La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2021 | BULGARIE | N°1902-2020

Bulgarie | Bulgarie, Cour suprême de cassation, Chambre commerciale, 11 octobre 2021, 1902-2020


ARRÊT

no. 60133 du 11 octobre 2021,
affaire commerciale no. 1902/2020,
Chambre commerciale, 2e section commerciale de la CSC

ECLI:BG:SC001:2021:202001902.001

Quelle que soit la spécificité des relations, l’attribution d’une indemnisation au frère ou à la sœur est subordonnée à la preuve pleine et entière des critères retenus dans l’arrêt interprétatif rendu dans l’affaire interprétative no. 1/2016 par l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale de la CSC : existence d’une relation spirituelle et émotionnelle partic

ulièrement forte avec le défunt, justifiant un motif pour déroger à la règle de détermination du cerc...

ARRÊT

no. 60133 du 11 octobre 2021,
affaire commerciale no. 1902/2020,
Chambre commerciale, 2e section commerciale de la CSC

ECLI:BG:SC001:2021:202001902.001

Quelle que soit la spécificité des relations, l’attribution d’une indemnisation au frère ou à la sœur est subordonnée à la preuve pleine et entière des critères retenus dans l’arrêt interprétatif rendu dans l’affaire interprétative no. 1/2016 par l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale de la CSC : existence d’une relation spirituelle et émotionnelle particulièrement forte avec le défunt, justifiant un motif pour déroger à la règle de détermination du cercle des ayants droits aux termes des ordonnances no. 4/1961 et no. 5/1969 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême, et manifestation de préjudices immatériels dans la situation juridique du demandeur en indemnisation, dont l’intensité et la durée dépassent les douleurs et souffrances morales caractérisant habituellement les relations entre frères et sœurs.
Arrêt interprétatif rendu dans l’affaire interprétative no. 1/2016 par l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale de la CSC
Ordonnance no. 4/1961 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême
Ordonnance no. 5/1969 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême
Art. 52 de la Loi sur les obligations et les contrats
Art. 290 du Code de procédure pénale

LA COUR SUPREME DE CASSATION de la République de Bulgarie, Chambre commerciale, deuxième section, à son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-et-un, composée de :

PRESIDENT : K.Е.
MEMBRES : Bonka Y.
Е.S.

En présence de la greffière А.K., a entendu l’affaire commerciale no. 1902/2020, rapportée par le juge Е.S. et, afin de statuer, a considéré ce qui suit :

Procédure au titre de l’art. 290 du Code de procédure pénale (CPC).
La procédure a été ouverte sur pourvoi formé par le Fonds de garantie, Sofia, contre l’arrêt no. 3 du 03 janvier 2020, rendu dans l’affaire commerciale d’appel no. 597/2019 par la Cour d’appel de Varna, section commerciale, en ce que, à la suite d’une annulation partielle de l’arrêt no. 67/14.05.2019, affaire commerciale no. 328/2018 du Tribunal de grande instance de Dobritch, le Fonds de garantie a été condamné de verser à S.K.K., agissant personnellement et avec l’accord de sa mère I.D.Tch., la somme de 50 000 leva à titre d’indemnisation pour préjudices immatériels subis à la suite de la mort de son frère S.K.K., survenue lors d’un accident de la route le 13 avril 2017, avec les intérêts légaux dus à compter du 09 octobre 2018 et les frais et dépens.

Il est soutenu dans le pourvoi que la partie attaquée de l’arrêt d’appel est irrégulière en raison de violations de la loi matérielle et des formes, ainsi qu’en raison de son caractère infondé. Il est allégué qu’en contradiction avec les explications données dans l’arrêt interprétatif no. 1/21.06.2018, affaire interprétative no. 1/2016, par l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale de la CSC, la juridiction d’appel a accordé une indemnisation pour préjudices immatériels au demandeur, frère de la victime, sans avoir relevé en l’espèce l’existence entre eux de relations émotionnelles tellement profondes, pouvant caractériser le cas comme « exceptionnel », ni, respectivement, de douleurs et souffrances dépassant par leur intensité et leur durée celles caractérisant habituellement ce type de relation familiale. Il est avancé en outre que le juge d’appel a incorrectement ignoré les dispositions de l’art. 493а, alinéa 4 du Code des assurances et du § 96 des Dispositions transitoires et finales du Code des assurances en accordant une indemnisation pour préjudices immatériels en-dessus des limites réglementées de 5 000 leva. Il est demandé que l’arrêt d’appel soit annulé dans sa partie condamnatoire, que les actions introduites soient rejetées et que les frais de procédure engagés devant toutes les instances soient accordés.

