N°105/CJ-DF DU REPERTOIRE ; N°2020-124/CJ-DF DU GREFFE ; ARRET DU 11 NOVEMBRE 2022 ; AFFAIRE : Aa A CONTRE B C.
Droit foncier — Pourvoi en cassation — Moyen — Excès de pourvoi — Appréciation d’une mesure d’instruction — Pouvoir discrétionnaire d’appréciation du juge — Rejet (Oui).
Droit foncier — Pourvoi en cassation — Moyen tiré de la violation de la loi — Jugement avant-dire-droit — Contestation d’une mesure d’expertise dactyloscopique des empreintes digitales apposées sur une convention de vente — Rejet (Oui).
N’est pas fondé, le moyen tiré de l’excès de pouvoir tendant à remettre en cause le pouvoir discrétionnaire du juge du fond en matière de mesures d’instruction.
N’est pas fondé, le moyen tiré de la violation de la loi qui tend à contester une mesure ordonnée par jugement avant-dire- droit, relative à l’expertise dactyloscopique des empreintes digitales apposées sur une convention de vente.
La Cour,
Vu l’acte n° 109/20 du 28 août 2020 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel maître Gustave ANANI CASSA, conseil de Aa A, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n° 100/20 rendu le 28 juillet 2020 par la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2022-10 du 27 juin 2022 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2022-12 du 5 juillet 2022 portant règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi onze novembre deux- mil vingt-deux, le conseiller Gervais DEGUENON en son rapport ;
Ouï le premier avocat général Pierre Nicolas BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°109/20 du 28 août 2020 du greffe de la cour d'appel de Cotonou, maître Gustave ANANI CASSA, conseil de Aa A, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt N° 100/20 rendu le 28 juillet 2020 par la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Que par lettres n°8 0770/GCS et 0771/ GCS du 03 février 2021 du greffe de la Cour suprême, la demanderesse au pourvoi et son conseil ont été invités à consigner dans le délai de quinze (15) jours, sous peine de déchéance et à produire leur mémoire ampliatif dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1” et 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été faite et les mémoires ampliatif et en défense produits ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;
Que seul maître Gilbert HOUEDAN, conseil du défendeur a produit ses observations ;
EXAMEN DU POURVOI
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été élevé dans les forme et délai légaux ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
FAITS ET PROCEDURE
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête du 14 février 2012, B C a attrait Aa A par devant le tribunal de première instance de première classe de Porto-Novo statuant en matière civile de droit de propriété foncière pour voir confirmer son droit de propriété sur la parcelle N du lot 103 sise à AVAKPA et ordonner l’expulsion corps et biens de Aa A de ladite parcelle ;
Que le tribunal saisi a rendu, le 30 octobre 2015, le jugement N°31/1CB/15 par lequel, il a, entre autres, fait droit à la demande ;
Que sur appel de Aa A, la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de la cour d’appel de Cotonou a rendu, le 28 juillet 2020, l’arrêt confirmatif n°100/20 ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION
Sur le premier moyen tiré de l’excès de pouvoir
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de l’excès de pouvoir en ce qu’il a, d’une part, méconnu le principe de la séparation des pouvoirs en énonçant que les mesures d'instruction ne peuvent être ordonnées que si le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer ; qu’il a ainsi réécrit l’article 225 du code de procédure civile,
commerciale, sociale administrative et des compte et qu’en conséquence interféré dans le domaine législatif, et d'autre part, que comme le premier juge, les juges d'appel n’ont pas statué sur la demande de comparution de témoins de la vente supposée de parcelle formulée par la demanderesse au pourvoi et ont plutôt ordonné l’analyse dactyloscopique des empreintes digitales apposées sur les feuillets des conventions de vente en date du 05 mars 2008 ; cette mesure est plus onéreuse que celle sollicitée, alors que, selon le moyen, l’article 225 du code précité: « les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer » ;
Que les juges d'appel devaient statuer sur la demande de comparution des témoins de la vente de parcelle ;
Mais attendu qu’il y a excès de pouvoir lorsque le juge empiète sur les prérogatives du pouvoir législatif ou de l’Administration, ou lorsqu’il méconnaît l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels soit en dépassant ses limites, soit en refusant de les exercer ;
