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20/11/2015 | CADHP | N°RANDOM847029331

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 20 novembre 2015, RANDOM847029331


Texte (pseudonymisé)
482
Alex

RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Br c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RICA 482

Alex Br c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt du 20 novembre 2015. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges : THOMPSON, NIYUNGEKO, TAMBALA, ORÉ, GUISSE, KIOKO,
BEN ACHOUR et BOSSA
La Cour a estimé que le procès de M. Br et sa condamnation à une
peine de 30 ans de réclusion étaient inéquitables. La Cour a également
considéré que le délai de trois ans et cinq mois mis pour introduire sa
requête n'éta

it pas excessif, compte tenu des circonstances dans
lesquelles se trouvait M. Br, étant « profane en la m...

482
Alex

RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Br c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RICA 482

Alex Br c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt du 20 novembre 2015. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges : THOMPSON, NIYUNGEKO, TAMBALA, ORÉ, GUISSE, KIOKO,
BEN ACHOUR et BOSSA
La Cour a estimé que le procès de M. Br et sa condamnation à une
peine de 30 ans de réclusion étaient inéquitables. La Cour a également
considéré que le délai de trois ans et cinq mois mis pour introduire sa
requête n'était pas excessif, compte tenu des circonstances dans
lesquelles se trouvait M. Br, étant « profane en la matière, indigent,
incarcéré, le tout aggravé par le retard accusé dans la mise à sa
disposition des procès-verbaux des audiences ». Sur le fond, la Cour a
estimé que divers droits relatifs à un procès équitable avaient été violés,
notamment le fait qu'il n'avait pas bénéficié d’une assistance judiciaire,
alors que celle-ci devait être fournie dans l'intérêt de la justice.
Compétence (le requérant ne doit pas avoir nécessairement invoqué des
dispositions spécifiques de la Charte dans sa requête, 45 ; violations
survenues avant la ratification du Protocole, 48)
Recevabilité (épuisement des voies de recours internes, recours
extraordinaires, 63, 64 ; introduction de la requête dans un délai
raisonnable, 73, 74)
Procès équitable (droit à ce que sa cause soit entendue, 93-94 ;
assistance judiciaire, 123-124)
Réparations (remise en liberté comme mesure de réparation dans des
circonstances impérieuses, 157)
Opinion individuelle : THOMPSON et BEN ACHOUR
Réparations (libération comme mesure de réparation dans des
circonstances impérieuses, 4-6).
I Les parties
1. M. Ax Br Xci-après dénommé le requérant), un citoyen de la République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée le défendeur), est en prison où il purge une peine de servitude pénale de trente (30) ans à la Prison centrale de Karanga à Moshi, région de Kilimanjaro, en République-Unie de Tanzanie. Son numéro d’écrou est le 355/2009.

Br c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RICA 482 483
2. La requête a été introduite contre l’Attorney général de la République-Unie de Tanzanie, en sa qualité de conseil juridique principal du Gouvernement
Il Objet de la requête
3. La requête en l'espèce découle de l'affaire pénale n°321 de 1996 devant le Tribunal de district de Rombo à Mkuu, de l’appel en matière pénale n°82 de 1998 devant la Haute Cour de Tanzanie à Moshi et du recours en appel n°230 de 2008 devant la Cour d’appel de Tanzanie siégeant à Bj. Au terme de cette procédure, le requérant a été déclaré coupable et condamné à 30 (trente) ans de servitude pénale pour vol à main armée
4. Le requérant allègue qu’il a été condamné injustement par le Tribunal de première instance et par les juridictions d’appel, du fait que, selon lui, en vertu des articles 181 et 187 de la loi Code de procédure pénale (Criminal Procedure Act), les juridictions portant de l’État défendeur n'avaient pas compétence pour le juger, étant donné que le vol allégué a eu lieu au Kenya. || allègue aussi qu’il avait été déclaré coupable par erreur, les accusations portées contre lui étant entachées d'erreurs et contraires à l’article 132 de la loi portant Code de procédure pénale, du fait des divergences entre l’acte d'accusation et les éléments de preuve présentés. II allègue encore, à cet effet, que le Procureur n’a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable les accusations portées contre le requérant, notamment au sujet de l'identification du propriétaire et de la valeur des biens dont le vol est allégué et sur la question de savoir si c'est bien le requérant qui avait attaqué les plaignants ou non en les menaçant d’une arme
5. Le requérant soutient encore qu’il n’a pas eu la possibilité de se défendre durant le procès. Il affirme en outre qu’après qu’on lui eut refusé le droit de se défendre et après avoir été condamné par la suite pour vol qualifié, il n’a toujours pas eu la possibilité de s'expliquer sur son absence durant la présentation des moyens de la défense, ce qui constitue une violation de l’article 226(2) de la loi portant Code de procédure pénale
6. Toujours selon le requérant, il n’a pas bénéficié de l'assistance d’un avocat pour assurer sa défense durant le procès, contrairement à l’article 13 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et à la Déclaration universelle des droits de l'homme, malgré la gravité de l’accusation de vol à main armée portée contre lui. Cette situation a eu pour effet, de violer le principe de l’égalité des armes. Le requérant allègue aussi que durant son procès en appel, il n’a pas eu la possibilité d'apporter une réplique aux déclarations du Procureur
7. La requête en l'espèce a été introduite le 2 août 2013 et a été notifiée au défendeur par lettre du 10 septembre 2013. En application du Règlement intérieur de la Cour, la Présidente de la Commission de l'Union africaine a été informée du dépôt de la requête et, par son intermédiaire, le Conseil exécutif de l'Union africaine ainsi que tous les Etats parties au Protocole en ont été notifiés. Tous les autres Etats

484 RECUEIL DE JURISPRUDENCE : DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016) parties au Protocole qui souhaitaient intervenir dans le procès ont également été invités à le faire le plus tôt possible, et, en tout état de cause, avant la clôture de la procédure écrite.
8. À la demande de la Cour, l’Union panafricaine des avocats (UPA) représente le requérant.
9. Le 11 décembre 2013, suite à la décision prise par la Cour à sa trente-et-unième session ordinaire, le Greffier a rappelé au défendeur qu’il n’avait pas encore déposé sa réponse à la requête et qu’il disposait d’un délai de quinze (15) jours pour le faire, à compter de la date de réception de la lettre de rappel. Le Greffier a aussi attiré l'attention du défendeur sur les dispositions de l’article 55 du Règlement intérieur de la Cour. Par la suite, le 16 décembre 2013, le défendeur a demandé une prorogation du délai pour déposer sa réponse. La Cour y a fait droit et lui a fixé un délai de trente (30) jours pour le faire.
10. La réponse du défendeur, datée du 23 janvier 2014, a été reçue hors délai au Greffe, le 5 février 2014. Dans l'intérêt de la justice, la Cour a accueilli ladite réponse et l’a signifiée au représentant du requérant par lettre datée du même jour, invitant celui-ci à déposer sa réplique dans un délai de trente (30) jours à compter de la réception de ladite lettre.
11. À la demande du requérant, la Cour a décidé de proroger jusqu’au 7 avril 2014, le délai pour déposer la réplique à la réponse du défendeur. Le requérant a déposé sa réplique le 8 avril 2014, dans le délai prescrit. Après réception de la réplique du requérant, la procédure écrite a été clôturée le 17 avril 2014.
12. Durant l'audience publique en l'espèce, qui s'est tenue le 3 décembre 2014 au siège de l’Union africaine à Bg Bb XAnY, les parties ont présenté leurs causes respectives. Les parties étaient représentées à l'audience comme suit :
Pour le requérant :
ii. Mme Xv Xy Xi
Pour le défendeur
ii Mme Xd Yd Cn,
iii. M. Cl Ye Xh
Z M. Cj Be
13. La Cour a aussi demandé aux parties de produire des documents supplémentaires dans un délai de trente (30) jours, à compter de la date de l'audience. La Cour a également demandé au requérant de produire une copie de la notification de la requête en révision de la décision de la Cour d'appel dans l’affaire pénale n° 230 de 2008. La Cour a aussi ordonné au défendeur de fournir une copie certifiée du compte rendu d'audience en l'affaire pénale n° 230 de 2008 devant la Cour d’appel ainsi qu’une copie certifiée conforme du mandat de dépôt délivré suite à la peine de réclusion infligée au requérant.

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14. Le 22 janvier 2015, l'UPA a soumis à la Cour les documents qui lui avaient été demandés durant l’audience publique.
15. Le 5 février 2015, le défendeur a déposé auprès du Greffier une copie certifiée conforme du compte rendu de l'audience devant la Cour d'appel en l’affaire pénale n° 230 de 2008 ainsi que les observations du défendeur sur l’authenticité de l’avis de dépôt de la requête en révision de la décision de la Cour d'appel introduite par le requérant dans peffaire pénale n° 230 de 2008 et soumise au Greffier par les soins de
16. Le 24 février 2015, l'UPA a soulevé des objections concernant les explications fournies par le défendeur sur certaines questions en rapport avec le compte rendu de l'audience dans la requête n° 230 de 2008. Le défendeur n’a pas répondu aux objections soulevées par l'UPA. La décision de la Cour sur ces objections sera indiquée plus loin dans le présent arrêt (paragraphe infra 79 et 80).
IV. Mesures demandées par le requérant
17. Dans la requête datée du 2 août 2013, il est demandé à la Cour de rendre toute ordonnance ou mesure de réparation qu’elle estime appropriée. Le requérant prie également la Cour d'annuler les décisions du Tribunal de première instance et des juridictions d'appel le déclarant coupable des chefs d'accusation retenus contre lui, d’ordonner son acquittement et sa remise en liberté.
18. Le requérant a déposé sa requête, en son propre nom, mais par la suite, il était représenté par l’UPA.
19. Dans la réplique à la réponse du défendeur datée du 8 avril 2014 et déposée par le représentant du requérant, à savoir l’UPA, les mesures demandées sont les suivantes :
« Le requérant prie l'Honorable Cour d’ordonner les mesures ci-après :
a. Dire que l’État défendeur a violé les articles 1, 3, 5, 6, 7(1) et 9(1) de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.
b. Rendre une ordonnance enjoignant à l’État défendeur de remettre le requérant en liberté.
c. Rendre une ordonnance octroyant des réparations au requérant.
d. Rendre une ordonnance enjoignant à l’État défendeur de faire rapport tous les six mois sur la mise en œuvre de la décision de la Cour.
e. Toute autre ordonnance ou mesure que la Cour estime appropriée ». 20. Durant l'audience publique, le requérant a réitéré les mesures qu'il avait demandées, en particulier en ce qui concerne les réparations et il a demandé à la Cour de prévoir une audience publique sur les réparations, au cas où elle trancherait en sa faveur.
V. Mesures demandées par le défendeur
21. Dans sa réponse à la requête datée du 5 février 2014,
« Le défendeur demande à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples de rendre les ordonnances suivantes en ce qui concerne la recevabilité de la requête :

