N°24/CJ-DF DU REPERTOIRE ; N° 2021-02/CJ-DF DU GREFFE ; ARRET DU 11 MARS 2022 ; AFFAIRE : SUCCESSION DE FEU Ai B REPRESENTEE PAR Ad B CONTRE SUCCESSION DE FEU Z X
SUCCESSION DE FEU AG REPRESENTEE PAR Y HOUNSA.
Procédure civile — Violation de la loi par refus d’application de la loi — Moyen invoqué pour la première fois en cassation — Irrecevabilité (Oui).
Procédure civile — Violation de la loi par mauvaise application — Non communication de dossier au ministère public — Litige opposant des particuliers — Titre foncier de l’Etat — Rejet (Oui).
Est irrecevable, le moyen évoqué pour la première fois en cassation.
Ne sont pas reprochables du grief de la violation de la loi, les juges d’appel qui n’ont pas communiqué au ministère public un dossier opposant des particuliers et portant sur un domaine objet d’un titre foncier de l’Etat.
La Cour,
Vu l’acte n°88/20 du 27 juillet 2020 du greffe de la cour d'appel de Cotonou par lequel maître Théodore ZINFLOU, conseil de la succession de feu Ai B représentée par Ad B, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°091/20 rendu le 30 juin 2020 par la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu la loi n° 2020-08 du 23 avril 2020 portant modernisation de la justice ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi onze mars deux mil vingt-deux, le conseiller Vignon André SAGBO en son rapport ;
Ouï l'avocat général Saturnin Djidonou AFATON en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°88/20 du 27 juillet 2020 du greffe de la cour d'appel de Cotonou, maître Théodore ZINFLOU, conseil de la succession de feu Ai B représentée par Ad B, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l'arrêt n°091/20 rendu le 30 juin 2020 par la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Que par lettre n°0752/GCS du ''" février 2021 du greffe de la Cour suprême, le conseil de la demanderesse au pourvoi a été invité à consigner dans le délai de quinze (15) jours, sous peine de déchéance et à produire son mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1 et 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale administrative et des comptes ;
Que la consignation a été faite et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que seule maître Hélène KËÊKË AHOLOU a versé ses observations au dossier par lettre en date à Cotonou du 15 décembre 2021 ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi est respectueux des forme et délai légaux ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête du 27 août 1997, la collectivité X Z représentée par Y et Ak Z, a attrait par devant le tribunal de première instance de première classe de Cotonou, la collectivité A Ah AG représentée par Ac et Ag AG, pour s'entendre confirmer son droit de propriété sur les parcelles R, O, N, L, M, K, J, 1, C’, D’, E’,F, CG, HPJK et L’du lot 894 du lotissement de Al Ab ;
Que plusieurs intervenants volontaires se sont manifestés à l’instance, notamment Aa C et Ai B, tous acquéreurs de parcelles auprès de la collectivité A Ah AG et qui sollicitent la confirmation de leurs droits respectifs de propriété sur les parcelles acquises ;
Que le tribunal saisi, a rendu le 12 août 2003 le jugement n°034/2CB/03 par lequel le droit de propriété de la collectivité Z X a été reconnu sur le domaine litigieux ;
Que sur appel de Ag AG, Aa C et Ai B, la chambre civile de droit traditionnel de la cour d’appel de Cotonou a rendu le 12 août 2004, l’arrêt n°86/2004 par lequel le jugement entrepris a été confirmé en toutes ses dispositions ;
Que ledit arrêt a fait l’objet de trois pourvois en cassation suivant les actes numéros 34 et 35 du 08 juillet 2005 et 36 du 16 août 2005 du greffe de la cour d’appel de Cotonou ;
Que statuant sur le mérite de ces pourvois, la chambre judiciaire de la Cour suprême a, par arrêt n°15/CJ-CT rendu le 22 mars 2019, cassé et annulé en toutes ses dispositions, l’arrêt n°86/2004 du 12 août 2004 et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Cotonou autrement composée pour y être statué à nouveau ;
Que la juridiction de renvoi, évoquant et statuant à nouveau, a rendu le 30 juin 2020, l’arrêt n°091/20 par lequel elle a :
- constaté que les parties ont entendu mettre définitivement fin au litige qui les oppose sur le lot 894 du lotissement de Cotonou, sis à Af Ae par un accord constaté par procès-verbal
- homologué cet accord signé, à Cotonou le 02 décembre 2016, entre la succession Z X représentée par Aj X et la succession AG représentée par Aj A ;
