N°69/CJ-P DU REPERTOIRE ; N°2020-62/CJ-P DU GREFFE ; ARRET DU 26 AOÛT 2022 ; AFFAIRE : Aq AI, Aj A (MES VICTORIEN FADE, AG B, VALENTIN AKOHA ET GENERICK s
JUDICIAIRE DU TRESOR (AJT).
Procédure pénale — Décision de condamnation en première instance — Appel devant une juridiction ordinaire — Transfert de la procédure au procureur spécial près la CRIET — Compétence de la CRIET — Principe «non bis in idem » - Violation (non) — Rejet
Procédure pénale — Pourvoi en cassation — Principe « testis unus testis nullus » - Violation - Aveux — Libre appréciation des juges du fond — Rejet
Droit pénal — Violation de la loi - Abus de fonction — Intention coupable — Actes posés délibérément et en pleine conscience — Code général des impôts (TVA) — Infraction suffisamment caractérisée - Rejet
Ne violent pas le principe « non bis in idem », les juges de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) qui, bien que ne constituant pas une juridiction du second degré, ont statué à A nouveau, sur transmission du dossier par le procureur général près une cour d’appel ordinaire saisie, en appel d’une décision de condamnation en première instance, dès lors que les dispositions de l’article 20 de la loi n° 2018-13 du 2 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n° 2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire et création de la CRIET, prescrivent que les procédures en cours relevant de la compétence de cette juridiction spéciale doivent être transférées à son procureur spécial pour continuation.
Ne violent pas le principe « testis unus testis nullus », les juges du fond qui se sont déterminés, notamment, sur les aveux des prévenus, laissés à leur libre appréciation.
Caractérisent suffisamment l’infraction d’abus de fonction et procèdent à une saine application de la loi, les juges du fond qui ont constaté que l’intention coupable des mis en cause procède de ce qu’ils ont délibérément et en « pleine conscience », agi en violation des dispositions du code général des impôts sur le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
La Cour,
Vu l’acte n°19 du 25 juin 2019 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), par lequel maître Victorien Olatoundji FADE, conseil de Aq AI et de Aj A, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°20/2C. Cor rendu le 24 juin 2019 par la deuxième chambre correctionnelle de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême applicable au moment de l'instruction ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême applicable au moment de l'instruction ;
Vu la loi n° 2022-10 du 27 juin 2022 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2022-12 du 05 juillet portant règles de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 26 août 2022 le conseiller Vignon André SAGBO en son rapport ;
Ouï l’avocat général Nicolas BIAO en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°19 du 25 juin 2019 du greffe de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), maître Victorien Olatoundji FADE, conseil de Aq AI et de Aj A, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°20/2C. Cor rendu le 24 juin 2019 par la deuxième chambre correctionnelle de cette cour ;
Que suivant l’acte n°025 du 25 juin 2019 du même greffe, Aq AI et Aj A assistés respectivement de maîtres Valentin AKOHA, Générick S. AHOUANGONOU et Hervé GBAGUIDI ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions du même arrêt ;
Que par lettres numéros 6325, 6326 et 6704/GCS des 19 novembre et 07 décembre 2020, les conseils des demandeurs au pourvoi ont été invités à produire leurs moyens de cassation dans le délai d’un (01) mois conformément aux dispositions des articles 12 et 13 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Que les mémoires ampliatifs et en défense ont été produits ;
EN LA FORME
Attendu que les présents pourvois ont été introduits dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il convient de les déclarer recevables ;
AU FOND Faits et Procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 30 octobre 2017, la direction générale des impôts a organisé une séance de rapprochement de comptes avec la direction générale de la Société Béninoise des Eaux du Bénin (SONEB) pour dégager les dettes et les créances mutuelles des deux (02) structures, suite à l’avis de mise en recouvrement et du commandement de payer à l'Etat la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) du mois de juillet 2016, délaissé par le receveur principal des impôts à la SONEB ;
Qu'il est apparu qu’à partir de ce moment, le directeur général de la SONEB, Aq AI a commencé par confectionner et émettre chaque mois sur sa société, après la déclaration de TVA faite par Ab Ad AH, chef du service des dettes fiscales, en complicité avec l'expert fiscaliste recruté, Aa Ak Am Y et le directeur financier, Aj A, des avis de mise en recouvrement suivi de commandements de payer la TVA à l’Etat ; que lesdits documents produits pour justifier le paiement partiel de la TVA se sont révélés faux ;