Dans le délai au titre de l’art. 287, alinéa 1 du CPC, le demandeur S.K.K., agissant personnellement et avec l’accord de sa mère, I.D.Tch., n’a pas soumis de réponse écrite au pourvoi en cassation. Le tiers intervenant pour le défendeur, K.R.Cht., n’a pas soumis non plus de réponse écrite.

Par ordonnance no. 282/25.05.2021, rendu en l’espèce au titre de l’art. 288 du CPC, la CSC a admis le pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel, sur le fondement de l’art. 280, alinéa 1, point 1 du CPC, en lien avec la question suivante, soulevée par le demandeur en cassation, précisée par l’instance de cassation conformément au point 1 de l’arrêt interprétatif no. 1/19.02.2010, affaire interprétative no. 1/2009 de l’Assemblée générale des chambres civile et commerciale de la CSC, comme suit : « Quels sont les prérequis pour accorder une indemnisation pour préjudices immatériels occasionnées, en matière délictuelle, par la mort d’autres personnes, n’appartenant pas au cercle des plus proches du défunt, au sens de l’Ordonnance no. 4 du 25 mai 1961 et de l’Ordonnance no. 5 du 24 novembre 1969 ? ».

Lors de l’audience publique, tenue le 29 septembre 2021, le demandeur en cassation, le défendeur au pourvoi et le tiers intervenant ne comparaissent pas et n’envoient pas de représentants.

La Cour suprême de cassation, Chambre commerciale, formation de jugement de la deuxième section, après avoir apprécié les éléments de l’affaire et les moyens avancés par le demandeur en cassation, en vertu de ses compétences au titre de l’art. 290, alinéa 2 du CPC, a admis ce qui suit :

Par l’arrêt attaqué, le juge d’appel de la Cour d’appel de Varna a annulé l’arrêt no. 67/14.02.2019, rendu dans l’affaire commerciale no. 328/2018 par le Tribunal de grande instance de Dobritch, rejetant l’action au titre de l’art. 558, alinéa 5 du Code des assurances jusqu’à concurrence de 50 000 leva et, en lieu et place de cela, a condamé le défendeur Fonds de garantie à verser au demandeur S.K.K., agissant personnellement et avec l’accord de sa mère I.D.Tch., la somme de 50 000 leva à titre d’indemnisation pour préjudices immatériels occasionnés par la mort de son frère S.K.K., survenue lors d’un accident de la route le 13 avril 2017, avec les intérêts légaux dus à compter de 09 octobre 2018. L’arrêt d’appel, n’ayant pas fait l’objet d’un recours, est devenu définitif dans la partie confirmant le jugement de première instance rejetant l’action en paiement de la différence entre 50 000 leva et l’indemnisation réclamée de 80 000 leva.

Le juge d’appel a admis que les parties étaient d’accord sur les faits concernant le mécanisme du sinistre survenu le 13 avril 2014 et la légitimation passive du Fonds de garantie pour le paiement de l’indemnisation pour préjudices immatériels aux personnes ayant la qualité pour agir dans l’hypothèse de l’art. 558, alinéa 5 en lien avec l’art. 557, alinéa 1, point 2, lettre « a » du Code des assurances. A cet égard, l’arrêt attaqué indique qu’en l’espèce, d’après la copie certifiée conforme du procès-verbal d’accident de la route no. 24001716/13.04.2017, dressé par l’agent de police D. de la police routière auprès du ministère de l’Intérieur, et les conclusions de l’expertise technique routière, présentées devant la juridiction de première instance, il a été établi que le 13.07.2017, sur la route intercommunal ІІІ-293 entre [localité] et [localité], a eu lieu un accident de la route par la faute de V.A.Cht., conducteur d’une Opel Vectra, plaque d’immatriculation [plaque d’immatriculation du véhicule], sans police d’assurance valide « Responsabilité civile pour les conducteurs d’automobiles ». L’accident a été provoqué par le conducteur non assuré de la voiture particulière qui avait effectué la manœuvre « virage à droite » : après un dépassement avec un excès de vitesse (138 au lieu de 85 km/h), il s’était rabattu sur la voie, et, en résultat de cela, avait perdu le contrôle de sa voiture qui est sortie de la voie du côté droit pour se heurter contre un arbre au bord de la route. La juridiction d’appel cite les conclusions de l’expertise médico-légale qui avait établi sans le moindre doute qu’en résultat du choc, le passager dans la voiture, S.K., frère du demandeur S.K., avait reçu des lésions fatales qui ont entraîné sa mort. L’enquête préliminaire a été classée sans suite par Ordonnance no. 435/2017 du 25 octobre 2017 de la police régionale de [localité], en raison de la mort du conducteur de l’automobile.

