N°48/CJ-DF DU REPERTOIRE ; N°2021-60/CJ-DF DU GREFFE ; ARRET DU 06 MAI 2022 ; AFFAIRE : A B Y CONTRE Ab X.
Droit foncier — Excès de pouvoir des juges (Non) — Appréciation souveraine des faits et preuves (Oui) _ Irrecevabilité.
Droit foncier — Violation du principe d’égalité de traitement des parties au procès — Défaut de caractérisation — Irrecevabilité.
Droit foncier — Violation de la loi — Objet du litige — Examen des pièces du dossier — Convention de vente — Irrecevabilité.
Droit foncier — Violation de la loi par fausse qualification des faits (Non) — Appréciation souveraine des faits (Oui) — Irrecevabilité.
Est irrecevable, le moyen tiré de l’excès de pouvoir des juges du fond dès lors que ceux-ci ont fait une appréciation souveraine des faits et des preuves exhibées par les parties.
Est irrecevable, le moyen tiré de la violation du principe de l’égalité de traitement des parties au procès dès lors qu’il ne caractérise pas en quoi cette rupture d’égalité a consisté.
Ne s’écartent pas de l’objet de leur saisine, les juges du fond qui examinent chacune des conditions de vente immobilière versées au dossier pour en vérifier l’authenticité.
Est irrecevable, le moyen tiré de la violation de la loi par fausse qualification des faits, dès lors que les juges du fond ont fait une appréciation souveraine des faits.
La Cour,
Vu l’acte n°57/21 du 22 février 2021 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel A B Y a déclaré élever pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°015/1CH-DPF-21 rendu le 16 février 2021 par la première chambre de droit de propriété foncière de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu la loi n° 2020-08 du 23 avril 2020 portant modernisation de la justice ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi six mai deux mil vingt- deux, le conseiller Goudjo Georges TOUMATOU en son rapport ;
Ouï l'avocat général Saturnin Djidonou AFATON en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°57/21 du 22 février 2021 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, A B Y a déclaré élever pourvoi en cassation contre toutes les dispositions de l’arrêt n°015/1CH-DPF-21 rendu le 16 février 2021 par la première chambre de droit de propriété foncière de cette cour ;
Que par lettres numéros 4770/GCS et 4771/GCS du 28 juin 2021 du greffe de la Cour suprême, le demandeur au pourvoi et son conseil ont été invités à consigner dans le délai de quinze (15) jours, sous peine de déchéance et à produire leurs moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1° et 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été faite et les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que par lettre en date à Cotonou du 28 mars 2022, le cabinet des frères C et AÏHOU a versé ses observations au dossier ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi est respectueux des forme et délai légaux ;
Qu'il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête en date à Ouidah du 25 juin 2001, Ab X a saisi le tribunal de première instance de deuxième classe de Ouidah d’une action en confirmation de droit de propriété contre B A Y ;
Que le tribunal saisi a, suivant jugement contradictoire n°28/AC1-08 du 22 septembre 2008, entre autres, confirmé le droit de propriété de Ab X sur le domaine litigieux d’une superficie de 02 hectares ;
Que sur appel, la cour d'appel de Cotonou a, par arrêt n°015/1CH-DPF-21 rendu le 16 février 2021, confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de l’excès de pouvoir des juges du fond
Attendu qu’il est reproché à l'arrêt attaqué l’excès de pouvoir des juges du fond en ce qu'ils ont écarté des débats les trois
AGBANGLANON au point même de les déclarer nulles et de nuls effets, alors que, selon le moyen, et de jurisprudence constante, les actes sous seing privé comme c’est le cas en l'espèce, ne sont soumis pour leur validité à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s’obligent ;
Qu’en statuant ainsi qu’ils l’ont fait, alors même que l’authenticité et la validité des conventions n’ont jamais été remises en cause au moyen d’une procédure en faux, les juges d’appel ont commis un excès de pouvoir et exposent leur décision à cassation ;
Mais attendu que dans l’appréciation souveraine des faits et des preuves exhibées par les parties, les juges du fond sont seuls habilités à décider de retenir ou d’écarter telle ou telle pièce produite par les parties au soutien de leurs prétentions et à décider que certaines ne sont pas indispensables à forger leur religion ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi par
refus d’application
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi par refus d'application en ce que, pour rejeter la demande de vérification des signatures, les juges d’appel ont retenu que « Y B, AGBANGLAGNON Cosme Patrice et trois autres ne mettent pas la cour de céans en état de statuer convenablement sur leur incident de vérification d’écriture », alors que, selon le moyen, en scrutant lesdites conventions de vente, il est aisé de constater qu’elles contiennent les mentions dont s’agit ;
Que c’est à tort que les juges du fond se sont refusé à procéder à la comparaison des signatures ainsi que prévue par la loi et qu’ils exposent de ce chef leur décision à cassation ;
Mais attendu que dans son développement, le moyen n’indique pas la loi dont la violation par refus d’application est alléguée ;
Qu'il tend plutôt à remettre en discussion devant la haute Juridiction les éléments de fait souverainement appréciés par les juges du fond ;
Qu'il est irrecevable ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation du principe de l’égalité des citoyens devant la loi
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé le principe de l’égalité des citoyens devant la loi et d’avoir accordé un traitement inégalitaire aux parties litigantes, en ce que, les juges du fond ont, d’une part, écarté des débats les conventions de ventes produites par les héritiers de Aa Y et d'autre part, confirmé le droit de propriété de Ab X sur la base de sa convention de vente en date du 06 septembre 1977 apparemment nulle parce que ne contenant ni la situation géographique, ni les superficies, ni les limitrophes du domaine vendu pendant que lesdites mentions sont prescrites à peine de nullité ;
