AAG
N° 44/CA du Répertoire
N° 2016-05/CA1 du Greffe
Arrêt du 07 avril 2022
AFFAIRE :
Z Ad
- Maire de Cotonou
- GOUTIN Oké
- MEVI Véronique REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE ADMINISTRATIVE La Cour,
Vu la requête introductive d’instance valant mémoire ampliatif en date à Cotonou du 22 décembre 2015 enregistrée au greffe le 29 décembre 2015 sous le numéro 0975/GCS, par laquelle Z Ad, par l'organe de son conseil, maître Gustave ANANI CASSA, avocat au barreau du Bénin, a saisi la Cour suprême d'un recours en annulation de l'attestation de recasement (numéro illisible) en date du 06 décembre 2013, du certificat administratif de constatation de droits fonciers (numéro illisible) en date du 08 décembre 2013 et du certificat de mutation (numéro illisible) en date du 06 décembre 2013, délivré au profit de GOUTIN Oké et MEVI Véronique ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en République du Bénin modifiée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu les pièces du dossier ;
Le conseiller Edouard Ignace GANGNY entendu en son rapport et l’avocat général Nicolas Pierre BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Sur la compétence
Considérant que le requérant par l'organe de son conseil expose :
Que suivant convention de vente en date à Cotonou du 20 novembre 2009, Z Ad a acquis auprès de Y Ab, la parcelle de dimension 20 m sur 25 m, d'une superficie de 500 m° sise à Ac Af ;
Que cette cession a été consentie moyennant le paiement de la somme de deux millions cinq cent mille (2.500.000) francs ;
Que Y Ab, tient son droit de propriété de la collectivité B représentée par B Aa, suivant convention de vente en date du 16 mai 1981 ;
Que cette parcelle a été relevée lors des opérations de lotissement sur le numéro 4941 ;
Que A Ae, sous le couvert de son épouse, MEVI Véronique, a assigné le requérant par devant le président du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Cotonou, aux fins de cessation de troubles suivant procès-verbal de constat avec assignation en référé expulsion et en cessation de troubles en date du 18 juin 2015 ;
Qu'au soutien de ce trouble de jouissance, MEVI Véronique prétend que sa parcelle relevée à l'état des lieux sous le numéro 4398, a été recasée parcelle "M" et serait occupée par Z Ad ;
Qu'en réaction, Z Ad fait remarquer que sa parcelle relevée à l'état des lieux sous le numéro 4941 a été proposée au recasement sur la parcelle "Q" du lot 965 du lotissement de Ac Af ;
Qu'il a même fait intervenir dans la cause initiée, la commune de Cotonou qui n'a daigné déférer à cette assignation pour apporter la lumière sur la situation de son droit de propriété qui a été compromis par les actes pris par l'administration ;
Que MEVI Véronique soutient que la parcelle acquise et occupée depuis des lustres par Z Ad est la sienne et s'est fait délivrer l'attestation de recasement (numéro illisible) en date du 06 décembre 2013, le certificat administratif de constatation de droits fonciers (numéro illisible) en date du 08 décembre 2013 et le certificat de mutation (numéro illisible) en date du 06 décembre 2013 ;
Que les actes administratifs délivrés, l'ont été en violation des dispositions de l'article 351 et suivants de la loi n° 2013-01 en date du 13 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin dont il sollicite l’annulation ;
Qu’il a introduit un recours gracieux par lettre numéro GAC/DDH/26/08/450/2015 en date du 26 août 2015 au maire de la commune de Cotonou en rétractation des actes en cause ;
Que ledit recours est reçu par le maire le 31 août 2015 mais resté sans suite ;
Considérant que la mairie de Cotonou par lettre en date du 30 novembre 2021 soulève l’incompétence de la haute Juridiction, le litige portant sur les actes délivrés par l’administration municipale ;
Considérant que le recours est introduit en 2016, avant l’opérationnalisation des juridictions du fond ;
Que la Cour suprême est compétente pour connaître du présent recours ;
Sur la recevabilité du recours
Considérant que le recours a été introduit dans les forme et délai de la loi ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Sur le moyen tiré de la violation de la loi
Considérant que le requérant soutient que les divers actes administratifs ont été pris en violation de l'article 352 de la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin ;
Que cet article dispose : « Toute personne titulaire de l'un quelconque au moins des droits coutumiers susvisés et désireux de se Jaire délivrer un titre opposable qui constate l'existence et l'étendue de ses droits, adresse une demande au Bureau communal de l'organe en charge de la confirmation de droits fonciers aux fins de la reconnaissance formelle et écrite de ses droits ;
Le Bureau communal de confirmation de droits fonciers avec l'appui des structures communales et villageoises de gestion foncière, procède à une enquête publique et contradictoire sanctionnée par un procès-verbal à la suite duquel est délivrée une attestation de détention coutumière.
