DÉCISION
N° 82
ville de Sofia, le 07/07/2022
AU NOM DU PEUPLE
LA COUR SUPRÊME DE CASSATION de la République de Bulgarie, Chambre commerciale, Premier département, siégeant en audience publique le sixième jour du mois de juin de l'an deux-mille-vingt-deux, composée de :
PRÉSIDENT : Totka Kalcheva
MEMBRES : Veronika Nikolova
Madlena Zheleva
avec Silviana Shishkova comme secrétaire, ayant entendu l'affaire commerciale n° 871 du registre de l'an 2021 rapportée par le juge Kalcheva, pour statuer, a pris en considération ce qui suit :
La procédure relève de l'article 290 du Code de procédure civile.
La procédure a été engagée sur un pourvoi en cassation de V. Т. D., [lieu de résidence], contre la décision d'appel n° 12265/06/11/2020, rendue dans l'affaire civile en appel n° 23/2020 par la Cour d'appel de Sofia, dans la partie par laquelle la décision n° 5565/19/07/2019 dans l'affaire civile n° 9148/2018 du tribunal de première instance de Sofia a été confirmée pour la condamnation de V. Т. D. de payer à « UniCredit Bulbank » AD, [lieu de résidence], en application de l'article 430 du Code du commerce, en vertu du contrat de prêt bancaire n° 93 du 24/04/2017, les montants suivants : 614,67 euros du principal en échéances pour 4 versements en échéance pour la période du 05/12/2016 au 05/03/2017 ; 48941,21 euros du principal dû avant l'échéance, ainsi que les intérêts légaux du 06/07/2018 ; 1173,03 euros d'intérêts de retard sur 4 mensualités pour la période du 05/12/2016 au 31/03/2017 ; 3891,47 euros d'intérêts de retard sur le montant principal de 48941,21 euros pour la période du 31/03/2017 au 05/07/2018 et le montant de 12,91 euros d'intérêts de pénalité sur le montant de 614,67 euros pour la période du 28/12/2016 au 31/03/2017.
La partie requérante insiste que le jugement est infondé et incorrect en raison de la violation des règles de procédure et du droit matériel, compte tenu de l'objection du créancier pour défaut de paiement admise comme non prouvée, des clauses abusives non discutées des conditions générales du contrat de crédit relatives au remboursement anticipé de la créance, compte tenu de la disproportion entre le solde du prêt et le capital restant dû, ainsi que de la volonté déclarée de servir le prêt, mais de manière régulière et non anticipée. La partie requérante demande que la décision soit annulée et que le recours soit rejeté, les dépens lui étant alloués.
Le défendeur conteste l'appel. Il soutient que la décision d'appel est correcte à la lumière des objections et des arguments discutés des parties, et de la conclusion que le paiement de la créance est exigible par anticipation au titre du contrat de prêt. Il réclame des dépens pour la procédure de cassation.
La Cour suprême de cassation, Chambre commerciale, Premier département commercial, constate que:
Pour prononcer la décision attaquée, la Cour d'appel a retenu que le 24/04/2007 un contrat de crédit a été conclu entre les parties et que la banque a accordé à V. D. la somme de 62400 euros pour l'achat d'une maison et des travaux de finition avec un délai de remboursement au 05/05/2032. Par une lettre d'invitation notariale du 10.02.2017, signifiée aux conditions de l'article 47, al. 1 du Code de procédure civile le 31/03/2017, le créancier a avisé le débiteur que le prêt a été déclaré remboursable par anticipation. Sur la base de la conclusion de l'expert-comptable, la formation de jugement a constaté que trois annuités de remboursement dont les échéances étaient comprises entre le 05/09/2013 et le 05/11/2013 étaient échues, ce qui a conduit à déclarer le prêt remboursable par anticipation par l'appel du 10/02/2017. La Cour d'appel de Sofia a jugé que les clauses du point 4, du point 11.1, du point 11.1.1 et du point 11.1.2 ne sont pas abusives, et que la clause du point 11.1.3 des conditions générales, prévoyant la possibilité de modifier unilatéralement le taux d'intérêt, est abusive en vertu de l'article 143, point 10 de la LPC (telle que modifiée le 13 avril 2007). À la suite de ces constatations, le taux d'intérêt du prêt a été fixé à 6,75 % en vertu de l'accord initial. Le trop-perçu pour les intérêts en date du 05/12/2013 d'un montant de 6018,47 euros a été compensé avec les versements dus après cette date et le passif a été calculé au 31/03/2017 pour un montant de 614,67 euros — versements dus pour la période du 05/12/2016 au 05/03/2017 et 48941,21 euros de principal dû par anticipation.
