ARRET No. 49
Sofia, le 09 novembre 2022
LA COUR SUPREME DE CASSATION de la République de Bulgarie, Première section pénale, à son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux, constituée de :
PRESIDENT : ROUMEN PETROV
MEMBRES : SPAS IVANTCHEV
TATIANA GROZDANOVA
en présence de la greffière Mariana Petrova,
vu l’avis du procureur P. Dolaptchiev,
a entendu l’affaire pénale no. 340 d’après le rôle de 2021, rapportée par le juge Spas Ivantchev.
La procédure a été ouverte en vertu de l’art. 346, point 1 du Code de procédure pénale (CPP), sur pourvoi formé par le procureur du Parquet près le Tribunal d’appel pénal spécialisé et sur pourvois des prévenus D.P.I., B.E.H.-P. et P.G.D., introduits personnellement et par l’intermédiaire de leurs avocats, à l’encontre de l’arrêt d’appel du 06 juillet 2020, affaire pénale d’appel no. 314/2019 du Tribunal d’appel pénal spécialisé (TAPS).
En soutien de son pourvoi, le procureur avance tous les moyens de cassation tirés de l’art. 348, alinéa 1 du CPP. Il y fait valoir plus concrètement que l’arrêt de la juridiction d’appel, dans sa partie acquittant les trois prévenus, est illégal et rendu en violation de la loi matérielle qui a été appliquée de manière incorrecte, et en violation des formes substantielles car les exigences de l’art. 13, l’art. 14 et l’art. 107, alinéa 5 du CPP n’ont pas été respectées, ce qui a restreint le droit de l’accusation en tant que partie à la procédure ; les peines appliquées aux trois prévenus sont manifestement inéquitables, car le poids des circonstances aggravantes sur les circonstances atténuantes, la forme de complicité pour chacun des prévenus, le degré de dangerosité pour la société des faits et des auteurs et les mobiles pour la commission des faits n’ont pas été pris en compte.
Il demande l’annulation de l’arrêt dans sa partie acquittant les trois prévenus et le renvoi de l’affaire pour réexamen par une autre formation de jugement de la juridiction d’appel.
En complément de son pourvoi, le procureur fait valoir que la juridiction d’appel n’a pas procédé à une appréciation globale et objective, comme l’exige la loi de procédure, des éléments pertinents non seulement séparément, mais aussi dans leur interdépendance, ce qui l’a fait conclure à tort que le pot-de-vin demandé par les prévenus n’a pas été d’un montant de 500 000 euros. Cette thèse, selon le ministère public, est étayée par les dépositions du témoin V. et les explications du prévenu D., qui correspondent également aux éléments de preuve recueillis quant à la rencontre tenue entre les trois prévenus le 11 avril 2018.
S’agissant de la violation de la loi invoquée, il est avancé qu’elle ne doit être examinée qu’au regard de la question de savoir si l’appréciation effectuée des éléments de preuve recueillis en l’espèce a abouti ou non à l’application correcte de la loi matérielle. En ce sens, il est allégué que la juridiction d’appel n’a pas appliqué correctement la loi quand elle a admis que les prévenus ont commis des infractions dont la qualification juridique relève de l’art. 302 du Code pénal (CP) au lieu de l’art. 302а du CP, ce qui était prouvé par les dépositions des promoteurs immobiliers et des représentants des sociétés de construction, les témoins D.I., A.P., P.M., I.M., S.D., etc.
Il est soutenu que l’arrêt doit être annulé dans sa partie acquittant les trois prévenus et que l’affaire doit être renvoyée pour réexamen par une autre formation de jugement de la juridiction d’appel.
La demandeuse en cassation I., par l’intermédiaire de son avocat, soulève tous les moyens de cassation. Selon ses principaux griefs, la juridiction d’appel n’a pas répondu aux multiples exceptions soulevées par la défense ; lors de l’analyse des éléments de preuve, le juge les a interprétés de manière erronée et tendancieuse et a enfreint l’art. 14 du CPP. Il est avancé que la condamnation a été prononcée par une formation de jugement irrégulière et que la présomption d’innocence a été violée de manière brutale.
Elle demande que l’arrêt soit annulé et qu’un arrêt d’acquittement soit prononcé ou à titre subsidiaire que l’affaire soit renvoyée pour réexamen ou réduction des peines.
La demandeuse en cassation P. soutient, par l’intermédiaire de son avocat, que la condamnation attaquée a été prononcée en violation de la loi, dans les conditions de violations des formes substantielles, et que les peines appliquées sont manifestement inéquitables. Elle fait valoir qu’aucune réponse n’a été apportée aux nombreuses exceptions soulevées par la défense et que les dispositions de l’art. 13 et de l’art. 14 du CPP ont été enfreintes, car durant la procédure plusieurs demandes de preuve d’une importance substantielle pour l’élucidation de la vérité objective ont été rejetées. Elle avance que des éléments de preuve, réfutant l’accusation, ont été entièrement méconnus, sans la moindre argumentation. Elle conteste des conclusions de la juridiction d’appel tirées, en violation de l’art. 177 du CPP, sur la seule base des techniques spéciales d’enquête. En ce sens, il est avancé que l’autorisation d’utiliser des techniques spéciales d’enquête a été irrégulière, car celles-ci ont été mises en œuvre avec la participation d’une autorité non compétente. Il est avancé en outre que la condamnation a été rendue par une formation de jugement irrégulière et dépendante. Selon les arguments présentés, l’art. 6 de la Convention européenne des droits de l’homme a été enfreint du fait de l’accès limité aux éléments de preuve consultables au secret, dans une salle du greffe dédiée à cette fin, du refus de produire tout le dossier relatif à l’autorisation et à l’utilisation des techniques spéciales d’enquête et de la violation de l’« égalité des armes ». En ce sens, des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sont cités : Natunen c. Finlande, Matyjek c. Pologne, Leas c. Estonie.
S’agissant de l’application de la loi matérielle, les arguments avancés font valoir une provocation à la corruption.
Elle demande que l’arrêt d’appel soit annulé et qu’un arrêt d’acquittement soit prononcé ou à titre subsidiaire que l’affaire soit renvoyée pour réexamen ou réduction des peines appliquées.
Le demandeur en cassation D. soutient par l’intermédiaire de son avocat que l’arrêt attaqué a été prononcé en violation de la loi, dans les conditions de violation des formes substantielles, et que les peines appliquées sont manifestement inéquitables. En soutien du moyen avancé, tiré de l’art. 348, alinéa 1, point 2 du CPP, il fait valoir que le juge a violé les dispositions de l’art. 13 et de l’art. 14 du CPP. En ce sens, il avance des arguments détaillés selon lesquels son droit à la défense a été violé, car la juridiction d’appel a fondé son intime conviction sur la base de ses explications qui ont été versées au dossier en contradiction avec la disposition de l’art. 279, alinéa 4 du CPP (car l’accusation a été à plusieurs fois modifiée lors de la phase préliminaire de la procédure, mais le prévenu n’a pas déposé de nouvelles explications). Concernant la thèse retenue, selon laquelle le prévenu a aidé la prévenue I. à demander la somme de 250 000 euros, la défense estime que les éléments de preuve en l’espèce n’ont pas été appréciés en fonction de leur véritable contenu, mais se sont vus doter d’un contenu qu’ils ne possédaient pas en réalité. Il est soutenu qu’il manque en l’espèce des éléments sur l’entretien tenu à proximité de l’automobile et sur le pot-de-vin demandé par la prévenue I., et il est souligné que l’absence de preuves a été comblée par des réflexions personnelles de la formation de jugement en appel, basées sur des informations recueillies à l’aide des techniques spéciales d’enquête.
S’agissant de l’application de la loi matérielle, les arguments avancés font valoir une provocation à la corruption de la part du témoin V.
Quant à la peine manifestement inéquitable alléguée, il est avancé que la formation de jugement n’a pas pris en compte le casier judiciaire vierge du prévenu, l’absence de procédures pénales pendantes, son état de sante détérioré, l’accusation de complicité et non de commission, et son activité dans l’intérêt général jusqu’au moment de son arrestation.
Il demande que l’arrêt d’appel soit annulé et qu’un arrêt d’acquittement soit prononcé ou à titre subsidiaire que sa peine soit fixée selon les modalités de l’art. 55 du CP et en application de la disposition de l’art. 66 du CP.
Lors de l’audience de justice, le procureur du Parquet suprême de cassation soutient le pourvoi et les considérations y exposées. Il estime que les moyens de cassation tirés de l’art. 348, alinéa 1, point 1 et point 2 du CPP sont réunis. Il demande que l’arrêt attaqué soit annulé et que l’affaire soit renvoyée pour réexamen par la juridiction d’appel, ou à titre subsidiaire que l’arrêt soit maintenu car les pourvois des prévenus sont non fondés.
La prévenue D.I. comparaît, elle est représentée par des avocats qui soutiennent les pourvois en cassation sur les moyens y exposés. L’accent est mis sur le fait que le TAPS a admis contrairement à la loi et de manière incorrecte les conclusions des mêmes experts qui, sur des missions identiques, ont donné des conclusions radicalement opposées, une fois devant l’instance de premier degré et une autre fois devant la juridiction d’appel, et il est soutenu que la formation de jugement ne s’est nullement argumentée pourquoi leur expertise pour la juridiction d’appel a été admise. Des observations sont également déposées par écrit.
Ils plaident l’annulation de l’arrêt et l’acquittement de la prévenue ou le renvoi de l’affaire pour réexamen. Ils demandent à la Cour de ne pas accueillir le pourvoi du Parquet.
Dans sa défense personnelle, la prévenue I. expose sa thèse selon laquelle elle est innocente, elle met l’accent sur les violations des formes substantielles, y compris lors de l’ouverture de la procédure préliminaire et au moment de son arrestation. Elle propose sa propre analyse des éléments de preuve et des moyens de preuve, et demande à la fin qu’elle soit acquittée.
La prévenue B.P. comparaît, elle est représentée par un avocat qui demande à la Cour de ne pas accueillir le pourvoi en cassation du Parquet et de dire droit sur les pourvois formés par les prévenus. Elle met l’accent sur l’absence de motifs de l’arrêt et sur le fait que celui-ci a été rendu par une formation de jugement irrégulière. Elle présente des observations par écrit.
Dans sa défense personnelle, la prévenue P. s’associe à ses avocats pour soutenir le pourvoi en cassation, ses compléments et toutes les exceptions soulevées par ses avocats depuis le début de la procédure pénale. Elle expose ses considérations selon lesquelles elle est privée de voies de recours effectifs. Elle justifie cela avec le fait que la condamnation contrôlée a été prononcée par le chef administratif du TAPS et deux juges détachés sur son ordre. Elle demande que l’arrêt d’appel soit annulé et qu’un arrêt d’acquittement soit prononcé, ou à titre subsidiaire que l’affaire soit renvoyée pour réexamen à l’instance inférieure concernée.
Le prévenu P.D. comparaît, il est représenté par un avocat qui soutient les pourvois sur les moyens y exposés. En ce sens, il fait valoir ses considérations motivées. L’accent est mis sur la violation des formes absolues selon la défense, objectivée par la référence faite dans les motifs de la juridiction d’appel aux explications déposées par le prévenu lors de la phase préliminaire, c’est-à-dire avant la requalification de l’accusation selon les modalités de l’art. 225 du CPP. Il est indiqué que ces explications ne peuvent pas être utilisées, conformément à l’art. 287, alinéa 4 du CPP, car après la modification de l’accusation, de nouvelles explications n’ont pas été données.
Il demande l’annulation et le renvoi de l’affaire pour réexamen par une nouvelle formation de jugement du TAPS ou à titre subsidiaire la reconnaissance de l’innocence du prévenu, car il s’agit d’une provocation absolue à la corruption.
Dans sa défense personnelle, le prévenu D. soutient les propos de son avocat et demande qu’un complément soit admis au pourvoi en cassation, où il expose sa position. Il demande que l’arrêt du TAPS soit annulé, que l’affaire soit renvoyée pour réexamen ou une nouvelle décision prononçant son innocence.
Dans ses derniers propos, la prévenue I. demande d’être acquittée et libérée.
Dans ses derniers propos, la prévenue P. demande d’être acquittée et, si cela n’est pas possible, que l’affaire sera renvoyée pour examen par un tribunal impartial.
Dans ses derniers propos, le prévenu D. demande d’être acquitté.
La Cour suprême de cassation, Première section pénale, après avoir examiné les arguments avancés par les parties et procédé à un contrôle dans les limites fixées par l’art. 347, alinéa 1 du CPP, a constaté ce qui suit :
Par jugement no. 23/15.04.2019, affaire pénale no. 2617/2018 du Tribunal pénal spécialisé, les prévenus :
1. D.I. a été reconnue coupable pour avoir, en sa qualité de titulaire de charge publique, occupant un poste à responsabilité – maire de l’arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), en tant qu’auteur, en complicité avec B.E.H.-P. et P.G.D., complices, demandé un avantage indu, la somme de 187 500 euros, à A.I.V., gérant de Vaklin Group EOOD, afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions, représentant un pot-de-vin d’un montant particulièrement élevé qui constitue un acte particulièrement grave et qui a été commis par extorsion auprès d’A.I.V., par voie d’abus de pouvoir : infraction au titre de l’art. 302а, en lien avec l’art. 302, point 1 et point 2, en lien avec l’art. 301, alinéa 1, hypothèse 1, en lien avec l’art. 20, alinéa 2, en lien avec l’alinéa 1 du CP, pour laquelle infraction les peines suivantes lui ont été appliquées : une peine privative de liberté de 20 ans ; une amende d’un montant de 10 000 leva ; la privation du droit d’occuper des fonctions publiques ou municipales liées à l’exercice de pouvoirs de puissance publique pendant une durée de 20 ans ; la privation du droit d’exercer une profession ou une activité au sein d’institutions, établissements ou entreprises d’Etat ou municipales pendant une durée de 20 ans et la confiscation d’un bien immobilier, de liquidités sur des comptes bancaires et d’une automobile.
En vertu de l’art. 304 du CPP, le juge a acquitté la prévenue sur certaines parties de l’acte d’accusation, ainsi que sur le chef d’accusation au titre de l’art. 26 du CP et sur la qualification juridique au titre de l’art. 301, alinéa 1, hypothèse 2, en lien avec l’art. 20, alinéa 2, en lien avec alinéa 1 du CP.