Que les investigations approfondies menées ont permis de déceler la machination orchestrée en violation du code général des impôts par le directeur général et le directeur financier, cosignataires des chèques tirés sur les comptes bancaires de la SONEB pour un paiement fictif de la TVA due au titre de la consommation d’eau par les administrations publiques estimée à 339.063.807 F CFA ;
Que la caissière Al Ai Ag C qui opérait les retraits successifs de fonds pour les remettre à Aa Y, s’est opposée au maniement des fonds de la banque ; qu’elle a été contournée par Aq AI, Aj A et Aa Y qui, ont créé une société dénommée « Af Ar Ae and Partners Consulting » en abrégé « DGTPC » pour recevoir les fonds, créant ainsi une confusion avec la DGTCP entendue Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique ;
Que par procès-verbaux d’interrogatoire de flagrants délits en date du 07 novembre 2017, le procureur de la République près le tribunal de première instance de première classe de Cotonou a traduit devant le tribunal de première instance de Cotonou statuant en matière correctionnelle, pour y être jugés, Aq AI, Aj A, Ab Ad AH, Ah An Aa Y et Ai Ag C pour abus de fonction, fausse attestation et complicité ;
Que la juridiction saisie a rendu le jugement contradictoire n°156/1FD-18 du 12 juin 2018 par lequel, après avoir relaxé purement et simplement les prévenus Ai Ag C et Ab Ad AH pour infractions non constituées, a entre
HOUNHANOU à 12 mois d'emprisonnement ferme pour complicité d'abus de fonction et de fausse attestation ;
Retenu Aq AI et Aj A dans les liens des préventions d’abus de fonction et de complicité de fausse attestation ;
Condamné chacun à trente-six (36) mois d'emprisonnement ferme, à un million (1 000 000) FCFA d’amende ferme et aux frais ;
Reçu la constitution de partie civile de l'Etat béninois et condamné solidairement les prévenus Aq AI, Aj A et Aa Y à lui payer la somme de quatre cent millions (400 000 000) FCFA au titre de dommages- intérêts pour toutes causes de préjudice confondues ;
Ordonné la mainlevée sur le compte n°001630190017 ouvert à la Bank Of Africa (BOA) au nom de Ai Ag C ainsi que sur les comptes ouverts au nom de Ab Ad AH dans les différentes banques installées sur le territoire béninois ;
Ordonné la restitution au profit des enfants et de dame Ao X épouse Aa Am Ak Y des ordinateurs de marques HP et Ac et du véhicule de marque BMW immatriculé BM 2191 RB sur présentation des titres de propriété desdits objets ;
Ordonné la restitution au prévenu Aa Ah An Ap Y du téléphone portable Iphone lui appartenant ;
Rejeté la demande de restitution de véhicule de marque Range Rover immatriculé BG 1605 RB et le confisque au profit du Trésor public ;
Ordonné la confiscation et la distraction au profit du Trésor public des avoirs des comptes ouverts au nom de Aa Ah An Ap Y dans les banques installées au Bénin, jusqu’à concurrence du montant des dommages-intérêts à payer solidairement avec Aq AI et Aj A ;
Rejeté également les demandes de restitution de véhicule formulées par Aq AI et Aj A!I et ordonne la confiscation au profit de l'Etat béninois des véhicules Range Rover immatriculé BG 6332 RB et HONDA ACCORD immatriculé BK 1116 RB ;
Ordonné enfin la distraction au profit de l'Etat béninois des avoirs des comptes ouverts dans différentes banques aux noms de Aq AI et Aj A jusqu’à concurrence du montant des dommages-intérêts qu'ils doivent payer
HOUNHANOU ;
Fixé la durée de contrainte par corps à trois (3) mois pour les frais, trois (3) mois pour les amendes et au maximum pour les dommages-intérêts » ;
Qu’avant l'instance d’appel devant la cour d'appel de Cotonou, la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), est entrée en vigueur, attribuant à la CRIET aux termes des dispositions de son article 5, la compétence de juger les infractions économiques ;
Qu’en vertu des dispositions de l’article 20 de ladite loi, le procureur général près la cour d’appel de Cotonou a, par réquisition du 20 septembre 2018, transmis la procédure au procureur spécial près la CRIET pour la poursuite du jugement ;
Que la CRIET par arrêt n°20/2C. Cor rendu le 24 juin 2019 a, infirmé partiellement le jugement n°156/1FD-18 du 12 juin 2018 du tribunal de première instance de Cotonou, en ce qu’il a condamné les prévenus Aq AI et Aj A à trente-six (36) mois d'emprisonnement ferme et à un million (1.000.000) de F CFA d’amende ferme, puis évoquant et statuant à nouveau, a condamné chacun des prévenus Aq AI et Aj A à dix (10) ans d’emprisonnement ferme et à cinq millions (5.000.000) de F CFA d’amende ferme et confirmé en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Moyens de cassation de maîtres Valentin AKOHA, Générick AHOUANGONOU et Victorien FADE, conseils de Aq AI et Aj A