L'objection du débiteur, qui est le requérant actuel, selon laquelle la banque n'a pas fourni l'aide nécessaire pour le remboursement du prêt a été jugée non fondée. Le remboursement de la dette contractuelle devait être effectué mensuellement, le cinquième jour du mois, sur un compte bancaire désigné. Ce compte pour la période du 24 avril 2007 au 17 décembre 2018 portait les derniers chiffres 707986. La banque avait saisi les comptes de D. sur la base d'un ordre exécutoire et d'un titre exécutoire émis par le Tribunal de première instance de Sofia, mais le compte sur lequel la créance devait être remboursée n'était pas lié aux saisies, de sorte que l'emprunteur n'a pas été empêché de s'acquitter de son obligation. Les arriérés de trois mensualités pour la période du 05/09/2013 au 05/11/2013 et les correspondances échangées entre les parties ont établi une absence de disposition à exécuter l'obligation.
La conclusion formée est que la créance a été déclaré remboursable par anticipation par une lettre d'invitation notariale du 10/02/2017, en accordant les échéances échues pour la période du 05/12/2016 au 05/03./2017 pour un montant de 614,67 euros, le principal dû par anticipation pour un montant de 48941,21 euros, respectivement les intérêts sur les échéances échues pour le principal pour la période du 05/12/2016 au 31/03/2017 pour un montant de 1173,03 euros et sur le principal échu pour un montant de 3891,47 euros, ainsi qu'un intérêt de pénalité de 12,91 euros. La demande d'intérêts d'un montant de 2265,50 euros pour la période du 05/06/2013 au 05/12/2013 a été rejetée comme non fondée compte tenu du trop-perçu de 6018,47 euros.
Par l'arrêté n° 101/04.03.2022. La CSC a admis le pourvoi en cassation conformément à l'article 280, al. 1(1) du CPC relatif à l'obligation du tribunal de contrôler d'office les clauses abusives dans les contrats de consommation afin de vérifier la conformité de l'acte d'appel avec la jurisprudence de la CSC et sur la base de l'article 280 al. 1(2), paragraphe 2 du Code de procédure civile sur la question, clarifiée par la formation de la CSC, relative à la signification de l'inexécution en tant que condition préalable à la déclaration d'exigibilité d'une créance au titre d'un contrat de crédit bancaire avant son échéance, lors de l'appréciation du caractère éventuellement abusif d'une clause des conditions générales, afin de vérifier la conformité de l'arrêt attaqué avec la jurisprudence de la CJUE.
L'avis de la formation de la Cour suprême de cassation découle de ce qui suit :
Selon la disposition de l'article 7, al. 3 du Code de procédure civile (après la modification du Code de procédure civile publiée dans le JO n° 100/2019), le tribunal contrôle d'office l'existence de clauses abusives dans un contrat conclu avec un consommateur, en donnant la possibilité aux parties d'exprimer leur opinion sur ces questions. Dans la Décision n° 23/07.07.16 dans l'affaire commerciale n° 3686/14 du premier département commercial de la CSC, des précisions sont apportées sur les pouvoirs et obligations du juge en matière de contrôle d'office pour les clauses abusives dans les contrats de consommation conformément à l'interprétation de la directive 93/13 par la Cour de justice de l'Union européenne. Selon cette décision, le tribunal de première instance et la cour d'appel contrôlent d'office l'existence de circonstances factuelles et/ou juridiques qui rendraient une ou plusieurs clauses d'un contrat de consommation abusives et, lorsqu'elle constate l'existence de telles circonstances, la juridiction saisie au fond notifie aux parties, en vertu du principe du contradictoire, qu'elle va statuer sur le caractère abusif de la ou des clauses, en leur donnant l'occasion d'exprimer leur point de vue et de produire des preuves. La première instance, lors rapport sur l'affaire, notifie les parties et leur donne l'occasion de présenter leurs points de vue et leurs preuves et, à défaut, à tout moment pendant la durée de la procédure devant la première instance ou l'instance d'appel.
En l'espèce, le consommateur, qui est la partie requérante, dans la réponse à la requête a fait une objection pour le caractère abusif de la clause au point 16 des conditions générales, liée aux hypothèses de la déclaration de remboursement par anticipation de la créance en vertu du contrat de crédit. Sur le fond du litige les formations n'ont pas discuté l'objection ainsi soulevée, et la Cour d'appel n'a pas procédé à un examen d'office de toutes les clauses des conditions générales, compte tenu également de la référence par la banque au motif dans le point 16.1 pour le droit du créancier de déclarer au débiteur le remboursement par anticipation.
