N°46/CJ-DF DU REPERTOIRE ; N°2020-107/CJ-DF DU GREFFE ; ARRET DU 06 MAI 2022 ; AFFAIRE : COLLECTIVITE C AG REPRESENTE PAR Z C AG B X CONTRE HERITIERS DE FEU Af A REPRESENTES PAR GUERIN MATHIEU EDJEKPAN.
Droit foncier — Violation de la loi — Application de la loi en vigueur au moment des faits — Cassation (Non).
Droit foncier — Violation de la loi — Absence d’indication du nom du représentant du ministère public — Cassation (Non).
N’est pas fondé, le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 761 du code des personnes et de la famille, dès lors que les juges du fond ont constaté que la vente du domaine litigieux de tenure coutumière a été réalisée bien avant la promulgation dudit code.
N’est pas fondé, le moyen tiré de la violation des dispositions des articles 526 et 530 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, dès lors que l’absence de l'indication du nom du représentant du ministère public n’est pas prescrite à peine de nullité.
La Cour,
Vu les actes numéros 69/20 et 71/20 des 15 et 22 juin 2020 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lesquels Z C AG B X et son conseil, maître Sèmiyou-Deen MOUSTAPHA, ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°080/20 rendu le 09 juin 2020 par la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu la loi n° 2020-08 du 23 avril 2020 portant modernisation de la justice ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi six mai deux mil vingt- deux, le conseiller Vignon André SAGBO en son rapport ;
Ouï l'avocat général Saturnin Djidonou AFATON en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant les actes numéros 69/20 et 71/20 des 15 et 22 juin 2020 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, Z C AG B X et son conseil, maître Sèmiyou-Deen MOUSTAPHA, ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°080/20 rendu le 09 juin 2020 par la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Que par lettres numéros 0051 et 0053/GCS du 06 janvier 2021 du greffe de la Cour suprême, le demandeur au pourvoi et son conseil ont été invités à consigner dans le délai de quinze (15) jours,
sous peine de déchéance et à produire leurs moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1” et 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été faite et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que maître Hélène KÉKÉ AHOLOU et la SCPA GAMA & Associés ont produit leurs observations ;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi n°69/20 du 15 juin 2020 a été élevé dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il convient de le déclarer recevable ;
Attendu que le pourvoi 71/20 du 22 juin 2020 quoique respectueux des forme et délai légaux, est irrecevable en raison du principe pourvoi sur pourvoi ne vaut ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, suivant l’arrêt attaqué, que Af A a acquis auprès de Ae Y suivant acte de vente du 20 janvier 1981, un domaine d’une superficie de dix (10) hectares et demi sis à Avlékété-Djèkindji, commune de Ouidah ;
Qu’au décès de son vendeur, la famille AG Y représentée par AG Y B et AG Y Ab l’ont attrait par devant le tribunal de première instance de deuxième classe de Ouidah en contestation de la vente intervenue entre son vendeur et lui ;
Que la juridiction saisie a, par jugement n°024/AC-1999 du 24 mars 2009, confirmé le droit de propriété de Af A sur le domaine querellé ;
Que la cour d’appel de Cotonou, statuant sur le mérite de l’appel interjeté par B Y AG, a rendu le 09 juin 2020 l’arrêt confirmatif n°080/20 ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de la violation des dispositions des articles 526 et 530 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des dispositions des articles 526 et 530 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en ce que « nulle part dans ledit arrêt il n’est indiqué qu’il a été rendu au nom du peuple béninois pas plus le nom du représentant du Ministère Public n’y est précisé tel que l’exige l'article 526 sus indiqué » alors que, selon le moyen, le défaut de ces mentions emporte vice de forme entachant la validité de l'arrêt ;
Que l’arrêt encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que l’article 530 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes, précise bien en son premier alinéa que « ce qui est prescrit par les articles 522, 524, 526 en ce qui concerne la mention du nom des juges, … doit être observé à peine de nullité » ; que donc seule la mention du nom des juges est prescrite à peine de nullité en ce qui concerne l’article 526 ;
Qu’en l’espèce, la mention du nom des juges figure à la première page de l'arrêt dans la rubrique composition de la Cour ;
Que s'agissant du nom du représentant du ministère public, l’article 526 prescrit qu’il soit indiqué dans la décision mais il ne s’agit pas d’une prescription à peine de nullité ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation des dispositions l’article 761 du code des personnes et de la famille
Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 761 du code des personnes et de la famille en ce qu’il a confirmé le droit de propriété de Af A sur le domaine de superficie d’environ dix (10) hectares et demi sis à Ac Aa aux motifs que non seulement les nommés Y Af et Y Ab étaient présents lors de l’établissement de la convention mais que Z AI, Z AH, Z AJ, tous chefs de famille et surtout Z C Ad, chef de la collectivité AG Y, ont donné leur consentement à la vente dudit domaine, alors que, selon le moyen, « tout indivisaire qui entend céder à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision, tout ou partie de sa part dans les biens indivis ou dans l’un de ses biens, est tenu de notifier à ses co-indivisaires et au gérant, par acte extrajudiciaire, le prix et les conditions de la cession projetée ;
Tout co-indivisaire peut, dans le délai d’un mois qui suit cette notification, faire connaître au cédant, par acte extrajudiciaire qu’il exerce un droit de préemption aux prix et condition qui lui ont été notifiés ;
Est nulle toute cession consentie par un indivisaire à une personne étrangère à l’indivision en violation des prescriptions du présent article. L'action en nullité ne peut être exercée que par les co-indivisaires du cédant » ;
Qu’ayant procédé comme ils l’ont fait, les juges d’appel exposent leur décision à cassation ;
Mais attendu qu’en l’espèce, la vente du domaine litigieux a été réalisée le 20 janvier 1981, bien avant la promulgation du code des personnes et de la famille ;
Que « la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n’a point d’effet rétroactif » ;
Qu'il est un principe de droit que la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée sous l’empire d’une loi ancienne et dans le respect de celle-ci ;
Que le domaine litigieux est de tenure coutumière et la vente opérée régie par le droit coutumier du Dahomey ; que selon le coutumier du Dahomey pour être régulière, la vente doit être opérée par le chef de la collectivité familiale après autorisation du conseil de famille ; que Af A a acquis le domaine litigieux auprès de la collectivité AG Y avec l’accord des chefs de famille représentants les différentes branches composant la collectivité ADJOVI y compris l’accord de Dah Ad C, chef de la collectivité ;
Que cette vente est parfaite au regard du coutumier du Dahomey en vigueur au moment des faits et que c'est à bon droit que les juges du fond ont confirmé le droit de propriété du défendeur ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation de l’article 763 du code des personnes et de la famille
Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 763 du code des personnes et de la famille en ce que pour confirmer le droit de propriété de Af A sur le domaine successoral indivis acquis auprès de Y Ae, la cour d’appel a jugé que la vente en cause est opposable aux autres co-indivisaires alors que, selon le moyen, « toute cession par un indivisaire, soit à un co-indivisaire, soit à une personne étrangère à l’indivision doit pour être opposable aux autres co-indivisaires et au gérant, leur être signifiée ou être acceptée par eux » ; que pour avoir validé la vente opérée par Y Ae alors même qu’il ne l’a pas signifié à ses co- indivisaires ou que ceux-ci ne l’ont pas accepté, l’arrêt de la cour d'appel encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu qu’en énonçant dans leur motivation que « par ailleurs qu’il apparaît que la convention de vente en date du 20 janvier 1981 a été signée non seulement par Ae Y mais par Z AI, Z AJ et AH C, les autres chefs de familles de la collectivité HOUNWANOU contrairement aux déclarations de l'appelant ;
Qu'il résulte de ces éléments que le domaine en cause a été régulièrement acquis par Af A auprès de Ae Y et sur le consentement des autres membres de la collectivité C AG » ;
Que les juges de la cour d'appel de Cotonou ne sont pas reprochables du grief de la violation de la loi ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen tiré de la violation de la loi
Attendu qu'il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en ce qu'il a validé une vente décidée par un seul co-indivisaire en l’absence d’une décision du conseil de famille, alors que, selon le moyen, «la vente d’un immeuble coutumier requiert obligatoirement le consentement du conseil de famille dès lors que le caractère indivis du bien est acquis, le droit coutumier consacrant le caractère collectif de la propriété foncière et rendant indispensable, nécessaire et obligatoire la décision du conseil de famille avant tout acte de disposition des terres appartenant à plusieurs personnes » ;
Qu’ayant décidé ainsi qu’ils l’ont fait, les juges d'appel exposent leur décision à cassation ;
Mais attendu que ce moyen tend à déférer à la haute Juridiction les faits souverainement appréciés par la juridiction du fond ;
Que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
En la forme ;
Déclare irrecevable le pourvoi n°71/20 du 22 juin 2020 formé par Z C AG B X ;
Reçoit le pourvoi n°69/20 du 15 juin 2020 introduit par maître Sèmiyou-Deen MOUSTAPHA pour le compte de la collectivité C AG.
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de la collectivité C AG représentée par Z C AG B X ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu'aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d'appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Vignon André SAGBO et Goudjo Georges TOUMATOU, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi six mai deux mil vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Saturnin Djidonou AFATON, avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Innocent AVOGNON Vignon André SAGBO
Le greffier.