Cette procédure se déroule devant la section villageoise de gestion foncière dont dépend l'immeuble grevé desdits droits. Il peut être formé recours contre la décision de la section villageoise de gestion foncière devant le tribunal compétent après une tentative de conciliation à l'amiable.
Les chefs coutumiers qui règlent, selon la coutume, l’utilisation des terres par les familles ou les individus ne peuvent en aucun cas se prévaloir de leurs fonctions pour revendiquer d’autres droits sur le sol que ceux résultant de leur exploitation personnelle en conformité avec la coutume » ;
Qu'il ressort des dispositions de l'article 352 de la loi ci- dessus citée, que tant la personne qui entend se faire délivrer un acte opposable aux tiers comme la constatation des droits coutumiers que l'administration communale sont astreintes de satisfaire à des obligations légales ;
Que les prescriptions ci-dessus édictées sont la reprise des dispositions de l'article 4 alinéa 2 du décret n° 64- 276/PC/MFAEP/EDT du 02 décembre 1966 fixant le régime des permis d'habiter au Dahomey, qui met à la charge du maire une double obligation, qui consiste en une enquête auprès de la commission prévue à l'article 3 du décret susvisé et en un contrôle physique et préalable des lieux, dont le but est de vérifier si la parcelle pour laquelle le permis d'habiter est sollicité est libre de toute occupation ;
Que ce n'est qu'après avoir effectué ces formalités préalables permettant de savoir si les conditions obligatoires à remplir étaient réunies, que le maire pourra délivrer le permis d'habiter ou certificat administratif de constatation de droits fonciers ;
Qu'en l'espèce, il a matérialisé sa propriété par l'implantation d'une plaque d'identification depuis des lustres ;
Que par les agissements fautifs de l'administration, il se voit déposséder de sa parcelle au profit d'une tierce personne en violation de la loi ;
Considérant que le requérant sollicite l'annulation de l'attestation de recasement, du certificat administratif de constatation de droits fonciers et du certificat de mutation délivrés par le maire de Cotonou à GOUTIN Oké en date du 06 décembre 2013 dont les numéros sont illisibles ;
Considérant que dans ses conclusions orales suites à la production des registres et l’original de procès-verbal de compulsoire de maître Bernadin BOBOE, huissier de justice, le ministère public conclut en la forme à la recevabilité du recours et au fond de le rejeter ;
Considérant que par jugement ADD n°058/2°"° CH-DPF/19 du 03 décembre 2019, le tribunal statuant en matière civile de droit de propriété foncière a confirmé en premier ressort le droit de propriété de MEVI Véronique sur la parcelle M relevée à l’état des lieux sous le n° 4398 sise au quartier Ac Af et objet du certificat administratif en date du 17 septembre 2013 ;
Considérant que le directeur de l’C X National (IGN) confirme qu’à l’examen, la parcelle relevée à l’état des lieux sous le numéro 4398 à Yenawa-Daho par l’C X national (IGN) porte le nom de GOUTIN Oké et que la zone est déjà lotie ;
Considérant que le procès-verbal de compulsoire à la demande de Z Ad fait état de l’existence d’un certificat de constatation des droits fonciers du 06 décembre 2013 régulièrement enregistré ;
Considérant que le représentant de la mairie soutient que le certificat de constatation des droits fonciers ; l’attestation de recasement et l’attestation de mutation peuvent être délivrés concomitamment ;
Que contrairement aux allégations du requérant, ils ont été régulièrement délivrés et enregistrés par l’Administration conformément à la loi ;