486 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
i. Rejeter la requête, car elle ne remplit pas les critères de recevabilité fixés aux articles 40(1) à (7) du Règlement intérieur de la Cour, 56 de la Charte et 6(2) du Protocole.
ii. Rejeter la requête, en application de l'article 38 du Règlement intérieur de la Cour.
iii. La requête n'a pas invoqué la compétence de la Cour.
iv. Ordonner que les frais de la procédure soient supportés par le requérant.
« Sur le fond de la requête, le défendeur demande à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples de rendre les décisions suivantes :
Dire que :
i. Le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas violé le droit du requérant à ce que sa cause soit entendue.
ii. Le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas violé le droit du requérant à la défense.
iii. Le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas violé le droit du requérant à la liberté.
iv. Tous les aspects relatifs aux poursuites engagées dans l'affaire pénale n°321 de 1996 ont été menés dans le respect de la légalité et que le Ministère public a prouvé la culpabilité du requérant, au-delà de tout doute raisonnable.
v. || n’y a pas eu de lenteur dans la procédure judiciaire au détriment du requérant ».
22. Durant l’audience publique, le défendeur a réitéré sa demande de mesures, tel que formulées dans la réponse à la requête.
VI. Contexte historique et faits allégués dans la requête
23. Le 31 décembre 1996, le requérant a été mis en examen pour vol à main armée, le long de la frontière entre le Kenya et la Tanzanie, dans le district de Rombo. || était accusé d’avoir volé 100 (cent) kits d'embrayage, d’une valeur de 800 000 (huit cent mille) shillings tanzaniens, appartenant à M. Cm Ak. Il était accusé en même temps que quatre (4) autres personnes, devant le Tribunal de district de Rombo à Mkuu, dans l'affaire pénale n° 321 de 1996. Le requérant avait plaidé non coupable.
24. Le 30 janvier 1997, le requérant a introduit une demande de mise en liberté sous caution pour des raisons de santé et l'audience portant sur cette demande s’est tenue le 31 janvier 1997. Le requérant a été libéré sous caution le 5 février 1997. Le 20 mars 1997, lorsque l'affaire a été appelée, le requérant était absent et le Juge a ordonné l'arrestation du requérant et de ses garants. Lorsque l'affaire a été de nouveau appelée, le 26 mars 1997 et que la Cour a enjoint au requérant de donner la raison pour laquelle sa caution ne devrait pas être réalisée, celui-ci a expliqué qu’il avait été souffrant. La Cour a accepté cette explication et par ordonnance datée du même jour, a prorogé sa période de liberté conditionnelle. Le Ministère public a présenté ses moyens le 26 mars et a clôturé ses plaidoiries le 12 juin 1997. La défense a commencé la présentation de ses moyens le 24 juin et l’a clôturée le 25 juin 1997

Br c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RICA 482 487
25. À l'ouverture des plaidoiries le 24 juin 1997, le requérant n’était pas présent à l'audience et le Procureur a demandé à la Cour de poursuivre le procès, en vertu de l’article 226 de la loi portant Code de procédure pénale. Le Procureur a également demandé que le requérant soit remis aux arrêts pour non-respect des conditions de sa liberté conditionnelle. La Cour a fait droit à la demande du Procureur et la procédure s’est poursuivie, conformément à l’article 226 de la loi portant Code de procédure pénale. Cette disposition, en particulier l’alinéa (1) de l’article 226, autorise le Tribunal de première instance à poursuivre une audience qui a été renvoyée, même si l'accusé est absent au moment de la reprise du procès. Le 25 juin 1997, le Tribunal de première instance a ordonné qu’un mandat d’arrêt soit délivré contre le requérant et que ses cautions soient convoquées, afin d'expliquer pourquoi leur acte de cautionnement ne devrait pas être réalisé. Des éléments du dossier indiquent que le requérant avait été admis à l’hôpital le 20 juin 1997, souffrant de tuberculose extra-pulmonaire et d’asthme. || est resté hospitalisé jusqu’au 21 février 1998.
26. Le 30 juin 1997, le jugement a été rendu en l'absence du requérant, le condamnant à une peine de réclusion de trente (30) ans pour vol à main armée, en application de la loi sur la peine minimale n°1 de 1972 (Minimum Sentences Act) telle qu’amendée par la loi sur les modifications des dispositions diverses no 10/1989 (Miscellaneous Amendment Act). Le requérant a aussi été condamné à douze (12) coups de fouets. Lui-même et le premier co-accusé avaient également été condamnés à payer des dommages et intérêts pour les objets volés qui étaient restés introuvables et dont la valeur totale était de 150 000 shillings tanzaniens. Le requérant a commencé à purger sa peine le 3 juin 1998 et il est toujours détenu à la Prison centrale de Karanga à Moshi, région de Kilimanjaro.
27. Le requérant a fait appel de sa condamnation et de la peine qui lui avait été infligée en l'affaire pénale n° 82 de 1998, devant la Haute Cour de Tanzanie à Moshi. Cet appel a été rejeté le 23 mars 2000. La Haute Cour a estimé que le requérant, n'ayant pas comparu à l’audience, ne pouvait reprocher au Tribunal de l’avoir condamné en son absence en se fondant sur les arguments du Procureur. La Haute Cour a conclu que le juge de première instance avait agi conformément à la loi, sur la base de l’article 227 de la loi, portant Code de procédure pénale et que la peine de trente (30) ans de réclusion représentait le minimum prévu par la loi. Pour ces motifs, l'appel a été rejeté dans son entièreté. L'article 227 de la loi portant Code de procédure pénale dispose que : « Lorsque, dans toute affaire pour laquelle l’article 226 n’est pas applicable, un accusé poursuivi devant une juridiction inférieure ne comparaît pas à la date fixée pour la poursuite de son procès après la fin de la présentation des moyens à charge par le Ministère public ou au jour fixé pour le prononcé du jugement, la Cour peut, si elle est convaincue que la présence de l'accusé ne peut pas être obtenue sans retard ou sans frais indus, continuer le procès, conformément aux dispositions de la section 231, comme si l'accusé, étant présent, avait refusé de faire une déclaration quelconque ou de présenter des éléments de preuve ou, selon le cas, de faire une déclaration supplémentaire ou d'apporter d’autres éléments de preuve en rapport avec toute sentence que la Cour pourrait imposer : Sous la réserve que (a) l'accusé ne comparait pas, mais que son conseil soit

488 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
présent, que l’avocat, sous réserve des dispositions de la présente loi, soit autorisé à citer tout témoin à décharge et de s'adresser à la Cour comme si l'accusé avait été ou est déclaré coupable et que l'avocat est autorisé à citer tout témoin et de s'adresser à la Cour sur des questions portant sur une sentence que la Cour pourrait rendre ; et (b) lorsque l'accusé comparait à une date ultérieure à laquelle le procès a été ajourné, les procédures s'étant déroulées le jour ou les jours où l’accusé était absent ne sont pas invalidées pour autant, du simple fait de son absence (traduction). »
28. Après le rejet, le 23 mars 2000, de l'appel du requérant par la Haute Cour de Tanzanie à Moshi en l'affaire pénale n° 82 de 1998, celui-ci a déposé un avis d'appel de ladite décision devant la Cour d'appel de Tanzanie à Moshi, le 17 avril 2003. Le même jour, le requérant a déposé son appel, qui a été enregistré sous la référence Appel en matière pénale n° 153 de 2003.
29. Pour pouvoir poursuivre sa procédure d’appel, le requérant a écrit à la Haute Cour le 23 avril 2003, à l'effet d'obtenir copies des comptes rendus des audiences, dans l'affaire pénale n°82 de 1998. Le 27 janvier 2004, le requérant a écrit à la Cour d’appel en formulant la même demande et le 5 août 2004,‘ il a adressé une demande similaire au Greffier de la Haute Cour à Moshi. Le 13 septembre 2004, il a écrit au Greffier de la Cour d’appel, lui demandant aussi une copie des comptes rendus d'audience en appel devant la Haute Cour. Le 19 octobre 2004, le requérant a déposé une plainte auprès de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance de Tanzanie face au refus de la Haute Cour de lui communiquer les comptes rendus d'audience.” Par lettre datée du 17 juin 2005, le requérant a une nouvelle fois, écrit au Greffier de la Cour d'appel pour se plaindre du retard enregistré dans l'examen de son appel. Le 21 septembre 2005, après deux (2) ans et cinq (5) mois, l’appel du requérant en l'affaire pénale n° 153 de 2003 a été entendu et rejeté. Au moment du procès en appel, le requérant n’avait toujours pas reçu les copies des comptes rendus d'audience. L'appel avait été rejeté pour avoir été déposé hors délais. 30. Le 31 octobre 2005, le requérant a saisi la Haute Cour à Moshi, par requête n°40 de 2005 en matière pénale, dispositions diverses, demandant l’autorisation de déposer un acte d'appel en dehors des délais. L’audience portant sur cette requête s’est tenue le 12 février 2007 et la Haute Cour de Tanzanie à Moshi y a fait droit. Le 12 février 2007, le requérant a déposé son acte d’appel en matière pénale auprès de la Cour d’appel, sous le n° 217 de 2007. Le 28 juin 2007, après une période de quatre (4) ans et six (6) mois, le requérant a reçu copie des comptes rendus d'audience en l'appel n° 82 de 1998 devant la Haute Cour de Tanzanie à Moshi. Le 15 octobre 2007, l'appel en matière pénale n° 217 de 2007 a été radié du rôle, au motif que l’acte d’appel n’était pas signé et avait été déposé hors délais.
1 C’est dans cette lettre que le requérant fait référence aux lettres du 23 avril et du 27 janvier.
2 Il s’agit d’une déduction faite à partir de l'accusé de réception de la lettre du requérant du 19 octobre 2014.

Br c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RICA 482 489
31. Le 7 février 2008, une requête en matière pénale, dispositions diverses no 3 de 2007, a été introduite devant la Haute Cour de Tanzanie à Moshi, demandant que son acte d'appel soit examiné hors délais. Durant la procédure portant sur cette requête, le requérant a demandé de pouvoir modifier sa requête afin de citer les dispositions pertinentes applicables. La Cour a fait droit à la demande. La Cour a aussi ordonné que le requérant dépose la version modifiée de la requête avant le 11 juin 2008. Le 6 juin 2008, en application de cette décision, le requérant a demandé à la Haute Cour de Tanzanie à Moshi, par requête en matière pénale amendée, dispositions diverses n°3 de 2008, l’autorisation de déposer une nouvelle requête hors délais. Le 11 juin 2008, la Haute Cour, satisfaite de ce que le requérant s'était conformé à son ordonnance lui prescrivant de déposer une requête modifiée, a autorisé le requérant à déposer un avis d’appel auprès de la Cour d’appel dans les dix (10) jours suivant cette autorisation. Le 13 juin 2008, le requérant a déposé auprès de la Haute Cour de Tanzanie à Moshi, un acte d'appel devant la Chambre d'appel. Ce nouveau recours devant la Cour d'appel a été enregistré sous la référence Appel en matière pénale n° 230 de 2008.
32. Le 10 juillet 2008, le requérant a écrit au Greffier de la Cour d'appel, l'’informant du retard enregistré dans l'examen de son appel. Par lettre du 2 février 2009, le requérant a encore saisi le Greffier de district de la Haute Cour à Moshi pour obtenir les comptes rendus des audiences devant la Haute Cour. Le 17 mars 2009, le requérant a reçu une copie de ces comptes rendus d'audience.
33. Le 29 mai 2009, la Cour d'appel à rendu son arrêt en l'affaire n°230 de 2008, rejetant l'appel du requérant ayant conclu que la thèse du Procureur était fondée, et elle a aussi confirmé la déclaration de culpabilité ainsi que la peine infligée au requérant.
34. Le 10 juin 2009, le requérant a déposé une notification de requête en révision de la décision rendue par la Cour d’appel dans l’appel no 230 de 2008. Le 4 janvier 2010, le requérant a écrit au Chief Justice de la République-Unie de Tanzanie pour lui rappeler sa demande d'assistance judiciaire gratuite et la tenue d’une audience sur sa requête en révision.
35. Même si le dossier de l’affaire en l'espèce n'indique pas clairement la date à laquelle le requérant a demandé une assistance judiciaire gratuite, le 3 septembre 2010, le requérant a de nouveau écrit au Chief Justice, lui rappelant sa demande d’assistance judiciaire gratuite et la tenue d’une audience sur sa requête en révision.
36. Le 10 janvier 2011, le requérant a écrit au Chief Justice pour lui rappeler sa demande pour que sa requête en révision soit entendue. Le 12 juillet 2013, il a aussi écrit au Greffier de la Cour d’appel demandant que sa requête en révision soit inscrite au rôle des audiences prévues pour la session suivante de la Cour d'appel. Le requérant allègue qu’au moment du dépôt de la requête en l'espèce, le 2 août 2013, devant la Cour africaine, il n'avait reçu « aucune réponse concrète concernant le statut de sa requête en révision ».
VII. Exceptions préliminaires

