COUR DE CASSATION CHAMBRE SOCIALE
Arrêt n° 31 du 16 Novembre 2017
Dossier n°120/2012
VIVO Energy Burkina (ex-Burkina & Shell) C/ Travailleurs de Vivo Energy Burkina
Décision attaquée n°004 rendu le 09 mai 2012, Cour d’Appel de Ouagadougou ;
Cour de cassation, Chambre sociale, siégeant en audience publique et ordinaire tenue le seize novembre deux mil dix-sept dans la salle d’audience de ladite Cour à Ouagadougou composée de :
Madame SAMPINBOGO Mariama, Présidente ; PRESIDENT
Monsieur DOFINI Ouarayo et Mme KABORE Jacqueline, Conseillers; MEMBRES
En présence de Monsieur NANA Ibrahim, Avocat général et Maître OUEDRAOGO Suzanne, Greffier ;
A rendu l’arrêt ci- après dans la cause ;
ENTRE :
VIVO ENERGY BURKINA SA/ SCPA TOU et SOME ;
Demandeur au pourvoi d’une part ;
Et
Les travailleurs dont la liste figure en annexe et ayant pour conseil Maître Idrissa Alayidi BA ;
Défendeurs au pourvoi d’autre part ;
LA COUR
Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 20/06/2012 par la SCPA TOU et SOME, au nom et pour le compte de VIVO ENERGY S.A, contre la sentence arbitrale n°04 rendue le 09/05/2012 par le Conseil d’arbitrage de la Cour d’appel de Ouagadougou dans une instance qui oppose son client à ses travailleurs O.S, N.Z.M, et 23 autres ;
Vu la loi organique n° 018-2016/AN du 26 mai 2016 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi organique n° 013-2000/AN du 09 mai 2000 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu les articles 21,54, 384, 592 et suivants du Code de procédure civile, 347 du code du travail ;
Vu la requête de pourvoi en cassation et le mémoire en réplique du défendeur ;
Vu les conclusions écrites du Ministère public ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï les parties en leurs observations orales ;
Ouï l’Avocat général en ses observations orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prévus par les articles 602 à 605 du Code de procédure civile et qu’il y a lieu de le déclarer recevable
Au fond
Attendu que dans le cadre d’une restructuration par adoption d’une nouvelle organisation, le Groupe SHELL, a décidé de céder ses actions de Burkina & Shell à des repreneurs ; que la société Burkina & Shell, devenue Vivo Energy Burkina en 2012, a engagé des discussions avec ses employés et un protocole d’accord a été conclu le 28/04/2006 sous l’égide de la Direction générale du travail ; que ce protocole d’accord a pour objet de définir les conditions et modalités des mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs en fin de contrat de travail avec Burkina & Shell pour raisons économiques, médicales, de départ négocié et de transfert non accepté; qu’ensuite un procès-verbal de conciliation a été signé le 27/09/2006 relativement au différend consécutif à la restructuration de la société et entrainant des licenciements pour motifs économiques ; que ce procès-verbal mentionne notamment que le protocole d’accord déjà signé reste un acquis dans son entièreté ;
Attendu que suite à des difficultés de mise en œuvre de ce protocole, les parties ont saisi l’inspecteur du travail et un procès-verbal de non conciliation a été dressé le 21/10/2011 ; que le litige a été déféré au conseil d’arbitrage de la Cour d’appel de Ouagadougou qui a rendu sa sentence le 09/05/2012 en ces termes : « En la forme, rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par Burkina & Shell, reçoit l’action des demandeurs et la déclare bien fondée ; au fond, dit que l’article 1er du protocole d’accord de séparation signé entre Burkina & Shell et ses travailleurs trouve pleinement à s’appliquer, par conséquent, Burkina & Shell est tenu au paiement des différentes indemnités prévues audit protocole à tous les travailleurs hostiles au transfert… »
Attendu que le demandeur au pourvoi invoque les quatre (4 moyens de cassation suivants :
1/Du moyen de cassation tiré de la violation de l’article 384 du Code de procédure civile
Attendu que le demandeur au pourvoi invoque l’article sus visé selon lequel « tout arrêt, jugement ou ordonnance comporte obligatoirement : l'indication de la juridiction dont il émane ; les noms du juge ou des juges qui en ont délibéré ;