Sur le moyen unique de maître Victorien FADE tiré de la violation de la loi en quatre (04) branches
Première branche : mauvaise interprétation de la loi
Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi par mauvaise interprétation de la loi en ce que pour retenir l'infraction d’abus de fonction contre Aq AI et Aj A, la CRIET a dégagé les conditions de la commission de l’infraction notamment : être un agent public agissant dans l’exercice de ses fonctions et accomplissant consciemment un acte en violation de la loi afin d’en tirer un avantage pour soi-même ou pour un tiers consécutivement à l’acte illégal, alors que, selon la branche du moyen, les prévenus ont véritablement agi dans l'ignorance ou la mauvaise interprétation de la loi suite aux conseils du fiscaliste Aa Y, recruté pour les besoins de la cause par la SONEB ; que l’intention délictuelle fait défaut ; que dès lors, l’on ne peut reprocher aux prévenus d’avoir agi en violation de la loi ;
Que l’arrêt attaqué encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que la SONEB est une société créancière de l'Etat au titre des coûts de consommation d’eau des administrations publiques et bénéficie à ce titre d’un privilège que n’ignorent guère le directeur général Aq AI et le directeur financier Aj A ;
Qu'en mentionnant dans leur motivation « que l'intention coupable procède de ce que, bien que s’étant opposé au paiement de la TVA, en violation des dispositions de l’article 230 du code général des impôts, par lettre datée du 19 août 2016 soumise à sa signature par le directeur financier, le directeur général, a malgré cela agi en violation de ladite loi ; qu’en procédant comme ils l’ont fait, ils avaient pleine conscience de ce qu'ils étaient en train de violer la loi, de commettre donc des infractions», les juges de la CRIET ont fait une saine application de la loi ;
Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;
Deuxième branche : mauvaise interprétation des articles 22 et 161 du code pénal
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la mauvaise interprétation des dispositions des articles 22 et 161 du code pénal en ce que les juges de la CRIET ont donné un autre sens auxdits articles, alors que, selon la branche du moyen, la fausse attestation, altération frauduleuse de la vérité faisant état des faits matériellement inexacts à la lumière de l'arrêt, n’existe pas d'autant que l’ouverture de compte a respecté en l’espèce les pratiques édictées en matière bancaire ; que l’élément matériel de l’infraction alléguée fait défaut dans la motivation de la CRIET ; qu’en conséquence, il ne saurait y avoir complicité ;
Que l’arrêt de la CRIET encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que le complice est celui qui, entre autres, par aide ou assistance, fourniture de moyens, facilite la préparation ou la consommation d’une infraction, sans en réaliser lui-même les éléments constitutifs, ou encore provoque une infraction ou donne des instructions pour la commettre ;
Qu’en énonçant que « lorsque la prévenue Al Ai C a commencé par s'opposer à aller encaisser de fortes sommes d'argent pour les remettre en espèce à Aa Y, le prévenu Aq AI lui a demandé de trouver un autre moyen de continuer la forfaiture ;
Que c’est dans ces conditions que le prévenu Aa Y a ouvert le faux compte du trésor ;
Qu'aussitôt que ce compte a été ouvert à UBA Bank, les prévenus Aq AI et Aj A qui avaient jusque-là tiré les chèques sur Z, ont commencé par tirer les autres chèques sur cette banque et précisément sur ce faux compte de trésor avec l'inscription du faux acronyme de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique ; que tout cela dénote de l'entente préalable qu'il y a entre les prévenus Aq AI et Aj A et leur co-prévenu Aa Y, auteur de la fausse attestation qui a bénéficié de leurs instructions à cet effet », les juges de la CRIET ont fait une saine application de la loi et ne sont pas reprochables du grief allégué ;
Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;
Troisième branche : Violation de la loi relativement au quantum de la peine
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de la loi en ce que la CRIET a élevé le quantum de la peine déjà prononcée par le premier juge à dix (10) ans d’emprisonnement ferme sans se référer aux réquisitions du ministère public, alors que, selon la branche du moyen, la cour devrait s'en tenir aux observations du ministère public qui a réitéré ses réquisitions de trente-six (36) mois d'emprisonnement ferme ;
Qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges de la CRIET font encourir cassation à leur décision ;
Mais attendu que l’article 532 du code de procédure pénale dispose que « la cour peut sur appel du ministère public, soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou partie dans un sens favorable ou défavorable au prévenu » ;
Que l’article 53 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, punit l'infraction d’abus de fonction de 5 à 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 2 000 000 à 5 000 000 FCFA ;
Que le juge n’est pas lié par les réquisitions du ministère public ;
Qu’ayant ainsi statué, les juges de la CRIET ne sont pas reprochables du grief allégué ;
Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;
Quatrième branche : Violation de l’article 27 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt dont pourvoi, la violation des dispositions de l’article 27 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin en ce que pour confirmer le jugement querellé, la CRIET a dit et jugé que « ni le ministère public, ni les prévenus n’ont contesté les peines complémentaires », alors que, selon la branche du moyen, les prévenus ont plaidé devant cette même Cour, l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions sous entendant le quantum de la peine et les autres condamnations accessoires dont les confiscations ;
Qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges de la CRIET ont méconnu les dispositions de l’article 27 de la loi ci-dessus visée et exposent leur décision à cassation ;
Mais attendu qu’aux termes de l'alinéa 1“ de l’article 27 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 « à toute étape de la procédure, le juge d'instruction ou la juridiction de jugement saisi soit d'office, soit sur réquisition du ministère public prononce le gel, la saisie ou la confiscation… » ;
Qu'il s’induit que le prononcé des peines accessoires ou complémentaires relève de l'appréciation souveraine du juge du fond ;
Qu’en confirmant les peines complémentaires déjà prononcées par le premier juge, la CRIET a fait une saine application de la loi ;
Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;
Sur les moyens de cassation de maître Valentin AKOHA
Premier moyen tiré de la violation de la loi par refus d’application en quatre (04) branches
Les trois (03) premières branches réunies : Violation des règles de procédure
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué :
- d’une première part, d’avoir admis la compétence de la CRIET en ce que l’article 5 de la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin modifiée et création de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) attribue compétence à la Cour pour juger des infractions économiques, alors que, selon cette branche du moyen, les jugements frappés d’appel ne peuvent être attaqués que devant la cour d’appel territorialement compétente ;
- que le moyen tiré de l’incompétence est d’ordre public et peut être soulevé pour la première fois devant la cour de cassation ;
Qu’en statuant sur les faits reprochés aux prévenus, les juges de la CRIET ont violé les dispositions des articles 509 du code de procédure pénale et 59 nouveau de la loi précitée et leur décision encourt cassation de ce chef ;
- d’une deuxième part, d’avoir violé les dispositions de l’article 17 de la loi précitée en ce que les juges de la CRIET ont statué à la suite d’une saisine irrégulière du procureur général, alors que, selon cette branche du moyen,le procureur général n’a aucune prérogative pour transmettre une affaire pendante devant la cour d'appel au procureur spécial ;
Que les juges de la CRIET, pour n’avoir pas décliné leur compétence et ordonné le retour de la procédure au procureur général pour que l'affaire soit examinée et jugée par la cour d’appel de Cotonou, font encourir cassation à leur décision ;
- d’une troisième part, d’avoir violé la règle « non bis in idem » en ce que la CRIET qui n’est pas une juridiction de second degré, a connu à nouveau du dossier, alors que, selon cette branche du moyen, seule une cour d'appel pouvait connaître encore de l’examen de cette procédure déjà vidée par le tribunal de première instance de première classe de Cotonou, en l’occurrence, la cour d'appel de Cotonou ;
- Qu’en rendant leur décision qui a trait aux mêmes faits et griefs, les juges de la CRIET ont méconnu la règle « non bis in idem » et exposent leur décision à cassation ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 5 de la loi n°2018-13 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin, la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) est une juridiction nationale avec compétence exclusive pour connaître entre autres, des crimes économiques ;