2. B.P. a été reconnue coupable pour avoir, par des actes de fait, volontairement aidé l’auteur D.P.I. en tant que titulaire de charge publique, occupant un poste à responsabilité – maire de l’arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), à demander un avantage indu, la somme de 187 500 euros, à A.I.V., gérant de Vaklin Group EOOD, afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions, représentant un pot-de-vin d’un montant particulièrement élevé qui constitue un acte particulièrement grave et qui a été commis par extorsion auprès d’A.I.V., par voie d’abus de pouvoir et en complicité avec P.G.D., en tant que complice : infraction au titre de l’art. 302а, en lien avec l’art. 302, point 1 et point 2, en lien avec l’art. 301, alinéa 1, hypothèse 1, en lien avec l’art. 20, alinéa 4, en lien avec l’alinéa 1 du CP, pour laquelle infraction les peines suivantes lui ont été appliquées : une peine privative de liberté de 12 ans ; une amende d’un montant de 12 000 leva ; la privation du droit d’occuper des fonctions publiques ou municipales, liées à l’exercice de pouvoirs de puissance publique pendant une durée de 12 ans ; la privation du droit d’exercer une profession ou une activité au sein d’institutions, établissements ou entreprises d’Etat ou municipales pendant une durée de 12 ans et la confiscation d’un bien immobilier, de liquidités sur des comptes bancaires, d’une automobile et de parts sociales dans une société commerciale.
En vertu de l’art. 304 du CPP, le juge a acquitté la prévenue sur certaines parties de l’acte d’accusation, ainsi que sur le chef d’accusation au titre de l’art. 26 du CP et sur la qualification juridique au titre de l’art. 301, alinéa 1, hypothèse 2, en lien avec l’art. 20, alinéa 4, en lien avec l’alinéa 1 du CP.
3. P.D. a été reconnu coupable pour avoir, en éliminant des obstacles et par des actes de fait, volontairement aidé l’auteur D.P.I., en tant que titulaire de charge publique, occupant un poste à responsabilité – maire de l’arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), à demander un avantage indu, la somme de 187 500 euros, à A.I.V., gérant de Vaklin Group EOOD, afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions, représentant un pot-de-vin d’un montant particulièrement élevé qui constitue un acte particulièrement grave et qui a été commis par extorsion auprès d’A.I.V., par voie d’abus de pouvoir et en complicité avec B.E.H.-P. en tant que complice : infraction au titre de l’art. 302а, en lien avec l’art. 302, point 1 et point 2, en lien avec l’art. 301, alinéa 1, hypothèse 1, en lien avec l’art. 20, alinéa 4, en lien avec l’alinéa 1 du CP, pour laquelle infraction les peines suivantes lui ont été appliquées : une peine privative de liberté de 15 ans ; une amende d’un montant de 15 000 leva ; la privation du droit d’occuper des fonctions publiques ou municipales, liées à l’exercice de pouvoirs de puissance publique pendant une durée de 15 ans ; la privation du droit d’exercer une profession ou une activité au sein d’institutions, établissements ou entreprises d’Etat ou municipales pendant une durée de 15 ans et la confiscation de liquidités sur des comptes bancaires et une automobile.
En vertu de l’art. 304 du CPP, le juge a acquitté le prévenu sur certaines parties de l’acte d’accusation, ainsi que sur le chef d’accusation au titre de l’art. 26 du CP et sur la qualification juridique au titre de l’art. 301, alinéa 1, hypothèse 2, en lien avec l’art. 20, alinéa 4, en lien avec l’alinéa 1 du CP.
Par arrêt d’appel du 06 juillet 2020, affaire pénale d’appel no. 314/2019, le Tribunal d’appel pénal spécialisé a annulé le jugement rendu par la juridiction de première instance et a prononcé une nouvelle condamnation par laquelle les prévenus :
- D.I. a été reconnue coupable pour avoir, en sa qualité de titulaire de charge publique, occupant un poste à responsabilité – maire de l’arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), en tant qu’auteur, en complicité avec B.E.H.-P. et P.G.D., complices, demandé et accepté un avantage indu à A.I.V., gérant de Vaklin Group EOOD et de Vaklin Group Kambanite EOOD, notamment, durant la période du 16 mars 2018 au 19 mars 2018, demandé la somme de 250 000 euros, afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions ; durant la période du 11 avril 2018 au 13 avril 2018, réduit le montant de l’avantage ainsi demandé de 250 000 euros à la somme de 187 500 euros, équivalant à 366 718,13 leva, payable par tranches, afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions, et le 17 avril 2018, accepté la somme de 70 000 euros, équivalant à 136 908,10 leva (constituant la première partie de l’avantage indu demandé, reçue par le complice P.G.D.), afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions, représentant un pot-de-vin d’un montant particulièrement élevé et qui a été commis par extorsion auprès d’A.I.V., par voie d’abus de pouvoir : infraction au titre de l’art. 302, point 1, point 2 et point 4, en lien avec la lettre « a », en lien avec l’art. 301, alinéa 1, hypothèses 1 et 2, en lien avec l’art. 20, alinéa 2, en lien avec l’alinéa 1 du CP, pour laquelle infraction les peines suivantes lui ont été appliquées : une peine privative de liberté de 8 ans ; une amende d’un montant de 15 000 leva ; la privation du droit d’occuper des fonctions publiques et municipales, liées à l’exercice de pouvoirs de puissance publique pendant une durée de 10 ans et la privation du droit d’exercer une profession ou une activité au sein d’institutions, établissements ou entreprises d’Etat ou municipales pendant une durée de 10 ans.
En vertu de l’art. 304 du CPP, le juge a acquitté la prévenue sur le point de pot-de-vin réalisé dans des conditions d’une infraction continue, constituée de trois actes distincts ; sur le point d’avoir, pendant la période du 11 avril 2018 au 13 avril 2018, augmenté le montant du pot-de-vin initialement demandé à 500 000 euros, équivalant à 977 915 leva ; sur le point selon lequel ses actes, accomplis dans le cadre de ses fonctions, étaient liés à des procédures administratives ultérieures – notification d’un permis de construire délivré, procédure de lancement d’un chantier et procédure d’implantation, autorisation d’exploitation du chantier en lien avec terrain III-1381, VIII-1381 et terrain IV, division cadastrale 40, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), ou ayant été en lien avec les biens immobiliers suivants : terrain I - 44, 263, 266, 351, 376, division cadastrale 38, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, et terrain II-267, 352, division cadastrale 37, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, détenus par Vaklin Group Kambanite EOOD ; et sur le point de pot-de-vin d’un montant particulièrement élevé, constituant un cas particulièrement grave, sur les chefs d’accusation dirigés en ce sens contre elle, ainsi que sur le chef d’accusation au titre de l’art. 302а en lien avec l’art. 26, alinéa1 du CP, et pour le surplus du pot-de-vin demandé, au-delà de la somme de 250 000 euros et jusqu’à 500 000 euros.
- B.P. a été reconnue coupable pour avoir, en complicité, en tant que complice de D.P.I., auteur, en sa qualité de titulaire de charge publique, occupant un poste à responsabilité – maire de l’arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), et P.G.D., complice, volontairement aidé la prévenue D.P.I. à demander et à accepter un avantage indu auprès d’A.I.V., gérant de Vaklin Group EOOD et Vaklin Group Kambanite EOOD, notamment, durant la période du 16 mars 2018 au 19 mars 2018, la prévenue D.P.I. à demander la somme de 250 000 euros, afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions ; durant la période du 11 avril 2018 au 13 avril 2018, à réduire le montant de l’avantage ainsi demandé de 250 000 euros à la somme de 187 500 euros, équivalant à 366 718,13 leva, payable par tranches, afin que la prévenue D.P.I. accomplisse des actes dans le cadre de ses fonctions, et le 17 avril 2018, la prévenue D.P.I. à accepter la somme de 70 000 euros, équivalant à 136 908,10 leva (constituant la première partie de l’avantage indu demandé, reçue par le complice P.G.D.), afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions, ce pot-de-vin étant d’un montant important et commis par extorsion auprès d’A.I.V., par voie d’abus de pouvoir : infraction au titre de l’art. 302, point 1, point 2 et point 4, en lien avec la lettre « a », en lien avec l’art.301, alinéa 1, hypothèses 1 et 2, en lien avec l’art. 20, alinéa 4, en lien avec l’alinéa 1 du CP, pour laquelle infraction les peines suivantes lui ont été appliquées : une peine privative de liberté de 7 ans ; une amende d’un montant de 12 000 leva ; la privation du droit d’occuper des fonctions publiques et municipales, liées à l’exercice de pouvoirs de puissance publique pendant une durée de 9 ans et la privation du droit d’exercer une profession ou une activité au sein d’institutions, établissements ou entreprises d’Etat ou municipales pendant une durée de 9 ans.
En vertu de l’art. 304 du CPP, le juge a acquitté la prévenue sur le point d’avoir, en tant que complice, volontairement aidé D.P.I. à accepter un pot-de-vin dans des conditions d’une infraction continue, constituée de trois actes distincts ; pendant la période du 11 avril 2018 au 13 avril 2018, sur le point d’avoir augmenté le montant du pot-de-vin initialement demandé à 500 000 euros, équivalant à 977 915 leva ; sur le point selon lequel ses actes, accomplis dans le cadre de ses fonctions, étaient liés à des procédures administratives ultérieures – notification d’un permis de construire délivré, procédure de lancement d’un chantier et procédure d’implantation, autorisation d’exploitation du chantier, en lien avec terrain III-1381, VIII-1381 et terrain IV, division cadastrale 40, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), ou ayant été en lien avec les biens immobiliers suivants : terrain I - 44, 263, 266, 351, 376, division cadastrale 38, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, et terrain II-267, 352, division cadastrale 37, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, détenus par Vaklin Group Kambanite EOOD ; et sur le point de pot-de-vin d’un montant particulièrement élevé, constituant un cas particulièrement grave, sur les chefs d’accusation dirigés en ce sens contre elle, ainsi que sur le chef d’accusation au titre de l’art. 302а en lien avec с l’art. 26, alinéa 1 du CP, et pour le surplus du pot-de-vin demandé, au-delà de la somme de 250 000 euros et jusqu’à 500 000 euros.
- P.D. a été reconnu coupable pour avoir, en complicité en tant que complice de D.P.I., auteur, en sa qualité de titulaire de charge publique, occupant un poste à responsabilité - maire de l’arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), et B.E.H.-P., complice, volontairement aidé la prévenue D.P.I. à demander et à accepter un avantage indu auprès d’A.I.V., gérant de Vaklin Group EOOD et Vaklin Group Kambanite EOOD, notamment, durant la période du 16 mars 2018 au 19 mars 2018, la prévenue D.P.I. à demander la somme de 250 000 euros, afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions, durant la période du 11 avril 2018 au 13 avril 2018, à réduire le montant de l’avantage ainsi demandé de 250 000 euros à la somme de 187 500 euros, équivalant à 366 718,13 leva, payable par tranches, afin que la prévenue D.P.I. accomplisse des actes dans le cadre de ses fonctions, et le 17 avril 2018, la prévenue D.P.I., à accepter la somme de 70 000 euros équivalant à 136 908,10 leva (constituant la première partie de l’avantage indu demandé, reçue par le complice P.G.D.), afin d’accomplir des actes relevant de ses fonctions, ce pot-de-vin étant d’un montant important et commis par extorsion auprès d’A.I.V., par voie d’abus de pouvoir : infraction au titre de l’art. 302, point 1, point 2 et point 4, en lien avec la lettre « a », en lien avec l’art. 301, alinéa 1, hypothèses 1 et 2, en lien avec l’art. 20, alinéa 4, en lien avec l’alinéa 1 du CP, pour laquelle infraction les peines suivantes lui ont été appliquées : une peine privative de liberté de 6 ans ; une amende d’un montant de 10 000 leva ; la privation du droit d’occuper des fonctions publiques et municipales, liées à l’exercice de pouvoirs de puissance publique pendant une durée de 8 ans et la privation du droit d’exercer une profession ou une activité au sein d’institutions, établissements ou entreprises d’Etat ou municipales pendant une durée de 8 ans.
En vertu de l’art. 304 du CPP, le juge a acquitté le prévenu sur le point d’avoir, en tant que complice, volontairement aidé D.P.I., à accepter un pot-de-vin dans des conditions d’une infraction continue, constituée de trois actes distincts ; pendant la période du 11 avril 2018 au 13 avril 2018, sur le point d’avoir augmenté le montant du pot-de-vin initialement demandé à 500 000 euros, équivalant à 977 915 leva ; sur le point selon lequel ses actes, accomplis dans le cadre de ses fonctions, étaient liés à des procédures administratives ultérieures – notification d’un permis de construire délivré, procédure de lancement d’un chantier et procédure d’implantation, autorisation d’exploitation du chantier, en lien avec terrain III-1381, VIII-1381 et terrain IV, division cadastrale 40, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, arrondissement de Mladost, mairie de Sofia (Stolitchna), ou ayant été en lien avec les biens immobiliers suivants : terrain I - 44, 263, 266, 351, 376, division cadastrale 38, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, et terrain II-267, 352, division cadastrale 37, lieu-dit JG Kambanite, Mladost 4, détenus par Vaklin Group Kambanite EOOD ; et sur le point de pot-de-vin d’un montant particulièrement élevé, constituait un cas particulièrement grave, sur les chefs d’accusation dirigés en ce sens contre lui, ainsi que sur le chef d’accusation au titre de l’art. 302а en lien avec l’art. 26, alinéa 1 du CP, et pour le surplus du pot-de-vin demandé, au-delà de la somme de 250 000 euros et jusqu’à 500 000 euros.
La procédure actuelle est la première en cassation.
Le pourvoi en cassation du Parquet a été formé dans les délais requis, par une personne ayant l’intérêt pour agir, telle que le procureur. Ceci est pleinement vrai aussi pour les pourvois formés par les trois prévenus.
Après les avoir examinés au fond, la Cour trouve qu’une réponse est due suivant leur ordre dans la procédure.
Il est nécessaire avant tout de préciser que le contrôle de cassation est effectué dans des conditions très limitées, en vertu de l’art. 347, alinéa 2 du CPP, de l’office du juge.
