Aux termes de l'article 1 AUPSRVE « le recouvrement d'une créance liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer ». La créance certaine est celle dont l'existence est incontestable et actuelle. Dans le cas d'espèce, un bail commercial sur un ensemble immobilier a été conclu entre les parties. Le preneur n'ayant plus honoré les loyers échus, alors que l'immeuble était toujours occupé par ses biens mobiliers et matériels, il convient de dire que la créance est certaine. L'argument de la non occupation entière de l'immeuble ne saurait incomber au bailleur, ni le fait d’avoir abandonné les lieux loués après occupation. La créance est liquide lorsque son montant en argent est connu et déterminé. Dans le cas d'espèce la créance correspond à dix mois d'arriérés de loyers impayés. Elle est donc liquide. La créance est exigible lorsque le titulaire peut en exiger immédiatement le paiement. Une mise en demeure de payer adressée au preneur étant restée sans réponse, la créance est par conséquent exigible. Le bailleur ayant exécuté son obligation en livrant les lieux loués au preneur, ce dernier ne saurait donc se prévaloir d'une occupation partielle des lieux voulu par lui et sans l’accord du bailleur pour dire que celui-ci s'est enrichi sans cause en percevant des loyers plein et entier pendant six mois. Le preneur est parti de lui-même sans expulsion. Il n’y a donc pas eu d'expulsion arbitraire ouvrant droit à réparation pour résolution abusive du bail. S'il est vrai que le bailleur a donné son immeuble en location, il est aussi vrai que le preneur n'a pas exploité l'immeuble pendant la période au titre de laquelle il demande reconventionnellement le paiement de loyers échus. Il convient alors de le débouter de cette demande. Concernant enfin les dommages-intérêts réclamés par le bailleur, le paiement des arriérés de loyers devrait en principe combler le manque à gagner.
ARTICLE 1 AUPSRVE
ARTICLE 15 AUPSRVE ARTICLE 73 AUDCG ARTICLE 77 AUDCG ARTICLE 93 AUDCG ARTICLE 101 AUDCG ARTICLE 1184 CODE CIVIL BURKINABÈ ARTICLE 1725 CODE CIVIL BURKINABÈ ARTICLE 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D'APPEL DE A, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 041/99 du 19 juin 2009, C Ac Ab c/ Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER-B))
LA COUR,
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte d'huissier en date du 07 mai 2008, signifié à la Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER-B) société d'Etat, monsieur C Ac Ab, a relevé appel du jugement n° 72/08 du 09 avril 2008 rendu par le Tribunal de grande instance de A en ces termes : « Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort ; En la forme déclare l'opposition formée par C Ac Ab recevable parce qu'intervenue dans les formes et délais prescris par la loi ; Au fond le déboute de son opposition parce que mal fondée ; Le condamne à payer à la SOPAFER-B la somme de deux millions huit cent mille (2.800.000) francs CFA représentant dix 10) mois de loyers ; Déboute SOPAFER-B de la demande de frais non compris dans les dépens ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; Condamne C Ac Ab aux dépens » ;
L'appelant expose que le 25 avril 2006, il a conclu un bail commercial avec la SOPAFER-B portant sur un ensemble immobilier pour un loyer mensuel de deux cent quatre vingt mille (280.000) francs CFA ; qu'il a pris possession d'une partie des lieux loués en juin 2006 après avoir payé une caution de 02 mois ; que lorsqu’il a réclamé à la SOPAFER-B le contrat de bail et un état des lieux, elle lui a fait une sommation de déguerpir des lieux loués et fermé les bureaux ; qu'après un compromis sans succès elle lui fera notifier une injonction de payer contre laquelle elle a formé opposition ; que cependant la SOPAFER-B lui donna congé et le 16 janvier 2008 elle initia à son tour une procédure de référé afin d'obtenir la cessation des troubles sous astreinte de la SOPAFER-B ; que le 25 janvier 2008, la SOPAFER-B opérera une saisie conservatoire sur ses effets ; que le 05 février 2008 le juge des référés ordonna la remise des biens loués sous astreinte de cent mille (100.000) francs CFA par jour de retard ; que c'est le 09 avril 2008 que le Tribunal a rendu le jugement sur opposition dont teneur a été donné plus haut ;
L'appelant fait valoir que le premier juge a mal apprécié les faits de la cause ; que le montant de deux millions huit cent mille (2.800.000) francs CFA demandé par la SOPAFER-B sur les