Eu égard à l’existence d’une relation extrêmement forte et chaleureuse entre le demandeur et son frère décédé, invoquée comme motif pour l’attribution de l’indemnisation, la juridiction d’appel a indiqué que les dépositions des témoins interrogés N.I., N.K. et N.M., (prises en compte par le juge dans les conditions de l’art. 172 du CPC) permettaient d’établir que le demandeur S.K. et son frère décédé S.K. vivaient dans une même cour, mais dans des maisons différentes : S. vivant avec ses parents et S. avec ses grands-parents. Mais même vivant dans des maisons séparées, les deux frères étaient très proches et S. s’occupait de son cadet pendant que ses parents travaillaient, lui donnait de l’argent, lui achetait des vêtements, ils se promenaient ensemble, il l’emmenait à l’école et allait le chercher après les cours, il lui demandait d’apprendre ses leçons et faisait tout pour qu’il ne manque de rien. Le juge a admis comme prouvé qu’après l’accident, le demandeur S. avait douloureusement ressenti la nouvelle de la mort de son frère et s’était évanoui. A présent, le demandeur pleure souvent et garde exposés des photos de son frère dans sa chambre ; à ses amis, il confie à quel point son frère lui manque. Sur la base de ces éléments, le juge d’appel a admis que la relation familiale émotionnelle entre l’appelant et son frère a été solide, longue et profonde et que le contenu de cette relation, ainsi que le poids des préjudices subis, donnaient lieu à conclure qu’il serait juste de déroger à la restriction prévue par l’Ordonnance no. 4/61de l’Assemblée plénière de la Cour suprême et l’Ordonnance no. 5/69 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême, afin d’indemniser l’appelant pour les préjudices immatériels subis, ce que la Cour d’appel, sur le fondement de l’art. 52 de la Loi sur les obligations et les contrats, a évalué à 50 000 leva. Le juge d’appel s’est fondé sur les considérations exposées dans l’arrêt interprétatif no. 1/21.06.2018, affaire interprétative no. 1/2016 de l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale de la CSC, d’après lesquelles l’indemnisation est accordée en cas d’une relation particulièrement forte avec le défunt et de préjudices réellement subis à la suite de sa mort.

Il a été également admis dans l’arrêt attaqué que même si la disposition du § 96, alinéa 1 des Dispositions transitoires et finales du Code des assurances, prévoyant un montant maximal de 5 000 leva pour l’indemnisation d’un large cercle de personnes, dont les frères et les sœurs, reste pertinente en l’espèce, il n’y a pas lieu de l’appliquer car elle contredit le droit de l’Union européenne (UE) et la pratique de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le juge s’est fondé sur l’arrêt de la CJUE du 24 octobre 2013, prononcé dans l’affaire С-277/12, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle adressée sur le fondement de article 267 du TFUE par Augstakas tiesas Senats (Lettonie), qui admet que l’article 3, § 1 de la Directive 72/166 et l’article 1, § 1 et § 2 de la Deuxième Directive 84/5 ne permettent pas un cadre juridique national autorisant la couverture, par l’assurance obligatoire de responsabilité civile en cas d’utilisation de véhicules à moteur, des indemnisations pour préjudices immatériels, dues aux termes de la législation nationale régissant la responsabilité civile aux membres de la famille, en cas de mort occasionnée par un accident de la route, jusqu’à une certaine somme maximale uniquement.