490 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
37. Le défendeur soulève des exceptions d’incompétence et
VIII. Exceptions d’incompétence
38. Le défendeur soutient que c'est à tort que le requérant invoque les articles 5 et 34(6) du Protocole et l’article 33 du Règlement intérieur pour établir la compétence de la Cour de céans, étant donné que ces dispositions confèrent au requérant uniquement qualité pour saisir la Cour. Le défendeur affirme en conséquence que la compétence de la Cour n’a pas été invoquée.
39. Le défendeur fait encore observer que la requête ne vise pas ou ne demande pas l'interprétation ou l’application de la Charte, du Protocole ou de tout instrument pertinent relatif aux droits de l'homme ratifié par la République-Unie de Tanzanie. Le requérant se contente de citer les griefs formulés contre l'application de la loi portant Code de procédure pénale dans l’action pénale initiale engagée contre lui dans l'affaire n° 321 de 1996.
40. Toujours selon le défendeur, les mesures demandées à la Cour par le requérant ne sont pas exposées clairement, de ce fait, le requérant n’ayant pas invoqué la compétence de la Cour, sa requête doit être rejetée.
41. Le requérant soutient que la Cour de céans a la compétence matérielle pour connaître de cette affaire, étant donné que les griefs exposés portent des allégations de violation de droits fondamentaux du requérant, consacrés dans la Charte.
42. Dans sa réplique à la réponse du défendeur, le requérant allègue le non-respect de l'obligation qui incombe aux Etats membres, en vertu de la Charte, de donner force aux droits, aux obligations et aux libertés énoncées dans la Charte ; la violation du droit à l'égalité devant la loi et du droit à une égale protection par la loi ; la violation de l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants, qui ont eu pour conséquence la prolongation anormale des procédures dans les affaires auxquelles le requérant était partie. Le requérant allègue aussi la violation du droit à la liberté et à la protection de sa personne contre toute arrestation arbitraire, son incarcération s'étant prolongée indûment des retards dans la procédure portant sur les affaires dans lesquelles il était impliqué. Le requérant affirme aussi que son droit à un procès équitable a été violé, car il n’a jamais eu la possibilité de présenter sa défense ; qu’il n’a pas bénéficié d'une assistance judiciaire gratuite malgré le fait qu’il était poursuivi pour un crime grave et qu’il y a eu des retards systématiques et excessifs dans les procédures d'appel et dans la procédure de demande en révision au niveau de la Cour d'appel. II soutient que ces retards ont été aggravés par les manœuvres dilatoires de l'Etat défendeur pour lui communiquer les rapports d'audience des juridictions de première instance, ce qui l’a empêché de déposer son recours en appel. Le requérant soutient qu’il s’agit encore une fois, d’une violation de son droit à l’information et de son droit à la liberté d’expression.
43. Toujours selon le requérant, la Cour de céans a la compétence personnelle pour connaître de cette affaire et le requérant a qualité

Br c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RJCA 482 491
pour introduire une requête devant elle, du fait qu’il est citoyen de la République-Unie de Tanzanie, le défendeur ayant ratifié le Protocole et déposé la déclaration permettant aux individus de saisir directement la Cour.
44. Le requérant soutient encore que la Cour africaine a adopté une position similaire sur les critères de sa compétence dans la requête no 001/2012, Am Av Xf et autres c. République-Unie de Tanzanie, et dans la requête n° 003/2012, Ae Xr Aa c. République-Unie de Tanzanie
A. Compétence matérielle
45. La Cour estime infondée l'exception soulevée par le défendeur selon laquelle « … la Cour africaine n'a pas compétence pour connaître de la requête du requérant car celui-ci invoque à tort les articles 5 et 34(6) du Protocole et ces articles confèrent uniquement au requérant qualité pour saisir la Cour ». Elle considère qu’il suffit que les droits dont la violation est alléguée soient protégés par la Charte ou par tout autre instrument des droits de l’homme ratifié par l’État concerné pour que la Cour ait la compétence requise pour connaître de la cause. La Cour s’est prononcée pour la première fois sur cette question dans l'affaire n°001/2012 - Am Av Xf et autres c. République-Unie de Tanzanie, et par la suite dans la requête n°003/2012 - Peter Aa c. République-Unie de Tanzanie. Dans ces deux affaires, la Cour a conclu que l’objet de la requête doit se rapporter aux droits garantis par la Charte ou à tout autre instrument pertinent des droits de l'homme ratifié par l’État concerné. Les droits dont la violation est alléguée ne doivent pas nécessairement être précisés dans la requête.
46. En tout état de cause, dans sa réplique à la réponse du défendeur, le requérant précise les droits garantis par la Charte, dont la violation est alléguée (voir paragraphe 42, supra).
47. La Cour considère que, le requérant mentionne des faits constitutifs de violation de droits protégés par la Charte. Elle conclut, en conséquence, qu’elle a la compétence matérielle pour connaître de la requête.
B. Compétence personnelle
48. Même si les parties ont soulevé des questions qu’elles allèguent être liées à la compétence personnelle de la Cour, celle-ci ne les considère pas comme des exceptions tirées de sa compétence personnelle. Le défendeur est un Etat partie au Protocole, ayant fait la déclaration requise à l’article 34(6), qui permet aux individus de saisir directement la Cour africaine. Le défendeur a déposé la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole le 29 mars 2010. Même si les violations alléguées ont eu lieu avant le dépôt des instruments de ratification et de la déclaration citée ci-dessus, la Cour conclut qu’elle a la compétence personnelle pour examiner la requête.

492 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
49. Le défendeur soulève des exceptions d’irrecevabilité, en se fondant sur plusieurs aspects des conditions prévues à l’article 56 de la Charte. Ces exceptions portent sur l’incompatibilité de la requête avec la Charte et avec l’Acte constitutif de l’Union africaine, le non-épuisement des voies de recours internes et, à titre subsidiaire, sur le fait que la requête n’a pas été introduite dans un délai raisonnable après l'épuisement des voies de recours internes.
i. Incompatibilité de la requête avec la Charte africaine et avec l’Acte constitutif de l’Union africaine
50. Le défendeur soutient que la requête n’est conforme ni à l’Acte constitutif de l’Union africaine ni à la Charte africaine, étant donné qu’elle ne porte pas sur des questions compatibles avec la Charte ou sur des principes inscrits dans la Charte de l’Organisation de l'Unité Africaine et que, de plus, aucune disposition de la Charte n’a été invoquée dans la requête.
51. Pour sa part, le requérant affirme avoir rempli les critères de recevabilité énoncés à l’article 56(2) de la Charte, qui prescrit que les requêtes doivent être compatibles avec ladite Charte. En effet la Cour de céans s’est déjà prononcée à ce sujet, dans la requête n°003/2012, Ae Xr Aa c. République-Unie de Tanzanie en concluant que dans la mesure où les droits dont la violation est alléguée sont inscrits dans la Charte, ils ne doivent pas nécessairement être mentionnés dans la requête.
52. S'agissant de l’exception soulevée par le défendeur au motif que la requête est incompatible avec la Charte de l'Organisation de l’Unité Africaine, désormais l’Acte constitutif de l’Union africaine, la Cour fait observer que cet argument est sans fondement. L’Acte constitutif de l’Union africaine dispose que l’un des objectifs de l’Union africaine est de promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples, conformément à la Charte et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme. La Cour constate encore que la requête présente des faits se rapportant aux droits de l'homme et des peuples qui sont protégés par la Charte. Par ailleurs, la Cour s’est déjà prononcée à ce sujet dans la requête n°001/2012 Am Av Xf et dans la requête n°003/2012 Ae Xr Aa c. République- Unie de Tanzanie. Dans cette dernière affaire, la Cour a conclu que « la requête introduite par le requérant expose des faits qui révèlent une violation prima facie de ses droits. Par ailleurs, la Cour constate que la requête est relative à des droits de l'homme et des peuples protégés par la Charte et, en conséquence, que les conditions prévues aux articles 311) du Protocole et 56(2) de la Charte sont remplies ».
ii. Non-épuisement des voies de recours internes
53. Le défendeur soutient que la requête n’a pas été introduite après épuisement des voies de recours internes. II fait valoir que le requérant

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aurait dû attendre que soit tranchée la requête introduite le 5 juin 2009,°en révision de la décision rendue par la Cour d’appel dans l'affaire pénale n° 230/2008. Le défendeur soutient encore que le requérant aurait dû introduire un recours en inconstitutionnalité devant la Haute Cour de Tanzanie, en vertu de la Loi sur l’application des droits et des devoirs fondamentaux concernant la violation alléguée de ses droits, ce qui constitue la base de sa requête devant la Cour.
54. Le requérant soutient qu’il a épuisé toutes les voies de recours, dès lors que la Cour d'appel de Tanzanie, qui est la plus haute juridiction du pays, a rejeté son appel dans son entièreté en dernier ressort, le 29 mai 2009.
55. Le requérant affirme en outre qu’il n’est pas nécessaire d’introduire un recours en révision pour épuiser les voies de recours internes. Par ailleurs, l'argument du défendeur selon lequel le requérant aurait dû introduire un recours en inconstitutionnalité au vu du retard accusé dans l'examen de sa requête en révision est aussi inutile que superflu, étant donné qu'il tend à créer un nouveau critère visant à utiliser une procédure qui ne tombe pas dans le champ d’application de la règle de l'épuisement des voies de recours internes.
56. Sur l'exception préliminaire du défendeur selon laquelle le requérant n’a pas épuisé les voies recours internes, la Cour estime que le requérant a suivi la procédure établie en matière pénale jusqu'au niveau de la plus haute juridiction du pays et qu’il a, en fin de compte, introduit un recours en révision de la décision devant la Cour d'appel. Dans une affaire portée devant la Commission africaine, l'Etat défendeur a affirmé que la Cour d’appel est la plus haute juridiction du pays*. Par ailleurs, les procédures devant les juridictions internes se sont prolongées de façon anormale,
57. La Cour constate qu’il y a eu des retards systématiques et une prolongation anormale de la procédure concernant son recours devant la Cour d’appel. Suite au rejet le 23 mars 2000 de l'appel introduit par le requérant auprès de la Haute Cour dans l'affaire en appel n°82 de 1998, son acte d'appel n’a été enregistré à la Cour d'appel que le 17 avril 2003. Il y a également eu un retard excessif dans la procédure engagée par le requérant pour obtenir les comptes rendus d'audience (de l’affaire pénale n° 82 de 1998) auprès de la Haute Cour, documents dont il avait besoin pour un recours devant la Cour d'appel. Deux (2) ans et cinq (5) mois se sont écoulés, depuis le 23 avril 2003, date à laquelle le requérant a introduit pour la première fois la demande du compte rendu d’audience, jusqu'au 21 septembre 2005, date à laquelle la demande été examinée et rejetée, au motif qu’elle avait été déposée hors délai. La Cour relève qu’au moment où la Cour d'appel a rejeté le recours du requérant, celui-ci n'avait pas encore reçu copie du dossier de l'affaire pénale n° 82 de 1998.
3 L'avis de requête en révision dans l'affaire pénale n°230 de 2008 devant la Cour d'appel de Tanzanie, il a été signé par le requérant par empreinte digitale et déposé au Greffe à Dar es-Salaam le 10 juin 2009.
4 Voir Communication 336/06 Aj Bt Bo Bv B Yb et autres c. Tanzanie, 28è Rapport d'activité, novembre 2009-mai 2010, par. 29.