loyers impayés est inexact dans son quantum et aussi manque de certitude et d'exigibilité ; que la SOPAFER-B n'a pas pu lui livrer les lieux loués ; qu'il a seulement occupé 1/3 des lieux alors qu'il payait un loyer entier ; qu'il s'est trouvé confronté à l'occupation de l'immeuble par l'ex-locataire qui du reste participait aux charges ; que celui qui n'exécute pas son obligation ne peut pas obtenir de l'autre partie la contrepartie de son obligation ; que par conséquent la créance n'est ni certaine ni exigible et l'ordonnance d'injonction de payer doit être annulée ; L'appelant réclame la répétition de l'indu à la SOPAFER-B ; qu'il a payé un loyer de plein droit et entier pendant six (06) mois et une caution de deus mois, alors qu'il n'a occupé que le 1/3 des locaux ; que la SOPAFERB doit lui payer la somme de un million quatre cent quatre vingt dix neuf treize mille trois cent trente trois (1.493.333) francs CFA ;
Puis il évoque le fait qu'il a été arbitrairement expulsé ; que les articles 1184 du code civil, 73, 77 et surtout 101 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général ont été violés ; que de tels comportements découragent et les victimes doivent être réparées ; qu'en l'espèce il a été privé de 18 mois des lieux loués ; qu'alors qu'il devait avoir mensuellement cinq cent mille (500.000) francs CFA ; qu'il demande la somme de dix millions (10.000.000) de francs CFA à titre de dommages-intérêts et aussi il demande de la condamner à lui payer la somme de neuf cent mille (900.000) francs CFA à titre des frais irrépétitibles ;
En réplique, l'intimé explique que l'appelant C Ac Ab a aménagé dans le bâtiment principal début mai 2006 après avoir récupéré les clés auprès de l'ancien locataire sans avoir rempli les formalités administratives du bail notamment l'état des lieux et la remise des clés ; que c'est ainsi qu'il partageait les lieux avec le sieur Ad Aa B qui jouissait du petit bâtiment annexe, qui contribuait aux charges d'eau et d'électricité etc. ; qu'il est à noter que C Ac Ab est un mauvais payeur ; qu'à la date du 23 octobre 2007, le bâtiment principal qu'il occupe était fermé ; que c'est pourquoi elle a obtenu une ordonnance sur requête auprès de la présidente du Tribunal qui lui a permis de faire ouvrir les portes de l'immeuble le 14 novembre 2007 et faire dresser un constat d'huissier qui fait ressortir que l'immeuble est délaissé sans entretien depuis longtemps ; que pour obtenir paiement des arriérés de loyers, il a fait signifier l'ordonnance d'injonction de payer à C Ac Ab qui fait opposition ; qu'elle précise lui avoir donné congé le 26 décembre 2007 conformément à l'article 93 alinéa 1 de l’AU sur le droit commercial général expirant le 27 juin 2008 ; que toutefois en garanti du paiement des loyers impayés elle a fait pratiquer une saisie conservatoire du matériel et mobilier lui appartenant ;
Par jugement sur opposition rendu, C Ac Ab a relevé appel ; La SOPAFRE-B soutient que le moyen soulevé par l'appelant qui dit qu'elle n'a pas exécuté son obligation ne peut prospérer ; qu'elle lui a rappelé par correspondance que l'occupation partielle des lieux par l'ancien locataire ne lui était pas imputable ; qu'il lui appartenait d'exercer son action possessoire contre tout occupant sans titre conformément à l'article 1725 du code civil ; qu'en conséquence la créance qu'elle réclame est certaine, liquide et exigible ; Sur le moyen tiré de l'expulsion du bailleur, la SOPAFER-B demande à la Cour de le rejeter au motif que l'immeuble loué était laissé à l'abandon du locataire qui n'y exerçait plus ses activités ; Sur la répétition de l'indu demandé par l'appelant, la SOPAFER-B fait remarquer qu'aucun acte conventionnel ni judiciaire n'est venu réduire le loyer initialement convenu ; qu'aussi sur les dommages-intérêts demandés elle sollicite à la Cour de débouter l'appelant, au motif qu'il a eu la faculté de jouir de son bail jusqu'à l'expiration du congé ;
La SOPAFER-B demande incidemment de prendre en compte les loyers des mois de janvier à juin 2008 restés impayés soit la somme de un million sept cent seize mille (1.716.000) francs CFA et condamner C Ac Ab à lui payer la somme totale de quatre millions cinq cent seize mille (4.516.000) francs CFA au titre des loyers échus de mars 2007 à juin 2008 ; Elle demande aussi des dommages-intérêts de un million (1.000.000) de francs CFA pour son manque à gagner, et neuf cent mille (900.000) francs CFA au titre des charges non compris dans les dépens ;
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que l'appel interjeté par C Ac Ab est recevable pour avoir été fait dans les formes et délais prévus par les articles 550 du code de procédure civile et 15 de l'AUPSRVE ;
AU FOND
Attendu qu'aux termes de l'article 1 de l'AUPSRVE « le recouvrement d'une créance liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer » ; Attendu que la créance certaine est celle dont l'existence est incontestable et actuelle ;
