X c. Libye (mesures provisoires 2) (2015)
Commission africaine des droits de l’homme et des
Libye (mesures provisoires 2) (2015) 1 RJCA 155
1 RJCA 155 155
peuples c
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye
Ordonnance portant mesures provisoires (No 2), 10 août 2015. Fait en
arabe, anglais et en français, le texte anglais faisant foi
Juges C A, NIYUNGEKO, OUGUERGOUZ
TAMBALA, ORE, GUISSE, KIOKO, BEN ACHOUR, BOSSA et
MATUSSE
Mesures provisoires ordonnées par la Cour dans une action intentée au
nom de Ab B Af, fils de l’ancien dirigeant libyen, qui avait été
arrêté par un groupe non lié au gouvernement en Libye
Mesures provisoires (force exécutoire, 10)
1. Le 15 mars 2013, la Cour a rendu une ordonnance portant mesures provisoires dans l'affaire requête no 002/2013 - Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye dans laquelle elle enjoint à la Libye de :
i S’abstenir de toute action portant sur des procédures judiciaires, des enquêtes ou de détention, qui pourraient causer des dommages irréparables au Détenu, en violation des dispositions de la Charte ou des autres instruments internationaux auxquels la Libye est partie
Il Permettre au Détenu de se faire assister par un conseil de son choix Il Permettre au Détenu de recevoir la visite des membres de sa famille
IV. S’abstenir de toute action qui pourrait nuire à l’intégrité physique et mentale du détenu ainsi que son état de santé ; et
Faire rapport à la Cour, dans un délai de quinze (15) jours suivant réception de la présente Ordonnance, des mesures prises pour la mettre en œuvre. »
2. L'Ordonnance a été notifiée au Gouvernement libyen par l'intermédiaire de son ambassade à Addis-Abeba (Éthiopie), par lettre dates du 26 mars 2013.
3. Conformèrent a l’article 51(3) du Règlement intérieur de la Cour, une copie de l’Ordonnance portant mesures provisoires a été communiquée au Conseil exécutif et a la Conférence de l'Union africaine, par l’intermédiaire de la Presidente de la Commission de l’Union africaine, par lettre datée du 18 mars 2013
4. La Libye devait déposer sa réponse au plus tard le 10 avril 2013
5. Après épuisement du délai de quinze (15) jours, la Libye n’avait pas informe la Cour des mesures prises pour exécuter l’Ordonnance et la Cour a décidé le 12 avril 2013, de sa propre initiative, de proroger de
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quatorze jours le délai accorde à la Libye pour répondre à l’Ordonnance. Ladite lettre de rappel a été signifiée a la Libye par l'intermédiaire de ses ambassades à Addis-Abeba (Ethiopie) et a Dar es-Salaam (Tanzanie), respectivement le 22 avril 2013 et le 16 avril 2013. Après ce rappel, la Libye devait déposer sa réponse au plus tard le 30 avril 2013, mais la Libye, une fois de plus, ne l’a pas fait
6. L'article 51(4) du Règlement intérieur de la Cour dispose que « Dans le rapport qu’elle sou met annuellement a la Conférence en vertu de l’article 31 du Protocole, la Cour fait état des mesures provisoires qu’elle a ordonnées durant la période de référence. En cas de non- respect de ces mesures par l’État intéresse, la Cour fait toutes les recommandations qu’elle estime appropriées ».
7. Suite au non-respect par la Libye de l’Ordonnance de la Cour, et en application de l’article 51(4) de son Règlement intérieur, la Cour a porté cette question a l'attention de la Conférence, par l'intermédiaire du Conseil exécutif. A cet effet la Cour a fait état du non-respect de l’Ordonnance a la vingt-quatrième janvier 2014, vingt-cinquième juin 2014, vingt-sixième janvier 2015 et vingt-septième juin 2015 sessions ordinaires du Conseil exécutif. Dans ses décisions, le Conseil exécutif a exhorté la Libye à collaborer avec la Cour et à se conformer à l’Ordonnance rendue par celle-ci
8. À ce jour, la Libye ne s’est pas conformée à l’Ordonnance rendue par la Cour et n’a pas informé la Cour des mesures qu’elle a prises ou pourrait prendre pour se conformer à ladite Ordonnance
9. La Cour est maintenant préoccupée par les récentes informations faisant état du jugement et de la condamnation à mort, par contumace de M. Ab Aa Af le 28 juillet 2015 par la Cour d'assise de Tripoli (Libye), malgré l’'Ordonnance de la Cour. La Mission des Nations Unies en Libye a condamné ce verdict et a exprimé « sa vive pré- occupation » au motif que « les normes internationales relatives au droit à un procès équitable n’ont pas été respectées » Plusieurs organisations internationales, notamment l’Association internationale du barreau Ah Ad Ae, Ac Ag et la Fédération internationale des droits de l'homme, ont également condamne ce proces
10. Etant donné qu’une Ordonnance portant mesures provisoires rendue par la Cour a force exécutoire au même titre qu’un arrêt par elle rendu, la Cour fait observer que l’exécution de la peine capitale par le gouvernement libyen constituera une violation de ses obligations internationales découlant de la Charte, du Protocole et des autres instruments de droits de l'homme dument ratifies par la Libye
11. La Cour réitère les termes de son Ordonnance du 15 mars 2013 et rappelle les décisions EX.CLIDec.806(XXIV), EX.CLIDec.842(XXV) EX.CLIDec.865 (XXVI) et EX.CUDec.888(XXVII) du Conseil exécutif qui exhortent la Libye a exécuter l’Ordonnance portant mesures provisoires du 15 mars 2015
Pour ces motifs
La Cour, a l’unanimité
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i. Ordonne à la Libye de prendre les mesures nécessaires pour préserver la vie de M Ab Af en s'abstenant de toute action qui pourrait lui causer des dommage irréparables et compromettre l'examen de l'affaire qui pendante devant la Cour ;
ii. Ordonne a la Libye de veiller a ce que l’accuse bénéficie d’un procès équitable conformément aux normes internationalement reconnue en matière de procès équitable, notamment l'indépendance du système judiciaire et l’impartialité dans la procédure, ainsi que la possibilité pour les avocats de l’accuse, sa famille ou des témoins, le cas échéant, de participer au procès ;
iii. Ordonne à la Libye de prendre des mesures urgentes pour arrêtés et poursuivre les auteurs de la détention illégal de M Ab Af ; et
iv. Ordonne à la Libye de faire rapport à la Cour dans un délai de quinze jours (15) suivant réception de la présente Ordonnance, des mesures prises pour la mettre en œuvre.