Que l’article 20 de la même loi dispose : « dès l'installation de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), les procédures relevant du domaine attribué à sa compétence dont l'enquête ou l'instruction seraient en cours devant les juridictions compétentes sont, sur réquisitions des représentants du ministère public compétent, transférées au procureur spécial de la cour pour continuation, selon le cas, de l'enquête de parquet par le procureur spécial, de l'instruction par la commission de l'instruction, du règlement du contentieux des libertés et de la détention par la chambre des libertés et de la détention et du jugement par la cour » ;
Qu'il s’infère de ces dispositions que toutes les procédures, en cours devant les juridictions ordinaires et non encore sanctionnées par une décision insusceptible de voies de recours sont transférées à la CRIET lorsqu’il s'agit de matières relevant de sa compétence ;
Que la saisine de la CRIET par le procureur général près la cour d'appel de Cotonou est régulière au sens de l’article 20 précité ;
Que c'est à bon droit que la CRIET a retenu sa compétence ;
Que le moyen en ses trois premières branches réunies n’est pas fondé ;
Quatrième branche : Violation du principe juridique testis unus testis nullus
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation du principe « testis unus testis nullus » en ce que la cour n’a pu faire sa conviction pour entrer en condamnation contre Aq AI qu’uniquement sur les déclarations du co-prévenu Aa Y alors que, selon la branche du moyen, « Aa Y a non seulement beaucoup varié dans ses déclarations mais a dit assez de contre-vérités »;
Mais attendu qu’au sens des dispositions de l’article 447 du code de procédure pénale « le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui » ;
Que l’aveu, comme tout élément de preuve est laissé à la libre appréciation du juge ;
Qu'en mentionnant par ailleurs dans leur motivation « qu’en l’espèce, les deux prévenus ont prétendu avoir payé la TVA dans des conditions de violation des dispositions de l’article 230 du code général des impôts … ;
Qu’à l’audience du 24 juin 2019, les deux prévenus Aq AI et Aj A ont reconnu, après avoir été interpellés sur le sens des dispositions ci-dessus citées, être édifiés sur l’ilégalité des paiements de TVA qu'ils avaient faits », les juges de la CRIET ont justement décidé ;
Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;
Sur les moyens de cassation développés par maître Générick Sourou AHOUANGONOU
Premier moyen tiré de la violation de la loi par refus d’application de la loi en quatre (04) branches
Première branche : Violation de l’article 529 alinéa 1 du code de procédure pénale
Attendu qu'il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des dispositions de l’article 529 du code de procédure pénale en ce que la CRIET a rendu sa décision sans le rapport du conseiller- rapporteur, alors que, selon la branche du moyen, l’affaire ne peut être jugée que lorsque le conseiller a présenté oralement son rapport à faire mentionner expressément dans la décision à intervenir ;
Qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges de la CRIET ont violé la loi et leur décision encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que l’article 529 du code de procédure pénale dispose « l'appel est jugé à l'audience sur le rapport oral d’un conseiller, le prévenu comparant est interrogé » ;
Qu'il s’induit de cette disposition que dans la pratique, le président vérifie l'identité du prévenu et lui donne lecture du dispositif du jugement objet d’appel ; qu’il indique l’auteur de l’appel principal et le cas échéant, l’existence d’un appel incident, avant de donner la parole à l’appelant pour qu’il précise les griefs formulés contre le jugement de condamnation ;
Que cette présentation orale préalable au jugement de l'appel, tient lieu de rapport oral ;
Qu’au demeurant, la loi pénale qui est d'interprétation stricte, n’a ni indiqué la forme du rapport ni son contenu ;
Qu’en conséquence, la CRIET n’a pas violé les dispositions de l’article 529 du code de procédure pénale ;
Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;
Deuxième branche : Violation de l’article 53 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 53 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin en ce que le prévenu Aj A a été retenu dans les liens de la prévention d'abus de fonction sur le fondement des dispositions dudit article, alors que, selon la branche du moyen, Aa Y, dans ses déclarations aurait fait des aveux qui n’ont aucunement mis en cause Aj A qui n’est mêlé ni de près ni de loin à quelque abus de fonction, pas plus qu’il n’a joui avec conscience et intention certaine du fruit d’aucune infraction ; que l'intention coupable du prévenu n’est pas suffisamment prouvée ;
