N°114/CJ-DF DU REPERTOIRE ; N°2019-71/CJ-DF DU GREFFE ; ARRET DU 09 DECEMBRE 2022 ; AFFAIRE : Z Ab X REPRESENTE PAR OKE AKANDE FALOLA CONTRE HERITIERS DE FEU ILLOUSSA REPRESENTES PAR DIDIER ADJIGBOLA.
Droit foncier — Violation du droit successoral — Discrimination à raison du sexe — Cassation (Oui).
Encourt cassation, l’arrêt de la cour d’appel qui pose un principe de discrimination à raison du sexe en matière successorale, au mépris des dispositions des articles 619 alinéa 1° du code des personnes et de la famille et 26 de la Constitution du 11 décembre 1990.
La Cour,
Vu l’acte n°44/19 du 05 juillet 2019 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Raphaël HOUNVENOU, conseil de Z Ab X, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°053/19 rendu le 11 juin 2019 par la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n°2022-10 du 27 juin 2022 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2022-12 du 5 juillet 2022 portant règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes modifiée et complétée par la loi n°2016-16 du 28 juillet 2016 ;
Vu la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin modifiée et complétée par la loi n°2017-15 du 10 août 2017 ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi neuf décembre deux- mil vingt-deux, le conseiller Ismaël Anselme SANOUSSI en son rapport ;
Ouï le premier avocat général Pierre Nicolas BIAO en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°44/19 du 05 juillet 2019 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, maître Raphaël HOUNVENOU, conseil de Z Ab X, a déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°053/19 rendu le 11 juin 2019 par la deuxième chambre civile de droit de propriété foncière de cette cour ;
Que par lettre n°7667/GCS du 27 novembre 2019 du greffe de la Cour suprême, le conseil du demandeur au pourvoi a été invité à consigner dans le délai de quinze (15) jours, sous peine de déchéance et à produire ses moyens de cassation dans le délai de deux (02) mois, le tout, conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1° et 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que la consignation a été faite et le mémoire ampliatif produit ;
Que par lettre n°3588/GCS du 20 mai 2021 du greffe de la Cour suprême reçue à son cabinet le 06 juillet 2021, maître Bastien SALAMI, conseil des défendeurs a été invité à produire son mémoire en défense dans le délai de deux (02) mois, conformément aux dispositions de l’article 933 alinéa 2 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que par lettre n°7845/GCS du 23 décembre 2021 reçue à son cabinet le 05 janvier 2022, une mise en demeure comportant un nouveau et dernier délai de trente (30) jours a été adressée au conseil des défendeurs aux mêmes fins, sans réaction de sa part ;
Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées au demandeur au pourvoi et à son conseil pour leurs observations ;
Que maître Raphaël HOUNVENOU a fait savoir qu’il n’a plus d'observation à produire ;
EN LA FORME
Attendu que le présent pourvoi a été introduit dans les forme et délai de la loi ;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Faits et Procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par requête en date à Porto- Novo du 19 novembre 2009, les héritiers de feu A C AG Y représentés par Aa B ont saisi le tribunal de première instance de première classe de Porto-Novo statuant en matière traditionnelle des biens d’une action en confirmation de leur droit de propriété sur des domaines sis à Kétou contre Z Ab X ;
Que par jugement n°002/4CB/2011 rendu le 05 mai 2011, le tribunal saisi a, entre autres, confirmé le droit de propriété des héritiers de A C AG Y sur le domaine de superficie 14 ha 99 ca sis à Monsafè dans la commune de Kétou ;
Que sur appel de Z Ab X, la cour d'appel de Cotonou a rendu l’arrêt confirmatif n°053/19 du 11 juin 2019 ;
Que c'est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;
DISCUSSION Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi en deux (02) branches
Première branche : Violation du droit successoral de Ab X
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation du droit successoral de Z Ab X par refus d'application des dispositions des articles 604 et 619 du code des personnes et de la famille en ce que les juges d'appel ont confirmé le droit de propriété de la collectivité ILLOUSSA sur le domaine litigieux tout en indiquant que l’arrière-grand-mère du demandeur au pourvoi est de la famille ILLOUSSA, alors que, selon la branche du moyen, l’article 604 du code des personnes et de la famille dispose : «les successions sont dévolues aux enfants et descendants du défunt, à ses ascendants, à ses parents collatéraux et son conjoint survivant selon la ligne et le degré des héritiers dans l’ordre et suivant les règles ci-après fixées » ;
Qu’au sens des dispositions de l’article 619 du même code les enfants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants sans aucune distinction ;
Que l'arrêt attaqué encourt cassation de ce chef ;
Attendu en effet, que les dispositions de l’article 619 alinéa 1 du code des personnes et de la famille prévoient : « les enfants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants sans distinction de sexe, ni d’âge encore qu'ils soient issus de différents mariages sous réserve des dispositions prévus au présent code relativement aux enfants incestueux. » ;
Qu’ayant notamment relevé, pour confirmer le jugement entrepris: « … qu'avant d'hériter de quelqu'un, il faut être descendant de sa lignée ;
Qu'en l'espèce, le sieur X Z Ab n’est pas de la lignée de la famille ILLOUSSA ;
Que c’est son arrière-grand-mère qui est née ILLOUSSA ; que X Z Ab n’est donc pas héritiers de la famille ILLOUSSA ;
Qu'il y a lieu de rejeter ce moyen », les juges d’appel ont posé un principe de discrimination à raison du sexe, justement proscrit par l’article 619 alinéa 1% susvisé et par la constitution du 11 décembre 1990 qui en son article 26 dispose que « L'Etat assure à tous l'égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d'opinion politique ou de position sociale. L'homme et la femme sont égaux en droit… » ;
Qu'il y a lieu de casser et d’annuler l’arrêt attaqué en toutes ses dispositions sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Au fond casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°053/19 rendu le 11 juin 2019 par la deuxième chambre civile de droit de propriété de la cour d’appel de Cotonou ;
Renvoie la cause et les parties devant la même cour autrement composée ;
Ordonne la restitution de la consignation faite à Z Ab X ;
Met les frais à la charge du Trésor public.
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (Chambre judiciaire) composée de :
André Vignon SAGBO, Conseiller, PRESIDENT ;
Ismaël Anselme SANOUSSI et Marie-José PATHINVO, CONSEILLERS ;
Et prononcé à l’audience publique du vendredi neuf décembre deux mil vingt-deux, la Cour étant composée comme il est dit ci- dessus en présence de :
Pierre Nicolas BIAO, premier avocat général, MINISTERE PUBLIC ;
Kodjihounkan Appolinaire AFFEWE, GREFFIER ;
Et ont signé
Le président, Le rapporteur,
André Vignon SAGBO Anselme Ismaël SANOUSSI
Le greffier.
Kodjihounkan Appolinaire AFFEWE