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29/08/2024 | BéNIN | N°2023-78/CJ-P

Bénin | Bénin, Cour suprême, 29 août 2024, 2023-78/CJ-P


REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE JUDICIAIRE
(Pénal)

N° 87/CJ-P du répertoire
N° 2023-78/CJ-P du greffe
Arrêt du 29 août 2024

Affaire :

...

REPUBLIQUE DU BENIN
AU NOM DU PEUPLE BENINOIS
COUR SUPREME
CHAMBRE JUDICIAIRE
(Pénal)

N° 87/CJ-P du répertoire
N° 2023-78/CJ-P du greffe
Arrêt du 29 août 2024

Affaire :
X… Y
(Mes ELIE VLAVONOU-KPONOU,
CYRILLE DJIKUI, CHARLES BADOU,
PROSPER AHOUNOU)
C/
MINISTERE PUBLIC
ETAT BENINOIS REP/L’AJT

La Cour,

Vu l’acte n°002 du 13 juillet 2023 du greffe de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), par lequel maîtres Cyrille DJIKUI, Elie VLAVONOU KPONOU, Charles BADOU et Prosper AHOUNOU, conseils de X… Y, ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°006/2023 rendu le même jour par la section de l’instruction de la chambre des appels de cette cour ;

Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;

Vu l’arrêt attaqué ;

Vu la loi n° 2022-10 du 27 juin 2022 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;

Vu la loi n° 2022-12 du 05 juillet 2022 portant règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï à l’audience publique du jeudi 29 août 2024 le conseiller Olatoundji Badirou LAWANI en son rapport ;

Ouï le premier l’avocat général Arsène DADJO en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n°002 du 13 juillet 2023 du greffe de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), maîtres Cyrille DJIKUI, Elie VLAVONOU KPONOU, Charles BADOU et Prosper AHOUNOU, conseils de X… Y, ont déclaré élever pourvoi en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°006/2023 rendu le même jour par la section de l’instruction de la chambre des appels de cette cour ;

Que par lettres numéros 2967, 2968, 2970 et 2971/GCS du 18 août 2023 du greffe de la Cour suprême, le demandeur au pourvoi et ses conseils ont été invités à produire leurs moyens de cassation dans le délai d’un (01) mois, conformément aux dispositions de l’article 102 alinéas 1 et 2 de la loi n°2022-12 du 05 juillet 2022 portant règles particulières de procédure applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;

Que les mémoires ampliatifs et en défense ont été produits ;

Que le procureur général a pris ses conclusions, lesquelles ont été communiquées aux parties pour leurs observations ;

Que les parties ont produit leurs observations ;

EN LA FORME

Attendu que le présent pourvoi a été introduit dans les forme et délai légaux ;
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;

AU FOND
FAITS ET PROCEDURE

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les pièces du dossier, que suite au constat d’importants mouvements de fonds sur plusieurs comptes, y compris ceux de ses deux enfants mineurs, dont X… Y, avocat, est signataire et portant sur un montant de quatre cent quatre-vingt-neuf millions trois cent soixante-douze mille huit cent trente et un (489.372.831) francs, la cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) a saisi le procureur spécial près la CRIET d’un rapport d’enquête du 04 mars 2021 ;
Que suivant réquisitoire introductif du 22 mars 2021, une information a été ouverte et X… Y a été inculpé de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme par la commission d’instruction qui, à l’issue de son information, a rendu le 03 mars 2023, l’arrêt n°0042/CRIET/COM/2023 de non-lieu partiel et de renvoi devant la chambre de jugement de la CRIET pour y être jugé du chef de blanchiment de capitaux ;
Que sur appel de X… Y, la section de l’instruction de la chambre des appels de la CRIET a rendu le 13 juillet 2023, l’arrêt confirmatif n°006/23 ;
Que c’est cet arrêt qui est l’objet du présent pourvoi ;

DISCUSSION

SUR LE PREMIER MOYEN TIRE DE LA VIOLATION DE LA LOI EN SES PREMIERE ET DEUXIEME BRANCHES REUNIES

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation de la loi par refus d’application des dispositions des articles 7 du code de procédure pénale et 1178 alinéa 3 du code général des impôts version 2019, en ce que pour confirmer l’arrêt querellé les juges d’appel ont :
- d’une part, retenu que la transaction dont fait état l’inculpé est plutôt relative à l’infraction de fraude fiscale et non à celles de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;
- d’autre part énoncé que X… Y n’est pas poursuivi pour l’infraction de fraude fiscale sous-jacente au blanchiment de capitaux qui lui était reproché, alors que, selon, les branches réunies du moyen , l’information ouverte contre lui a porté exclusivement sur des faits de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;
Que la transaction a pour effet d’éteindre les poursuites pénales en matière fiscale ;

Que suite à la vérification générale de la comptabilité de son cabinet, les faits de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme découlent de la proposition de redressement fiscal d’un montant de cinq cent dix millions deux cent trente-deux mille huit (510.232.008) francs ;

Que face à l’impossibilité légale de poursuivre l’infraction de fraude fiscale suite à la transaction, l’infraction de blanchiment de capitaux ne peut être retenue par les juges du fond ;

Que l’arrêt attaqué encourt cassation de ce chef ;