En ce qui concerne des clauses figurant dans les conditions générales d'un contrat de crédit conclu avec un consommateur, la Décision du 26 janvier 2017 dans l'affaire C-421/14 de la Cour de justice de l'Union européenne interprète l'article 3, paragraphe 1 et de l'article 4 de la Directive 93/13 en ce sens que pour apprécier le caractère prétendument abusif d'une clause de remboursement par anticipation en raison de non-respect par le débiteur de ses obligations pendant une période limitée, cette juridiction nationale doit examiner, notamment, si la faculté du vendeur ou du fournisseur de déclarer l'intégralité du crédit remboursable est subordonnée au non-respect par le consommateur d'une obligation fondamentale au titre du contrat en cause, si cette faculté est prévue dans les cas où le manquement est suffisamment grave au regard de la durée du crédit et du montant de la dette qui en découle, si elle déroge aux règles juridiques applicables en la matière et si le droit national prévoit des moyens appropriés et efficaces permettant au consommateur auquel une telle clause s'applique de suspendre l'effet de ladite exigibilité du crédit.
La Cour de justice de l'Union européenne a expressément indiqué dans l'arrêt cité que la Directive 93/13 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ne permet pas l'interprétation par la jurisprudence d'une disposition de droit national, réglementant les clauses relatives à remboursement par anticipation d'une dette découlant d'un contrat de crédit, qui interdit à une juridiction nationale qui a constaté le caractère abusif d'une telle clause contractuelle de la déclarer nulle et de refuser de l'appliquer lorsque, en pratique, le vendeur ou le fournisseur ne l'a pas appliquée mais a respecté les conditions prévues par la disposition du droit national en question.
Pour ces raisons, il y a lieu de répondre à la deuxième question sur laquelle le pourvoi en cassation est accueilli en ce que, pour apprécier le caractère éventuellement abusif d'une clause de remboursement par anticipation dans un contrat de crédit conclu avec un consommateur, le tribunal doit prendre en considération les critères énoncés dans l'arrêt du 26 janvier 2017, de l'affaire C-421/14, de la Cour de justice de l'Union européenne.
Compte tenu de l'absence d'examen des clauses de remboursement par anticipation, contenues dans le contrat de crédit, la Cour d'appel n'a pas discuté des critères et circonstances pertinents pour évaluer si le contrat était abusif et n'a pas comparé les dispositions contractuelles régissant le remboursement par anticipation avec les dispositions pertinentes du droit national.
L'arrêt d'appel attaqué est contraire à la jurisprudence de la Cour suprême de cassation et à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Il est donc incorrect et doit être annulé dans la partie susceptible d’un pourvoi en cassation. En application à l'article 293, al. 3 du Code de procédure civile, l'affaire doit être renvoyée devant la cour d'appel pour un nouvel examen, où la formation décisionnelle doit remplir ses obligations en vertu de l'article 7, al. 3 du Code de procédure civile et de statuer, après discussion des clauses d'exigibilité anticipée, selon les instructions données dans la présente décision. La Cour d'appel devrait également statuer sur les frais de l'affaire devant la CSC en vertu de l'article 294, alinéa 2, du CPC.
Motivée par ce qui précède, la Cour suprême de cassation
A DÉCIDÉ :
ANNULE l'arrêt d'appel n° 12265/06.11.2020, rendue dans l'affaire civile en appel n° 23/2020 par la Cour d'appel de Sofia, dans la partie par laquelle la décision n° 5565/19.07.2019 dans l'affaire civile n° 9148/2018 du tribunal de première instance de Sofia a été confirmée pour condamner V. Т. D. de payer à « UniCredit Bulbank » AD, [lieu de résidence], en application de l'article 430 du Code du commerce, en vertu du contrat de prêt bancaire n° 93 du 24/04/2017, les montants suivants : 614,67 euros du principal en échéances pour 4 versements en échéance pour la période du 05/12/2016 au 05/03/2017 ; 48941,21 euros du principal dû avant l'échéance, ainsi que les intérêts légaux du 06/07/2018 ; 1173,03 euros d'intérêts de retard sur 4 mensualités pour la période du 05/12/2016 au 31/03/2017 ; 3891,47 euros d'intérêts de retard sur le montant principal de 48941,21 euros pour la période du 31/03/2017 au 05/07/2018 et le montant de 12,91 euros d'intérêts de pénalité sur le montant de 614,67 euros pour la période du 28/12/2016 au 31/03/2017.
RENVOIE l'affaire à la Cour d'appel de Sofia pour un nouvel examen dans la partie annulée.
La décision n'est pas susceptible d'appel.