I. Sur le moyen de cassation tiré de l’art. 348, alinéa 1, point 2 du CPP :
Il faut d’abord examiner les exceptions visant des violations des formes qui, selon la défense et les prévenus, entachent la procédure pénale. La légalité du déroulement de la procédure pénale demeure la garantie principale de l’élucidation de la vérité objective, cette dernière étant sans aucun doute le but le plus important de cette procédure. Cependant, il y a des violations qui n’entachent pas irrémédiablement l’activité juridictionnelle et des lacunes qui n’empêchent pas de parvenir à un établissement objectif des faits.
1. Sur les griefs de la prévenue I. et de ses avocats quant à l’existence du moyen de cassation tiré de l’art. 348, alinéa 1, point 2 du CPP :
Les exceptions soulevées par la demanderesse en cassation I. expriment en résumé un mécontentement né du mode d’arrestation et de l’administration de la preuve, passant par la manière d’interprétation des éléments de preuve recueillis par des techniques spéciales d’enquête et les conclusions contradictoires des experts, et aboutissant à des allégations de pressions exercées par rapport aux mesures de placement en détention provisoire par un chef administratif, qui par la suite a pris part à la procédure en appel ;
1.1. La Cour estime que les mesures de placement en détention provisoire sont une option de procédure, qui est telle dans chaque cas particulier et n’a pas les caractéristiques d’une mesure obligatoire visant à assurer la participation de l’accusé à la procédure pénale. Le législateur a prévu dans un certain degré un rapport entre la nature et le type de la coercition procédurale et les éléments de preuve en soutien de la thèse d’accusation, au moins au début de l’enquête. Au cours de la procédure judiciaire, cependant, cette interconnexion ne permet pas au juge d’examiner et d’apprécier en détail et au fond les éléments de preuve en cause avant la décision définitive. La détermination de la contrainte procédurale est en fin de compte une prérogative du juge, quelle que soit l’initiative d’autrui et sa conformité aux objectifs de l’art. 57 du CPP, elle touche à la sphère purement juridique des accusés. S’il n’y a pas de telle conformité ou si elle est incomplète, la mesure spécifique de coercition procédurale peut avoir un impact excessif inutile sur la sphère juridique des accusés, portant ainsi atteinte à leurs droits et intérêts légitimes. Dans tous les cas, cependant, le législateur a prévu la possibilité pour les auteurs d’exercer pleinement leur propre défense, ce qui est leur droit dans la procédure pénale, quel que soit le type de mesure de placement en détention provisoire exercée par rapport à eux.
L’éventuelle incohérence ou le caractère excessif de la mesure fixée de placement en détention provisoire ne peut produire une telle influence sur la procédure d’élucidation de la vérité objective, qu’elle l’entache définitivement et irrémédiablement. La possible disproportion entre la mesure de placement en détention provisoire appliquée et les objectifs de l’art. 57 du CPP doit être discutée et les dommages subis en conséquence doivent être indemnisés dans le cadre d’autres procédures, selon la procédure civile prévue. Dans le cadre de la procédure pénale, ils peuvent être pris en compte comme une sorte de mécanisme compensatoire, assimilable à celui applicable lors d’une procédure d’une durée excessive, uniquement dans les cas d’individualisation de la peine, lorsque la culpabilité de l’auteur est définitivement établie.
La contestation de la régularité de la formation de jugement, qui perce derrière les allégations de partialité, inclut aussi une violation déclarée de la présomption d’innocence dans les médias et dans les déclarations de représentants du ministère public et de l’exécutif.
La contestation citée est utilisée aussi par les autres prévenus, qui exposent des considérations complémentaires, notamment la prévenue P., d’où le besoin d’examiner cette exception particulière ci-dessous, au point I.2.15.
En ce qui concerne le grief relatif à l’influence de la couverture médiatique et aux déclarations faites par des représentants du ministère public et des autorités exécutives, il convient de noter que le tribunal est un pouvoir indépendant conformément à la Constitution et que son activité n’est pas soumise à des interventions ou des contrôles extérieurs, sauf à ceux venant du système judiciaire lui-même. Il n’y a pas de mécanismes juridiques ni sociaux par lesquels la volonté du tribunal indépendant peut être subordonnée, si ce n’est que par voie de recours juridictionnel. Aussi, bien que la conduite et les déclarations alléguées de médias, représentants du Parquet et autorités du pouvoir exécutif aient pu méconnaître ou violer la présomption d’innocence, les éléments du dossier ne montrent pas que les juridictions l’ont également violée ou qu’elles ont été influencés dans leurs décisions.
Le droit bulgare, qui est fondé sur le droit continental, ne prévoit aucune possibilité pour le tribunal, ancrée dans la loi, d’interdire ce type de déclarations, qui sont de nature à violer réellement la présomption d’innocence. Cependant, une telle lacune ne peut être assimilée à une possibilité d’influencer l’objectivité du tribunal.
1.2. Il est allégué également que le juge n’a pas répondu aux exceptions soulevées quant à un comportement intentionnel du prévenu D., avec des éléments de malveillance, une circonstance que la prévenue I. ne pouvait pas savoir et elle n’a pas pris part à la situation créée par ce prévenu.
La Cour estime que la réponse est donnée par le comportement du prévenu D. lors de l’établissement des faits en l’espèce. Si l’intentionnalité signifie que le prévenu D. souhaitait recevoir un avantage matériel de l’« assistance » apportée au témoin V., en assurant le un certain comportement de la part de la maire de l’arrondissement de Mladost, alors oui, effectivement, il a eu une conduite intentionnelle. La genèse et la racine de l’« assistance » demandée par le témoin V. en vue de la réalisation de son droit, qui est d’être « notifié » de l’ordonnance émise à son initiative par l’architecte en chef de Sofia, c’est l’inaction volontaire de la maire de l’arrondissement, la prévenue I. Cette inaction a un caractère tout à fait intentionnel, typique de l’arbitraire administratif bureaucratique, qui a conduit le dossier administratif à une « impasse », exemple de situation sans issue (« catch-22 », selon la définition réussie du prévenu D., point 7 de la procédure en appel, f. 73), pendant de nombreux mois.
En effet, le témoin V. a utilisé la procédure judiciaire prévue par le Code de procédure administrative (bien que dans ce cas, la prévenue I. n’ait pas eu la possibilité légale d’administrer le dossier par « refus tacite », car elle avait l’obligation légale, sans disposer d’autonomie opérationnelle, de notifier l’ordonnance émise par l’architecte en chef aux parties concernées), mais de manière purement humaine et pour des raisons économiques (le prêt important obtenu pour son projet d’investissement, avec un taux d’intérêt annuel d’un montant nominal important), il s’est vu contraint de « surmonter » les représentants du pouvoir municipal, offensés par ses actes, notamment la prévenue I.
Lorsqu’on excipe du comportement « intentionnel » du prévenu D. et qu’on allègue une provocation à la corruption de la part du témoin V., on méconnaît le fait ordinaire que la prévenue I. aurait pu se protéger contre toute tentative d’influence par un simple acte, relevant entièrement de ses prérogatives, ce qu’elle a fait au téléphone, mais uniquement après le dépôt par le prévenu D. dans la voiture d’une partie du pot-de-vin demandé au témoin V. et payé par lui. En exécution de ses fonctions, la prévenue I. aurait dû ordonner immédiatement la notification de l’ordonnance émise par l’architecte en chef aux parties concernées et elle a eu l’occasion de le faire à maintes reprises pendant de nombreux mois. Mais elle ne l’a pas fait car son inaction a été tout à fait volontaire et dirigée vers l’idée de contraindre/faire chanter le témoin V. pour qu’il sollicite l’aide, décrite par les juridictions au fond, de la personne proche de la maire de l’arrondissement, notamment le prévenu D. Le comportement décrit de la prévenue I. correspond entièrement à l’hypothèse formulée encore dans l’Ordonnance de l’Assemblée plénière de la Cour suprême no. 8/30.11.1981, affaire pénale no. 10/81, point 9, phrase 3, englobant du point de vue objectif et psychologique la commission de l’infraction de corruption.
Et quand on raisonne, respectivement soulève une exception à propos des conversations tenues et des notes prises sur les pourcentages de la surface bâtie, il faut toujours rattacher ces circonstances à l’argent transmis par le prévenu D., mais précédemment donné par le témoin V., et sa correspondance logique, en tant que valeur nominale, aux « prétentions » de la fonctionnaire.
1.3. Les conclusions du juge concernant les faits sont également contestées, car selon la défense, seule une partie des éléments de preuve recueillis par des techniques spéciales d’enquête a été utilisée, et le reste a été mal interprété, notamment les éléments concernant les conversations sur les pourcentages. A propos de ces conversations, la défense précise qu’elles ne sont pas liées à l’acte de corruption allégué.
La Cour estime que cette exception est tirée de l’examen séparément des éléments de preuve et non dans leur ensemble. Pris isolément de l’ensemble, les éléments de preuve peuvent être soumis à différentes interprétations. Evidemment, une telle interprétation à un seul niveau n’est pas admissible, du moins de la part des juridictions et des exigences d’une analyse dans leur ensemble des éléments de preuve recueillis en l’espèce. Les conclusions tirées par les juridictions au fond sont tout à fait en harmonie avec le respect de cette obligation procédurale. En ce sens, voir le point 1.1.2., dernier paragraphe.
1.4. La défense souligne qu’elle n’a pas compris comment la juridiction contrôlée a formé son intime conviction, son travail d’appréciation n’étant pas clair, et conteste l’acceptation sans critique des dépositions du témoin V. par opposition aux explications non discutées de la prévenue I. Il est allégué que la situation de fait a été établie de manière arbitraire et non fondée.
La Cour ne s’engagerait pas à discuter des efforts intellectuels pour comprendre de l’une ou l’autre partie à la procédure, mais il convient de noter à nouveau que les dépositions du témoin V. constituent un élément à charge important qui n’a été ni sous-estimé ni surestimé. Ce qui est plus important, c’est qu’il existe un nombre de circonstances établies de manière certaine, qui sont liées au comportement global des participants à cette procédure, qui les ont motivés et qui les ont conduits à des actes suivant logiquement de ces faits incontestables - point I.1.2, deuxième paragraphe. La Cour estime que l’exception doit être rejetée comme non fondée.
1.5. Est également non fondée l’allégation selon laquelle le TAPS, sans présenter des arguments et contrairement à la loi a admis à tort les conclusions des mêmes experts, désignés dans le cadre des expertises ordonnées par les juridictions de premier et de deuxième degré, qui en exécution de missions identiques avaient donné des conclusions radicalement opposées. La demanderesse en cassation n’indique pas de quelles expertises il s’agit, mais une telle circonstance n’est constatée qu’au niveau des conclusions des deux triples expertises judiciaires supplémentaires de l’écriture en cause et elle ne concerne que la question de savoir si une partie du calcul du montant du pot-de-vin demandé, noté dans le carnet porté par la prévenue I., a été faite par la main du prévenu D. Il ressort des motifs de l’instance contrôlée (f. 99), mais aussi du contenu des conclusions elles-mêmes, que la contradiction alléguée dans les conclusions des experts n’est qu’apparente. La conclusion selon laquelle l’inscription manuscrite dans le carnet des chiffres « I 12 500 x 15-187 500 et 40 000 x 10-400... » appartient au prévenu D., a été tirée sur la base de l’acquisition d’éléments de comparaison supplémentaires et suffisants en volume, y compris d’éléments saisis pour les besoins de l’expertise de l’écriture du prévenu D., qui n’ont pas été à la disposition des experts lors de l’expertise ordonnée par la juridiction de première instance.
2. Sur les griefs présentées par la prévenue P. et ses avocats quant à l’existence d’un moyen de cassation tiré de l’art. 348, alinéa 1, point 2 du CPP :
Les exceptions soulevées par la prévenue P. sont plus détaillées, visent en premier lieu la méconnaissance de certains éléments de preuve par la juridiction du fond, et évoquent également des documents manquants ou détruits, l’admission comme établis de faits issus des explications du prévenu D. ou des techniques spéciales d’enquête utilisées, en considérant que sur la seule base de ces dernières, le tribunal a tiré des conclusions essentielles.
La prévenue P. excipe encore d’une violation de l’art. 303 du CPP et de l’utilisation de présomptions, de l’autorisation irrégulière d’usage de techniques spéciales d’enquête et de la participation d’une autorité incompétente (la Commission de lutte contre la corruption et de confiscation de biens acquis de manière illicite) à leur mise en œuvre.
2.1. La première exception fait référence à une activité procédurale insuffisante et à la prise de mesures en vue de l’élucidation de la vérité objective, avec le rejet de demandes de preuves et la passation sous silence de certaines d’entre elles. La Cour notera que le contrôle de cassation, à la différence du contrôle d’appel, n’a pas un caractère d’office. Dans la mesure où les moyens de cassation sont strictement limités, la CSC se prononce toujours sur des éléments concrètement indiqués à leur appui. Le grief ainsi formulé manque de concret. Il convient de garder à l’esprit qu’il suffit de recueillir en l’espèce des éléments de preuve pertinents suffisants pour tirer des conclusions univoques et non contradictoires au sujet de l’objet de la preuve. Il n’y a pas d’obligation de recueillir tous les éléments de preuve possibles, et l’analyse des éléments de preuve recueillis en l’espèce, effectuée de manière conséquente par la juridiction d’appel, a clairement délimité l’éventail des faits pertinents et connus. La juridiction contrôlée a donc statué conformément aux exigences de l’art. 14 du CPP.
Cet éventail de faits pertinents vise l’existence d’une obligation de service de notifier aux intéressés, qui ne sont que deux (outre la mairie elle-même, bien sûr), dont l’une est la société représentée par le témoin V., l’ordonnance RD 5-390 /14.06.2017 émise par l’architecte en chef de la ville de Sofia, en lien avec la réalisation du droit de recours administratif. Cela comprend le temps inutilement long pour l’accomplissement de cette obligation, prolongé jusqu’à aboutir à l’inaction complète, qui mérite une appréciation distincte et rigoureuse quant aux motifs d’un tel comportement. Vient ensuite la rapidité manifestée pour faire bouger le dossier administratif après la « visite » du prévenu D. dans la voiture de fonction de l’arrondissement de Mladost, dans laquelle se trouvaient les prévenues I. et P. Ces faits ont été examinés systématiquement par les juridictions qui, au regard de leur intime conviction, leur ont donné une appréciation juridique pertinente, bien entendu, compte tenu également des détails concernés.