Sur la question de droit sur laquelle le pourvoi en cassation a été admis.
Par arrêt interprétatif no. 1/21.06.2018, affaire interprétative no. 1/2016 de l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale, la CSC a mis au point les critères relatifs à la détermination des personnes ayant la légitimation active de recevoir une indemnisation pour préjudices immatériels occasionnés par la mort d’une autre personne, et a déclaré caduque l’Ordonnance no. 2/1984 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême, limitant le cercle des ayants droits des personnes énumérées dans l’Ordonnance no. 4/1961 et l’Ordonnance no. 5/1969 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême. Selon le point 1 de l’arrêt, « ont une légitimation matérielle de recevoir une indemnisation pour préjudices immatériels occasionnées par la mort d’un proche les personnes indiquées dans l’Ordonnance no. 4/25.05.1961 et l’Ordonnance no. 5/24.11.1969 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême, et, à titre d’exception, toute autre personne qui a créé une relation émotionnelle durable et profonde avec le défunt, qui subit, à cause de sa mort, des douleurs et des souffrances durables et qu’il est équitable d’indemniser ; l’indemnisation est accordée si la relation particulièrement forte avec le défunt et les préjudices immatériels réellement causées par sa mort, ont été prouvés ». Il est expliqué dans les motifs de l’arrêt que la possibilité d’indemnisation d’autres personnes, en dehors de celles énumérées dans les ordonnances no. 4/61 et no. 5/69 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême, ne doit être considérée que comme une exception, uniquement dans les cas où des circonstances ou situations de la vie ont eu pour résultat la naissance d’une relation particulièrement forte entre le défunt et, respectivement, la personne, justifiant l’attribution de l’indemnisation pour préjudices immatériels réellement subies (en même temps que les plus proches du défunt ou à leur place, s’ils n’arrivent pas à prouver qu’ils ont subi des préjudices à cause de sa mort) ; un attachement particulièrement fort peut exister entre le défunt et ses grands-parents ou ses petits-enfants (ainsi qu’entre frères/sœurs) ; dans les relations familiales traditionnelles bulgares, les relations entre grands-parents et petits-enfants ou entre frères/sœurs relèvent du cercle familial le plus étroit et se caractérisent par de l’affection mutuelle, du soutien moral, de la proximité morale et émotionnelle ; lorsqu’à la suite de circonstances concrètes dans la vie l’attachement est devenu tellement fort que la disparition d’un des proches cause à l’autre personne des douleurs et des souffrances morales, dépassant par leur intensité et leur durée celles habituellement caractérisant le type respectif de relation familiale, il est juste de reconnaître le droit à l’indemnisation pour préjudices immatériels du proche survivant ; dans ces cas-là, pour recevoir l’indemnisation, il ne suffira pas d’avoir uniquement un lien formel de parenté, mais il sera nécessaire qu’à la suite de la mort de la personne proche, le survivant ait subi des douleurs et des souffrances morales pouvant constituer dans un degré suffisant un motif pour déroger à la thèse énoncée dans les ordonnances no. 4/61 et no. 5/69 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême, selon laquelle en cas de mort, seuls les plus proches du défunt ont droit à l’indemnisation ; l’existence d’une relation particulièrement forte dans la vie, pouvant servir de motif d’attribution d’une indemnisation pour préjudices immatériels à la suite de la mort, est appréciée par le juge sur la base des faits et des preuves en l’espèce et l’indemnisation n’est accordée que si les preuves permettent d’aboutir à la conclusion certaine que la personne demandant l’indemnisation a prouvé de manière pleine et entière l’existence d’une relation émotionnelle durable et profonde avec le défunt et de douleurs et souffrances morales sérieuses (en termes d’intensité et de durée), survenues en résultat de sa mort.

