Arrêt n°17/2021 du 04/02/2021
T. R-K. D
K.S. et 10 Autres
PROCEDURE CIVILE-CONFLIT FONCIER RURAL- PERIL EN LA DEMEURE- DEFAUT DE CONCILIATION PREALABLE- COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (OUI)- RECEVABILITE DE L’ACTION (OUI)- CASSATION
La tentative de conciliation préalable obligatoire avant l’instance au fond, imposée par les dispositions de l’article 196 de la loi n°034-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural n’exclut pas l’intervention du juge des référés en cas d’urgence et de péril en la demeure.
Doit dès lors être cassée l’ordonnance de référé qui déclare l’action du demandeur relative à un conflit foncier rural irrecevable pour défaut de tentative de conciliation alors qu’il y a péril en la demeure.
B A
Unité-Progrès-Justice
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE
Arrêt n°17/2021 du 04/02/2021
Dossier n°150/2019
T.R-K.D K.S et 10 Autres
Décision attaquée : arrêt n°31 du 04 juillet 2019 rendu par la Chambre civile de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso
La Cour de cassation, Chambre civile, siégeant en audience publique dans la salle des audiences ordinaires de ladite Cour tenue le quatre février deux mille vingt-et-un , composée de :
Monsieur KONTOGOME O. Daniel, Président ;
PRESIDENT
Madame ZONGO Priscille et Monsieur OUEDRAOGO R. Jean, tous Conseillers ;
MEMBRES
En présence de Monsieur NIKIEMA Placide, Avocat général,
avec l’assistance de Maître DOUGOURI Vincent K, Greffier ;
A rendu l’arrêt dans la cause ci-après :
LA COUR
Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 03 septembre 2019 par le cabinet d’avocats Maître Oumarou OUEDRAOGO, 04 BP 602 Ouagadougou 04, agissant au nom et pour le compte de son client T.R-K.D, contre l’ordonnance de référé ne31/2019 du 04 juillet 2019 rendue par le Premier Président de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, dans l’instance opposant son client à K.S, K.L, K.S, K.A, K.L, K.Y,
Vu la loi organique n°18-2016/AN du 26 mai 2016 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi ne 22-99/AN du 18 mai 999 portant Code de procédure civile ;
Vu la loi n°034-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural ;
Vu le rapport du Conseiller ;
Vu les conclusions l’Avocat général ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï les parties en leurs observations ;
Ouï le Ministère public en ses observations ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la recevabilité
Attendu que le pourvoi a été introduit selon les forme et délai prescrits aux articles 602, 603 et 605 du Code de procédure civile ; qu’il est recevable ;
Au fond
Attendu qu’il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que T.R-K.D a hérité d’une terre non aménagée dont a bénéficié son défunt père à son installation à Largogo/Tougan, il y a près d’un siècle afin de subvenir à ses besoins de culture et de logement ; que le père a exploité ladite terre de manière paisible, publique, continue et non équivoque à titre de propriétaire jusqu’à son décès et le fils en a poursuivi l’exploitation ; que cependant à partir de 2008, à la faveur d’un conflit communautaire, les autochtones ont commencé, avec un déferlement de violence incroyable, à troubler sa possession foncière en l’empéchant d’exploiter ses champs et sont allés même jusqu’à détruire ses semis, ses superficies exploitées, ses maisons d’habitation et ses animaux et volailles à telle enseigne qu’il s’est réfugié à Tougan en mai 2015 ; qu’après avoir entrepris en vain des démarches amiables auprès de l’administration et des notabilités en vue de réintégrer son domicile et reprendre ses activités, ses antagonistes tenaient à ce qu’il cède au rattachement de son domicile à la commune rurale de Largogo ;
Que T.R-K.D a, en mai 2018, attrait ses antagonistes devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Tougan pour voir ordonner la cessation de troubles manifestement illicites et l’expulsion de ces derniers des terres litigieuses ;
Que le juge des référés de première instance a fait entièrement droit à ses prétentions en ordonnant l’expulsion de K.S, K.L, K.S, du terrain litigieux et fait défense à K.A, K.L, K.Y, P.S, P.N, T.D et T.L de troubler en quelque manière que ce soit les activités de T.R-K.D;
Que la juridiction des référés d’appel, par ordonnance dont pourvoi, a infirmé la décision du premier juge et déclaré l’action de T.R-K.D irrecevable pour défaut de tentative de conciliation ;
Sur le moyen unique pris en la violation de l’article 464 du Code de procédure civile
Vu l’article 464 du Code de procédure civile
Attendu qu’il résulte des dispositions des articles 96 et 977 de la loi n°034-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural, que les conflits fonciers ruraux doivent faire l’objet d’une tentative de conciliation préalable devant les instances locales, notamment la Commission de Conciliation Foncière Villageoise, avant toute action contentieuse ; qu’il n’en reste pas moins que cette tentative de conciliation préalable obligatoire ne fait pas obstacle au recours au juge des référés en cas d'urgence ou de péril en la demeure ;
Attendu que pour infirmer l’ordonnance du premier juge et déclarer l’action de T.R- K.D irrecevable pour défaut de tentative de conciliation, le Premier Président de la Cour d’appel retient sur les visas des articles 96 et 97 de la loi n°034-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural que « dans le cas d’espèce, il ressort de l’instruction de la cause que l’expulsion a été demandée relativement à une portion de terre rurale pour être située dans le village de Largogo ; qu’il s’agit dès lors d’un conflit foncier rural ; que l’intimé a saisi le juge des référés de Tougan alors qu’il n’a pas au préalable saisi la Commission de Conciliation Foncière Villageoise de Largogo, village dont relève la portion de terre litigieuse ; qu’en effet, aucun procès-verbal de non conciliation n’a été dressé et versé au dossier du premier juge des référés, les parties n’ayant donc pas satisfait à cette formalité préalable obligatoire » ;
Attendu qu’en s’étant déterminé ainsi, alors que l’article 464 du Code de procédure civile en ses alinéas 1 et 2 donne pouvoir au juge des référés, qui n’est pas saisi au principal, en cas d’urgence donc de péril en la demeure, d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires notamment de prescrire, même en cas de contestation sérieuse les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; d’où il suit que l’ordonnance attaquée a violé les textes susvisés et encourt cassation sans qu’il y ait besoin d’examiner les autres moyens ;
Attendu qu’aux termes de l’article 24 de la loi organique n°018-2016/AN du 26 mai 2016 portant composition, organisation, attributions, fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle, « la Cour de cassation peut casser sans renvoi lorsque la cassation n'implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond.» ; qu’en l’espèce, la cause ne laisse rien à juger ; qu’il y a lieu de dire que l’ordonnance du premier juge produira son plein et entier effet et qu’il n’y a pas lieu à renvoi.
PAR CES MOTIFS
En la forme
Déclare le pourvoi recevable ;
Au fond
Casse et annule l’ordonnance attaquée pour violation de l’article 464, alinéa 1 et 2 du Code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi ;
Met les dépens à la charge des défendeurs ;
Ainsi fait, prononcé et jugé publiquement par la Chambre civile de la Cour de cassation du B A les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.