2.2. Sur la dernière exception, faisant valoir la méconnaissance d’éléments importants pour la défense, en l’absence de toute argumentation pourquoi ils n’ont pas été pris en compte, la passation sous silence de multiples contradictions et l’admission sans examen seulement d’éléments de preuve favorables à l’accusation, il y a lieu de noter encore l’absence de concret. La réponse est donnée au point I.1.4. et au point I.2.1.
2.3. L’exception concernant la citation de documents ne figurant pas dans le dossier ou n’ayant « même pas » été présentés à la défense, est un apriori qui souffre d’un manque de concret. Comme il a été déjà indiqué au point I.2.1., l’insatisfaction de la partie doit être habillée en moyen de cassation et contenir en soi les éléments (circonstances) qui l’étayent. Le juge n’a pas la possibilité de les chercher d’office, à moins bien entendu qu’elles ne soient dans l’intérêt des prévenus et ne portent atteinte aux fondements de la justice. En l’occurrence, la Cour ne trouve pas de tels éléments, qui soient d’une importance susceptible de changer complètement les conclusions juridiques tirées.
2.4. La prévenue P. invoque une violation de l’art. 279, alinéa 4 du CPP, en faisant valoir que des conclusions n’étaient tirées que pour une partie des faits et uniquement sur la base des explications du prévenu D., lues au titre de l’art. 279, alinéa 2 du CPP. La Cour n’a pas constaté de telle violation. L’infraction, dont les prévenus sont accusés, n’est qu’une seule, avec différentes formes d’actes d’exécution. Les éléments de preuve sont appréciés séparément, mais aussi dans leur ensemble, et l’on ne pourrait conclure d’une violation de l’art. 279, alinéa 4 du CPP, qu’en cas d’absence de tout autre élément de preuve et si les faits et les arguments juridiques ne sont tirés que des explications de l’auteur, fournies dans le cadre de la procédure préliminaire et lues au titre de l’art. 279, alinéas 2 et 3 du CPP. On peut conclure de manière certaine que les faits en cause, ainsi que les conclusions juridiques, ne proviennent pas uniquement des explications du prévenu D. : les dépositions du témoin V. sont également un élément fondamental et assez catégorique et les techniques spéciales d’enquête utilisées confirment à leur tour le comportement et la logique dans les actes du prévenu D., mais aussi dans celles des deux autres prévenues, I. et P.
2.5. Le grief selon lequel des conclusions essentielles du tribunal n’ont été tirées que sur la base des éléments issus de l’utilisation de techniques spéciales d’enquête, en violation de l’art. 177, alinéa 1 du CPP, repose également sur une lecture erronée de cette disposition, dans la mesure où l’on ne pourrait parler de violation que lorsque l’ensemble des preuves, c’est-à-dire celles à charge, est construit sur ces éléments. En ce sens, voir le paragraphe ci-dessus - I.2.4.
2.6. Selon le grief suivant, en violation de l’art. 303 du CPP, la condamnation repose sur des présomptions. La Cour a constaté que des faits immuables ont été établis lors de la procédure pénale. L’allégation de l’existence de présomptions, sur lesquels se fonde la condamnation, à en juger par les arguments avancés, confond ces dernières avec les conclusions logiques tirées de l’interprétation de ces faits. En soi, c’est un grief tiré du caractère non fondé de l’acte judiciaire, qui n’est pas un moyen de cassation.
2.7. La prévenue P. avance que dans toutes les phases de la procédure préliminaire, ses droits procéduraux ont été limités et que le juge n’a pas remédié à cela malgré toutes les exceptions et demandes formulées par elle.
Un tel grief général ne répond pas aux exigences d’indiquer les moyens de cassation et les éléments sur lesquels ils se fondent, car les compétences de procédure de la juridiction de cassation sont différentes. Encore une fois, il y a un manque de concret qui ne permet pas de répondre.
La Cour ne considère pas que le droit à la défense de cette prévenue lors de la réalisation de ses droits en vertu de l’art. 55 du CPP, notamment prendre connaissance des éléments de preuve, les contester, y compris présenter elle-même de tels, c’est-à-dire des éléments pouvant les réfuter, ait été limité. A nouveau, il y a lieu de noter qu’en procédure pénale, ce ne sont pas tous les éléments de preuve et de tout type qui sont recueillis, mais seulement ceux qui sont pertinents au regard des chefs d’accusation et, surtout, ceux qui ont été établis et qui construisent la thèse de l’accusation contre laquelle les prévenus sont censés se défendre. La formation de jugement de la CSC ne trouve pas de telles demandes pertinentes au regard de l’objet de la preuve, visant à réfuter la thèse de l’accusation, qui n’aient pas été prises en considération et qui aient ainsi substantiellement limité la construction dans son ensemble de la thèse de défense de la prévenue P. et de ses avocats.
Quant à l’analyse de la masse des éléments de preuve, ainsi qu’à son appréciation, chaque partie y peut d’une manière générale et en principe faire valoir l’absence d’examen de différents éléments de preuve ou leur mauvaise interprétation. En l’espèce, la Cour ne considère pas fondés les griefs avancés sur ce point.
2.8. Il est soutenu ensuite que l’utilisation de techniques spéciales d’enquête a été irrégulière et non justifiée, et qu’une autorité incompétente y a participée. Ayant retracé l’évolution de la procédure pénale, la Cour n’est pas parvenue à de telles conclusions, susceptibles de confirmer l’exception soulevée par la prévenue P.
Le signalement a été soumis à l’Agence d’Etat pour la sécurité nationale (DANS), car conformément à la loi, une direction spécialisée au sein de la DANS était chargée de la répression des actes de corruption commis par des personnes exerçant de hautes fonctions publiques : art. 4, alinéa 1, point 3 de la loi sur la DANS.
Entre-temps, la législation régissant la lutte contre la corruption a été amendée suite à l’adoption de la Loi sur la lutte contre la corruption et la confiscation de biens acquis de manière illicite (ZPKONPI, publ. JO no. 7/19.01.2018). C’est cet amendement législatif qui a déterminé l’action institutionnelle de la Commission de lutte contre la corruption et de confiscation de biens acquis de manière illicite (KPKONPI), déclenchée par le signalement déposé contre la prévenue I. : art. 6, alinéa 1, point 32 de cette loi.
L’art. 13, alinéa 1, point 7 de la ZPKONPI régit les compétences de la commission, respectivement de la direction au titre de l’art. 16, alinéa 2 de celle-ci, pour demander l’application de techniques spéciales d’enquête.
Le rapport sur le signalement déposé (peu importe que celui-ci ait été déposé verbalement ou par écrit, il suffit qu’il ne soit pas anonyme) devant la commission nouvellement formée le 31 janvier 2022, a pris en compte l’art. 106, alinéa 2 de la Loi et il a été décidé d’appliquer le premier point de la disposition.
Il n’y a aucun obstacle juridique à ce que le signalement soumis, ainsi que le rapport élaboré, s’ils sont considérés comme pertinents au regard de l’art. 209, alinéa 1 du CPP, soient ajoutés à la procédure préliminaire déjà engagée, une telle décision relevant entièrement de l’autonomie de procédure du procureur en charge du dossier. D’ailleurs, cela a été clarifié dans les arguments de la juridiction d’appel de manière suffisante et ponctuelle.
Il convient de noter qu’une fois qu’un signalement d’infraction de droit commun a été déposé, la relation avec l’initiateur du signalement est sans importance du point de vue juridique. L’examen d’office est applicable et la loi n’a donné la possibilité d’appréciation qu’au ministère public qui décide quelle suite donner. Les motifs de l’auteur du signalement de ne plus le soutenir ou ses déclarations de « retrait » du signalement soumis sont pratiquement dépourvus de valeur et de portée juridiques.
La mise en œuvre des mesures opérationnelles et techniques liées à l’utilisation des techniques spéciales d’enquête a été effectuée par les autorités en vertu de l’art. 12, alinéa 1 et l’art. 123, alinéa 2, point 5 de la Loi sur la DANS ; l’accès des agents de la KPKONPI à ces mesures est conforme à la législation amendée et ne contredit pas les règles de la procédure pénale. Les demandes d’application des techniques spéciales d’enquête ont été adressées par une autorité compétente, le procureur en charge du dossier au sens de l’art. 173, alinéa 1 du CPP, et le juge a donné les autorisations nécessaires.
L’exception, portant sur la légalité des actes des autorités judiciaires quant à la délivrance d’autorisations d’utilisation de techniques spéciales d’enquête, n’est pas fondée sur une contradiction réelle avec la loi. Il ne fait aucun doute que les éléments de preuve dans de tels cas, et notamment en l’espèce, ne peuvent pas être recueillis autrement qu’à l’aide de techniques spéciales d’enquête, dans la mesure où le fonctionnaire ne rencontre pas personnellement l’auteur du signalement (à l’exclusion de la seule entrevue convenue par le prévenu D.) et qu’un intermédiaire participe à la négociation de l’avantage indu en contrepartie d’actes de service, le prévenu D. Le caractère conspiratif des actes des trois prévenus suppose notamment l’utilisation de techniques spéciales d’enquête, conformément à l’art. 173, alinéa 2, point 6 du CPP.
Par ailleurs, la juridiction d’appel a traité en détail les exceptions portant sur l’ouverture de la procédure pénale, les arguments relatifs aux techniques spéciales d’enquête utilisées et la participation d’agents de la KPKONPI. Chaque autorisation utilisée a été analysée et confrontée aux éléments de preuve disponibles à ce moment, aux missions confiées par le procureur en charge du dossier aux agents de la commission, et après cette analyse approfondie le juge a régulièrement conclu que les exceptions étaient infondées. Face à une telle démarche d’analyse détaillée, la Cour n’a qu’à souscrire pleinement à cette conclusion.
En ce sens, l’exception portant sur l’illégalité de l’utilisation de techniques spéciales d’enquête, dans une certaine mesure dépourvue d’arguments, doit être rejetée comme non fondée.
On peut donc conclure que tous les actes de la part des autorités publiques jusqu’à présent ont été conformes à la lettre de la loi.
2.9. L’exception suivante porte sur la modification substantielle du dispositif de l’accusation et de la partie circonstancielle, intervenue pour la première fois dans l’arrêt rendu par la juridiction d’appel, après la réfutation de la thèse de l’accusation avec les éléments de preuve recueillis en l’espèce. La prévenue P. estime que cela l’a empêchée de se défendre et que ces modifications n’ont été qu’une tentative de prolonger la procédure pénale.
Ces allégations ne correspondent pas aux actes de procédure concrets ni à ceux autorisés par la loi. La situation pénale de la prévenue a été allégée du fait de son acquittement pour une partie de ses actes et de l’application de la qualification de pot-de-vin, appelant une peine moins lourde. En ce sens, aucun nouvel effort de défense n’a été nécessaire puisqu’une modification substantielle de la partie circonstancielle de l’accusation implique l’aggravation de la situation pénale des accusés, par exemple en augmentant l’ampleur de l’accusation (sans appliquer la loi de l’infraction appelant une peine plus lourde) ou en introduisant de nouvelles circonstances matérielles. En l’occurrence, l’ampleur de l’accusation a été sensiblement réduite et cela non seulement dans l’intérêt de la prévenue P., mais aussi dans l’intérêt des deux autres prévenus.
Bien sûr, il y a une sorte de rétablissement de l’accusation concernant l’objet de l’infraction, mais qui est licite compte tenu de la prétention du ministère public, formulée dans le pourvoi en appel introduit.
La procédure pénale ne prend fin que dans les cas prévus par la loi, art. 289 du CPP, mais pas en cas de requalification de l’accusation. Dans ce cas, la procédure pénale se poursuit jusqu’au prononcé d’une décision définitive. L’exception doit donc être considérée comme non fondée. Le grief selon lequel la prévenue aurait pu s’opposer à la requalification des faits avec des documents issus de la masse des éléments de preuve recueillis ou qu’elle aurait pu demander aussi la collecte d’autres éléments de preuve, d’où une violation remédiable des règles de procédure, est également non fondée. La prévenue n’a aucun intérêt légitime à contester l’atténuation de sa propre situation pénale, et il n’est pas non plus nécessaire de faire d’autres efforts pour recueillir des éléments de preuve sur la partie d’acquittement de l’accusation. Le droit à la défense de la prévenue P., du moins dans ces parties, a été respecté au maximum.
2.10. Le grief suivant porte sur la destruction au cours de la procédure préliminaire d’éléments de preuve qui auraient pu être en faveur de la défense et servir à réfuter l’accusation. Cette allégation est à son tour un apriori dépourvu de sens, dans la mesure où, en l’espèce, les principaux faits ont été établis qui, d’une part, sont à charge et, d’autre part, doivent être réfutés, si possible, par la défense. En principe, cette allégation aurait pu être fondée si les circonstances mentionnées au point I.2.1, deuxième paragraphe, permettaient une interprétation différente. La Cour, cependant, ne voit pas de telle possibilité, car il n’existe pas d’explication juridique ou humaine permettant une interprétation différente de ces faits. Donc, il n’existe pas de possibilité juridique ou factuelle d’une analyse différente de celle qui est en soutien de la thèse de l’accusation.
Lors de la procédure de première instance, la prévenue P. a demandé la présentation d’informations sur support magnétique, elle a invoqué l’absence d’enregistrement vidéo des conversations du témoin V. avec le prévenu D. - point 5 de l’enquête judiciaire en première instance, f. 1837 à f. 1840. En outre, à part les demandes, la prévenue a formulé des questions, par exemple pourquoi les appels manqués n’étaient pas notés dans les transcriptions concernées des moyens de preuve établis. Cette dernière circonstance a une réponse plus qu’évidente : parce qu’aucune conversation n’a eu lieu et qu’il n’y avait donc pas de contenu à enregistrer. Dans tous les cas, des éléments et des faits suffisants à ce sujet sont contenus dans les données de trafic pertinentes fournies par l’opérateur mobile, d’où la prévenue elle-même puise de l’information. Mais ces données ne sont pas du tout contestées en l’espèce. Dans le volume tome 6, f. 130-134 de l’enquête judiciaire devant la juridiction de première instance, une réponse est apportée sur les raisons techniques pour lesquelles les enregistrements vidéo et audio n’ont pas été réalisés en même temps : cela s’est produit en raison d’une panne de courant au niveau de l’appareil d’enregistrement vidéo, tandis que l’appareil parallèle d’enregistrement audio a continué à enregistrer en continu. Un support matériel autre que les moyens de preuve établis n’a pas été présentés, car la loi, art. 31, alinéa 3 de la Loi sur les techniques spéciales d’enquête, exige qu’il soit détruit dans un délai de dix jours à compter de la fin de l’application des techniques spéciales d’enquête. Cette solution retenue par le législateur est compréhensible, car elle vise à empêcher la multiplication/la reproduction avec diffusion ultérieure de l’information en dehors du cadre de la procédure pénale. Cependant, il n’existe aucun élément susceptible de fonder ne serait-ce qu’une hypothèse d’informations reçues pouvant profiter aux prévenus au point de les disculper ou d’atténuer leur situation pénale lors du procès, mais non incluses dans les moyens de preuve élaborés.