494 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
58. Le requérant a alors introduit devant la Haute Cour une requête (Miscelleneous Application) en vue d’être autorisé à déposer sa requête hors délai. La Haute Cour a fait droit à sa requête le 12 février 2007 et le recours du requérant a été enregistré le même jour sous la référence Appel en matière pénale n° 217 de 2007. Ce n’est qu'après l'introduction du deuxième recours en appel que, le 28 juin 2007, soit quatre (4) ans et six (6) mois après la demande du dossier de l'appel près la Haute Cour (Appel en matière pénale n°82 de 1998), que le requérant a reçu une copie du dossier. Cependant, le 15 octobre 2007, son appel dans l'affaire n°217 de 2007 a été déclaré irrecevable, au motif que l’avis d’appel n’était pas signé et n’avait pas été introduit dans le délai prescrit.
59. Le 7 février 2008, le requérant a introduit une requête (Miscelleneous Application) devant la Haute Cour en vue d’être autorisé à déposer son recours hors délai. La Haute Cour a fait droit à sa requête et le requérant a introduit UN nouveau recours en appel sous la référence requête en matière pénale dans l'affaire n°230 de 2008. Le recours du requérant devant la Cour d'appel a été rejeté le 29 mai 2009 au motif que le Ministère public avait fourni les preuves des chefs d'accusation retenus contre le requérant dans l'affaire initiale. Durant toutes ces procédures, le requérant n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat malgré le fait qu’il était accusé d'infraction grave passible d’une longue peine de réclusion et sa demande d'assistance judiciaire gratuite est restée sans réponse.
60. S'agissant de l'argument du défendeur selon lequel le requérant aurait dû introduire un recours en inconstitutionnalité pour contester le retard accusé dans l'instruction de sa demande en révision en invoquant la Loi sur les droits et les devoirs fondamentaux, la Cour estime que le requérant n’était pas tenu de le faire. La non-conformité alléguée de la procédure devant le Tribunal de première instance avec l'application régulière de la loi (due process) et son cortège de droits et de garanties ont fondé les recours introduits par le requérant devant la Haute Cour et devant la Cour d’appel. Celle-ci a tranché en dernier ressort et, de ce fait, le requérant a effectivement saisi la plus haute juridiction de l'Etat défendeur.
61. La Cour relève en outre que lorsque des violations des droits fondamentaux sont alléguées devant une juridiction inférieure, une requête doit être introduite devant la Haute Cour, en vertu de la Loi sur l'application des droits et des devoirs fondamentaux (Cw Bv and Bq Ab Act) et l'affaire est examinée par une formation de trois Juges tandis qu’un appel éventuel à cet égard relève de la compétence de la Cour d’appel.°
62. En l'espèce, dès lors que la Cour d’appel de Tanzanie s'était prononcée sur le recours du requérant, il aurait été absurde de demander à celui-ci de déposer une nouvelle requête portant sur son droit à un procès équitable devant la Haute Cour, qui est une juridiction d'un rang inférieur par rapport à la Cour d'appel de Tanzanie.
5 Cw Bv and Bq Ab Act, numero 33 de 1994, articles 9 et 10.

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63. Sur l'argument du défendeur selon lequel le requérant aurait dû poursuivre sa demande en révision jusqu'à sa conclusion, la Cour estime que cette procédure n’était ni nécessaire ni obligatoire. En matière pénale, la Cour d'appel constitue, de droit, le dernier recours, et le requérant a démontré qu’il l’avait saisie. En outre, son recours devant la Cour d'appel était fondé sur des violations alléguées de son droit fondamental à un procès équitable, sur lesquelles la Cour d’appel s’est également prononcée.S Il n’était donc pas nécessaire d’introduire une requête distincte en inconstitutionnalité auprès de la Haute Cour au regard de la procédure définie dans la Loi sur les droits et les devoirs fondamentaux, émettant une violation de son droit fondamental à un procès équitable. La Cour conclut également qu’une demande en révision est un recours extraordinaire étant donné que l’autorisation donnée par la Cour d’appel pour une révision de sa décision se fonde sur des moyens spécifiques” et qu’elle n’est accordée qu’à la discrétion de la Cour.S
64. La Cour fait sien le raisonnement de la Commission africaine dans l'affaire Aj Bt Bo Bv B Yb c. Tanzanie,® dans laquelle la Commission a conclu que les recours auxquels il est fait référence sont uniquement des recours ordinaires.
65. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que l’argument du défendeur selon lequel le requérant aurait dû introduire un recours en inconstitutionnalité pour contester le retard accusé dans l'instruction de sa demande en révision est une action peu efficace et extraordinaire que le requérant n’était pas tenu d'engager. La Cour d'appel de Tanzanie ayant rejeté le recours en appel introduit par le requérant, celui-ci avait donc épuisé toutes les voies de recours internes
6 Cour d'appel de Tanzanie siégeant à Bj, Aftaire pénale n°230 de 2008 - Alex Br c. République Jugement du 29 mai 2009.
7 Voir article 66(1) du Règlement de procédure de la Cour d'appel de Tanzanie qui dispose que :« 66. (1) la Cour peut réviser son jugement ou une ordonnance, mois aucune requête en révision n’est examinée que si elle remplit les critères ci-après : (a) la décision était basée sur une erreur manifeste qui a entrainé un déni de justice ; ou (b) l’une des parties a été privée de la possibilité de défendre sa cause ; (c) la décision de la Cour est nulle et sans effet ; ou
(d) la Cour n'a pas compétence pour examiner l'affaire ; ou (e) le jugement a été obtenu de manière illégale, par fraude ou faux témoignage.
8 Affaire Xe Xe c, République [requête en matière pénale n° 4 de 2007] devant la Cour d'appel de Tanzanie siégeant à Az dans laquelle est citée l'affaire Cf Ag As Bp c. Bc Xo Ltd - requête (en matière civile) n°62 de 1996.
9 Communication 333/2006 28° Rapport d'activité - novembre 2009 - mai 2010 paragraphe 64. La Commission a conclu que : « les ‘recours’ auxquels il est fait référence à l’article 56(5) sont tous les recours judiciaires aisément accessibles. Dans l'affaire INTERIGHTS et outres c. Mauritanie, la Commission a déclaré que : « Le fait demeure que la signification généralement acceptée des recours internes, qui doivent être épuisés avant l’introduction d’une communication/procédure de plainte devant la Commission africaine, sont les recours ordinaires courants qui existent dans les juridictions et normalement accessibles aux personnes en quête de justice ».

496 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
iii La requête n’a pas été introduite dans un délai raisonnable après l’épuisement des voies de recours internes
66. À titre subsidiaire, et sans préjudice de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le défendeur pour non-épuisement des voies de recours internes, le défendeur soutient que la requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable au regard de la requête introduite le 5 juin 2009 en révision de la décision de la Cour d’appel de Tanzanie dans l’affaire pénale n°230 de 2009. Trois (3) ans et près de trois (3) mois se sont écoulés depuis l'introduction de ladite requête. Le défendeur soutient que « le délai raisonnable mentionné dans la Charte pour introduire des requêtes après épuisement des voies de recours internes doit être de six mois, dans la ligne de l’évolution de la jurisprudence en matière de droit international des droits de l'homme et qu’en conséquence, le requérant a donc introduit sa requête devant la Cour africaine hors délai ». Le défendeur maintient qu’au vu de ces normes, la requête serait encore forclose même si le délai était calculé à compter du 20 septembre 2011, date de la lettre adressée au Chief Justice pour lui rappeler la demande introduite par le requérant aux fins de révision de la décision de la Cour d'appel.
67. Le défendeur en conclut qu’au vu de ce qui précède, la requête n’ayant pas rempli certains des critères de recevabilité exigés, elle doit être déclarée irrecevable et rejetée, aux dépens du requérant.
68. Pour sa part, le requérant soutient que sa requête a été introduite dans un délai raisonnable après l’épuisement des recours internes, compte tenu des circonstances et de sa situation particulière en tant que personne profane, indigente et en détention.
69. Le requérant soutient encore que sans préjudice de tout ce qui précède, au cas où la Cour de céans venait à conclure que le délai entre l'épuisement des voies de recours internes et l'introduction de la requête devant elle s’est prolongé de façon anormale, le requérant a des raisons suffisantes pour expliquer ce retard.
70. Le requérant allègue, en effet, qu’il a entrepris des démarches raisonnables pour amener les juridictions nationales à se prononcer sur ses griefs, en introduisant une requête en révision de la décision rendue par la Cour d'appel.
71. En outre, il affirme avoir écrit à plusieurs reprises au Chief Justice et au Greffier de la Cour d’appel de Tanzanie pour demander que sa requête en révision soit examinée. La dernière lettre envoyée au Greffier de la Cour d’appel date du 12 juillet 2013 et le requérant a saisi la Cour africaine le 2 août 2013. Les nombreuses requêtes adressées aux agents du défendeur sont restées lettre morte. Le requérant a la ferme conviction qu’il a laissé suffisamment de temps au défendeur pour enfin réparer la violation de ses droits.
72. À l’appui des faits rappelés ci-dessus, le requérant se réfère à la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, qui a conclu, dans l'affaire Aj Bt Bo Bv B Yb et autres c. Tanzanie, que l'attente de réponse aux requêtes ou aux recours en révision sont des motifs suffisants pour

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justifier une période d'attente avant de saisir une juridiction internationale. Le requérant soutient dès lors que la jurisprudence de la Commission africaine constitue une source hautement crédible du droit sur cette question et que la Cour de céans devrait pencher pour une conclusion similaire.
73. S'agissant de l'exception préliminaire du défendeur selon laquelle la requête n’a pas été introduite dans un délai raisonnable, après l'épuisement des recours internes, la Cour considère également que pour savoir si la requête a été déposée dans un délai raisonnable, celui-ci doit étre calculé à compter du 29 mai 2009, date à laquelle la Cour d’appel a rejeté son appel. Toutefois, le défendeur a déposé la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole, le 29 mars 2010 et le délai doit donc être calculé à partir de cette date. Dans la requête Ayants droit de feus Xx Ba, Ar Xz dit Ablassé, Bm Ba et Blaise IIboudo & Mouvement Burkinabé des droits de l'homme et des Peuples c. By Bx, (Décision du 21 juin 2013 sur les exceptions préliminaires), la Cour a établi le principe selon lequel « le caractère raisonnable d’un délai de sa saisine dépend des circonstances particulières de chaque affaire, et doit être apprécié au cas par cas ».
74. Compte tenu de la situation du requérant, qui est une personne ordinaire, indigente et incarcérée et considérant le temps qu'il a fallu pour obtenir une copie du dossier de procédure et le fait qu’il a tenté d'utiliser des recours extraordinaires comme la procédure de requête en révision, la Cour conclut que tous ces facteurs constituent des éléments suffisants pour expliquer pourquoi il n’a introduit la requête devant la Cour que le 2 août 2013, soit trois (3) ans et cinq (5) mois après le dépôt de la déclaration prévue à l’article 34(6). Pour ces motifs, la Cour conclut que la requête a été déposée dans un délai raisonnable après épuisement des voies de recours internes, conformément à l’article 56(5) de la Charte. La Cour déclare l'exception non fondée et la rejette en conséquence.
D. Exception soulevée par le défendeur sur l’introduction alléguée de nouveaux faits par le requérant
75. Après la Réponse à la requête déposée par le défendeur le 5 février 2014, le requérant a, dans le délai imparti par la Cour, déposé sa réplique datée du 8 avril 2014, à la réponse du défendeur. Le requérant demandait à la Cour de prendre les mesures énoncées aux paragraphes 17, 19 et 20 ci-dessus.
76. Durant l’audience publique, le défendeur a soulevé une objection préliminaire à la réplique du requérant. Il soutient en effet que « la réplique soulève de nouvelles questions, qui ne font pas partie de la requête initiale et touchent à la fois à la compétence et à la recevabilité de la requête ». Le défendeur a précisé qu’«une réplique n’a pour seul but que d'examiner les questions soulevées dans la réponse et y répondre : elle ne doit pas soulever de faits nouveaux. Or, ladite réplique du requérant est une nouvelle requête, qui soulève de nouveaux griefs ». Le défendeur a encore fait valoir que cela crée une situation d’injustice et viole le principe de l’égalité des armes. || soutient