Que par ailleurs, les juges d’appel ont préféré retenir le témoignage des héritiers minoritaires au détriment des héritiers majoritaires ;
Que leur décision encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que les demandeurs, dans le développement du moyen ne caractérisent pas en quoi a consisté l'inégalité ou la rupture d’égalité dans le traitement des parties au procès ;
Qu'’à l'analyse, le moyen tend plutôt à remettre en débat devant la haute Juridiction des éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond ;
Qu'il est irrecevable ;
Sur le quatrième moyen tiré de la violation de la loi par
fausse application
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi par fausse application en ce qu’il a statué ultra petita sur l’appréciation de l’authenticité et de la validité des pièces versées au dossier par le demandeur au pourvoi, alors que, selon le moyen, les dispositions des articles 5 et 6 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes prévoient que l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties contenues dans l’acte introductif d’instance et les observations ou conclusions en défense ;
Que le juge est tenu de se prononcer sur tout ce qui est demandé et uniquement sur ce qui est demandé ;
Que tel n’est pas le cas en l’espèce puisque les juges d'appel sont sortis du cadre de leur saisine pour se prononcer sur la validité et l'authenticité de toutes les conventions de vente versées au dossier uniquement pour une comparaison de signatures ;
Que leur décision encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que c'est sans s'écarter de l’objet de leur saisine que les juges d’appel ont examiné les conventions de vente dont s’agit pour aboutir à en retenir l’une et constater que les autres ne sont pas authentiques ;
Que ce faisant, ils ont procédé à une bonne application de la loi et ne sont pas reprochables du grief articulé ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen tiré de la violation de la loi par
fausse qualification des faits
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi par fausse qualification des faits, en ce qu’il a, pour rejeter la procédure de faux incident et confirmé le droit de propriété de Ab X sur la parcelle litigieuse, dit « que les appelants ont produit comme pièce de comparaison de signature, trois conventions de vente dont deux sans date et la troisième en date du 24 juin 1979», alors que, selon le moyen, toutes les trois conventions produites sont datées, la première du 14 novembre 1976, la deuxième du 24 juin 1979 et la troisième du 14 septembre 1983 ;
Que la cour d’appel a préféré retenir la convention produite par le défendeur au pourvoi alors même que la validité ou l’authenticité de celle-ci est contestée ;
Que pour lui faire bénéficier de la prescription de l’article 30 du code foncier et domanial, l’arrêt dont pourvoi mentionne que : « HOUNKPE Antoine a acquis son domaine le 06 septembre 1977 de Aa Y qui est décédé en 1994, alors que, selon le moyen, c’est en 2001 que l'appelant a commencé par élever des contestations relativement au droit de propriété de l'intimé, soit plus de vingt (20) ans de jouissance et d’occupation paisibles et non interrompues du domaine » ;
Que cependant, Aa Y n’est pas décédé en 1994 mais plutôt en 1984 comme en témoigne son acte de décès ; Que la cour d'appel a manifestement fait une mauvaise interprétation des faits et que l’arrêt encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que le moyen ne présente à juger que les éléments de fait souverainement appréciés par les juges du fond ;
Qu'il est irrecevable ;
Sur le sixième moyen tiré de la contradiction de motifs Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la contradiction de motifs, en ce qu'à la page 12, il y est mentionné : « que dans le cas d'espèce, le droit dont se prévaut Ab X et fondé sur la convention de vente dont l’original lui a été arraché par Y B qui l’a ensuite violenté avant de le faire garder à vue au commissariat.» et à la page 15 que «
HOUNKPE Antoine a acquis son domaine le 06 septembre 1977 de Aa Y qui est décédé en 1994, alors que c’est en 2001 que l’appelant a commencé par élever des contestations relativement au droit de propriété de l'intimé, soit plus de vingt (20) années de jouissance et d'occupation paisibles et non interrompues du domaine » ;
Que ces deux constatations sont contradictoires et s'annihilent puisque l’une admet qu’il y a eu violence entre les parties à propos du domaine litigieux alors que l’autre parle de jouissance et d'occupation paisibles ;
Que l’arrêt, du fait de cette contradiction, encourt cassation ; Mais attendu que le même arrêt indique par ailleurs que depuis l’acquisition de la parcelle en 1977, l’occupation et la jouissance ont été paisibles jusqu’en 2001 où surgirent des troubles multiformes dont la confiscation de l’original de la convention de vente et les interpellations policières.
Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, l’arrêt attaqué n’est pas reprochable de contradiction de motifs ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge de A B Y ;
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême ainsi qu'aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d'appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre
judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ;
Vignon André SAGBO et Goudjo Georges TOUMATOU, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi six mai deux mil vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Saturnin Djidonou AFATON, avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Mongadji Henri YAÏ, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON _ Goudjo Georges TOUMATOU
Le greffier.