La référence à la jurisprudence de la CEDH, en particulier à l’affaire Natunen c. Finlande, requête no. 21022/04, arrêt du 31 mars 2009, ne conduit pas à d’autres conclusions. L’information détruite doit avoir un contenu qui soit en faveur ou soit susceptible d’être en faveur de la défense. Rien de tel n’est concrètement indiqué. Dans la jurisprudence citée, la CEDH, après avoir constaté une violation de l’art. 6, § 1 de la Convention, n’a pas estimé possible un réexamen de l’affaire, malgré la demande expresse. Seule une indemnisation a été accordée, ce qui laisse supposer que si l’on constate une éventuelle violation, celle-ci ne mène en aucune manière à la conclusion d’une élucidation entachée de la vérité objective. Encore moins peut-on conclure, comme le demande la défense, que les éléments de preuve recueillis par des techniques spéciales d’enquête doivent être exclus dans leur totalité et qu’ils ne doivent pas être utilisés en vue du prononcé du jugement. La collecte de ces éléments de preuve, comme il a été indiqué jusqu’ici, n’est pas entachée de violations de la procédure, et une telle demande n’est pas cohérente, elle n’est dictée que par le désir subjectif de la défense et de la prévenue, ce qui en l’occurrence est insuffisant.
2.11. Suivent des allégations portant sur l’existence d’arguments peu clairs et contradictoires de la juridiction d’appel, qui ont conduit celle-ci à admettre des événements qui s’excluent mutuellement.
A la lumière de ce qui précède, on peut relever que la juridiction d’appel a suivi la logique juridique et humaine en exposant les faits établis. L’utilisation de la fiction pour étoffer l’intrigue des événements, lorsque cela ne peut être entièrement fait avec des éléments de preuve directs, n’est pas un vice de la décision de justice, tant que cela n’entre pas en contradiction avec les faits fondamentaux de l’objet de la preuve. Or, la Cour ne trouve pas de telle contradiction avec les circonstances établies – voir point I.2.1., paragraphe 2.
2.12. Il est excipé de l’absence de commentaire sur les multiples exceptions soulevées par la défense, qui a rendu l’arrêt de la juridiction d’appel non fondé. Dans les observations complémentaires de la défense, l’accent est mis sur l’absence de réponse quant aux contradictions existantes sur l’origine de l’argent dans les dépositions du témoin V. et sur le fait qu’il n’a pas été remis lors de la rencontre de V. avec les prévenues I. et P.
Ces exceptions sortent hors du cadre des moyens de cassation. D’autre part, la Cour constate que chaque fait pertinent vis-à-vis de l’objet de la preuve, établi en l’espèce, a trouvé une analyse probante et le commentaire correspondant. En fait, l’origine de l’argent est tout à fait non pertinente en tant qu’objet de l’infraction et par rapport à l’acte commis, tout comme il est parfaitement clair que les deux prévenues n’ont pas directement négocié pour demander et accepter un cadeau, cela a été la « fonction » du prévenu D.
2.13. Il est excipé de la citation de répliques inexistantes issues de l’utilisation des techniques spéciales d’enquête et de citations infidèles, dans lesquelles des mots et d’expressions ont été ajoutés pour donner un certain sens, ainsi que de certaines répliques sorties de leur contexte.
En particulier, il est allégué qu’il n’y a pas de réplique dans les motifs « 20 euros par mètre carré, c’est une bonne affaire ». En effet, une telle réplique n’existe pas, du moins dans les motifs de l’arrêt d’appel où est établie la situation factuelle, cet arrêt étant soumis au contrôle de cassation. Dans le contexte des griefs de la prévenue P., il faut comprendre qu’elle n’est pas contente d’une telle citation précisément dans les motifs, les faits établis, de la juridiction d’appel. Cette dernière, cependant, a indiqué de bonne foi et ponctuellement les citations utilisées. Elle n’a pas permis une interprétation arbitraire de la satisfaction exprimée par la prévenue I. dans une des transcriptions des conversations enregistrées avec des techniques spéciales d’enquête, figurant au point 7, f. 8 de la procédure d’appel (respectivement, dans l’expertise phonoscopique et d’identification vocale, procès-verbal no. 2-/IDI-119), en lien notamment avec le montant convenu du pot-de-vin que le prévenu V. devait payer en trois tranches égales. La conversation menée et contrôlée est abondante, mais le juge n’en a utilisé que les circonstances liées à l’accusation, sans se laisser écarter par son contenu réel. La juridiction de cassation estime qu’aucune violation des formes n’a été commise, qui ait pu limiter le droit à la défense de la prévenue P., mais aussi celui des deux autres prévenus, lors de l’analyse effectuée de la preuve.
2.14. Ensuite, c’est le contenu du procès-verbal judiciaire du 06 juillet 2020 qui est contesté. Il est allégué qu’une version abrégée de la condamnation a été lue. Les modalités pour contester le procès-verbal, c’est-à-dire pour demander des modifications ou des ajouts, sont celles prévues par l’art. 312 du CPP, que la prévenue n’a pas utilisées. Selon l’art. authentifiante formelle pour ce qui s’est passé et la juridiction de cassation n’estime pas qu’une violation des formes substantielles a été commise. On peut en outre noter qu’une version abrégée de la condamnation prononcée ne signifie pas un défaut de conformité avec la décision de justice réellement rendue. Cette observation ne change pas l’opinion de la Cour selon laquelle le procès-verbal visé a authentifié la condamnation prononcée conformément aux exigences de la loi.
La présentation orale des motifs de la condamnation, alléguée par la prévenue comme n’ayant pas été inscrite dans le procès-verbal, n’est pas un élément requis de celui-ci, n’est pas due aux parties et donc son inscription n’est pas obligatoire. Elle a été faite pour la commodité des parties et pour leur information, avant la réception des motifs en bonne et due forme. Il n’est pas possible de tirer de cette circonstance des conclusions dans le sens d’une violation des formes.
La procédure visée à l’art. 309, alinéa 1 du CPP ne prévoit pas de participation avec des avis des parties. La prévenue précise qu’aucune discussion sur le placement en détention provisoire n’a été notée. Conformément à cette disposition, une telle discussion n’est pas due et ne peut donc être notée par écrit. Les déclarations des parties, s’il y en a eu de telles, ont été faites hors le procès-verbal et n’auraient dû être nullement admises, conformément aux compétences du président de la formation de jugement au titre de l’art. 266 et l’art. 267 du CPP. Le pouvoir discrétionnaire du président de la formation ou du tribunal lui-même d’autoriser de telles déclarations ou discussions n’est pas susceptible de contrôle judiciaire, mais on peut répondre catégoriquement qu’il ne s’agit pas d’une violation des formes.
2.15. La prévenue P. conteste également la régularité des précédentes formations de jugement au fond, en ce qui concerne le choix aléatoire des jurés et du président de la formation de jugement de première instance. Elle allègue que cette formation a été partiale et sous l’influence du président de la juridiction d’appel et du président de la formation de jugement en appel.
S’agissant de la formation de jugement en appel, elle indique qu’outre la partialité invoquée du président de la formation, le juge rapporteur s’est prononcé sur la légalité d’actes effectués par lui-même lors des étapes précédentes de l’enquête, notamment sur la délivrance d’autorisations d’utilisation de techniques spéciales d’enquête.
2.15.1. Lors de la désignation du juge rapporteur le 22 août 2018, le principe de la répartition aléatoire a été respecté, à en juger par le procès-verbal présenté en l’espèce : le choix a été fait parmi dix-sept juges titulaires, dont un seul était en congé de maladie de longue durée. La juridiction d’appel a d’ailleurs répondu de manière détaillée à cette exception, en allant chercher en outre les procès-verbaux de l’assemblée générale des juges du Tribunal pénal spécialisé quant à l’exclusion de la répartition d’un des juges en raison de la charge de travail. Il n’y a pas de violation de la Loi sur l’autorité judiciaire, notamment de l’art. 9, alinéa 1 de cette loi qui réglemente la répartition aléatoire des affaires. L’exception a été rejetée à juste titre par la juridiction d’appel et elle l’est également par la présente juridiction.
2.15.2. L’exception tirée de la désignation du jury a également été examinée en détail par la juridiction d’appel. Celle-ci a constaté que les dispositions de l’art. 16, alinéas 2 et 4 de l’Ordonnance no. 7/28.0.2017 du Conseil supérieur de la magistrature de la République du Bulgarie (publ. JO no. 81/10.10.2017) ont été respectées. La Cour l’a établi à son tour. Les exceptions de la prévenue P. visent la participation de la jurée Pramatarova-Chtourkova, qui avait été membre de la commission électorale de la circonscription no. 25, à laquelle appartenait l’arrondissement de Mladost, dont la prévenue I. était maire. La juridiction d’appel a examiné de manière logique et cohérente la participation de cette jurée notamment aux élections européennes du 26 mai 2019, auxquelles la prévenue I. s’était présentée comme candidate. Le tribunal n’a pas trouvé de motifs de récusation, ni de conflit d’intérêts. Cette jurée remplissait son devoir citoyen, sans être membre de la direction d’une formation politique et d’ailleurs sans être affiliée à un parti : art. 67, alinéa 3, point 3 de la Loi sur l’autorité judiciaire. Même du point de vue formel, il n’y a aucune raison de conclure que son statut est incompatible avec sa participation en tant que jurée à cette procédure pénale. La Cour considère que les exceptions portant sur la participation de la jurée Chtourkova sont inconsistantes, ayant donné que l’accomplissement du devoir citoyen indiqué n’est pas en contradiction avec les obligations d’un juré, qui sont aussi une manifestation de l’accomplissement d’un devoir envers la société. Les décisions indépendantes de certains juges professionnels de s’abstenir, invoquées par la défense, relèvent d’une autre situation factuelle et d’une appréciation subjective concernant l’application de l’art. 29, alinéa 2 du CPP. Elles ne peuvent donc en aucun cas être comparées au statut de la jurée Chtourkova du point de vue de la procédure.
L’exception de partialité du président de la formation de jugement en appel, quant à elle, ne repose pas sur les éléments en l’espèce. L’allégation de pression n’est pas non plus étayée par les moyens de preuve en l’espèce. L’instance de cassation ne peut pas procéder à l’établissement de nouveaux faits non seulement au niveau de la partie circonstancielle de l’accusation, mais même dans le cadre d’une procédure visant à établir des violations des formes (ce que l’on appelle procès dans le procès). De tels griefs (détaillés dans un exposé complémentaire de la défense de la prévenue P.), qui peuvent porter également sur la manière d’exercer des fonctions administratives au sein du système judiciaire, pourront être examinés et éventuellement établis en tant que faits dans une éventuelle procédure au titre de l’art. 422 du CPP, mais pas dans l’actuelle procédure de cassation.
2.15.3. En ce qui concerne la désignation d’une formation de jugement pour la procédure d’appel, il y a lieu de relever la publicité du choix du juge rapporteur : point 1, f. 130-134 de la procédure d’appel. Les formations de jugement sont constituées à l’avance, elles n’ont aucun lien avec la procédure concernée, ni avec toute autre procédure pénale, le choix du juge rapporteur en l’espèce est essentiel et aléatoire. Même si cela n’est pas requis, ce choix a été fait publiquement et au début, il n’a suscité aucune contestation. L’exception soulevée plus tard, en lien avec le statut de magistrat détaché du rapporteur en l’espèce, ne peut pas être admise. Les détachements de juges ne sont effectués que dans l’intérêt de la justice et de la nécessité d’avoir des formations de jugement régulières, complétées, capables de juger les recours en appel. Remettre en question le statut des juges détachés signifie en premier lieu ne pas tenir compte de cet intérêt de la justice, notamment que les affaires soient traitées en temps opportun. Deuxièmement, dans le cas des formations constituées d’avance en fonction de la charge de travail de la juridiction concernée et de ses effectifs, s’opposer au pourvoi des postes vacants par la formule du détachement, au sens de l’art. 121 du Code du travail et de l’art. 227, alinéa 2 de la Loi sur l’autorité judiciaire, signifie en pratique laisser aux parties la désignation de la formation de jugement, par réduction des options de répartition aléatoire, ce qui n’est pas admissible.
2.15.4. Dans une demande déposée dans le cadre de la procédure en cassation, la prévenue P. déclare qu’elle a été privée de voies de recours effectif devant un tribunal, car l’arrêt d’appel a été rendu par une formation de jugement irrégulière et dépendante. A l’appui, elle avance que l’arrêt contrôlé a été prononcé par le chef administratif du TAPS et par deux juges détachés sur l’ordre de ce dernier. La Cour estime que ce grief est également non fondé.
L’exigence d’indépendance et d’impartialité du tribunal, en tant qu’éléments du droit à un procès équitable, garanti par l’art. 47, alinéa 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, ainsi que par l’art. 6, point 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la Convention), couvre deux aspects, l’un externe, l’autre interne. Il existe une riche jurisprudence de la Cour de justice de l’UE (CJUE), selon laquelle l’indépendance du tribunal est liée à l’exercice en toute autonomie de ses fonctions, sans être soumis à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit de la part d’autres autorités publiques n’appartenant pas au système judiciaire. Cette autonomie protège le tribunal d’interventions ou de pressions extérieures, y compris politiques, susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs décisions. C’est dans ce sens que vont l’arrêt du 27 février 2018, Associacao Sindical dos Juizes Portugueses, С-64/16, EU:C:2018:117, point 44, et la jurisprudence y citée, ainsi que l’arrêt du 25 juillet 2018, LM, C-216/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:586, point 63.
