enregistrée au greffe le 04 octobre 2021 sous le numéro 1498/GCS, par laquelle le maire de la commune d’Abomey-Calavi, assisté de maître Gabriel DOSSOU, avocat au barreau du Bénin, a saisi la Cour suprême aux fins d’être autorisé à faire appel aux suppléants de conseillers communaux d’Abomey-Calavi poursuivis pour des infractions pénales et placés sous mandat de dépôt ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, telle que modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral en République du Bénin ;
Vu la loi n°2018-31 du 09 octobre 2018 portant code électoral en République du Bénin ;
Vu la loi n°2020-13 du 4 juin 2020 portant interprétation et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral en République du Bénin ;
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Rémy Yawo KODO entendu en son rapport et l’avocat général Mardochée M. Ak Y en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
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Considérant que le requérant expose :
Que sept (07) mois après sa désignation en qualité de maire de la commune d’Abomey-Calavi, une affaire immobilière portant sur un domaine de trente-neuf hectares dans laquelle seraient impliqués plusieurs conseillers communaux dont des chefs d’arrondissements et présidents de commissions, a conduit au placement sous mandat de dépôt des conseillers communaux Af A, Ab AH, Ag C, Ai Ae Z et Ad Ac AG ;
Qu’à ce groupe d’élus communaux se sont ajoutés Ah Aj X, chef d’arrondissement de Godomey et Noël TOFFON KPOSSOU, conseiller communal, récemment poursuivis dans la même procédure par le procureur spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;
Que l’absence de tous ces conseillers aux sessions ordinaires des mois de décembre 2020, mars 2021 et juin 2021 a mis à mal le bon fonctionnement de l’administration communale en raison des différents postes qu’ils occupaient et qui sont devenus vacants ;
Que depuis le 07 décembre 2020, les arrondissements de Hévié, d’Abomey-Calavi centre, d’Akassato et, récemment de Godomey, sont administrés par des intérimaires qui s’occupent des affaires courantes desdits arrondissements ;
Que par ailleurs, le conseil communal d’Abomey-Calavi a, conformément à la loi, créé en son sein des commissions permanentes dont celles des affaires domaniales et environnementales, des affaires économiques et financières et des affaires sociales et culturelles ;
Que certaines de ces commissions permanentes peinent à fonctionner correctement pour cause d’absence de leurs présidents placés sous mandat de dépôt ;
Qu’il en est ainsi de la commission des affaires juridiques et du contentieux présidée par Ag C et de la commission de la coopération décentralisée présidée par Af A ;
Que dans l’intérêt des populations de la commune d’Abomey- Calavi, il saisit la haute Juridiction aux fins d’être autorisé à faire appel aux suppléants des conseillers communaux concernés pour exercer les mandats de ces derniers ;
Considérant que dans ses observations écrites objet de la lettre
B— n°3/059/DEP-ATL/SG/STCCD/SA du 11 janvier 2022, enregistrée a # 3
greffe le 12 janvier 2022 sous le n°036/GCS, le préfet de l’Atlantique affirme que suite à l'affaire dite des trente-neuf hectares, sept conseillers communaux d’Abomey-Calavi ont été condamnés par la CRIET le 21 Septembre 2021 et qu’appel a été relevé de la décision de condamnation ;
Qu’aucun compte rendu écrit ne lui a été fait par le maire de la commune d’Abomey-Calavi au sujet de l’évolution de la situation des conseillers et cadres impliqués dans cette affaire ;
Que par arrêtés communaux dont le maire d’Abomey-Calavi lui a assuré transmission, celui-ci a pourvu à l’intérim des conseillers communaux titulaires occupant les fonctions de chefs d’arrondissement, et placés sous mandat de dépôt ;
Que sur le fond, il n’a émis aucune objection aux nominations de chefs d’arrondissement par intérim actées par le maire en raison de l’éventuelle possibilité de réformation en appel de la décision de condamnation ;
Que le maire n’a pas sollicité son assistance ni son conseil en sa qualité d’autorité de tutelle avant d’initier et d’introduire la présente requête ;
Qu’en cas de vacance isolée qui se produit par décès, démission, nomination à une fonction publique incompatible ou toute autre cause qu’une invalidation au sein du conseil communal, il est de pratique administrative que le maire en informe l’autorité de tutelle pour l’appel à siéger du suppléant ;
Que seule l’autorité de tutelle est habilitée à procéder à l’appel à siéger dans les conditions précisées à l’article 348 de la loi n°2018-31 du 09 octobre 2018 portant code électoral en République du Bénin ;
Que dans le cas d’un conseil communal où un parti politique a obtenu la majorité absolue des conseillers, le remplacement du maire, de ses adjoints et des chefs d’arrondissement se fait conformément aux dispositions des articles 194 nouveau et 200 nouveau de la loi n°2020-13 du 04 juin 2020 portant interprétation et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 ;
Qu’à défaut de décès ou de démission, une décision de condamnation dont appel a été interjeté ne saurait être appréciée comme un empêchement définitif ;
