COUR DE CASSATION CHAMBRE SOCIALE
Arrêt n°24/2019 du 12/04/2019
Dossier n°109/1997
Société Africaine de Pneumatique (SAP) C/ S.P et O.K.A
La Cour de cassation, Chambre sociale, siégeant en audience publique et ordinaire, tenue le 12 Avril 2019 dans la salle d’audience de ladite Cour à Ouagadougou composée de :
Monsieur DOFINI Ouarayo, PRESIDENT
Mesdames YANOGO Elisabeth et YARO Fanta, toutes Conseillers ; MEMBRES
En présence de Monsieur NANA Ibrahim, Avocat général et de Madame OUEDRAOGO Suzanne, Greffier
A rendu l’arrêt ci- après:
ENTRE:
La Société Africaine de Pneumatique (SAP) ayant pour conseil maître Abdoul OUEDRAOGO, avocat à la Cour Ouagadougou
Demanderesse d’une part,
Et
S.P et O.K.A
Défendeurs d’autre part
LA COUR
Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 15 juillet 1997, par maître Abdoul OUEDRAOGO, avocat à la Cour, au nom et pour le compte de la Sté Africaine de Pneumatique (SAP), a déclaré se pourvoir en cassation contre l’arrêt n°35 rendu le 17 juin1997 par la chambre sociale de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso ;
Vu la loi organique n° 018-2016/AN du 26 mai 2016, portant composition organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi organique n° 013-2000/AN du 09 mai 2000, portant Organisation, Attributions et Fonctionnement de la Cour de cassation et Procédure applicable devant elle ;
Vu les articles 80, 592 et suivants du Code de procédure civile et 79 du Code du travail ;
Vu la requête de pourvoi en cassation ;
Vu les conclusions écrites du Ministère public ;
Ouï les parties en leurs observations orales ;
Ouï l’Avocat général en ses observations orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Sur la recevabilité
Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi ; qu’il convient de le déclarer recevable ;
Au fond
Attendu qu’Il ressort de l’arrêt attaqué que S.P et O.K.A ont été embauchés respectivement en 1974 et 1976 en qualité de comptable et d’ouvrier par la Société Africaine de Pneumatique ; que le 28 mars 1991 suite à des motifs économiques, elle procédait à une compression de personnel en suspendant d’office cinq délégués du personnel, dont les requérants en attendant l’autorisation de l’Inspection du travail ;
Attendu que le 31 mars 1991, la société procédait au licenciement de 130 travailleurs dont les délégués du personnel avec le règlement définitif de leurs droits ;
Que le 03 juillet 1991, l’Inspection du travail donnait son autorisation pour le licenciement des deux délégués en question ;
Qu’engagée dans une procédure de licenciement de trois (03) autres délégués du personnel, la société n’adressera une lettre de licenciement aux requérants que le 04 mars 1996 avec effet rétroactif à compter du 03 juillet 1991, date de l’autorisation de l’Inspection du travail ;
Que la tentative de conciliation s’étant soldée par un échec, par jugement n°2/97 du 20 février 1997, le Tribunal du travail de Bobo déclarait le licenciement des requérants abusif, condamnait en conséquence la SAP à payer à O.A, la somme de deux millions cent mille (2.100.000)francs CFA et à S.P celle d’un million trois mille sept cent dix (1.300.710) francs CFA à titre de dommages et intérêts ; il déboutait les requérants du surplus de leur demande ;
Attendu que sur appel interjeté le 07 mars 1997 par toutes les parties, la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso a statué en ces termes :
- Déclare les appels recevables ;
- Reforme le jugement quant au montant des dommages-intérêts alloués ;
Condamne la SAP à payer à O.A et S.P la somme de 6.121.278 (six millions cent vingt et un mille deux cent soixante-dix-huit mille) francs CFA à titre de dommages-intérêts soit :
- Trois millions sept cent quatre-vingt mille francs (3.780.000) F CFA ;
- Deux millions trois cent quarante et un mille deux cent soixante-dix-huit (2.341.278) francs CFA;
Confirme le jugement en ses autres dispositions ;
Que cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi ;
Attendu que le conseil de la demanderesse soulève trois (3) moyens de cassation tirés :
1°) – du rejet de la réclamation portant sur des dommages-intérêts ;
2°) – de la violation de l’article 124 du Code du travail
3°) – de l’irrégularité de la délibération.
Que le conseil du défendeur qui s’est déporté n’a pas produit de mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation tiré du rejet de la réclamation portant sur les dommages et intérêts
Attendu que le conseil de la demanderesse fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir pris en compte la réclamation portant sur des dommages et intérêts alors que cette demande ne figurait pas sur la lettre en date du 1er avril 1996 de l’Inspection du travail qui saisissait le Tribunal du travail ;
Attendu cependant qu’il ressort des pièces du dossier qu’il est joint au Procès-verbal de non conciliation un autre procès-verbal n°45/bis/DRETSS/H du 1er avril 1996 et ce conformément à la circulaire ministérielle n°14-CT/T8 du 19 mai 1953 ;
Que ladite circulaire précise que « si cette déclaration est en principe formulée par le demandeur, il doit être cependant admis que l’Inspecteur du travail peut faire procéder, sur demande de l’intéressé, à l’inscription introductive d’instance » ;
Que c’est à bon droit que la demande des travailleurs portant sur des dommages-intérêts est régulière et mérite d’être appréciée aussi bien par le Tribunal du travail que par la Cour d’appel ;
Que le moyen invoqué par le demandeur doit être rejeté ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 124 du Code du travail de 1992 ;
Attendu que le conseil de la demanderesse fait grief à l’arrêt d’avoir octroyé des arriérés de salaires portant sur 54 mois alors que les travailleurs ont quitté l’entreprise depuis le 31 mars 1991 ; qu’ils ne peuvent être admis à réclamer des salaires conformément aux dispositions de l’article 124 du Code du travail en ce que la prescription en matière de réclamation salariale est de deux ans pour compter de la date d’exigibilité du salaire ;
Mais attendu que la SAP ne conteste pas avoir notifié tardivement la lettre de licenciement en date du 04 mars 1996 aux deux (02) travailleurs dont l’autorisation de licenciement était acquise depuis le 03 juillet 1991, soit 04 ans 08 mois après ;
Que ce défaut de notification est assimilable à un licenciement conformément aux dispositions de l’article 34 du Code du travail et les salaires couvrant la période sont dus ;
Qu’en statuant comme il l’a fait l’arrêt attaqué n’a nullement violé les dispositions de l’article 124 du Code du travail d’où il suit que le moyen s’avère mal fondé et mérite d’être rejeté ;
Sur le troisième moyen tiré de l’irrégularité de la délibération
Attendu que la demanderesse relève l’irrégularité de la délibération au motif que la composition de la Cour qui a mis l’affaire en délibéré pour arrêt être rendu le 02 juin 1997 n’est pas la même qui a rendu l’arrêt le 16/06/1997 ; qu’il s’en suit la nullité de l’arrêt ainsi rendu ;
Attendu que la demanderesse n’énonce pas les dispositions légales qui ont été violées ; Que le moyen doit être rejeté ;
Qu’il convient de rejeter le pourvoi comme étant mal fondé ;
PAR CES MOTIFS
En la forme
Reçoit le pourvoi ;
Au fond
Le déclare mal fondé et le rejette ;
Met les dépens à la charge du Trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre sociale de la Cour de cassation les jours, mois et ans que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.