Arrêt n°36/2021 du 12 mars 2021
Société de Transport SANA Rasmané (TSR) C/
Y.L CONTRAT DE TRAVAIL ; RUPTURE-ABSENCE DE PREUVE DE LA FAUTE DU TRAVAILLEUR-APPLICATION DE L’ARTICLE 70, ALINEA 1ER DU CODE DU TRAVAIL-LICENCIEMENT ABUSIF-REJET.
Conformément aux dispositions de l’article 70, alinéa 1er du Code du travail, quelle que soit la nature de la faute, elle doit être prouvée par l’employeur lorsqu’elle est contestée.
A suffisamment justifié sa décision, une Cour d’appel qui a déclaré le licenciement abusif motif pris de ce que l’employeur n’a pas rapporté la preuve de la faute. POUVOIR DES JUGES-QUALIFICATION DE LA FAUTE-APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND-IRRECEVABILITE. Le moyen qui tend à qualifier la faute du travailleur relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et est par conséquent irrecevable devant la Cour de cassation qui juge en droit.
TEXTES APPLIQUES : articles 35, 70 du Code du travail de 2008, 1134 et 1135 du Code civil et 22 de la Convention collective B A Unité – Progrès – Justice ------------- COUR DE CASSATION CHAMBRE SOCIALE -------------- Arrêt n°36/2021 du 12 mars 2021 Dossier n°28/2015 --------------- Société de Transport SANA Rasmané (TSR)
C/
Y.L Décision attaquée : arrêt n°03 du 06 janvier 2015 de la Cour d’appel Aa. La Cour de cassation, Chambre sociale, siégeant en audience publique ordinaire tenue le 12 mars 2021 dans la salle d’audience de ladite Cour à Aa, composée de : Madame YANOGO Elisabeth, Conseiller ; PRESIDENTE
Mesdames HAMA Kadidjatou, et YARO Fanta, Conseillers ;
MEMBRES
En présence de Monsieur KONOMBO W. Modeste, Avocat général ; Assistés de Monsieur BAYILI Jean Marc, Greffier ; A rendu l’arrêt ci-après dans la cause ; ENTREÂ
La Société de Transport SANA Rasmané (TSR) ayant pour conseil Maître OUATTARA Yacoba, Avocat à la Cour ;
Demanderesse d’une part, ET Y.L, ayant pour conseil Maître BOUYAIN Y. Armand, Avocat à la Cour ; Défendeur d’autre part ; LA COUR,
Statuant sur le pourvoi formé le 05 mars 2015, Maître Yacoba OUATTARA, Avocat à la Cour, a déclaré se pourvoir en cassation au nom et pour le compte de la Société de Transport SANA Rasmané, contre l’arrêt n°03 rendu le 06 janvier 2015 par la Chambre sociale de la Cour d’appel de Aa, dans la cause opposant son client à Y.L ; Vu la loi organique n°018-2016/AN du 26 mai 2016 portant composition, organisation, attributions, fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi organique n°013-2000/AN du 09 mai 2000, portant organisation, attributions, fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi 22/99/AN du 18 mai 1999 portant Code de procédure civile ;
Vu la loi 28-2008/AN du 13 mai 2008 portant Code du travail au B AÂ ;
Vu le rapport du Conseiller ; Vu les conclusions du Ministère public ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï les parties en leurs observations ; Ouï l’Avocat général en ses conclusions et observations ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; SUR LA RECEVABILITE Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai prévus par la loi ; Qu’il est recevable ;
AU FOND Faits et procédure Attendu que Y.L a été engagé par la Société de Transport SANA Rasmané (TSR) courant juin 2011 en qualité de directeur d’exploitation par un contrat de travail à durée indéterminée ; qu’il avait pour mission entre autres de résoudre les problèmes organisationnels, de redynamiser et d’accroître la rentabilité ainsi que la compétitivité de la société en proposant des solutions adéquates pour sa modernisation ;
Que suite à de multiples sorties sur le terrain, Y.L a fait des recommandations à l’employeur le 11 juillet 2011 qui n’ont pas été prises en compte ; que le 13 février 2012, une lettre d’explication lui est adressée sur la baisse constante de la rentabilité et la non prise en compte du manuel de procédure élaboré par un consultant privé ; que le 20 mars 2012 il est licencié pour faute lourde ; Attendu que par jugement n°188 du 25/04/2013, le Tribunal du travail de Aa a :
déclaré le licenciement abusif et condamné la Société de Transport SANA Rasmané et Frères à lui payer les sommes suivantes :
- 3.000.000 F CFA à titre d’indemnité compensatrice de préavis ; - 791.670 F CFA à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ; - 3.000.000 F CFA à titre de dommages intérêts ; débouté Y.L du surplus de ses demandes ; ordonné à la Société TSR de lui délivrer un certificat de travail en bonne et due forme pour la période allant du 1er juin au 14 mars 2012 et ce, sous astreinte de dix mille (10.000) F CFA par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ; ordonné également à la Société TSR de procéder pour la même période à son immatriculation à la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS), tout en s’acquittant des cotisations sociales dues ; condamne la Société TSR à lui payer la somme de 265.500 F CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; ordonne l’exécution provisoire