Que la désignation et le remplacement du maire, de ses adjoints et des chefs d’arrondissement sont faits par le parti ayant obtenu la majorité 4
absolue des conseillers conformément à l’article 189 nouveau de la loi
n°2020-13 du 04 juin 2020 ;
Que dans la pratique administrative, la désignation faite par le parti, est communiquée à l’autorité de tutelle qui informe les conseillers :
Que le maire d’Abomey-Calavi n'ayant pas suivi la procédure ainsi décrite, le recours doit être déclaré irrecevable :
Considérant en outre que le préfet de l’Atlantique fait valoir que nul ne pouvant préjuger de l'issue de l’appel de la condamnation des conseillers communaux détenus, le remplacement des chefs d'arrondissement concernés ne pourra intervenir qu'a posteriori :
Que conformément aux dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi n°2013-05 du 27 mai 2013 portant création, organisation. attributions et fonctionnement des unités administratives locales en République du Bénin : « Le délai de ce remplacement ne peut excéder les quinze (15) jours pour l’élection d’un nouveau chef d'arrondissement sauf les cas de suspension ou de révocation qui sont soumis aux délais contentieux. » ;
Que le recours du maire qui ne relève pas du contentieux électoral, ne remplit pas les conditions fixées à l’article 820 de la loi portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes qui dispose :
« La requête indique l'acte administratif ou la personne publique contre laquelle l’action est dirigée ;
Elle mentionne les nom, prénoms usuels, domicile et profession du demandeur, ainsi que les nom, prénoms usuels, domicile et profession
Qu’au principal, il conclut à l’irrecevabilité du recours pour les motifs ci-dessus indiqués et le défaut de qualité à agir du maire et au subsidiaire au rejet dudit recours :
Considérant que par lettre n°0023/22/GRGD/CH du 12 Janvier 2022 enregistrée à la Chambre administrative le 13 Janvier 2022 sous le n°039, maître Hermann YENONFAN du cabinet d’avocats des Aa B et AÏHOU fait savoir à la Cour que la cessation de fonction et donc l’absence de leur poste du chef d'arrondissement de Godomey à savoir Ah Aj X et du conseiller communal Noël TOFFON KPOSSOU remonte au 21 septembre 2021, date à laquelle ils ont été condamnés à cinq (5) ans d'emprisonnement dont deux (2) fermes
a pour les faits d’abus de fonctions et placés sous mandat de dépôt : A 5
Considérant que le requérant sollicite l’autorisation de la Cour aux fins de pourvoir, pour cause de vacance, au remplacement de conseillers communaux d’Abomey-Calavi placés sous mandat de dépôt ;
Qu’il invoque au soutien de son recours, les dispositions des articles 131 alinéa 2 de la Constitution du 11 décembre 1990, 104 alinéa 2 et 105 de la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral, 194 nouveau et 200 nouveau de la loi n° 2020-13 du 04 juin 2020 portant interprétation et complétant la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral et 107 de la loi n° 98-006 du 09 mars 2000 portant régime électoral communal et municipal en République du Bénin ;
Considérant qu’aux termes de l’article 131 alinéa 2 de la Constitution du 11 décembre 1990 « Elle (La Cour suprême) est également compétente en ce qui concerne le contentieux des élections locales » ;
Que les articles 104 alinéa 2 et 105 de la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral disposent :
Article 104 (alinéa 2) : En cas d'élections communales la Cour suprême est saisie par une requête écrite adressée soit directement au greffe de la Cour, soit au préfet ou au ministre en charge de l'Administration territoriale qui la transmet immédiatement ;
Article 105 : La Cour suprême est saisie par une requête écrite adressée au greffe de la Cour, ou au greffe du tribunal de première instance territorialement compétent, ou au chef d'arrondissement, ou au maire ou au préfet. Le greffe du tribunal de première instance territorialement compétent, le chef d'arrondissement, le maire, le préfet saisi, avise par tous moyens de communication appropriés, le greffe de la cour et assure sans délai la transmission de la requête dont il a été saisi ;
Que s'agissant des articles 194 nouveau et 200 nouveau de la loi n° 2020-13 du 04 juin 2020 portant interprétation et complétant la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral, ils prescrivent :
Article 194 nouveau : Le maire et ses adjoints sont désignés ou élus pour la même durée de mandat que celle du conseiller communal ou municipal.
En cas de vacance de poste de maire ou d’adjoint au maire par décès, démission ou empêchement définitif pour tout autre cause, il est
procédé, sous quinzaine, à son remplacement dans les conditions, K 6
édictées aux articles 189 et 190 nouveaux de la présente loi, la majorité à prendre en considération étant celle en cours au moment du
Article 200 nouveau : La désignation, l'élection, la destitution ou le remplacement d'un chef d'arrondissement s'effectue dans les mêmes conditions que celles relatives à la désignation, l'élection, la destitution ou le remplacement du maire et des adjoints au maire.