Dans la mesure où le TAPS répond aux critères énoncés dans ces arrêts, la question de son indépendance ne se pose même pas. Le deuxième aspect, interne, rejoint la notion d’impartialité et vise l’équidistance du tribunal par rapport aux parties au litige, ainsi que le respect de l’objectivité et l’absence de tout intérêt dans la solution du litige en dehors de la stricte application de la règle de droit (voir l’arrêt du 19 septembre 2006, Wilson, C-506/04, EU:C:2006:587, point 52, et l’arrêt du 25 juillet 2018, LM, C-216/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:586, point 65).
Il est hors de doute que les règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres, y compris les règles de détachement dans l’intérêt du service d’un juge d’une juridiction à une autre, ainsi que les motifs de sa cessation, sont liées à la question de l’indépendance et de l’impartialité de la juridiction nationale. Afin qu’elles soient garanties, elles doivent être publiques comme l’indique la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’UE (voir l’arrêt du 25 juillet 2018, LM, C-216/18 PPU, ECLI:EU:C:2018:586, point 66, l’arrêt du 16 novembre 2021, affaires jointes C-748/19 - C-754/19, EU:C:2021:931, point 67, arrêt du 6 octobre 2021, W.Z., C-487/19, EU:C:2021:798, point 127, et la jurisprudence y citée, l’arrêt du 20 avril 2021, Repubblika, C-896/19, EU:C:2021:311, point 53 et la jurisprudence y citée).
La Loi sur l’autorité judiciaire (LAJ), en tant que loi d’organisation des organes du pouvoir judiciaire, régit la constitution des formations de jugement dans les affaires relevant de la compétence du TAPS, art. 9 de cette loi et l’art. 107c, en lien avec l’art. 105 de la LAJ, alors que le détachement et les motifs de sa cessation sont traités à l’art. 107b, alinéa 1, l’art. 227, alinéas 2 à 9 et dans les Règles relatives au détachement des juges, des procureurs et des magistrats-enquêteurs, adoptées par décision du CSM, procès-verbal no. 25 du 27 juin 2013, et amendées par décision du CSM, procès-verbal no. 31 du 25 juillet 2013.
Les dispositions citées excluent toute intervention ou possibilité d’influence de la part du pouvoir exécutif ou législatif et donc de remise en cause de l’indépendance de la formation de jugement. Il ressort des procès-verbaux de répartition des juges en l’espèce, joints au dossier et commentés ci-dessus au point 1.2.15.3, que la formation de jugement a été constituée dans le strict respect de l’art. 9 de la LAJ.
Il est infondé de prétendre que le détachement des juges du TPS ne dépend que de la volonté du chef administratif, le président du TAPS, qui résout ainsi un problème de personnel existant au sein de la juridiction. Il est nécessaire aussi d’obtenir au préalable l’accord du magistrat, si son détachement est d’une durée supérieure à trois mois, et l’avis du chef administratif du TPS. En dehors de cela, les juges détachés doivent remplir les critères de détachement prévus par la loi (art. 227, alinéas 1, 2 et 5 de la LAJ). La décision même du président du TAPS de détacher un juge du TPS est susceptible de contrôle de la part du collège des juges au CSM. En tant qu’autorité chargée de la gestion des ressources au sein de la magistrature, le CSM a le pouvoir de mettre fin, en vertu de l’art. 30, alinéa 5, point 18 de la LAJ, au détachement d’un juge auprès d’une autre autorité judiciaire lorsque les modalités de détachement prévus par la loi ont été violées ou en cas de nécessité de garantir le fonctionnement de l’autorité judiciaire à laquelle appartient le juge détaché. La décision du collège des juges auprès du CSM est susceptible de contrôle juridictionnel (voir l’arrêt no. 82238/25.06.2020, affaire administrative no. 13214/2018 de la Cour administrative suprême). En ce sens, sans fondement dans le cadre juridique en vigueur, la prévenue P. prétend que la décision du président du TAPS de détacher deux des membres de la formation de jugement qui a rendu la décision de justice contrôlée a été prise par lui seul et en fonction de critères inconnus, et que pour cette raison, en fait, la condamnation a été prononcée par une formation dont deux des membres étaient dépendants du troisième membre, président de la formation de jugement. Il convient également de noter que la LAJ n’exclut pas de l’activité juridictionnelle les chefs administratifs des différents degrés de juridiction (art. 80, alinéa 1, point 4, art. 86, alinéa 1, point 8, art. 106, alinéa 1, point 6, art. 107c en lien avec l’art. 106, alinéa 1, point 6 de la LAJ). De plus, la loi ne fixe pas de limites quant au nombre de juges détachés qui peuvent participer à une formation de jugement (art. 82, art. 105, art. 107c en lien avec l’art. 105, art. 110, point 1 de la LAJ). Ainsi, hypothétiquement, il est tout à fait possible qu’une formation de jugement soit entièrement composée de magistrats détachés. Dès lors, le nombre des juges détachés au sein de la formation de jugement et la durée ou le nombre de leurs détachements distincts ne peuvent pas justifier l’allégation d’irrégularité de cette formation. La disposition de l’art. 227, alinéa 9 de la LAJ et le principe de la procédure pénale, énoncé dans l’art. 258 du CPP, de la stabilité de la formation jugeant l’affaire, apportent une réponse claire à la question ainsi soulevée par la prévenue P. quant au détachement d’un membre de la formation de jugement pour les dates des audiences.
2.15.5. Lorsqu’il est question d’une éventuelle partialité des membres de la juridiction d’appel, la jurisprudence de la CEDH distingue une démarche subjective et une démarche objective.
Dans la présente procédure, la Cour est guidé par cette approche généralisée, en relevant que l’impartialité personnelle des membres de la formation de jugement, est présumée jusqu’à preuve du contraire : voir dans un sens similaire, Piersack c. Belgique, arrêt du 01 octobre 1982, Cubber c. Belgique, arrêt du 26 octobre 1984, Thorgeir Thorgeirson c. Islande, arrêt du 25.06.1992, Padovani c. Italie, arrêt du 26 février 1993, etc. En effet, la partialité personnelle est difficile à établir. Face aux motifs déjà exposés en vue de prendre une décision ou une autre, il est bien évident que la conformité de ces décisions aux faits établis est liée à l’existence d’une conviction dans la culpabilité de l’auteur (en l’occurrence) pour des raisons purement chronologiques et logiques. Il est possible de constater même dans de tels cas de la partialité, cependant cela n’arrive que dans les rares cas où la décision prise n’est pas fondée sur les faits en l’espèce, mais sur des postulats relevant de l’appréciation personnelle ou de la vision du juge.
En l’espèce, la Cour ne trouve pas d’arguments pour admettre qu’une telle partialité personnelle ait été manifestée par un quelconque membre de la formation de jugement en appel.
Il n’y a pas d’empêchement procédural pour le juge rapporteur, notamment au sens de l’art. 29, alinéa 1 du CPP, de participer à la poursuite de la procédure pénale, après avoir, lors de la phase initiale et des mesures d’enquête immédiates, apprécié la nécessité de mener et la régularité d’une mesure de procédure, y compris en vue de la délivrance d’autorisations relatives à l’utilisation de techniques spéciales d’enquête. Dans de tels cas, le tribunal est principalement guidé par des critères formels, et l’examen des éléments de preuve à charge ne s’effectue qu’en fonction de l’existence ou non de tels éléments, et ne s’exprime pas dans l’appréciation de leur crédibilité et l’établissement de la culpabilité de l’auteur. Le législateur a abandonné la démarche inverse en modifiant l’art. 29, alinéa 1 du CPP, c’est-à-dire en annulant l’interdiction prévue par la lettre « d » (Loi d’amendement du Code de procédure pénale, publ. JO no. 63/2017). Il n’existe aucune interdiction et, par conséquent, aucun obstacle procédural dans le cadre du contrôle juridictionnel ultérieur, susceptible d’empêcher la personne, qui a délivré les actes de justice concernés, qu’il s’agisse d’autorisations ou d’approbations, de réapprécier la légalité de tel ou tel acte similaire à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve réunis. En l’occurrence, l’appréciation du juge rapporteur selon laquelle les actes de justice délivrés lors de la procédure préliminaire sont conforment à la loi, est confirmée par la présente instance également, voir point I.2.8.
2.16. La prévenue P. allègue en général des violations de l’art. 6, § 1 de la Convention ;
- elle excipe de la destruction d’une partie des éléments recueillis avec des techniques spéciales d’enquête et soutient que cela a empêché sa défense de les utiliser en sa faveur.
La réponse a été donnée au point I.2.10.
2.17. Un autre grief porte sur une allégation d’accès restreint aux éléments de preuve consultables au secret dans une salle du greffe réservée à cet effet et de non communication de copies de ces éléments de preuve avant le prononcé de la condamnation. La prévenue déclare qu’elle n’a pas pu utiliser hors de cette salle ou dans la salle d’audience les notes qu’elle avait prises. Elle invoque une inégalité des armes entre les parties : en ce sens, la CEDH, Matyjek c. Pologne.
L’affaire citée traite d’une affaire qui diffère sensiblement de la présente.
En droit pénal bulgare, la restriction à l’utilisation de documents secrets s’applique de manière égale à chacune des parties, y compris à la formation de jugement. Cela peut être organisé selon des modalités déterminées et il n’y a aucune exception pour aucune des parties. En effet, les notes ne peuvent pas être sorties par les parties de la salle réservée à la consultation au secret des documents, mais il n’y a pas de limitations dans le temps quant à la prise de connaissance et la prise de notes, la seule limite étant les horaires d’ouverture de cette salle, cette limite étant également valable pour la formation de jugement (les parties ont la priorité sur la formation de jugement pour consulter les documents secrets). Par ailleurs, contrairement à l’affaire citée, où les notes ne pouvaient pas être utilisées devant le tribunal de lustration, le droit bulgare n’interdit pas leur utilisation pendant l’audience de justice. Par conséquent, la Cour ne considère pas qu’il y ait lieu de juger que le principe d’égalité des armes a été violé de la manière décrite par la prévenue.
2.18. La prévenue P. avance qu’il y a refus d’accorder l’accès à l’intégralité du dossier d’autorisation et d’utilisation des techniques spéciales d’enquête, par lesquelles ont été collectés les principaux éléments de preuve à charge. Elle fait référence à la jurisprudence de la CEDH, Leas c. Estonie.
Il a déjà été indiqué que les principaux éléments de preuve à charge étaient pour la plupart contenus dans les dépositions du témoin V. Les éléments recueillis par des techniques spéciales d’enquête ne constituent pas la seule source de la preuve, mais complètent et appuient la thèse de l’accusation qui repose en très grande partie sur les dépositions citées.
Dans le cadre de la présente procédure et au vu des éléments de preuve recueillis en l’espèce, il ne serait pas possible d’étayer la thèse selon laquelle l’accusation a disposé d’éléments de preuve recueillis en dehors de la procédure, dans le cadre des opérations techniques menées, qui sont restés cachés pour les prévenus et qui ont été en mesure d’influer sur l’issue de la procédure pénale, argument tiré des arguments du §80 de l’arrêt cité par la prévenue P., notamment Connolly c. Royaume-Uni, arrêt no. 27245/95 du 26 juin 1996, et Moiseyev c. Russie, arrêt no. 62936/00, § 22, du 9 octobre 2008. Un principe de base de la procédure pénale bulgare est de collecter dans le cadre de la procédure tous les éléments de preuve pertinents, et dans de nombreux cas, même non pertinents, mais demandés par les parties. Les mesures opérationnelles ou opérationnelles-techniques menées en dehors de la procédure n’ont aucune valeur probante et n’ont jamais été utilisées sans une légalisation juridique aux fins de la procédure, c’est-à-dire à travers des dépositions d’un témoin ou d’une autre manière procédurale. Bien sûr, les mesures opérationnelles-techniques autorisées, comprenant l’utilisation de techniques spéciales d’enquête, s’accompagnent de préparatifs et de planification, consignés dans des documents administratifs, c’est-à-dire on tient un dossier, mais les équipes de filature, les ressources humaines de contrôle des rencontres et des conversations tenues constituent des informations qui n’ont aucun rapport direct ou indirect avec la confirmation ou le rejet de la thèse de l’accusation. Voilà pourquoi, la Cour est amenée à conclure en l’espèce que les prévenus ont eu en règle générale la possibilité d’organiser et de présenter, sans que cette possibilité se trouve limitée, tous les arguments pertinents. Bien sûr, lorsque par exemple il est allégué que le véhicule, conduit par la prévenue I., a été laissé sans surveillance et qu’il est possible que l’objet de l’acte de corruption, le pot-de-vin, y ait été mis par un tiers non identifié en l’espèce et que cela doit faire l’objet d’une enquête, ce n’est pas un argument pertinent. Il suffit de retracer le chemin de l’argent, qui a commencé depuis le témoin V., pour voir que les allégations illogiques ne sont qu’une approche psychologique choisie pour réaliser la thèse de la défense. La juridiction d’appel les a rejetées à juste titre, ce que la Cour partage entièrement. Il est évident que tout fait ou argument n’est pas en mesure de contribuer à l’élucidation de la vérité objective en l’espèce, et c’est précisément la tâche du juge et de la formation de jugement qui doivent séparer les éléments contestables des éléments incontestables et les éléments utiles des éléments inutiles.
Le § 81 de l’arrêt cité de la CEDH délimite de façon assez claire l’éventail des circonstances pouvant conduire à une violation du droit garanti par l’art. 6, §3 (b) de la Convention : ne pas fournir à la défense les éléments de preuve matériels, contenant des détails susceptibles d’aider l’accusé de prouver son innocence ou de réduire sa responsabilité. Mais comme l’a souligné la Cour de Strasbourg, l’accusé est censé présenter une motivation spécifique à l’appui d’une telle demande, voir en ce sens Bendenom c. France, arrêt du 24 février 1994, § 52. En l’occurrence, la prévenue n’a pas présenté de raisons spécifiques à l’appui de ses allégations et la Cour ne constate elle-même non plus des circonstances pouvant réfuter la thèse de l’accusation et les faits déjà indiqués ci-dessus ou conduire à une interprétation différente : point I.2.1, deuxième paragraphe.
2.19. Enfin, concernant les violations alléguées dans le déroulement de la procédure, il est avancé de manière générale que les parties n’ont pas bénéficié de l’égalité des armes tout au long de la procédure : refus de recueillir de nombreux éléments de preuve susceptibles de soutenir la défense, modalités d’accès aux éléments de preuve secrets.