498 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
également que « la Cour ne doit examiner que les questions soulevées dans la requête et non celles introduites à travers la soi-disant réplique du requérant. D'autant plus que le Règlement intérieur de la Cour africaine ne prévoit pas la possibilité d’une triplique ».
77. La position du requérant, telle qu’elle a été exposée à l'audience publique est qu’« il n’y a aucun argument avancé par le requérant sur la commission d'office d’un conseil qu’il n’ait invoqué auparavant, même si ce n’est pas avec le même raffinement qu’avec l'assistance d'un avocat ». En d’autres termes, la réplique du requérant n’a fait qu’affiner le contenu de sa requête, grâce à l'assistance d’un conseil. Le requérant affirme, en effet, qu’'« …au total, les 14 pages d'observations que le requérant a déposées, sans l'assistance d’un conseil, contiennent toutes les allégations et tous les griefs qu’il a soulevés et qui sont simplement réitérés dans la réplique. En effet, mis à part peut-être un changement de style, la seule observation formulée dans la réplique et qui ne faisait pas partie des 14 premières pages, concerne les articles précis de la Charte africaine dont la violation est alléguée ».
78. La Cour relève que la réplique du requérant reprend dans une large mesure la position énoncée dans la requête. Le conseil du requérant a simplement établi un lien entre les violations alléguées et les dispositions pertinentes de la Charte. La requête allègue la violation du droit à un procès équitable, qui est inscrit à l’article 7 de la Charte et le conseil a simplement repris clairement ce grief dans sa réplique. Néanmoins, la réplique allègue la violation des articles 1, 3, 5, 6, 7(1) et 9(1) de la Charte. La Cour estime que la réplique invoque de manière plus claire le lien avec la Charte et les droits du requérant dont la violation est alléguée et qu’elle n’introduit pas de faits nouveaux.
E. Exception soulevée par le requérant par rapport aux explications du défendeur concernant la copie des comptes rendus d’audience dans l’appel en matière pénale n°230 de 2008
79. Le 22 janvier 2015, l'UPA a communiqué à la Cour les documents demandés durant l'audience publique. Le 5 février 2015, le défendeur a transmis au Greffe une copie certifiée des comptes rendus des audiences devant la Cour d’appel dans l'affaire pénale no 230/2008, de même que ses observations sur l'authenticité de la copie de l'avis de requête en révision de la décision de la Cour d'appel dans l'affaire n°230 de 2008, transmise au Greffier par l'UPA. Le 24 février 2015, l’'UPA a soulevé une objection portant sur les explications fournies par le défendeur sur certaines questions découlant du compte rendu d'audience dans l'affaire pénale n° 230/2008, au motif que, ce faisant, le défendeur avait procédé à une nouvelle analyse des arguments développés par le requérant et de ses propres arguments, et qu’il fournissait ainsi de nouvelles informations et de nouveaux arguments à l’appui de sa propre thèse. l'UPA a demandé à la Cour de ne pas tenir compte de ces explications, au motif qu’elles ne figuraient pas dans les premières observations orales et écrites du défendeur. Celui-ci n’a pas répondu aux objections de l'UPA.

Br c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RJCA 482 499
80. La Cour n’a pas enjoint aux parties de fournir des explications au sujet des documents à communiquer après l'audience publique. Le défendeur devait donc simplement communiquer les documents comme la Cour l'avait demandé. Il ressort de l'examen des explications fournies par le défendeur sur les comptes rendus des audiences dans l’appel en matière pénale n° 230 que ces explications constituent effectivement de nouveaux arguments du défendeur sur sa propre thèse et sur celle du requérant. Les plaidoiries étant closes, les parties ne pouvaient plus soumettre de nouveaux arguments. En conséquence, les explications fournies par le défendeur au sujet du compte rendu d'audience devant la Cour d’appel ne seront pas prises en considération et n’'affecteront en rien la décision de la Cour sur le fond de la requête.
F. Sur le fond
i. Violation alléguée du droit du requérant à ce que sa cause soit entendue et de son droit à la défense
81. Le requérant allègue que son droit à ce que sa cause soit entendue et à assurer sa défense a été violé, du fait que le Tribunal de première instance a continué le procès malgré son absence. Durant cette période, le requérant allègue qu’il était admis à l'hôpital où il a passé huit (8) mois, souffrant de tuberculose pulmonaire et d'asthme. Il allègue aussi que même après sa condamnation par défaut, il n’a pas eu la possibilité d'expliquer au Tribunal de première instance les motifs de son absence au procès, contrairement à l’article 226(2) du Code tanzanien de procédure pénale, qui dispose que :
« (2) Lorsque la Cour déclare un accusé coupable en son absence, ce verdict peut être annulé si la Cour est convaincue que l’absence de l'intéressé était due à des raisons indépendantes de sa volonté et qu’il avait probablement des moyens de défense à faire valoir sur le fond » (traduction),
82. Le défendeur soutient que l’article 226(1) du Code de procédure pénale prévoit les circonstances dans lesquelles la Cour peut tenir des audiences, déclarer un accusé coupable et le condamner par défaut. Le défendeur demande au requérant de fournir la preuve irréfutable de l’allégation ci-dessus. L'article 226(1) est libellé comme suit :
« Lorsque, au moment ou au lieu où se tient l'audience, ou à l'endroit où l'audience est ajourée, l’accusé ne comparait pas devant le tribunal qui a rendu l’ordonnance d’ajournement, le tribunal peut valablement poursuivre l'audience ou tenir une autre audience comme si l’accusé était présent ; et si le plaignant ne comparaît pas, le tribunal peut rejeter les chefs d'accusation et acquitter l'accusé avec ou sans dépens, comme le tribunal l'estime approprié » (traduction).
83. Dans les observations écrites du défendeur devant la Haute Cour à Moshi, portant sur l’appel pénale n°82 de 1982, le défendeur a reconnu que lorsqu'il ressort du dossier que les dispositions de l’article 226(2) du Code de procédure pénale n’ont pas été appliquées, alors que ledit article prescrit que même après avoir été jugé par défaut, le requérant (qui était l'appelant dans cette affaire) aurait dû bénéficier de la

500 RECUEIL … DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016) possibilité de fournir à la Cour les raisons de son absence, cette possibilité doit donc lui être offerte.
84. Le défendeur fait valoir devant la Cour de céans que le requérant était absent durant la présentation des moyens de la défense devant le Tribunal de première instance et que les dispositions de l’article 226(1) du Code de procédure criminelle ont été respectée en continuant le procès.
85. Le requérant allègue encore que le Tribunal n’a pas examiné sa réplique dans la procédure d’appel devant la Haute Cour. Pour sa part, le défendeur nie ces allégations et maintient que le requérant doit en apporter la preuve irréfutable.
86. L'article pertinent de la Charte est l’article 7(1)(c) qui dispose que « [toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (a)... (b)... (c) Le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ».
87. L'article 7 du Protocole est libellé comme suit : « La Cour applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme ratifié par l’État concerné ».
88. Étant donné que le défendeur a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) le 11 juin 1976, la Cour peut dès lors interpréter l’article 7(1) de la Charte à la lumière des dispositions de l’article 14(3}(d) du PIDCP.
89. L'article 14(3)(d) du PIDCP est plus précis que l’article 7(1) de la Charte et il est libellé comme suit :
« Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
a)
b)
c)
d) À être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix, si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer »
90. La disposition du PIDCP mentionnée ci-dessus contient trois garanties distinctes en son article 14(3)(d). En premier lieu, que toute personne accusée a le droit à être présente à son procès. Ensuite, que toute personne accusée a le droit se défendre elle-même ou à se faire représenter par un défenseur de son choix. Troisièmement, l’article garantit le droit de toute personne accusée, à se voir commettre d’office un défenseur, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer.
91. L'article 7(i) de la Charte et l’article 14(3)(d) du PIDPC exigent que le requérant soit présent pour assurer sa défense. Le requérant n’était pas physiquement en état d'assurer sa défense lors du procès dans l'affaire pénale n°321 de 1996 car il avait été libéré sous caution par le juge en première instance, au motif qu’il était en mauvaise santé et, selon les pièces versées au dossier, il était hospitalisé au moment de la présentation des moyens de la défense les 24 et 25 juin 1997.

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92. Il y a lieu de noter que même avant l'intervention de la défense, le requérant n’avait pas été présent à deux occasions durant le procès, à savoir le 20 et le 26 mars 1997. Au sujet de son absence à ces deux occasions, le juge a accepté les explications du requérant lorsque celui-ci a comparu plus tard, arguant du fait qu’il était souffrant et qu’il n’était pas en état de comparaître devant le Tribunal. Durant le procès, en l’absence du requérant, le juge n’a pas cherché à savoir où se trouvait celui-ci, malgré le fait que le Juge était informé de la présence de ses répondants.
93. Compte tenu de la gravité de l’infraction reprochée au requérant, ajoutée au fait que le juge avait autorisé la libération de l'intéressé sous caution en raison de son état de santé préoccupant, et le fait que celui- ci n’était pas représenté par un conseil, le Tribunal aurait dû ajourner le procès afin de donner au requérant la possibilité de se défendre.
94. || est tout aussi important de relever que selon le dossier de l'affaire, le requérant n’avait jamais été poursuivi pour défaut de comparution. Tout porte à croire que le Tribunal était informé des raisons de l’absence du requérant durant le procès au moment de la présentation des moyens de la défense. Compte tenu de ces circonstances, il aurait été plus indiqué pour le juge de s’enquérir de ce qu'il était advenu du requérant, d’autant plus qu’il ressort du compte rendu d’audience qu’il était informé du mauvais état de santé de celui-ci.
95. La Cour est confortée dans son raisonnement par les décisions rendues en ce sens par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, par la Cour européenne des droits de l'homme et par la Cour interaméricaine des droits de l'homme, qui sont des juridictions dotées d’une compétence similaire.
96. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a évoqué le droit à la défense dans l'affaire Avocats sans frontières (au nom de Bk YfY C Yc et a conclu que ce droit implique la présence de l'accusé à tous les stades de la procédure10.10
97. Dans l'affaire Bd c. Italie," la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour européenne) a estimé que le droit d’être présent à son procès est une partie intégrante du droit à un « procès équitable » énoncé à l’article 6(1) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention).'? La Cour fait observer que l’article 6 de la Convention est similaire à l’article 7 de la Charte.‘*
10 Communication n°231/99 — 14° Rapport d'activité, 2000 - 2001 paragraphe 28.
11 Affaire n° 9024/80 A 89 (1985) 7, Rapport sur les droits de l'homme en Europe, 516. 12 Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu que : « Quoique non mentionné en termes exprès ou paragraphe 1 de l'article 6 (art : 6(1)), la faculté pour « l'accusé » de prendre part à l'audience découle de l'objet et du but de l’ensemble de l’article. Du reste, les alinéas c), d) et e) du paragraphe 3 (art. 6-3- c, art. 6-3-d, art. 6-3-e) reconnaissant à « tout accusé » le droit à « se défendre lui- même », interroger les témoins et se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience, ce qui ne se conçoit guère sans sa présence ».
13 Affaire n° 9024/80 Bd c. Italie A 89 (1985) 7. Rapport sur les droits de l'homme en Europe, 516 par. 27.