Attendu en effet, qu’au sens des dispositions de l’article 7 du code de procédure pénale, ayant pour effet d’éteindre l’action publique, la transaction intervenue, avant toute poursuite judiciaire, l’auteur des faits ne peut plus être poursuivi pour les mêmes faits sous une autre qualification ;
Que le blanchiment de capitaux, infraction qui peut être caractérisée selon le cas, par des comportements tels que : l’auto-blanchiment, le blanchiment autonome ou bien le blanchiment par un tiers, n’est constituée que lorsque la personne soupçonnée ne peut apporter la preuve de l’origine licite des biens ou des revenus en sa possession, indépendamment de la détermination ou non d’une infraction sous-jacente ;

Que la caractérisation du délit de blanchiment, si elle n’implique pas nécessairement que l’auteur de l’infraction principale soit connu, ni les circonstances de la commission de celle-ci entièrement déterminées, nécessite néanmoins que soit établie l’origine frauduleuse des biens blanchis ;

Que par ailleurs, le redressement ainsi que la vérification de comptabilité ont pour but de détecter les contribuables qui ont omis de souscrire dans la régularité leurs déclarations et à réparer des erreurs relevées lorsque la bonne foi des contribuables assujettis n’est pas mise en cause ;

Qu’il ressort du dossier que le demandeur au pourvoi a fait l’objet d’une vérification générale de comptabilité au titre des exercices 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 ;

Que cette vérification a conduit à une analyse minutieuse et exhaustive des déclarations souscrites au moyen des documents nécessaires au contrôle comme livres comptables, factures, relevés de comptes bancaires, contrats d’assistance juridique et judiciaire etc… ;

Qu’à l’issue de ses contrôles, l’administration fiscale, tenant compte de la bonne foi de l’assujetti, lui a accordé des transactions représentant 50% des pénalités (TVA) et (IRPP) suivant la décision n°0013/MEF/CAB/SGM/DGI/ DLC/SC du 26 février 2021 portant décharge des impositions pour les exercices 2015-2017 et 2018, de montant cinq millions trois cent soixante-onze mille cinq cent soixante-trois (5.371.563) francs et la décision n°0153/MEF/DC/SGM/DGI/ DLC/SC du 07 février 2022 portant décharge des impositions au titre des exercices 2018 et 2019, de montant sept millions quatre cent soixante-seize mille sept cent soixante-neuf ( 7.476.769) francs ;

Qu’il s’est acquitté de ces pénalités ;

Que pour retenir le blanchiment, l’arrêt attaqué a relevé de nouvelles atteintes que le demandeur au pourvoi aurait portées au code général des impôts en énonçant « … qu’il ressort du relevé de compte n°[...] du mineur W…Z que les fonds versés sur ledit compte durant la période du 20 février 2019 au 31 décembre 2019 en violation des recommandations de l’administration fiscale ont été utilisés par l’inculpé par le débit de ce compte ;
Qu’en procédant ainsi, il a dissimulé et utilisé des biens dont il savait provenir de la fraude fiscale ;
Qu’en application des dispositions de l’article 7-b et c de la loi relative au blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme suscitée, les éléments constitutifs du blanchiment de capitaux sont caractérisés en l’espèce »… ;

Qu’en y déduisant une fraude fiscale à laquelle l’administration fiscale n’a pas conclu lors du contrôle sur pièces de l’exercice 2019 (document n°2104/MEF/DC/SGM/DGI/DDI-AL/CIME-LIT-2/SG-2 du 13 octobre 2021 portant en objet “confirmation de redressements suite à contrôle sur pièces exercices 2018 et 2019“), pour retenir à la charge du demandeur au pourvoi le blanchiment de capitaux, sans établir ou caractériser l’origine frauduleuse ou illicite des fonds suspectés comme avoir été blanchis durant la période déterminée tandis que celui-ci (le demandeur au pourvoi) a :
- indiqué avec précision, l’objet des diverses opérations tel qu’il résulte des relevés bancaires ;

- produit les attestations de régularité fiscale en dates des 16 janvier et 17 mai 2023 délivrées par l’administration fiscale ;

- produit des pièces non démenties par l’instruction qui justifient l’origine licite et régulière des revenus ou flux financiers suspectés, relatifs aux comptes dont il est signataire, l’arrêt attaqué est reprochable des griefs allégués ;

Que le moyen est fondé ;

Qu’il y a lieu de casser l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

Attendu que la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

Reçoit en la forme le présent pourvoi ;

Au fond, Casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°006/2023 rendu le 13 juillet 2023 par la chambre des appels de la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi ;
Met les frais à la charge du Trésor public.

Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la Cour suprême, au procureur spécial près la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) ainsi qu’aux parties ;

Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur spécial près la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) ainsi ;

Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême composée de :
Georges TOUMATOU, conseiller à la chambre judiciaire, PRESIDENT;
Anselme Ismaël SANOUSSI Et
O. Badirou LAWANI
CONSEILLERS

Et prononcé à l’audience publique du jeudi vingt-neuf août deux mille vingt-quatre, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de :

Arsène DADJO,
PREMIER AVOCAT GENERAL;

Alfred KOMBETTO,
GREFFIER;

Et ont signé

Le président Le rapporteur
Georges TOUMATOU Olatoundji Badirou
LAWANI

Le Greffier
Alfred KOMBETTO


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2023-78/CJ-P
Date de la décision : 29/08/2024

Analyses

Caractérisation du délit de blanchiment


Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;2024-08-29;2023.78.cj.p ?
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