Le nom du représentant du ministère public, s'il y a lieu ; le nom du greffier ; les nom, prénoms ou dénomination, profession et domicile des parties, et la mention de leur comparution ou de leur défaut, avec en ce cas la constatation qu'elles ont été régulièrement convoquées ; le cas échéant, les nom et prénoms des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties » ;
Attendu qu’il reproche au Conseil d’arbitrage de n’avoir pas mentionné des parties dans la sentence, en violation dudit article ;
Attendu que s’agissant d’un conflit collectif obéissant à une procédure dérogatoire au droit commun, ce ne sont pas les parties qui saisissent le Conseil d’arbitrage mais le ministre chargé du travail ; que cette autorité dans sa lettre de déferrement cite les travailleurs de Burkina et Shell comme parties au procès ;
Attendu cependant qu’il revenait à la juridiction saisie d’identifier ces travailleurs dans le cadre de l’instruction du dossier ; que ne l’ayant pas fait, la sentence encourt cassation sur ce moyen ;
2/Du moyen de cassation tiré de la violation de l’article 347 du Code du travail
Attendu que le demandeur au pourvoi dénie au delegué du personnel le pouvoir de représentation des travailleurs devant les juridictions ;
Mais attendu que c’est relativement aux différends individuels que l’article 347 du code du travail prévoit la représentation et l’assistance des parties devant le tribunal du travail par les organisations syndicales ; que cette disposition est inapplicable en matière de conflit collectif pour laquelle il ya lieu de préciser surabondamment que, les délégués du personnel conformément à leurs missions prévues à l’article 316 du Code du travail, ont le pouvoir de saisir l’inspection du travail de toute plainte ou réclamation relatives à l’application des prescriptions légales et réglementaires, mesure préliminaire et obligatoire à la saisine des juridictions ; que ce moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
3/Du moyen de cassation tiré de la violation de l’article 54 CPC
Attendu que le moyen tiré de la violation de l’article 54 CPC qui dispose que « sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires y dérogeant, nul ne peut, s'il n'est avocat, postuler ou plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit », que cette disposition n’est qu’une reprise du moyen précédemment rejeté et qu’il doit être également rejeté ;
4/Du moyen de cassation tiré de la violation de l’article 21 du CPC
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche au Conseil d’arbitrage d’avoir examiné une demande d’interprétation du protocole d’accord ne figurant ni dans le PV de non conciliation ni dans les conclusions des parties, en violation de l’article 21 CPC selon lequel « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».
Mais attendu que le point sur l’application du protocole d’accord figure au Procès-verbal de non conciliation dressé par l’inspecteur du travail le 21/10/2011, qu’aucun grief ne peut être retenu contre le conseil d’arbitrage d’avoir dans sa motivation, précisé le sens du protocole d’accord afin de se prononcer sur son application ; que ce moyen de cassation doit être rejeté ;
Attendu que de ce qui précède, le pourvoi est fondé sur le premier moyen et l’arrêt encourt cassation en ce qui concerne la violation de l’article 384 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
En la forme
Déclare le pourvoi recevable ;
Au fond
Le déclare bien fondé ; en conséquence, casse et annule la sentence arbitrale n°04 rendue le 09/05/2012 par le conseil d’arbitrage de la Cour d’appel de Ouagadougou ;
Remet en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ladite sentence et pour être fait droit ;
Les renvoie devant la même juridiction autrement composée ;
Met les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre sociale de la Cour de cassation du Burkina Faso le jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.