Les motifs exposés dans l’arrêt interprétatif montrent clairement l’idée qui a guidé l’assemblée générale des juges des trois chambres de la CSC pour étendre le cercle des personnes ayant le droit à l’indemnisation : reconnaître à titre d’exception la légitimation active d’autres personnes, en dehors du cercle des plus proches (au sens des deux ordonnances de l’Assemblée plénière de la Cour suprême de 1961 et de 1969), plus spécialement, aux frères et aux sœurs aux fins de la réception d’une indemnisation pour préjudices immatériels, lorsqu’en raison de situations et circonstances concrètes dans la vie, ils ont créé avec le défunt une relation spirituelle et émotionnelle particulièrement forte, tranchant par son contenu sur les relations traditionnelles existant entre frères et sœurs, et lorsque l’intensité et la durée des douleurs et des souffrances vécues par eux du fait de la perte d’une personne proche dépassent celles qui sont habituellement vécues dans les cas de disparition d’un frère ou d’une sœur. Les situations et les circonstances dans la vie, qui rendent exceptionnelle une relation familiale, ne peuvent pas être énumérées de manière exhaustive, mais comme exemple de situations faisant naître une telle relation, on peut citer les relations extrêmement proches entre jumeaux, la vie commune entre frères et sœurs qui n’ont pas fait leurs propres familles, prise en charge d’un frère ou sœur mineurs, lorsqu’en raison de maladie, mort ou abandon les parents, le conjoint, les enfants ou d’autres personnes ne peuvent pas assurer cette prise en charge. En conclusion, quelle que soit la spécificité des relations, l’attribution d’une indemnisation au frère ou à la sœur est subordonnée à la preuve pleine et entière des critères, retenus dans l’arrêt interprétatif rendu dans l’affaire interprétative no. 1/2016 de l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale de la CSC : existence d’une relation spirituelle et émotionnelle particulièrement forte avec le défunt, justifiant un motif pour déroger à la règle de détermination du cercle des ayants droits aux termes des ordonnances no. 4/1961 et no. 5/1969 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême, et manifestation de préjudices immatériels dans la situation juridique du demandeur en indemnisation, dont l’intensité et la durée dépassent les douleurs et souffrances morales habituellement caractérisant les relations entre frères et sœurs.

Sur la régularité de l’arrêt d’appel.
Afin de répondre à la question, sur laquelle le pourvoi en cassation est admis, il y a lieu d’admettre que l’arrêt d’appel a été rendu en dérogation de la jurisprudence obligatoire formée avec l’arrêt interprétatif no. 1/21.06.2018, affaire interprétative no. 1/2016 de l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale de la CSC et de la jurisprudence liée au cas d’espèce créée par la CSC, objectivée par l’arrêt no. 92/17.11.2020, affaire commerciale no. 1275/2019 de la CSC, 2e section commerciale, l’arrêt no. 17/16.03.2021, affaire commerciale no. 291/2020 de la CSC, 2e section commerciale, et l’arrêt no. 60070/29.06.2021, affaire commerciale no. 904/2020 de la CSC, 1e section commerciale.

Les dépositions des témoins interrogées en l’espèce, N.I., N.K. et N.A. (en première instance) et de F.I. (devant la juridiction d’appel), ont permis d’établir que le demandeur S.K. et son frère décédé S.K. ont vécu dans une même cour, mais dans des maisons différentes : S.. vivant avec ses parents et S. avec ses grands-parents. Ils ont été très proches, bien qu’étant enfants d’un père et de deux mères différentes. Malgré les logements différents, S. s’occupait de son cadet pendant que ses parents travaillaient, lui donnait de l’argent, lui achetait des vêtements, ils se promenaient ensemble, il l’emmenait à l’école et allait le chercher après les cours, il lui demandait d’apprendre ses leçons et faisait tout pour qu’il ne manque de rien. Au moment de l’accident avec son frère, le demandeur a été très bouleversé et s’est évanoui. A présent, il continue de souffrir de la disparition de son frère, il pleure souvent et garde exposés des photos de son frère dans sa chambre ; à ses amis, il confie à quel point son frère lui manque.

Au vu de la situation factuelle ainsi établie, il y a lieu d’admettre l’absence de circonstances concrètes prouvées, justifiant l’établissement d’une proximité spirituelle et émotionnelle particulière entre les deux frères consanguins, au sens de l’arrêt interprétatif, pouvant faire naître un motif pour inclure le demandeur dans le cercle des personnes ayant le droit de recevoir une indemnisation pour préjudices immatériels pour la mort de S.K. Il a été établi de manière certaine qu’un très fort attachement a existé entre les deux frères et que le demandeur a gravement souffert de la mort de son frère, mais les douleurs et les souffrances endurées ne dépassent pas en termes d’intensité et de durée les douleurs et les souffrances qu’un frère ou une sœur vivent habituellement à la disparition d’un frère ou sœur aimé. A cet égard, on ne peut pas conclure de manière certaine en l’espèce que le demandeur a prouvé pleinement et entièrement l’existence d’une telle relation émotionnelle durable et profonde avec le défunt, pouvant créer, à titre d’exception, une légitimation active pour lui de réclamer une indemnisation pour préjudices immatériels. L’impossibilité de prouver les critères, retenus par l’Assemblée générale des chambres pénale, civile et commerciale comme motif d’attribution équitable de l’indemnisation pour préjudices immatériels à la suite de la mort d’autres personnes, en dehors du cercle familial le plus proche du défunt, au sens de l’Ordonnance no. 4/1961 et de l’Ordonnance no. 5/1969 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême, fondent le caractère non fondé de la prétention au titre de l’art. 558, alinéa 5 du Code des assurances, concernant le montant de 50 000 leva de l’indemnisation réclamée pour préjudices immatériels, soutenue devant la juridiction d’appel.