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98. De la même manière, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a conclu à des violations de l'article 8 de la Convention américaine relatives aux droits de l'homme, qui énonce le droit à un procès équitable, similaire aux dispositions de l’article 7 de la Charte. On peut, à cet égard, citer l’affaire A c. Équateur, dans laquelle la Cour interaméricaine a réaffirmé les garanties minimales auxquelles chacun a droit, en pleine égalité, en vertu de l’article 8(2)(c), (d) et (e) de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. ‘*
99. Dans ces circonstances, la Cour constate que le droit du requérant à ce que sa cause soit entendue et à assurer sa défense n’a pas été respecté dans l’affaire pénale n°321 de 1996.
iL — Sur l’allégation d’une prolongation anormale des procédures d’appel et de révision
100. Le requérant allègue que la procédure d’examen de son recours en révision de la décision de la Cour d’appel s’est prolongée de façon anormale.
101. Pour sa part, le défendeur soutient que le requérant est lui-même responsable des retards allégués dans les procédures d’appel et qu'il a eu amplement la possibilité de suivre leur déroulement. Le défendeur rappelle que le requérant a même bénéficié des conseils de la Cour sur la voie à suivre pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel hors délai. Le défendeur affirme encore que le dossier en sa possession ne contient aucune indication que le requérant a introduit un recours en révision de la décision de la Cour d’appel.
102. Le droit (le texte) applicable en la matière est l’article 7(1)(d) de la Charte, qui consacre le « droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale ». Pour apprécier si ce droit a été violé ou non, la Cour doit déterminer si le procès s'est déroulé dans un délai raisonnable. La norme applicable à cet égard a été établie dans la jurisprudence.
103. La Commission africaine a conclu que le droit à un procès impartial dans un délai raisonnable est l'un des éléments fondamentaux d’un procès équitable'® et que le fait que le recours devant la Cour d'appel se soit prolongé de façon anormale est contraire à l’esprit et à la lettre de l’article 7(i)(d) de la Charte africaine. ‘°
104. Dans le même ordre d’idées, la Cour interaméricaine des droits de l’homme s’est prononcée en détail sur le principe du délai raisonnable, comme le prévoit l’article 8(1) de la Convention américaine relative aux
14 Arrêt du 12 novembre 1997 (fond) par. 82. Ces garanties comprennent « l’octroi à l’accusé du temps et des moyens nécessaires pour préparer sa défense, le droit pour l’accuser de se défendre lui-même ou d’être assisté d’un défenseur procuré par l'État, rémunéré ou non, selon la législation interne, si l'accusé ne se défend pas lui-même ou ne nomme pas un défenseur dans le délai prévu par la loi [.]».
15 Communication n°301/05 Cy Ci Ca & institute for Bo Bv and Development in Africa (ou nom des anciens responsables du régime « Dergue) c. Ethiopie, par. 215.
16 Communication n°199/97 Al Yj Xt c. Bénin, par. 28.

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droits de l’homme, disposition similaire à l’article 7(1)(d) de la Charte ‘7 Ce faisant, la Cour interaméricaine a adopté la même approche que celle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a exposé les trois éléments qui doivent être pris en compte pour déterminer si le délai des procédures judiciaires a été raisonnable. || s’agit de a) la complexité de l'affaire, b) les activités de procédure menées par la partie intéressée et c) le comportement des autorités judiciaires. ‘°
105. Dans la requête en l'espèce, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu de retard indu dans la procédure devant la Haute Cour, étant donné que la requête a été introduite le 8 septembre 1998 et qu’elle a été rejetée le 24 mars 2000, soit après une période d’un an et sept mois.
106. La Cour considère aussi que la procédure devant la Cour d’appel a connu un retard excessif. Après le rejet du recours introduit devant la Haute Cour de Moshi dans l'affaire pénale n°82 de 1998, le 23 mars 2000, le requérant a entamé une procédure devant la Cour d'appel de Tanzanie, qui s’est révélée de longue haleine.
107. La chronologie des actions engagées par le requérant à cet égard a déjà été exposée aux paragraphes 28 à 33 du présent arrêt. C’est seulement le 6 juin 2008 que l’appel du requérant en l'espèce a finalement été considéré comme étant valablement déposé devant la Cour d’appel. Cela après une période de huit ans et trois mois durant laquelle "appel. le requérant a tenté de déposer un recours devant la Cour
108. Les tentatives antérieures du requérant pour déposer son appel avaient échoué en raison de l'absence des comptes rendus d'audience, que le requérant n'avait cessé de réclamer, en vain. Par ailleurs, étant un profane en la matière, indigent et incarcéré, les avis d'appel qu’il a déposés ont été rejetés pour vices de procédure, soit qu’ils n'étaient pas dûment signés, soit qu’ils étaient déposés hors délai. Le requérant n'aurait pas pu aller plus loin sans les comptes rendus d’audience et l'argument du défendeur selon lequel les retards enregistrés étaient le fait du requérant lui-même n’a aucun fondement. 109. Il incombait aux juridictions de l’État défendeur de fournir au requérant le dossier d'instance dont il avait besoin pour poursuivre son recours. Que le défendeur ait failli à cette obligation et persiste à affirmer que le retard est le fait du requérant lui-même est inacceptable. L'affaire n’était pas complexe et le requérant a fait de nombreuses tentatives pour obtenir les comptes rendus pertinents, mais les autorités judiciaires ont prolongé indûment les délais avant de lui remettre ces documents.
17 Affaire A c. Equateur, arrêt du 12 novembre 1997 (fond), paragraphe 72. Voir aussi l'affaire Ximenes-Lopez c. Brésil, 4 juillet 2006, CIADH, série C n°149, par. 196 ; et l'affaire Massacres de Au c. Colombie, 1 juillet 2006, CIADH, série C n° 148, paragraphe 289, affaire Cd Cq de Boldeon et autres (au nom de Xg BsY c. Pérou. CIADH, arrêt du 6 novembre 2006, paragraphe 15.
18 Voir CEDH, affaire Cu Ak c. Espagne, arrêt du 23 juin 2993, série An°262, par. 30.

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110. S'agissant de la requête en révision et de la question de savoir si celle-ci a contribué au retard excessif avant que l'affaire du requérant ne soit examinée, la Cour considère que ces questions sont sans intérêt. En effet, la Cour a déjà conclu que la procédure d’appel engagée par le requérant devant la Cour d'appel, en rapport avec l'affaire initiale en matière pénale n° 321 de 1996 s'est prolongée de façon anormale.
iii Sur le refus allégué de fournir une assistance judiciaire au requérant
111. Le requérant allègue que son droit à une assistance judiciaire gratuite a été violé, le défendeur ayant refusé de lui accorder une assistance judiciaire malgré le fait qu’il était profane en la matière, qu’il était indigent et malgré la gravité des infractions retenues contre lui.
112. Le requérant soutient encore que l’article 3 de la loi sur l'assistance judiciaire (en matière pénale) fait obligation à l'Etat d'accorder une assistance judiciaire, lorsque cela est souhaitable et dans l'intérêt de la justice, ou lorsque l'accusé est indigent. 11 soutient en outre qu’aucune disposition de cette loi ne précise que l'accusé doit d'abord solliciter une telle assistance pour que celle-ci lui soit accordée. Il affirme dès lors que son droit à l’assistance gratuite d’un avocat a été et continue d’être violé en ce qui concerne la procédure de recours en révision, malgré ses demandes répétées.
113. Pour sa part, le défendeur fait valoir que le requérant doit rapporter la preuve irréfutable de l’allégation selon laquelle il n’a pas bénéficié de l'assistance gratuite d’un avocat commis d'office par l’État dans l’une quelconque des affaires à l’origine de ses nombreuses condamnations par la justice et qu’il doit prouver aussi qu’il a sollicité cette assistance à de nombreuses reprises et enfin, qu’il est effectivement indigent.
114. La disposition pertinente de la Charte à cet égard est l’article 7(1) dont il a été fait mention plus haut. Comme nous l'avons indiqué plus haut, même si l’article 7(1) de la Charte africaine ne prévoit pas une assistance judiciaire de manière expresse, la Cour peut, en se fondant sur l’article 7 du Protocole, appliquer cette disposition en vertu de l’article 14(3)(d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui dispose que toute personne a droit à être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d’un défenseur de son choix ; [...] et chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de la rémunérer.
115. Le défendeur ayant ratifié le PIDCP, il avait l’obligation de fournir une assistance judiciaire au requérant, compte tenu de la gravité des charges retenues contre celui-ci et de la peine potentielle qu'il encourait s’il était déclaré coupable.
116. La Cour est confortée dans sa position par la jurisprudence de la Commission africaine qui, elle aussi, applique et interprète les dispositions de la Charte ; par celle de la Cour européenne des droits de l’homme, qui est dotée d’une compétence similaire et applique les dispositions semblables à celles qui sont énoncées dans la Charte, à

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savoir l’article 6(3)(c) de la Convention européenne, et par la jurisprudence du Comité des droits de l'homme, qui applique l’article 14(3)(d) du PIDCP.
117. Dans la Communication 231/99 : Avocats sans frontières (au nom de Bk YfY C Yc, la Commission africaine s’est attardée sur cette disposition en rapport avec le droit à l'assistance
118. La Cour européenne a identifié trois facteurs qui doivent être pris en compte pour déterminer si « les intérêts de la justice » exigent qu’une assistance judiciaire soit fournie à l'accusé, à savoir :
(i) la gravité de l'infraction
(il) la sévérité de la peine éventuelle
(iii) la complexité de l'affaire, et
(iv) la situation sociale et personnelle du défendeur.
119. Dans l'affaire Benham c. Royaume-Uni?! le requérant avait été poursuivi pour non-paiement d’une dette et il encourait une peine maximum de trois (3) mois d'emprisonnement. La Cour européenne a estimé que cette peine potentielle était suffisamment sévère pour que le requérant ait droit à une assistance judiciaire, dans l’intérêt de la justice. Dans l'affaire Cz c. Turquie, la Cour a considéré que l’assistance judiciaire devrait être fournie aux personnes accusées ou soupçonnées d’un crime, quelle que soit la nature de ce crime en particulier et qu’une telle assistance est particulièrement vitale pour les personnes soupçonnées de crimes graves.
120. La Cour s'inspire de la jurisprudence du Comité des droits de l'homme sur l'interprétation et l'application de l’article 14(3)(d) du PIDCP. Dans l'affaire Cx Xm c. Jamaïque, les circonstances étaient similaires à celles du requérant en l’espèce, dans la mesure où ces deux affaires soulèvent la question du droit à un procès équitable devant les tribunaux de première instance et les juridictions d’appel, en matière pénale, droits garantis par la Constitution. Dans cette Communication, le Comité a conclu que l’article 14(3)(d) du PIDCP
19 Communication n°231/99, par. 30, 14e Rapport d'activités 2000 - 2001.
« La Commission La Commission rappelle vivement que le droit à une assistance judiciaire est un élément fondamental du droit à un procès équitable. Ceci est d'autant plus vrai lorsque l'intérêt de la justice le dicte. Elle considère que dans le cas considéré, étant donné la gravité des allégations prononcées contre le prévenu et la nature de la peine à laquelle il a été condamné, il était dans l'intérêt de la justice de le faire bénéficier de l'assistance d’un avocat à chaque étape de son procès ».
20 Affaire Benham c, Royaume-Uni, CEDH, arrêt du 10 juin 1996, par. 59 ; affaire Bz c. Suisse, CEDH. Arrêt du 24 1991, par. 33 ; affaire Xw Cg c. Bulgarie, CEDH, arrêt du 6 novembre 2012, par. 38 ; affaire Ce Yh c Turquie, CEDH, arrêt du 27 mars 2007, par. 56 ; affaire Prezec c. Croalie, CEDH, arrêt du 15 octobre 2009, par. 29 ; affaire Ad c. Grèce, CEDH, arrêt du 26 septembre 2000, par. 29.
21 Affaire n°19380/92 arrêt du 10 juin 1996 (Grande Chambre).
22 Affaire n°36391/99, Cz c. Turquie, arrêt du 27 novembre 2008 (Grande Chambre), par. 54.