Que l’arrêt encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que l’infraction d’abus de fonction est constituée au sens de l’article 53 de la loi précitée lorsque « … tout agent public … aura intentionnellement abusé de ses fonctions ou de son poste en accomplissant ou s’abstenant d’accomplir dans l'exercice de ses fonctions, un acte en violation des lois afin d'obtenir un avantage indu pour lui-même ou pour une personne ou entité » ;
Qu’en relevant en l’espèce que les prévenus Aq AI et Aj A ont qualité d’agent public et leur « intention coupable procède de ce que, bien que s’étant opposé au paiement de la TVA, en violation des dispositions de l’article 230 du code général des impôts, par lettre datée du 19 août 2016 soumise à sa signature par le directeur financier, le directeur général, a malgré cela agi en violation de ladite loi ; qu’en procédant comme ils l’ont fait, ils avaient pleine conscience de ce qu'ils étaient en train de violer la loi, de commettre donc des infractions », les juges de la CRIET ont suffisamment caractérisé l'infraction et ont fait une saine application de la loi ;
Que le moyen en cette branche n’est pas fondé ;
Troisième et quatrième branches réunies : Violation de la loi par fausse application de la loi
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt entrepris :
- d’une part, d’avoir violé la loi par fausse application en ce que « les juges ont retenu pour les mêmes faits deux qualifications différentes, alors que, selon la branche du moyen, c’est un abus de droit de la part des juges, d’avoir greffé l’infraction de fausse attestation sur celle d'abus de fonction déjà retenue contre le prévenu Aj A ;
- d’autre part, d’avoir retenu Aj A également dans les liens de l'infraction de fausse attestation en ce que la cour l’a déclaré complice du co- prévenu Aa Y, alors que, selon la même branche du moyen, la cour n’a pas pu indiquer le moyen ou l’aide fournie par Aj A à Aa Y à l’ouverture du compte bancaire qui en soi, est un acte confidentiel et secret entre la banque et son client ; que dans ces conditions, il ne peut être désigné comme le complice de HOUNHANOU Marcel ;
Qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges de la CRIET exposent leur décision à cassation ;
Mais attendu que les éléments constitutifs des infractions d’abus de fonction, de fausse attestation ou de complicité de fausse attestation diffèrent d’une infraction à une autre ;
Que les juges de la CRIET, en indiquant que « les faits de complicité de fausse attestation sont constitués à l’égard des prévenus Aq AI et Aj A », n’ont pas retenu les mêmes éléments factuels pour asseoir les incriminations d’abus de fonction et de complicité de fausse attestation, qui sont deux infractions distinctes ;
Que le moyen en ses troisième et quatrième branches réunies n’est pas fondé ;
Deuxième moyen tiré de la violation de la loi par fausse qualification des faits
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la fausse qualification des faits en ce que sur l’imputabilité des griefs allégués, la cour n’a pas motivé son arrêt en se fondant sur la réalité des faits et les pièces du dossier, alors que, selon le moyen, Aj A, en confirmant ses déclarations, a démontré preuve à l’appui, le silence coupable de l’administration des impôts qui n’a pas daigné donner suite aux différents courriers de la SONEB relativement à l’attitude à observer vis-à-vis des paiements des commandements reçus ;
Que la cour devrait écarter des débats, les déclarations mensongères de Aa Y ;
Qu’en décidant à défaut de preuves tangibles, d’accréditer les contre-vérités de Aa Y pour retenir Aj A dans les liens de la prévention, les juges de la CRIET ont fait une fausse qualification des faits ;
Que leur décision encourt cassation de ce chef ;
Mais attendu que ce moyen tend à soumettre à la haute Juridiction les faits souverainement appréciés par les juges du fond ;
Qu'il est irrecevable ;
PAR LES MOTIFS
Reçoit en la forme les présents pourvois ;
Les rejette quant au fond ;
Met les frais à la charge du Trésor public.
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême, au procureur Spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur Spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET) ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de : Sourou Innocent AVOGNON, président de la chambre judiciaire, PRESIDENT ; Vignon André SAGBO Et Ismaël Anselme SANOUSSI, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-six août deux mille vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus en présence de : Nicolas BIAO, AVOCAT GENERAL; Alfred KOMBETTO, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur
Sourou Innocent AVOGNON Vignon André SAGBO
Le greffier,
Alfred KOMBETTO