Sur le fondement de l’art. 293, alinéa 2 du CPC, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué comme étant irrégulier. L’arrêt doit être annulé y compris dans la partie relative aux frais et dépens, dont les montants accordés au budget de la justice. En l’espèce, il n’est pas nécessaire de reproduire ou effectuer de nouvelles mesures, ce qui signifie que le litige doit être jugé au fond par l’instance de cassation qui doit rejeter l’action au titre de l’art. 558, alinéa 5 du Code des assurances, d’un montant de 50 000 leva.

Conformément à l’issue définitive de l’affaire, l’arrêt d’appel doit être annulé y compris dans la partie relative aux frais et dépens. Sur le fondement de l’art. 78, alinéa 3 du CPC, le défendeur au pourvoi doit être condamné à rembourser au demandeur en cassation les frais engagés devant l’instance de cassation, à hauteur de 1 030 leva : taxes d’Etat payés en lien avec le pourvoi en cassation. Il n’y a pas lieu d’attribuer au Fonds de garantie les frais et dépens pour la procédure en première instance, car le Fonds n’a pas demandé que soit complété, au titre de l’art. 248, alinéa 1 du CPC, l’arrêt de première instance, rejetant l’action dans la partie concernant les frais et ne lui attribuant pas les frais et dépens. Des frais ne sont pas non plus dus au demandeur en cassation pour la procédure devant la juridiction d’appel dans la mesure où il manque de justificatifs de frais engagés par le Fonds de garantie devant la juridiction d’appel.

Eu égard à ce qui précède et sur le fondement de l’art. 293, alinéa 2 du CPC, la Cour suprême de cassation, Chambre commerciale, formation de jugement de la deuxième section,

DECIDE :

ANNULE l’arrêt no. 3 du 03 janvier 2020, rendu dans l’affaire commerciale d’appel no. 597/2019 par la Cour d’appel de Varna, section commerciale, en ce que, à la suite d’une annulation partielle de l’arrêt no. 67/14.05.2019, rendu dans l’affaire commerciale no. 328/2018 par le Tribunal de grande instance de Dobritch, le Fonds de garantie a été condamné à verser à S.K.K., agissant personnellement et avec l’accord de sa mère I.D.Tch., la somme de 50 000 leva à titre d’indemnisation pour préjudices immatériels en raison de la mort de son frère S.K.K., survenue lors d’un accident de la route le 13.04.2017, avec les intérêts légaux dus, à compter du 09 octobre 2018, ainsi que, dans la partie des frais et dépens, y compris ceux accordés au budget de la justice, et dit à sa place :
REJETTE l’action ayant pour motif juridique l’art. 558, alinéa 5 du Code des assurances, introduit par S.K.K. EGN [EGN], agissant personnellement et avec l’accord de sa mère I.D.Tch. EGN [EGN], tous deux de [localité], [rue], contre le Fonds de garantie, Bulstat [EIK], de [localité], [rue], étage 4, en paiement de la somme de 50 000 leva à titre d’indemnisation pour préjudices immatériels à la suite de la mort de son frère S.K.K., survenue lors d’un accident de la route le 13 avril 2017.
CONDAMNE S.K.K. EGN [EGN], agissant personnellement et avec l’accord de sa mère I.D.Tch. EGN [EGN], tous deux de [localité], [rue], à verser au Fonds de garantie, Bulstat [EIK], de [localité], [rue], étage 4, la somme de 1 030 leva (mille trente leva) à titre de frais et dépens.
L’arrêt n’est pas susceptible de recours.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 1902-2020
Date de la décision : 11/10/2021
Type d'affaire : Arrêt

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bg;cour.supreme.cassation;arret;2021-10-11;1902.2020 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award