Qu'’en l'espèce, c’est sans excéder leurs pouvoirs que les juges d'appel ont énoncé qu’ « il ressort des dispositions de l’article 225 du code de procédure civile commerciale, sociale, administrative et des comptes que les mesures d'instruction ne peuvent être ordonnées que si le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer ; que l’article 228 du même code fait obligation au juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à ce qui est plus simple et moins onéreux ; qu’il résulte de ces dispositions que l’appréciation de la mesure d'instruction est une faculté laissée à la discrétion du juge ; qu’en ordonnant une mesure d'expertise dactyloscopique, le premier juge entendait ainsi parvenir à la solution au litige dont il est saisi notamment si les empreintes digitales apposées sur la convention du 05 mars 2008 étaient bien celles de A Aa qui nie avoir été partie à ladite convention ; qu’il ne revient pas aux parties d'indiquer au juge la mesure d'instruction la mieux adaptée à la recherche de solution au litige dont il est saisi » ;
Que par suite, l’arrêt attaqué n’a pas encouru les griefs allégués ;
Sur le deuxième moyen tiré du défaut de base légale
Attendu qu'il est reproché à l’arrêt attaqué le défaut de base légale en ce que, d’une part, pour rejeter le moyen d'annulation du jugement entrepris , les juges d'appel ont procédé par voie de simple affirmation en se fondant sur un jugement avant dire droit dont ils n’ont pas indiqué les références et soutenu que le moment et le lleu du prélèvement des empreintes digitales de la demanderesse au pourvoi ne sont pas déterminants dans l’appréciation des travaux réalisés par l’expert commis ; que d’autre part, ils ont omis de procéder à une appréciation d'ensemble des éléments de preuve ou des faits constatés, alors que, selon le moyen, la souveraineté du juge du fond pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis et pour constater les faits, ne dispense pas celui-ci de procéder à une appréciation d'ensemble de ces faits et de ces preuves, que faute d'y procéder, il entacherait sa décision d’un manque de base légale ; que les juges d'appel dans leur motivation, n’ont pas laissé paraître l’appréciation des pièces qui porteraient les germes de leur caractère frauduleux et exposent ainsi leur décision à cassation ;
Mais attendu qu’en relevant : « que la propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, donation, achat, testament et échange ; que la preuve des droit fonciers se fait par le titre foncier ou le certificat de propriété foncière ; que s'agissant des terres de tenure coutumière, la preuve peut être rapportée par des actes présomptifs de propriété ; attendu qu’en l'espèce LALEYE Rachad a produit au dossier judiciaire au soutien de sa demande en confirmation du droit de propriété sur la parcelle querellée la convention de vente n°01696 affirmée le 05 mars 2008 par laquelle A Aa lui a transféré son droit de propriété sur ladite parcelle ainsi qu’un certificat administratif de constatation des droits fonciers du 05 mars 2008 ; attendu que la preuve de ce que ledit certificat administratif serait frauduleux n'a pas été rapportée par A Aa », la cour d'appel de Cotonou a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation de la loi
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, de la violation des dispositions de l’article 231 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes en ce qu'il a suivi le premier juge qui a ordonné une mesure d’instruction sans rendre un jugement avant-dire -droit, alors que, selon le moyen, les mesures d'instruction ne peuvent être ordonnées que par un jugement avant- dire -droit dans lequel, il est précisé l’étendue de la mission à exécuter ;
Que cette mesure ordonnée dans de telles conditions viole les droits de la défense et constitue une fraude à la loi ;
Que l'arrêt attaqué encourt cassation de ce fait ;
Mais attendu que pour se déterminer, les juges d’appel ont constaté qu’à l'audience du 5 décembre 2014, le premier juge a ordonné, par jugement avant-dire-droit l’expertise dactyloscopique des empreintes digitales apposée sur les conventions de vente et que la mission de l’expert y a été indiquée ;
Qu’en l’état de ces constations, les juges d’appel ont justement décidé ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Le rejette quant au fond ;
Dit que la consignation est faite est acquise au Trésor public ;
Met les frais à la charge de Aa A ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au greffier en chef de la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
Sourou Innocent AVOGNON, Président, PRESIDENT ;
CONSEILLERS ;
Et prononcé à l'audience publique du vendredi onze novembre deux mil vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :
Pierre Nicolas BIAO, premier avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Kodjihounkan Appolinaire AFFEWE, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
Sourou Innocent AVOGNON Gervais DEGUENON
Le greffier.
Kodjihounkan Appolinaire AFFEWE