Les conditions de majorité sont celles réunies au niveau communal ;
Considérant par ailleurs qu’aux termes de l’article 107 de la loi n° 98-006 du 09 mars 2000 portant régime électoral communal et municipal en République du Bénin : « Conformément aux dispositions de l’article 131 alinéa 2 de la Constitution du 11 décembre 1990, la Cour suprême est compétente en ce qui concerne le contentieux des élections locales.
La saisine de la Cour suprême ne peut se faire que par une requête écrite adressée au greffe de la Cour, au greffe du tribunal de première instance territorialement compétent, au chef d'arrondissement par l'intermédiaire du chef du village ou du quartier de ville ou au maire, au préfet ou au ministre chargé de l’intérieur.
Le greffe, le chef d’arrondissement, le maire, le préfet ou le ministre chargé de l’intérieur transmet la requête directement et par les moyens les plus rapides à la Cour suprême.
La requête n'a pas d'effet suspensif.
Conformément aux dispositions de l’article 131 alinéa 3 de la Constitution du 11 décembre 1990, les décisions rendues par la Cour suprême ne sont susceptibles d'aucun recours.
Le recours n’est recevable que dans les quatre (04) jours à compter de la date de la proclamation des résultats » ;
Considérant qu’aucun des articles invoqués par le requérant ne vient en soutien à la demande contenue dans son recours ;
Que les uns traitent du caractère définitif des décisions rendues par la Cour suprême, les autres des cas de vacances de postes de maire ou des adjoints au maire et d’autres encore, du mode de saisine de la Cour suprême en cas de contentieux des élections communales et municipales ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que les nommés Georges BADA, Bernard HOUNSOU, Julien HONFO, Patrice Noudéhou HOUNYEVA, Apollinaire Toudonou HOUNGUE, Christian Léon 7
KPOBLI et Noël TOFFON KPOSSOU, tous conseillers communaux d’Abomey-Calavi n’exercent plus leurs fonctions depuis le 07 décembre 2020 pour les cinq premiers et le 21 septembre 2021 pour les deux derniers ;
Que cet état de choses peut être analysé comme une vacance de poste qui s’entend « de la situation d’une place, d'une charge, d’un poste momentanément dépourvus de titulaire » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 348 de la loi n° 2018-31 du 09 octobre 2018 portant code électoral en République du Bénin, article non contraire à la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019, « Lorsqu'au sein du conseil communal ou municipal, de village ou de quartier de ville, une vacance isolée se produit par décès, démission, nomination à une fonction publique incompatible, ou toute autre cause que l’invalidation, le candidat suppléant est appelé par l’autorité de tutelle à exercer le mandat du candidat titulaire. Ce remplacement, quelle qu’en soit la cause, est définitif » ;
Considérant que dans le cas d’espèce, la vacance de postes des conseillers communaux Georges BADA, Bernard HOUNSOU, Julien HONFO, Patrice Noudéhou HOUNYEVA, Apollinaire Toudonou HOUNGUE, Christian Léon KPOBLI et Noël TOFFON KPOSSOU est intervenue suite à la poursuite pénale et au placement en détention des intéressés ;
Que du fait de cette détention, les conseillers susnommés n’exercent plus leur fonction qui ne constitue pas un privilège personnel, mais un mandat institué au bénéfice de la collectivité décentralisée ;
Considérant qu’il est constant au dossier que le maire de la commune d’Abomey-Calavi n’a pas saisi l’autorité de tutelle à savoir le préfet du département de l’Atlantique en vue de la mise en œuvre éventuelle des dispositions de l’article 348 de la loi n°2018-31 du 09 octobre 2018 ci-dessus citée ;
Que c’est à celui-ci qu’il revient d’appeler les candidats suppléants des conseillers dont la vacance de poste est établie à exercer le mandat des candidats titulaires ;
Que la Cour n’a pas aptitude, aux termes de la loi, à autoriser le maire de la commune d’Abomey-Calavi à y procéder ;
B— Qu’en conséquence, il y a lieu de se déclarer incompétente ; je présent recours ;
Artiele 2 : Les frais sont mis à Ja charge du requérant ;
Article 3 ; Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près Ia Cour suprême,
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Rémy Yawo KODO, conseiller à la Chambre administrative, PRESIDENT;
Edouard Ignace GANGNY ]
et CONSFILLERS ; Pascal DOHOUNGBO J
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-huit janvier deux mille vingl-deux la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Mardochée M, V. KILANVOSSI, Avocat général
Bienvenu CODJO,
Et ont signé :
Bienvenu CODJO