Considérant que les registres de la commune de Cotonou, examinés en audience par la Cour portent bien les mentions de l’enregistrement de l’attestation de recasement, du certificat de mutation et du certificat de constatation des droits fonciers chacun des actes ayant fait l’objet de paiement des frais afférents au trésor public ;
Que le certificat administratif de constatation des droits fonciers établi le 10 septembre 2013 repose sur le paiement de frais de recasement EL n°4398 du lotissement Ac Af en date du 14 mai 2012 et du paiement des frais de bornage et des frais d’état des lieux à l’IGN ;
Que contrairement aux allégations du requérant un certificat de non litige délivré par le chef du quartier Ac Af et contresigné par le chef du 2°"° arrondissement et la publicité du certificat de constatation des droits dans le délai de trois mois ouvrait le droit à tous opposants de saisir le tribunal compétent ;
Que tous ces éléments sont autant de faisceau d’indices confirmés par l’inscription claire dans les registres fonciers de la mairie de Cotonou qui écartent définitivement l’allégation d’illisibilité de l’attestation de recasement, du certificat administratif de constatation des droit fonciers et du certificat de mutation ;
Sur le détournement de pouvoir
Considérant que le requérant soutient que l’autorité communale n’ayant pas associé la commission de recasement avant de délivrer les actes, alors que la zone n’étant pas encore recasée a commis un détournement de pouvoir ;
Qu'elle a agi dans un but autre que celui pour lequel l’acte pouvait être légalement accompli ;
Qu'elle a détourné son pouvoir de recaser tous les présumés propriétaires comme le requérant au profit du défendeur ;
Considérant que MEVI Véronique est recasée sur la parcelle EL n°4398 du lotissement Ac Af par suite d’une vente suivie de mutation entre elle et GOUNTI Oke, nommément désigné par l’C X national (IGN) ;
Que dès lors le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut prospérer ;
Qu’il y'a lieu de l’écarter ;
Sur la condamration des défendeurs à payer des dommages
intérêts
Considérant que l’administration n’a commis aucune faute pouvant l’entraîner à payer des dommages-intérêts aux défendeurs ;
Qu’il n’y a pas lieu de condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts ;
Qu'il y a lieu de rejeter le recours du requérant ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1“ : Est recevable, le recours en date à Cotonou du 22 décembre 2015 de Ad Z, tendant d’une part, à l'annulation de l'attestation de recasement, du certificat administratif de constatation de droits fonciers et du certificat de mutation délivrés au profit de GOUTIN Oké et MEVI Véronique, d’autre part, à la condamnation des défendeurs à la somme de dix millions (10.000.000) de francs à titre de dommages-intérêts ;
Article 2 : Ledit recours est rejeté ;
Article 3 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux parties et au procureur général près la Cour suprême.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre administrative) composée de :
Dandi GNAMOU, conseiller à la chambre administrative ;
PRESIDENT ;
Edouard Ignace GANGNY
Et CONSEILLERS ; Pascal DOHOUNGBO Et prononcé à l’audience publique du jeudi sept avril deux mille vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Nicolas Pierre BIAO, avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Gédéon Affouda AKPONE, GREFFIER ;
Et ont signé :
Le président, Lefrapporteur,
Pre Dandi GNAMOU Edouard Ignace GANGN
Le greffier,
Gédéon Affouda AKPONE