La juridiction de cassation a déjà eu l’occasion de répondre à ces griefs, voir le paragraphe ci-dessus. Il convient de répéter qu’il n’y a pas d’inégalité des armes. Tous les éléments de preuve pertinents ont été recueillis, ils ont été tous vérifiés, mais bien entendu la thèse de la défense ne peut être privilégiée par rapport à celle de l’accusation et vice versa, car l’objectif principal est d’établir la vérité objective et non de conduire le procès selon la vision et les buts subjectifs de l’une ou l’autre des parties, que ce soit les prévenus ou le ministère public. La juridiction d’appel ne s’est pas écartée un instant de l’objet de la preuve, étant tout naturellement limitée par le cadre de l’accusation et la nécessité de confirmer ou d’infirmer la thèse de l’accusation.
2.20. Dans le complément de la défense, un grief est soulevé pour violation de la Loi sur l’assistance judiciaire par rapport au prévenu D. Le grief n’est pas pertinent quant à la réalisation de la défense de la prévenue P., mais comme les explications contestées concernent également la situation pénale de cette dernière, il y a lieu de l’examiner. Dans l’hypothèse de l’art. 94, alinéa 1, point 5 du CPP (et du point 3 du CPP, dans la mesure où la première mise en examen du prévenu D. était pour infraction au titre de l’art. 302a du Code pénal), il est obligatoire d’assurer la défense. Par argument tiré du point 9 de la même disposition, on peut conclure de façon certaine que l’intérêt de la justice a été d’assurer un avocat au prévenu, bien qu’il ait pu se permettre de payer les frais d’avocat. Malgré cette possibilité, la réalisation pratique de ce droit est limitée par le cadre temporel et l’urgence des mesures d’enquête effectuées. Voilà pourquoi la Cour estime que la désignation d’un avocat d’office jusqu’à l’engagement effectif d’un avocat mandaté ne constitue pas une violation des formes et ne restreint les droits de personne.
3. Sur les griefs du prévenu D. et de son avocat quant à l’existence d’un moyen de cassation tiré de l’art. 348, alinéa 1, point 2 du CPP :
Le demandeur en cassation D., par l’intermédiaire de son avocat, excipe énergiquement de violations des formes, auxquelles on peut remédier ;
3.1. D’abord, il est allégué une violation de l’art. 279 du CPP en lien avec des explications déposées par le prévenu D. et leur acceptation incorrecte par la juridiction d’appel comme une source de preuve exploitable, ce qui est en contradiction avec l’art. 287, alinéa 4 du CPP. Les arguments sont tirés de la position de la juridiction de première instance, qui les avait exclus de l’ensemble de la preuve, tout en les versant au dossier en vertu de l’art. 279 du CPP.
Dans son complément, la défense a indiqué en détail l’évolution de la situation procédurale du prévenu D. lors de la procédure préliminaire : sa mise en examen initiale et la requalification de l’accusation, ainsi que les explications fournies en ce sens. Toutefois, la référence à la disposition de l’art. 279 du CPP, respectivement de l’art. 287, alinéa 4 du CPP, dans le contexte des arguments avancés par la défense, n’est pas partagée par la juridiction de cassation. Cette dernière disposition vise entièrement et uniquement la procédure judiciaire, dans la mesure où la requalification de l’accusation dans cette phase de la procédure crée la nécessité d’efforts tout à fait nouveaux et différents quant à exercice du droit à la défense.
Jusqu’au début de la procédure judiciaire, l’enquête n’est pas terminée et un acte d’accusation est préparé pour être introduit, qui donne le cadre factuel et juridique des poursuites pénales engagées contre le prévenu ; l’objet de la preuve est déterminé du point de vue de l’infraction commise et de la participation du prévenu. La phase devant le juge est la phase par excellence de la procédure judiciaire, où se réalise pleinement le droit à la défense. C’est la raison pour laquelle toute modification dans le cadre factuel ou juridique de l’accusation affecte directement et immédiatement l’exercice du droit à la défense et le besoin de nouveaux efforts pour l’organiser. L’accusation est formulée dans le cadre de l’acte d’accusation introduit et ce cadre ne peut pas être modifié arbitrairement, au détriment du prévenu. Voilà pourquoi le législateur a prévu que lorsque le cadre factuel ou juridique de l’accusation est modifié, le prévenu doit avoir la possibilité de s’y conformer et de fournir de nouvelles explications. L’objectif est d’éviter toute surprise procédurale fortuite au détriment du prévenu. D’autre part, il faut souligner que la disposition de l’art. 287, alinéa 4 du CPP est expresse et ne vise que cette étape de la procédure pénale. Dans la procédure préliminaire, la disposition qui fait pendant, en principe, à l’art. 287 du CPP, c’est l’art. 225 du CPP, bien que son contenu et ses effets juridiques ne soient pas les mêmes. En comparant les deux dispositions, on perçoit clairement l’absence de volonté du législateur de donner aux deux règles un même contenu. La loi ne prévoit pas non plus de renvoi, et il n’y a ni ambiguïté, ni incomplétude. C’est ainsi parce que l’accusation, jusqu’à la préparation de l’acte d’accusation définitif, reste toujours sujette à modification, mais seulement si la situation pénale de l’accusé est aggravée ou s’il s’avère nécessaire de mettre en examen de nouvelles personnes. Sinon, aucune modification/changement de l’accusation ne s’impose pas. S’agissant des explications données en qualité d’accusé, l’approche législative différente est assez évidente, ici le législateur n’a pas prévu de restriction à l’utilisation des explications fournies jusque-là par l’auteur, et souvent, entre autres, ce sont ces explications qui conduisent à la requalification de l’accusation (bien entendu, dans le respect de l’art. 116 du CPP).
Compte tenu de ces solutions nettes, il est complètement fortuit d’appliquer une interprétation plus large, par analogie ou sur la base d’un autre argument. L’actuelle formation de jugement partage la jurisprudence qui prévaut, contenu dans l’arrêt no. 234/1.12.2017, affaire pénale no. 407/2017 de la CSC, 2e section pénale ; arrêt no. 556/14.02.2012, affaire pénale no. 2580/2011 de la CSC, 1re section pénale ; arrêt no. 25/10.02.2010, affaire pénale no. 727/2009 de la CSC, 3e section pénale ; arrêt no. 29/27.04.2018, affaire pénale no. 1264/2017 de la CSC, 1re section pénale, à la différence des arrêts cités no. 15/08.02.2016, affaire pénale no. 1613/2015 de la CSC, 2e section pénale et l’arrêt no. 463/2008 de la CSC, 3e section pénale (cité de manière erronée dans le pourvoi comme arrêt de la 2e section pénale).
3.2. La défense invoque des arguments faisant valoir une violation substantielle des formes, commise du fait de la mauvaise interprétation des éléments de preuve recueillis, et allègue qu’on les a habillés d’un contenu qu’ils n’ont pas. La Cour a déjà rejeté ce type d’arguments, en I.1.2, I.1.3 et I.2.11.
Le comportement de la prévenue I. est malveillant et intéressé. Il ne peut pas s’expliquer par des allégations selon lesquelles, pour elle, cela a été une « mission » et qu’elle a été provoquée, car elle a délibérément créé les conditions d’une telle offre par son inaction persistante, motivée uniquement par son intérêt personnel.
La défense du prévenu D. s’étend au comportement de la prévenue I. et avance la thèse selon laquelle ce prévenu est le seul à avoir parlé de la demande d’un pot-de-vin par la maire de l’arrondissement de Mladost et qu’il n’y a aucune preuve du contraire. Cette allégation est fausse : voir le point I.2.13, respectivement la transcription déjà mentionnée d’une conversation de l’expertise phonoscopique et d’identification vocale, procès-verbal no. 2-/IDI-119.
II. Sur les allégations de violation de la loi matérielle ;
1.1. La prévenue I., dans son pourvoi en cassation formé personnellement, ne précise pas son grief général tiré d’une violation de la loi matérielle. Sur la base des faits correctement établis, la Cour conclut que l’infraction, dont la prévenue I. est accusée, a été commise du point de vue objectif et subjectif et que la forme de complicité a été également correctement définie, en fonction de sa qualité officielle.
2.1. La prévenue P. s’est concentrée sur le grief tiré des violations des formes substantielles et n’a pas présenté d’arguments de violation de la loi, si ce n’est l’allégation qu’elle n’a pas commis l’acte incriminé. La Cour estime que la juridiction d’appel a présenté des arguments suffisamment convaincants de la participation de la prévenue comme auteur et du degré de sa participation, qui sont pleinement partagés compte tenu de la situation factuelle établie et des faits significatifs : de nouveau point I.2.1, deuxième paragraphe.
3.1. L’avocat du prévenu D. insiste sur le fait qu’il y a eu une provocation à la corruption de la part du témoin V. et que la loi n’a pas été donc correctement appliquée.
La Cour a déjà eu l’occasion d’examiner ce type d’exceptions, qu’on peut rapporter aussi au comportement du prévenu D. lui-même : I.1.2.
La défense expose longuement ses considérations sur les rencontres du témoin V. avec le témoin D., avec le procureur en charge du dossier, avec le prévenu D. Elle fait référence également à une conversation tenue le 07 février 2018, sans pourtant donner des arguments essentiels, en essayant d’accréditer des thèses reposant entièrement sur des hypothèses. Il s’agit peut-être d’une approche acceptable pour la défense, mais les insinuations ne peuvent pas détourner l’attention de l’inaction intentionnelle de la prévenue, citée à plusieurs reprises jusqu’ici. C’est la raison initiale pour décider d’utiliser des techniques spéciales d’enquête, et la prise de décision quant à la manière de prouver une infraction est une question d’opportunité, une fois qu’il existe le fondement légal. Juridiquement, il est sans importance de savoir si le témoin V. a rencontré des agents de la DANS et de la KPKONPI, s’il a rencontré le procureur en charge du dossier, si une ligne de conduite a été définie ou si des instructions tactiques ont été données. Si la prévenue I. n’avait pas dressé des obstacles insurmontables d’ordre administratif par son inaction volontaire et si elle avait rempli ses obligations quant au dossier de V., tous ces actes auraient été totalement inutiles. Cette distinction a été faite par la juridiction d’appel, contrairement au tribunal de première instance, qui apparemment a méconnu le comportement générateur de la prévenue I. Il n’y a aucune raison d’admettre que les autorités de la DANS, de la KPKONPI et du ministère public ont été informés du comportement de la prévenue I. vis-à-vis du témoin V. avant que celui-ci ne se tourne vers eux, ou bien qu’elles l’ont délibérément envoyé pour provoquer la prévenue : cela découle du §49 de l’affaire Gorgievski c. ARYM, no. 18002/2002, arrêt définitif du 10 décembre 2009. Si l’on pouvait admettre que rien n’aurait été fait sans l’intervention des forces de l’ordre, il y aurait sans doute incitation et, respectivement, absence de procès équitable : voir en ce sens l’affaire Vanyan c. Russie, no. 53203/99, § 47, 15 décembre 2005. La Cour conclut qu’à l’aide du test, joint à l’affaire Bannikova c. Fédération de Russie, § 37-50, de l’existence ou non d’une incitation, une réponse exhaustive peut être apportée à l’exception portant sur l’incitation à la corruption.
En résumé : La Cour européenne des droits de l’homme, ci-après dénommée la CEDH, s’est référée à l’arrêt rendu dans l’affaire Ramanauskas c. Lituanie, requête no. 55146/14, qui conclut qu’il y a provocation, lorsque les autorités des poursuites ne se limitent pas à examiner d’une manière passive l’activité délictueuse, mais exercent sur la personne qui en fait l’objet une influence de nature à l’inciter à commettre une infraction qu’autrement elle n’aurait pas commise, pour en apporter la preuve. En l’occurrence, l’extorsion par inaction avait déjà commencé. Il est important de relever ici que, dans la pratique, une telle inaction peut être due à des qualités purement psychologiques de la maire de l’arrondissement, par exemple, une réticence à exercer ses fonctions, que ce soit en raison de l’incompétence, de la paresse ou pour d’autres raisons. Toutefois, en l’espèce, il a été établi de manière certaine que la prévenue I. était suffisamment active dans l’exécution de ses fonctions et que son inaction avait un autre caractère tout à fait intentionnel. Dès réception de l’avantage indu mais demandé par elle, la prévenue a ordonné l’exécution immédiate de l’obligation de service qui était avant tout la sienne.
La CEDH a étudié les raisons qui ont conduit à l’enquête, dans le cas spécifique en utilisant des techniques spéciales d’enquête. En premier lieu, la Cour a examiné s’il existait des soupçons objectifs selon lesquels le requérant était mêlé à une quelconque activité criminelle ou s’il avait une propension à commettre des infractions.
En l’occurrence, la Cour constate un comportement antérieur identique à celui manifesté vis-à-vis du témoin V., qui a conduit à l’ouverture d’une enquête préliminaire. L’inaction était ciblée, d’ampleur et cela non seulement vis-à-vis du témoin V. La propension à ce type d’infractions était claire dans la manière dont elle exerçait ses fonctions (ce qui a provoqué des plaintes devant la direction municipale centrale). Au § 39, la CEDH se réfère à l’arrêt Teixeira de Castro c. Portugal où il est souligné que les autorités nationales ne semblaient pas avoir eu une bonne raison de soupçonner que le requérant avait été impliqué par le passé dans un trafic de stupéfiants. En l’espèce, la prévenue exerce pour la première fois la fonction élective de maire d’arrondissement et il est donc inapproprié de comparer ainsi la situation pénale des prévenus des deux affaires.
La Cour confirme les critères retenus dans les affaires Eurofinacom c. France, (arrêt) no. 58753/00, CEDH 2004-VII), Vanyan et Khudobin c. la Russie, en soulignant qu’il est exigé que toute information préalable sur l’intention criminelle existante soit vérifiable et que les autorités chargées de l’enquête puissent prouver pour chacune des étapes (... de la procédure) qu’elles avaient de bonnes raisons d’organiser les actes de procédure de cette manière, par l’utilisation de techniques spéciales d’enquête : avec renvoi à Ramanauskas, §§ 63 et 64, et Malininas v. Lithuania, no. 10071/04, § 36, 1 juillet 2008).