à hauteur de 791.670 F CFA ; Que sur appel de TSR, la Chambre sociale de la Cour d’appel de Aa, a par arrêt n°03 du 06 janvier 2015, confirmé le jugement attaqué en toutes ses dispositions et condamné l’appelant à payer au travailleur la somme de quatre cent mille (400.000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; Que contre ledit arrêt, pourvoi a été formé par la société TSR à l’appui de deux moyens tirés de la violation des articles 35 du Code du travail et 1134 et 1135 du Code civil ; Qu’il demande en outre la condamnation du travailleur à lui payer la somme de cinq cent mille (500.000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; Que le conseil du défendeur conclut au rejet du pourvoi comme étant mal fondé et sollicite la condamnation de l’employeur au paiement de la somme de cinq cent mille (500.000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Discussions des moyens Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 35 du Code du travail de 2008 Attendu que la société TSR soutient que le travailleur a failli gravement à l’exécution de ses obligations contractuelles en violation des dispositions de l’article 35 du Code du travail qui stipule que « le travailleur doit toute son activité professionnelle à l’entreprise, sauf convention contraire. Il doit notamment :
Fournir le travail pour lequel il a été embauché, l’exécuter lui-même et avec soin ;
Obéir à ses supérieurs hiérarchiques ; Respecter la discipline de l’entreprise et se soumettre aux horaires et consignes de sécurité et de santé au travail » ; Mais attendu que la juridiction du fond en relevant que quelle que soit la nature de la faute elle doit être prouvée lorsqu’elle est contestée conformément aux dispositions de l’article 70, alinéa 1er du Code du travail, a suffisamment justifié sa décision ; qu’il y a lieu de rejeter le moyen comme étant mal fondé ;
Sur le second moyen tiré de la violation des articles 1134 et 1135 du Code civil ;
Attendu que la demanderesse allègue que le contrat a une force obligatoire entre les parties et que son inexécution totale, partielle ou défectueuse est un fait contraire au droit qui entraîne normalement une sanction conformément aux dispositions de l’article 1134 du Code civil ; que par ailleurs l’employeur justifie de l’existence d’une faute lourde vis-à -vis de Y.L pour procéder à son licenciement et ce, dans le respect de la procédure prévue à l’article 22 de la Convention collective, de par la lettre d’explication qui lui a été adressée ; Mais attendu que le pourvoi en cassation dans son principe vise à savoir si le droit a été respecté et dit ; que le juge de cassation est un juge de droit et des procédures et non des faits ; Attendu que les juges de fond en statuant que « la faute lourde est personnelle et s’apprécie au regard des fonctions occupées ; que dans le cas d’espèce, l’appelante s’est contentée d’une litanie de motifs sans apporter la moindre preuve ; que le constat d’huissier d’une journée ne peut servir de preuve pour licencier un directeur d’exploitation pour faute lourde ; qu’il ne revient pas à un directeur d’exploitation d’assister à toutes les trente minutes à des embarquements ; que les propositions par lui faites dans le sens de l’amélioration du service n’ont connu un début d’expérimentation, toute chose qui relève d’un directeur d’exploitation » ont fait une souveraine appréciation des faits de la cause ;
Que le moyen est irrecevable ; Sur la demande des frais exposés et non compris dans les dépens Attendu qu’aussi bien la demanderesse que le défendeur par le biais de leurs conseils réclament chacun le paiement de la somme de cinq cent mille (500.000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; Attendu qu’aux termes de l’alinéa 3, de l’article 07 de la loi 015-2019/AN du 02 mai 2019 portant organisation judiciaire au B A « dans toutes les instances, le juge, sur demande expresse et motivée, condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens » ; Qu’en application de ladite loi, ces frais incombent à la partie ayant succombé au procès ; Attendu que la demanderesse au pourvoi est la partie qui a succombé dans la présente procédure et ne peut prétendre par conséquent auxdits frais, d’où il convient de rejeter sa demande comme étant mal fondée ; Que par contre le défendeur qui justifie de frais engagés pour la défense de ses intérêts doit bénéficier desdits frais ; qu’il y a lieu de condamner la société de TSR à lui payer la somme de quatre cent mille (400.000) francs CFA ;
PAR CES MOTIFS En la forme
Déclare le pourvoi recevableÂ
Au fondÂ
Le rejette ; Condamne la société de Transport SANA Rasmané à payer à Y.L la somme de 400.000 francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Met les dépens à la charge du Trésor public ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre sociale de la Cour de cassation du B A les jour, mois et an que dessus. Et ont signé le Président le Greffier