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exige des États qu’ils fournissent une assistance judiciaire aux personnes faisant l’objet d’une procédure pénale, lorsque l'intérêt de la
121. La Commission africaine a clarifié la question de l'assistance judiciaire dans les Principes et directives sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique, adoptés en 2003. Ces directives précisent que l'accusé ou une partie à une affaire civile a le droit, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, de se voir attribuer d'office un défenseur sans frais, s’il n’a pas les moyens de le rémunérer. Selon ces principes et directives, en matière pénale, pour déterminer l’intérêt de la justice, il faut tenir compte de la gravité de l'infraction et de la sévérité de la peine encourue pour fournir une assistance judiciaire gratuite. La Déclaration de Lilongwe sur l'accès à l'assistance juridique dans le système pénal en Afrique va encore plus loin et elle requiert également que les programmes d'assistance judiciaire devraient inclure toutes les étapes du processus pénal, de l'instruction au recours en appel, afin de s'assurer que les droits de l'homme soient protégés.” La Cour relève que ces principes et directives ainsi que la déclaration sont conformes à la jurisprudence établie.
122. Par ailleurs, le texte qui régit l'assistance judiciaire en Tanzanie est la Loi sur l’assistance judiciaire (procédure pénale) de 1969 (Lega/ Aid Criminal Proceedings Act). L'article 3 de cette loi exige que l'autorité judiciaire compétente, octroie, dans l'intérêt de la justice, à la personne accusée, une assistance judiciaire pour préparer et assurer sa défense ou introduire un recours en appel, selon le cas, si cette personne ne dispose pas de moyens suffisants pour lui permettre de se procurer une telle assistance. Une fois que cela est certifié, le Greffier, commet d’office un avocat à la défense de la personne accusée, dans la mesure du possible. La Cour fait observer que la Cour d'appel de Tanzanie a dans le passé conclu que cette disposition, lue conjointement avec l’article 310 de la Loi portant Code de procédure pénale, prévoit le droit des personnes accusées à une assistance judiciaire, le droit d’en être informé et au cas où elles ne le seraient pas, que la personne accusée est en droit de faire déclarer le procès nul.
23 Communication n°377/89 par. 13.2.
« L'auteur affirme que l'absence d’une aide judiciaire pour le dépôt d’une requête constitutionnelle constitue en elle-même une violation du Pacte. Le Comité note que, conformément au Pacte, les Etats ne sont pas tenus de fournir une aide judiciaire dans tous les cas, mais seulement, en application du paragraphe 3 d) de l'article 14, aux personnes accusées d’une infraction pénale lorsque l'intérêt de la justice l’exige »
24 Cette déclaration a été adoptée par la Conférence sur l'assistance juridique dans le système pénal : le rôle des avocats, non-avocats et autres acteurs de l’aide juridique en Afrique, tenue à Lilongwe du 22 au 24 novembre 2004. La Déclaration a été adoptée par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples à travers sa Déclaration sur l'adoption de la Déclaration de Lilongwe sur l'accès à l'assistance juridique dans le système pénal, adoptée lors de sa 40° session ordinaire tenue à Xb XBnY, du 15 au 29 novembre 2006.
25 Affaire Xk Bh Ck c. Gouvernement de Zanzibar - Appel en matière pénale n°17 de 2002 dans laquelle est citée l'affaire Br Ay c. R[épublique] (1992) JTLR 157, page 11 à 14 du jugement rendu le 8 octobre 2001.

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123. En conclusion, la Cour constate que le requérant avait droit à une assistance judiciaire et qu’il n’avait pas l'obligation de solliciter une telle assistance. La Cour relève que lorsqu'il l’a demandée, celle-ci ne lui a pas été accordée. Le requérant était accusé de vol à main armée, une infraction grave dont l’auteur encourt une peine minimum de 30 ans de réclusion criminelle. Le requérant n’était pas représenté par un conseil et il était en mauvaise santé, raison pour laquelle il était absent durant la présentation des moyens de la défense. Au vu de toutes ces circonstances, il était souhaitable, et dans l'intérêt de la justice, que les juridictions de l'Etat défendeur accordent une assistance judiciaire au requérant.
124. En l'espèce, les facteurs pertinents que la Cour d'appel aurait dû prendre en compte pour octroyer une assistance judiciaire au requérant sont notamment la gravité des infractions dont devait répondre celui-ci, la peine minimum encourue en application de la Loi sur les peines minimum (Minimum Sentence Act) ainsi que le fait que l'accusé n’était pas représenté par un conseil. Après avoir examiné toutes ces circonstances, la Cour considère qu’il revenait au magistrat de première instance et aux Juges de la Cour d’appel de veiller à ce qu’une assistance judiciaire soit fournie au requérant. De ce fait, le défendeur ne s’est pas conformé aux obligations qui sont les siennes en vertu de la Charte et du PIDCP, pour ne pas avoir fourni une assistance judiciaire au requérant en vue de son procès en première instance et des recours ultérieurs en appel.
iv. Sur les erreurs manifestes alléguées durant le procès en première instance en ce qui concerne l'affaire pénale 321 de 1996 et lors de leur examen par la Haute Cour et par la Cour d’appel
125. Le requérant soutient qu’il y avait des divergences graves entre l’acte d'accusation et les éléments de preuve fournis par les témoins à charge. Ces contradictions portent sur les aspects suivants :
ii La propriété des objets volés : L'acte d'accusation indique que les objets volés appartiennent à M. Cm Ak, tandis qu’à la barre, le témoin à charge n°1, M. Yg Xp, a affirmé que ces objets lui appartenaient.
ii. La description des objets volés : l'acte d’accusation présente les objets volés comme étant des « disques d'embrayage », tandis que le témoin à charge n°1 parle de « plateaux d'embrayage », le témoin à charge n°2 les a présentés comme étant des « carters d'embrayage »
iii. Le nombre d’objets volés : l’acte d'accusation mentionne le nombre d'objets volés comme étant 100 (cent) carters d'embrayage, alors que le témoin à charge n°1 a parlé de 250 (deux cent-cinquante) kits d'embrayage.
iv. La valeur des objets volés : l'acte d'accusation évalue les objets volés à 800 000 (huit cent mille shillings tanzaniens), tandis que le témoin à charge n°1 les a évalués à 2 200 000 (deux millions deux cent mille shillings tanzaniens).
v. La preuve de la commission de l'infraction de vol à main armée. Le requérant soutient que le témoin à charge n°4, M. Xl Xu, qui fait partie des personnes qui auraient été attaquées et blessées durant le

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vol, n’a pas déclaré avoir vu le requérant sur le lieu du crime. Le requérant réaffirme donc qu’il a été accusé, sans aucune preuve, du crime de vol à main armée, et que, tout au plus, il aurait dû être poursuivi pour recel d'objets volés.
vi. L’authenticité du formulaire PF3 délivré à la victime alléguée du vol à main armée, à savoir M. Xl Xu, le témoin à charge n°4. Le formulaire P3 est émis par un agent de police ayant ou au moins le grade Police constable, à toute personne qui affirme avoir été blessée suite à un acte criminel. Ce formulaire permet au titulaire d'obtenir des soins médicaux dans un centre de santé, Le requérant soutient que le Ministère public n’a cité aucun témoin pour établir l'authenticité du formulaire PF3 délivré à M. Xu.
vii. Le lien de connexité entre le requérant et les objets dont le vol est allégué, et l’invocation de la doctrine de la possession récente d'objets volés pour établir un lien entre le requérant et l'infraction. Dans son mémoire d’appel devant la Haute Cour de Moshi dans l'affaire pénale n° 82/1998, le requérant affirme qu’aucun lien n’a été établi entre lui et les objets volés appartenant à M. Yg Xp, étant donné que ceux-ci peuvent être achetés auprès de n'importe quel vendeur de pièces détachées. Il soutient qu’il s'était rendu à la boutique du témoin à charge n°2, M. Bu Xa Cc, pour récupérer de l'argent que lui devait un certain M. Bw et non pour vendre des objets volés quelconques. Il ajoute que M. Bw se proposait de vendre des articles à M. Cc et lui rembourser la dette grâce au produit de la vente.
126. Le défendeur rétorque que le requérant doit rapporter la preuve irréfutable des allégations ci-dessus. Il soutient, par ailleurs, que le requérant a été mis en accusation conformément à la loi pour le crime de vol à main armée et que les juridictions de première instance étaient compétentes pour connaitre de cette affaire. Le défendeur affirme en outre qu’il s’agit de questions qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour africaine étant donné qu’elles ont déjà été tranchées par la Cour d’appel de Tanzanie, qui est la juridiction de dernier ressort.
127. Dans ses conclusions écrites dans la procédure d’appel dans l’affaire pénale n° 82/1998 devant la Haute Cour de Moshi, le défendeur réitère que même si le requérant n’a pas été identifié sur les lieux du crime, il a été retrouvé quelques heures plus tard en train de vendre les objets volés.
128. Les comptes rendus des audiences dans l'appel interjeté par le requérant devant la Haute Cour de Moshi indiquent que dans son jugement, la Haute Cour n’a pas examiné la question des divergences entre l’acte d'accusation et les déclarations des témoins à charge en ce qui concerne la propriété des biens volés, leur description, leur nombre et leur valeur, de même que la preuve de la commission de l’infraction, ainsi que l'application de la doctrine de la possession récente pour établir un lien de connexité entre le requérant et le crime. Ces points ont été soulevés par le requérant dans son appel. En revanche, la Haute Cour a confirmé la déclaration de culpabilité du requérant, au
26 Cette doctrine se rapporte à un principe de common law appliqué lorsqu'une personne accusée est en possession d’un bien qui a été récemment volé et qu’il ne donne aucune explication quant à la façon dont il est entré en possession de ce bien, ou ne donne une explication qui est raisonnablement crédible, ce qui permet de déduire s’il l’a volé ou s'il t'a reçu en sachant que celui-ci avait été volé.

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motif que celui-ci n'avait pas saisi l’occasion qui lui était offerte pour se défendre devant le Tribunal de première instance et que le magistrat a certainement dû être convaincu de la force de la thèse du Ministère public. La Haute Cour a confirmé la déclaration de culpabilité et la peine imposée, celle-ci étant le minimum légal en vertu de la Loi sur les peines minimum (Minimum Sentence Act).
129. La Cour d’appel de Tanzanie a examiné les moyens d’appel présentés par le requérant mais elle ne s'est pas prononcée sur la question de la propriété des biens dont le vol était allégué.
130. La Cour n'accepte pas l'argument du défendeur selon lequel la question des erreurs manifestes durant le procès en première instance ne relève pas de la compétence de la Cour de céans, du fait que la Cour d’appel de Tanzanie a déjà rendu un arrêt définitif à ce sujet. Certes, la Cour africaine n’est pas une instance d'appel des décisions rendues par les juridictions nationales,” mais cela ne l'empêche pas d'examiner les procédures pertinentes devant les instances nationales pour déterminer si elles sont en conformité avec les normes prescrites dans la Charte ou avec tout autre instrument ratifié par l'Etat concerné. S'agissant des erreurs manifestes dans les procédures devant les juridictions internes, la Cour de céans examine si celles-ci ont appliqué les principes appropriés et les normes internationales pour rectifier ces erreurs. Cette approche a été adoptée par les instances internationales
131. La Cour tire la conclusion que le défaut de statuer sur la question de la propriété des biens dont le vol est allégué ainsi que les divergences dans la description de ces biens qui sont des éléments essentiels du crime de vol à main armée) a eu des incidences négatives sur le droit du requérant à un procès équitable. (Cette omission constitue également une violation du principe de procès équitable prescrit par la Charte et par le PIDCP. La Cour considère que l'erreur manifeste alléguée concernant la valeur des objets volés, la preuve que le crime de vol à main armée a été commis, l'authenticité du formulaire de police 3 délivré à la victime alléguée du vol armé et le lien de connexité entre le requérant et les biens dont le vol récent est allégué ne sont pas de nature à dénier au requérant son droit à un procès équitable.
27 Voir requête n°001/2013 - Ernest Am Cp c. République du Malawi.
28 Voir affaire n°76809/01, Co c. Autriche, CEDH, arrel du 7 octobre 2004, paragraphe 49 ; Communication n°375/09, Xj Aq Ai (représentée par Af AG Aw Ah, Ap et International Center for the Protection of Bo Bv C Ap, 5 novembre 2011, paragraphe 36, affaire Yi Bi c. Argentine, 11.673, Rapport 1039/36, Commission interaméricaine des droits de l'homme, OEA/Ser, L/V/11.95 Doc. 7 rev, page 76 (1997), par. 51. Voir aussi affaire 1°30544/96 Bs Cu c. Espagne, arrêt du 21 janvier 1999 Perez c. France, arrêt du 12 février 2004 (Grande chambre) par. 81, affaire n° 34553/97, Cr c. France, arrêt du 21 mars 2000, par. 39.