Attendu que dans le cas d'espèce il n'est pas contesté que C Ac Ab a conclu avec la SOPAFER-B un bail commercial sur un ensemble immobilier pour un loyer de deux cent quatre vingt mille (280.000) francs pour compter de mai 2006 ; que la SOPAFER-B lui réclame le paiement de la somme totale de quatre millions cinq cent seize mille (4.516.000) francs CFA au titre des loyers échus impayés ; Attendu que C Ac Ab a bel et bien occupé les lieux loués pour l'abandonner par la suite ; que l'argument de la non occupation entière de l'immeuble ne saurait incomber à la SOPAFER-B, étant donné qu'il a aménagé dans ledit immeuble sans avoir accompli toutes les formalités administratives du bail ; qu'en tout état de cause C Ac Ab a occupé un immeuble appartenant à la SOPAFER-B ; que depuis le 1er mars 2008, il n'a plus honoré les loyers échus, alors que l'immeuble était toujours occupé par des biens mobiliers et matériels lui appartenant ; qu'il convient de dire que la créance de la SOPAFER-B est certaine ; Attendu que la créance est liquide lorsque son montant en argent est connu et déterminé ; que dans le cas d'espèce cette créance correspond à dix mois d'arriérés de loyers impayés soit la somme de deux millions huit cent mille (2.800.000) francs ; qu'elle est donc liquide ; Attendu que la créance est exigible lorsque le titulaire peut en exiger immédiatement le paiement ; qu'une mise en demeure de payer adressée à C Ac Ab, en date du 05 janvier 2007 est restée sans réponse ; que par conséquent la créance est exigible ;
Attendu que C Ac Ab réclame le paiement de la somme de un million quatre cent quatre vingt treize mille trois cent trente trois (1.493.333) francs CFA à la SOPAFER-B pour enrichissement sans cause ; Attendu que la SOPAFER-B a exécuté son obligation en livrant les lieux loués à C Ac Ab ; que dans sa correspondance adressée à C Ac Ab en date du 1er juin 2007 elle lui avait fait savoir qu'elle n'était pas partie à l'arrangement entre lui et
B Z. Ad, l'invitant à tenir compte des termes de leur précédent courrier et lui communiquer le montant de sa part contributive aux frais d'eau d'électricité de juin à ce jour ; que cela veut dire qu'il a toléré l'occupation d'une partie des lieux par un locataire qui du reste contribuait pour cela ; qu'il ne saurait donc se prévaloir d'une occupation partielle des lieux voulu par lui pour dire que la SOPAFER-B s'est enrichi sans cause en percevant des loyers plein et entier pendant six mois ;
Attendu que C Ac Ab soutient qu’il a été expulsé de manière arbitraire sans égard aux prescriptions légales d'ordre public ; Attendu cependant que c'est suite à une ordonnance de madame la président du Tribunal de grande instance de A autorisant la SOPAFER-B de requérir tout huissier de justice en vue de pénétrer dans l'immeuble loué que le procès-verbal de constat d'ouverture des portes et d'inventaire a été dressé ; que cela signifie que C Ac Ab est parti de lui-même sans expulsion ; que par conséquent il n’y a pas eu d'expulsion arbitraire ; qu'en ce qui concerne le montant de dix millions quatre mille (10.080.000) francs CFA réclamé par C Ac Ab à la SOPAFER-B pour la résolution abusive du bail et le montant de neuf cent mille (900.000) francs CFA au titre des frais autres que les dépens, il y a lieu de l'en débouter parce que non fondés ;
Attendu que la SOPAFER-B demande additionnellement de condamner C Ac Ab à lui payer la somme de quatre millions cinq cent seize mille (4.516.000) francs CFA au titre des loyers échus du 1er mars 2007 au 27 juin 2008 ; Attendu que s'il est vrai que la SOPAFER-B a donné l'immeuble en location à C Ac Ab il est aussi vrai que ce dernier n'a pas exploité l'immeuble pendant cette période ; qu'il convient alors de débouter la SOPAFER-B de cette demande ; Attendu que la SOPAFER-B réclame des dommages intérêts de un million (1.000.000) de francs CFA pour n'avoir pas tiré profit de l'immeuble et neuf cent mille (900.000) francs CFA de frais non compris dans les dépens ;
Attendu cependant qu'en ce qui concerne les dommages-intérêts que la SOPAFER-B a déjà réclamé des arriérés de loyers ; que le paiement de ces arriérés de loyers devait en principe comblé le manque à gagner ; Attendu qu'il n'est pas incontestable qu'elle a des frais d'avocat pour assurer sa défense ; qu'au regard des dispositions de l'article 33 du barème indicatif des frais et honoraires des avocat du 20 décembre 2003, il ne peut lui être alloué que la somme de quatre cent mille (400.000) francs CFA ; qu'il y a lieu de condamner C Ac Ab au paiement dudit montant ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ; Confirme le jugement attaqué ; Condamne C B. Georges aux dépens ; Le condamne à payer la somme de quatre cent mille (400.000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.