- dit que ce protocole d'accord homologué acquiert force exécutoire d’une décision définitive et que la présente instance objet de la procédure n°112/RG-2016 est éteinte ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi par fausse application ou refus d’application en deux (02) branches
Première branche : refus d'application de la loi
Attendu qu’il est reproché à l'arrêt attaqué la violation de la loi par refus d'application de la loi en ce que les juges d'appel ont « homologué un accord intervenu entre particuliers sur un titre foncier appartenant à l'Etat mais dont l’existence n’a été révélée qu’en cours de procédure , cependant que l'accord intervenu ne viole pas de dispositions légales », alors que, selon la branche du moyen, l’article 397 du code foncier et domanial en République du Bénin énonce clairement que : «les dispositions du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, en ce qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions des articles ci-dessous, sont applicables aux contentieux relatifs à la protection des droits réels immobiliers » ;
Qu’en homologuant un accord intervenu sur un domaine immatriculé au nom de l'Etat, sans montrer qu’aucune disposition du code ne s’y oppose, la cour d'appel a violé la loi par refus d'application des dispositions de l’article 397 précité et expose de ce chef sa décision à cassation ;
Mais attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué, ni des pièces de la procédure que la question relative à l’appartenance à l’Etat du titre foncier dont sont issues les parcelles litigieuses ait été débattue devant les juges du fond ;
Qu'il s’agit d’un moyen évoqué pour la première fois en cassation ;
Que la branche du moyen est irrecevable ;
Deuxième branche : refus d’application de l’article 420 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes
Attendu qu'il est reproché à l’arrêt entrepris la violation de la loi par refus d'application des dispositions de l’article 420 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en ce que les juges de la cour d'appel de Cotonou, en dépit de l’existence au dossier du titre foncier n°438 de l’Etat couvrant le domaine litigieux d’où sont extraits les parcelles "r", "s", "sl" et "t", ont cependant constaté qu'il y a eu transaction entre les parties sur ledit domaine, permettant ainsi à Aa C de faire immatriculer en son nom les parcelles sus identifiées, alors que , selon la branche du moyen, « toutes les fois où l’ordre public, l'Etat ou les collectivités publiques sont intéressés, le ministère public, garant de la légalité, devrait recevoir communication du dossier » ;
Qu'en statuant ainsi qu’ils l’ont fait, sans avoir communiqué au préalable le dossier de la procédure au ministère public pour ses conclusions, les juges de la cour d'appel de Cotonou ont violé les dispositions de l’article 420 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes et exposent de ce chef leur décision à cassation ;
Mais attendu qu’il résulte des pièces du dossier que le litige oppose des particuliers et porte sur un domaine objet de titre foncier de l’Etat déjà morcelé et cédé à titre onéreux par l’Etat lui-même représenté par le ministre des finances ;
Que l’article 420 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes dont la violation est alléguée ne fait aucunement obligation aux juges du fond de communiquer au ministère public, les dossiers des litiges opposant des particuliers sur un titre foncier de l’Etat ;
Qu’en procédant comme ils l’ont fait en l’espèce, les juges d'appel ne sont pas reprochables du grief de la violation de la loi ;
Que la branche du moyen n’est pas fondée ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de la succession de feu Ai B représentée par Ad B ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu'aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
Michèle CARRENA ADOSSOU, conseiller à la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Vignon André SAGBO et Antoine Edah KENDE DAHOUE, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi onze mars deux mil vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus en présence de :
Saturnin Djidonou AFATON, avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, greffier, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Michèle CARRENA ADOSSOU Vignon André SAGBO
Le greffier.