La CEDH relève également que même si les personnes condamnées ont fait l’objet d’une condamnation pénale, cela n’établit pas en soi l’existence d’une activité criminelle continue, Constantin et Stoian c. Roumanie, non. 23782/06 et 46629/06, § 55, 29 septembre 2009. Dans le cas spécifique de la prévenue I. et de la prévenue P. cependant, l’absence de condamnations et d’activité criminelle est une condition d’accès à la fonction, donc la comparaison n’est pas appropriée.
La Cour considère qu’il doit exister des éléments de preuve objectifs de l’existence d’un comportement illicite présumé des auteurs pour pouvoir fonder la conclusion du ministère public quant à la nécessité de l’enquête. En l’occurrence, il s’agit d’une non-exécution répétée de fonctions, ce qui entraîne des dommages, et d’un témoin soumis à des pressions administratives du fait de l’inaction, qui en réalité se transforme en chantage. La prévenue I. est manifestement intéressée par la surface développée des bâtiments, mêlant habilement comme une mission des promesses politiques et affichant son souci de créer un environnement social pour les petits habitants de la commune, notamment par la construction de terrains de jeux. La conversation avec le témoin V. est également révélatrice: les terrains de jeux ne sont qu’une façon voilée de promettre au témoin V. que sa demande légitime d’achèvement de la procédure administrative de notification de l’ordonnance de l’architecte en chef de la ville de Sofia aboutira. Les actes de la prévenue I. correspondent entièrement au comportement préalablement convenu et annonce par le prévenu D.
On ne peut en déduire que les autorités chargées de l’enquête ont incité la prévenue à commettre les faits. La CEDH a relevé qu’étroitement lié au critère de soupçons objectifs d’activité criminelle future est le moment où l’utilisation réelle des méthodes de poursuites pénales et des moyens de filature, de surveillance et d’écoute a commencé, et qu’il est nécessaire de distinguer clairement s’il y a "participation" à l’acte criminel ou incitation.
A aucun moment, le témoin V. n’a pris l’initiative de proposer de l’argent sans qu’on le lui demande. Il est vrai qu’il avait montré sa volonté de résoudre les difficultés survenues et d’exclure le facteur temps qui lui apportait des pertes financières, mais le prévenu D. a été celui qui, connaissant bien les deux autres prévenues, l’a informé que ses difficultés ne peuvent être résolues que d’une seule façon, en payant un pot-de-vin. Les deux prévenues n’ont jamais directement demandé ce pot-de-vin (en tout cas, elles n’ont eu qu’une seule rencontre avec le témoin V.), mais cela ne montre pas de la réticence à commettre le crime, tout était fait par pure précaution par l’intermédiaire de D.
En fait, la présente affaire renvoie aux autorisations données dans l’affaire Miliniene c. Lituanie, (no. 74355/01, 24 juin 2008). L’affaire a été initiée par un groupe d’individus qui avaient décidé de porter plainte auprès du ministère public contre l’inaction de la prévenue. Le témoin V., lui aussi, a décidé de se tourner vers l’Еtat et, conformément aux possibilités de la procédure pénale, l’enquête ouverte à la suite de son signalement a été intégrée à la procédure initialement engagée, voir point I.2.8.
Il est hors de doute que pour organiser la filature, la surveillance, et l’écoute, les autorités d’enquête ont prêté une aide, mais même elles n’ont pas été en mesure d’assurer les moyens financiers satisfaisant la demande de la prévenue I. et de la prévenue P. La CEDH, dans l’affaire citée, a constaté qu’il n’y a pas d’abus dans un tel cas : le cadre juridique est celui d’un modèle de simulation d’activité criminelle, accompagné, pour ainsi dire, d’une immunité contre des poursuites pénales, car l’objectif des autorités judiciaires est de vérifier le signalement d’actes criminels.
Enfin, tous les actes de mise sous contrôle des trois prévenus ont été conformes à la nature de l’infraction présumée et à son caractère d’exécution conspiratif, et ont été autorisés et contrôlés quant à leur légalité par un juge indépendant. Les autorisations délivrées n’ont pas en elles-mêmes autorité de chose jugée, « res judicata », elles ne sont pas « immunisées » contre un contrôle juridictionnel postérieur lors des instances suivantes. La prévenue I. et la prévenue P., quoi qu’elles disent, n’ont pas été soumises à la pression du prévenu D. pour prendre la « décision de corrompre ». Ce dernier, inter alia, n’a pas été en lien avec les autorités compétentes, il n’a pas eu de « ligne de conduite » à suivre et même s’il s’est montré actif à certains moments, cela faisait partie de son activité indépendante d’assistance et de facilitation de l’acte de corruption (et le degré de son activité ne peut être apprécié sous un aspect pénal, car cela représenterait une aggravation de sa situation dans la procédure, limitée à la seule figure de « complice »).
Dans le cas du prévenu D., la motivation de ce dernier a été entièrement intéressée et son activité a été limitée non pas par la réticence des deux prévenues à le rencontrer, mais simplement par son absence de maîtrise sur l’avantage indu.
Sinon, dans cette procédure pénale, l’utilisation de « moyens secrets », c’est-à-dire de techniques spéciales d’enquête, s’est déroulée entièrement sur autorisation du juge et sous contrôle judiciaire permanent durant toute la durée de la procédure pénale, comme la CEDH l’indique dans l’affaire Vanyan c. Russie, §§ 46 et 47, et dans l’affaire Khudobin c. Russie § 135.
4.1. Dans son pourvoi, le ministère public insiste notamment sur une violation de la loi matérielle, commise lors de l’acquittement partiel et la requalification des faits en une infraction appelant une peine moins lourde.
En fait, la façon dont le pourvoi est formulé le rend contradictoire en soi. On ne demande que l’annulation partielle de l’arrêt, dans sa partie d’acquittement. La conclusion logique qui s’impose est que le Parquet ne demande pas l’annulation de l’arrêt dans sa partie reconnaissant les prévenus coupables et les condamnant en fonction des chefs d’accusation retenus. Une telle demande ne peut être satisfaite. Dans le même temps, à titre subsidiaire, on demande l’augmentation des peines appliquées et, parallèlement, le renvoi de l’affaire pour réexamen à la juridiction d’appel. La juridiction de cassation, dans le cadre de cette première procédure, n’est pas en mesure de satisfaire la demande d’augmentation de la peine, faute de possibilité de procédure.
En dehors de cette impossibilité de procédure, la Cour partage entièrement les arguments de la juridiction d’appel pour admettre la requalification des faits en une infraction appelant une peine moins lourde, et l’absence d’infraction au titre de l’art. 302a du CP. Ces arguments sont circonstanciés et détaillés quant à la qualité de fonction de la prévenue I., l’exécution de l’acte et ses formes de manifestation caractérisées, la présence de complicité, et la présente instance de contrôle ne trouve aucune raison de ne pas les partager. La juridiction d’appel a admis à juste titre que le signe d’un degré de dangerosité extrêmement élevée pour la société des auteurs n’est pas présent et qu’effectivement les caractéristiques personnelles des prévenus ne renvoient pas à une telle exclusivité. L’opiniâtreté manifestée dans l’abus de pouvoir, bien que loin d’être une caractéristique positive, ne révèle pas pour autant une exclusivité du degré de dangerosité pour la société de la prévenue I. Il en va de même pour les actes des deux autres prévenus. Sinon, il est évident pour la Cour non seulement qu’il y a abus en tant qu’élément caractérisant, mais aussi comme atteinte à la confiance de la société qui a revêtu la prévenue I. du manteau de représentant du pouvoir exécutif local.
III. Sur le moyen de cassation tiré du caractère inéquitable manifeste de la peine appliquée ;
La Cour se solidarise avec les arguments avancés par la juridiction d’appel concernant le montant de l’avantage demandé et accepté, dépassant largement l’élément caractérisant « grand montant ». Elle souscrit au raisonnement avancé par la juridiction d’appel selon lequel la réalisation de deux des formes de l’exécution de l’acte, « demander » et « accepter », impose une appréciation de l’existence éventuelle d’une circonstance aggravante. Or, il n’est pas possible d’accorder une grande importance à cela, dès que ces deux formes se suivent logiquement et réellement. La demande aboutit dans la plupart des cas ordinaires à l’acceptation, du moment où la partie adverse a accepté de satisfaire à la première forme de l’exécution de l’acte. Le lien indissociable pratique et humain ne requiert pas une appréciation pénale extrêmement stricte.
La conclusion de la juridiction d’appel est vraie que la réalisation des faits, en présence de trois des quatre éléments caractérisant l’infraction, constitue une circonstance aggravante. La manière d’exercer le pouvoir exécutif d’élu et l’abus de confiance des électeurs ne sont pas des caractéristiques positives de la personnalité de la prévenue I. Indépendamment de la forme de coparticipation et de l’absence d’élection directe, la même appréciation s’applique et à la prévenue P. également.
La juridiction d’appel a pris en compte aussi les circonstances atténuantes, et la juridiction de cassation juge en outre qu’il faut prendre en compte la durée prolongée de détention provisoire des prévenus, qui ne peut être expliquée avec le degré extrêmement élevé de leur dangerosité pour la société, qui fait défaut, comme il a été déjà indiqué. Malgré sa moindre importance, il faut aussi prendre en compte la durée relativement longue du déroulement de la procédure pénale, qui, à elle seule, joue aussi un rôle autonome pour la réalisation des objectifs de l’art. 36 du CP.
Ces dernières circonstances conduisent la Cour à conclure que, contrairement à ce qui a été admis par la juridiction d’appel, la peine doit être déterminée en cherchant un équilibre relatif entre éléments atténuants et éléments aggravants, avec un léger avantage pour les premiers, précisément en raison des circonstances supplémentaires indiquées.
Ainsi, la Cour considère que les peines des prévenus doivent être réduites en conséquence, comme suit :
- Pour la prévenue I. : d’une peine privative de liberté de 8 ans à une peine privative de liberté de 6 ans ; le montant de l’amende doit être réduit proportionnellement de 15 000 leva à 12 000 leva ; et les peines de déchéance de droits au titre de l’art. 37, points 6 et 7 du CP, de 10 ans de privation du droit d’occuper des fonctions publiques ou municipales liées à l’exercice de pouvoirs de puissance publique et de privation du droit d’exercer une profession ou une activité au sein d’institutions, établissements ou entreprises d’Etat ou municipales à 8 ans ;
- Pour la prévenue P. : d’une peine privative de liberté de 7 ans à une peine privative de liberté de 5 ans ; le montant de l’amende de 12 000 leva à 10 000 leva ; les peines de déchéance de droits au titre de l’art. 37, point 6 et point 7 de 9 ans à 7 ans ;
- Pour le prévenu D. : d’une peine privative de liberté de 6 ans à une peine privative de liberté de 4 ans ; l’amende de 10 000 leva à 8 000 leva ; les peines de déchéance de droits au titre de l’art. 36, point 6 et point 7 du CP, de 8 ans à 6 ans.
La réduction des peines de la prévenue P. et du prévenu D. et leur nouvelle ampleur impose un changement aussi du régime d’exécution des peines appliquées, qui doit passer de « strict » à « général » - art. 57, alinéa 1, point 3 de la Loi sur l’exécution des peines et des détentions provisoires.
La demande du Parquet d’augmentation des peines ne peut être satisfaite pour les raisons citées déjà - III.4.1., mais il manque aussi des motifs objectifs.
Il y a lieu de relever que le prononcé d’une nouvelle condamnation en l’espèce, comme la deuxième instance l’a exposé dans son ample argumentation - f. 205 des motifs, ne serait pas nécessaire s’il ne fallait pas modifier la condamnation en aggravant l’accusation, c’est-à-dire dans la partie d’acquittement traitant l’objet du crime, c’est-à-dire de 187 500 euros à 250 000 euros qui est le montant définitivement retenu par la juridiction d’appel. En tout état de cause, l’acte de la juridiction d’appel est conforme à l’initiative de procédure des parties, en l’occurrence du procureur, ainsi qu’à la volonté réelle du législateur, dans la mesure où les faits de pot-de-vin sont aussi les éléments constitutifs de l’exécution de la première forme de l’acte pot-de-vin selon l’art. 301, alinéa 1 du CP. Il n’y a pas de vice dans l’arrêt d’appel à cet égard.
Pour ces raisons, la Cour admet entièrement l’application de la loi matérielle proposée par la juridiction d’appel et ne constate aucune violation des formes substantielles pouvant entacher et désavouer les conclusions de l’accusation. La seule chose que la Cour trouve à corriger, ce sont les peines appliquées aux prévenus et le régime initial de détention pour la prévenue P. et la prévenue D.
La Cour admet que l’arrêt attaqué doit être modifié dans la partie et dans le sens indiqués ci-dessus.
Eu égard à ce qui précède et en vertu de l’art. 354, alinéa 2, point 1, en lien avec l’alinéa 1, point 4 du CPP, la Cour suprême de cassation, Première section pénale,
DECIDE :
MODIFIE l’arrêt d’appel du 06 juillet 2020, affaire pénale d’appel no. 314/2019 du Tribunal d’appel pénal spécialisé, en REDUISANT les peines appliquées, comme suit :
- Pour la prévenue D.P.I. : d’une peine privative de liberté de 8 ans à une peine privative de liberté de 6 ans, l’amende de 15 000 leva à 12 000 leva, les peines de déchéance de droits au titre de l’art. 37, point 6 et 7 du CP, de 10 ans de privation du droit d’occuper des fonctions publiques ou municipales, liées à l’exercice de pouvoirs de puissance publique et de privation du droit d’exercer une profession ou une activité au sein d’institutions, établissements ou entreprises d’Etat ou municipales à 8 ans ;
- Pour la prévenue B.E.H.-P. - d’une peine privative de liberté de 7 ans à une peine privative de liberté de 5 ans, l’amende de 12 000 leva à 10 000 leva, les peines de déchéance de droits au titre de l’art. 37, point 6 et point 7 de 9 ans à 7 ans, en FIXANT un régime initial général d’exécution de la peine privative de liberté ;
- Pour le prévenu P.G.D. : d’une peine privative de liberté de 6 ans à une peine privative de liberté de 4 ans, l’amende de 10 000 leva à 8 000 leva, les peines de déchéance de droits au titre de l’art. 36, point 6 et point 7 du CP de 8 ans à 6 ans, en FIXANT un régime initial général d’exécution de la peine privative de liberté.
CONFIRME entièrement l’arrêt d’appel dans la partie restante.
L’arrêt n’est pas susceptible de recours.