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v. Sur le manquement allégué à l’obligation qui incombe au défendeur de reconnaître les droits, les devoirs et les libertés énoncés dans la Charte et d’adopter les mesures nécessaires pour les appliquer
132. Le requérant soutient, de manière générale, que le défendeur a violé l’article 1 de la Charte, qui porte sur l’obligation de reconnaître les droits, les devoirs et les libertés énoncés dans la Charte et s'engager à adopter des mesures pour les appliquer.
133. En réponse, le défendeur fait valoir qu’il a intégré la Charte dans sa Constitution, à travers la Déclaration des droits (Bill of Rights), ainsi que la Loi sur la mise en application des droits et des devoirs fondamentaux (Cw Bv and Bq Ab Act). L'État défendeur a aussi fait la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole portant création de la Cour.
134. La Cour relève que l’État défendeur a ratifié la Charte et qu’il a adopté des mesures constitutionnelles et statutaires pour l’intégrer dans sa législation interne et qu’il a fait la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole.
135. Toutefois, il y a lieu de noter que pour apprécier si l’obligation inscrite à l’article 1 de la Charte a été respectée, la Cour ne se contente pas d’examiner si le défendeur a adopté des lois ou mis en place d'autres mesures visant à intégrer la Charte dans sa législation interne. Elle apprécie également si l'application de ces instruments législatifs ou d'autres mesures a pour objectif de donner effet aux droits, aux devoirs et aux libertés inscrits dans la Charte, à savoir la réalisation effective des buts et des objectifs de celle-ci. Cela signifie que lorsque la Cour constate que l’un quelconque des droits, des devoirs ou des libertés inscrits dans la Charte a été restreint, violé ou non appliqué, elle en déduit que l’obligation énoncée à l’article 1 de la Charte n’a pas été respectée ou qu'elle a été violée. Cela signifie nécessairement que l’État n’a pas respecté ses obligations internationales, à raison du non- respect ou de la violation de celles-ci,
136. La Cour réitère la conclusion qu’elle a tirée dans la requête n°13/ 2011 dans l'affaire des Ayants droit des feux Xx Ba, Ar Xz Cs Xs, Bm Ba et Cb Ct et Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples c. By Bx. Dans cette affaire, la Cour a estimé qu’en s'abstenant d’ouvrir une enquête efficace, de poursuivre et de condamner les auteurs de l'assassinat de Xx Ba et de ses compagnons, le By Bx, avait violé l’article 7 de la Charte et par ricochet, il avait simultanément violé l’article 1 de la Charte, La Cour souscrit aussi au raisonnement de la Commission africaine en ce qui concerne l'application générale de l’article 1 de la Charte.
29 Communication n° 147/95. 149/96 Sir Xc Ao Bl c. Gambie — 13° Rapport d'activité, 1999 - 2000 par. 46. La Commission s’est prononcée ainsi : « L'article premier confère à la Charte le caractère légalement obligatoire généralement attribué aux traités internationaux de cette nature. Par conséquent, toute violation de l’une de ses dispositions est automatiquement une violation de l’article premier.

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137. Ayant dégagé la conclusion que le requérant a été privé du droit à ce que sa cause soit entendue et de son droit de se défendre et qu’il n’a pas bénéficié du droit à une assistance judiciaire gratuite, la Cour constate que le défendeur a violé l’obligation qui est la sienne en vertu de l’article 1 de la Charte.
vi. Sur le déni allégué du droit à l’égalité devant la loi et du droit à l’égale protection de la loi
138. Le requérant porte des allégations à caractère général sur la violation de son droit à l'égalité devant la loi et du droit à l’égale protection de la loi, contrairement à l’article 3(1) et (2) de la
139. Pour sa part, le défendeur soutient que ces droits sont inscrits aux articles 12 et 13 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et que le requérant n’a pas démontré en quoi ces garanties à l'égalité n’ont pas été appliquées à son endroit, donnant ainsi lieu aux violations alléguées.
140. La Cour tire la conclusion que le requérant n'a pas démontré en quoi les garanties à l'égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi ont donné lieu à une violation de l’article 3 de la Charte. Le requérant n’a pas pu démontrer comment il a été traité de manière différente des autres justiciables dans la même situation que lui. Des affirmations d'ordre général selon lesquelles son droit a été violé ne sont pas suffisantes. Des preuves plus concrètes sont requises. La Cour dégage donc la conclusion qu’il n’y a pas eu violation de cet article.
vii. Sur le déni allégué du droit au respect et à la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique ainsi que l’interdiction de toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme, en particulier la torture, et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
141. Le requérant allègue que le prolongement indu des procédures dans le traitement de ses recours en appel et en révision est équivalent à la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et en violation de l'article 5 de la Charte.
142. Le défendeur soutient pour sa part que la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont interdits à l’article 13(c) et (e) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie et que le requérant doit apporter la preuve de ses allégations. Le défendeur soutient encore qu’il n’y a pas eu de retard indu dans le traitement des recours du requérant en appel et en révision et que son emprisonnement est conforme à la loi.
Si un État partie à la Charte méconnaît les dispositions de cette dernière, cela constitue une violation de cet article. Sa violation va donc à l'encontre du fondement même de la Charte ».

512 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
143. La Cour a déjà conclu qu’il y a eu un retard indu dans la procédure devant la Cour d'appel. Le requérant a poursuivi sa procédure en appel du 23 mars 2000 au 29 mai 2009, date à laquelle la Cour d’appel a rejeté son recours en appel. Il s’agit d’une période de neuf (9) ans et deux (2) mois. La question est de déterminer si ce retard de neuf (9) ans et deux (2) mois dans la procédure en appel du requérant équivaut à la torture, à Un traitement cruel ou inhumain ou dégradant.
144. La Cour, tout comme la Commission africaine, applique et interprète la Charte. À cet égard, la Cour prend en considération la Résolution de la Commission africaine sur les directives et les mesures d'interdiction et de prévention de la torture, des peines ou des traitements cruels, innumains ou dégradants en Afrique.° Ces directives renvoient à la définition de la torture telle qu’elle est énoncée à l’article 1 de la Convention des Nations Unies contre la torture, qui est libellée comme suit :
« 1. Aux fins de la présente Convention, le terme torture désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aigües physiques ou mentales sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis, ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur une tierce personne ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsque de telles douleurs ou souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou tout autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur et aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.
2. Cet article est sans préjudice pour tout instrument international ou toute législation nationale qui contient ou pourrait contenir des dispositions ayant un plus vaste champ d’application »
145. Au vu de la définition ci-dessus, le requérant n’a pas apporté la preuve que le retard dans le traitement de sa requête en appel équivaut à la torture. || en est ainsi parce qu’il n'a pas apporté la preuve que ce retard lui a causé une souffrance aigüe mentale ou physique qui lui a été infligée intentionnellement à des fins particulières. En outre, il purge une peine conforme aux sanctions légales qui lui ont été imposées. Pour cette raison, la Cour conclut donc qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 5 de la Charte.
146. En l'espèce, la Cour conclut que le retard dans la procédure en appel du requérant n’équivaut pas à un traitement cruel, inhumain et dégradant, car ce retard ne correspond pas aux critères de sévérité intention, et de sévère humiliation nécessaires requis par les définitions
30 La Commission africaine a adopté ces lignes directrices en 2008 ; elles sont plus conmunément appelées Lignes directrices de Robben island. Voir également l'affaire n°288/04 Ch Ac c Zimbabwe Décision du 2 mai 2012, pars. 142 à 166.

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acceptées dans la jurisprudence.* De plus, la Cour est d’avis que le retard ne constitue pas en soi un traitement cruel, innumain ou dégradant, même s'il peut avoir causé l’angoisse mentale du requérant La Cour est confortée dans sa décision à cet égard par la jurisprudence du Comité des droits de l’homme des Nations Unies.
viii. Sur la violation alléguée du droit à la liberté et à la sécurité de la personne
147. La disposition pertinente à cet égard est l'article 6 de la Charte, qui dispose que tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne et que nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi. En particulier, nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement.
148. Le requérant a allégué que sa détention arbitraire, qui s'est prolongée en raison du retard anormal dans le traitement de ses affaires, constitue une violation de son droit à la liberté, inscrit à l’article 6 de la Charte.
149. Pour sa part, le défendeur soutient qu’il n’a en rien violé le droit du requérant à la liberté. || précise que le droit à la liberté n’est pas absolu et qu’il peut être restreint dans les conditions prévues par la loi, en l'occurrence, la Loi portant Code de procédure pénale. Toujours selon le défendeur, le requérant a été arrêté, mis en accusation et déclaré coupable, en application de la loi portant Code de procédure pénale. Le requérant ne peut donc pas affirmer que son arrestation et sa détention ont été arbitraires et illégales et ses allégations de violation de l’article 6 de la Charte sont absolument dénués de tout fondement.
150. La conclusion de la Cour selon laquelle il y à eu un retard excessif dans la procédure devant la Cour d’appel ne signifie pas nécessairement qu’il y a eu violation du droit du requérant à la liberté et à la sécurité de sa personne. Cela aurait pu être le cas si la Cour avait conclu qu’il y a eu un déni de justice tellement flagrant que l'emprisonnement du requérant qui en est le résultat serait incompatible avec les dispositions de l’article 6 de la Charte. Dans la requête en l'espèce, le requérant a été jugé et déclaré coupable par une juridiction légalement constituée, qui a prononcé une peine à son encontre en application de la loi nationale en vigueur et son emprisonnement fait suite à l'ordonnance rendue par la Cour. La Cour de céans en conclut que le retard excessif dans la procédure devant la Cour d'appel n’a pas eu pour effet une violation quelconque du droit du requérant à la liberté et à la sécurité de sa personne.
ix Sur la violation alléguée du droit du requérant à l’information
31 Affaire Xn c. Royaume-Uni, arrêt du 10 juillet 2001, pars, 24 à 30 ; affaire Xq c. Lithuanie, arrêt du 24 juillet 2011 par. 117 ; et affaire Ya c. Royaume- Uni, arrêt du 29 avril 2002, par. 52.
32 Communications 210/1986 & 225/1987, Earl Pratt & At Bf c. Jamaique CCPR/C/35/D/210/1986 ; CCPR/C/35/D/225/1987, 7 avril 1989.

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151. Le requérant a affirmé que le retard mis à lui communiquer les comptes rendus d'audience devant le Tribunal de première instance dans l'affaire pénale n° 321 de 1996 et devant la Haute Cour dans l'affaire n°82 de 1998, de même que le manque d'information concernant sa requête en révision, constituent une violation de son droit à l’information, tel qu’il est inscrit à l’article 9(1) de la Charte.
152. Le défendeur nie qu’il y ait eu un retard excessif ou non raisonnable dans la communication au requérant les informations qui lui auraient permis de préparer son recours en appel.
153. Le défendeur soutient encore que le retard mis à instruire les affaires concernant le requérant, depuis le Tribunal de district jusqu’à la Cour d’appel, était le fait du requérant lui-même et que celui-ci n'avait pas respecté les conditions de sa liberté sous caution. Le défendeur soutient encore que pour cette raison imprévue, le requérant a demandé avec retard les copies des comptes rendus et des autres documents qui lui auraient été utiles pour le traitement de ses recours en appel. Le défendeur maintient encore qu’il n’est pas en possession de l'avis de requête en révision déposé par le requérant et que, de ce fait, l’affirmation selon laquelle sa demande en révision de l'arrêt de la Cour d’appel ne peut pas être examinée est sans fondement.
154. La Cour fait observer qu’il ressort du dossier que le requérant a introduit un avis de requête pour être autorisé à demander la révision de l'arrêt de la Cour d’appel. La Cour a déjà conclu qu’il y a eu un retard excessif pour fournir au requérant les comptes rendus d'audience dans l'affaire pénale n° 321 de 1996 et dans l’appel devant la Haute Cour dans l'affaire n° 82 de 1998 et qu’il y a eu une absence d’information en ce qui concerne sa demande en révision. L'article 9(1) de la Charte consacre le droit de recevoir des informations en rapport avec le droit de diffuser et de disséminer ses opinions dans le cadre des lois et règlements. La Cour conclut qu’étant donné que la demande de comptes rendus d'audience devant la Haute Cour a été faite dans le contexte des recours du requérant devant la Cour d'appel, cette question a été réglée par la Cour de céans lorsqu’elle s’est prononcée sur la violation du droit à un procès équitable consacré à l’article 7(1) de la Charte. La Cour conclut en conséquence qu’il n’y a pas eu de golation arte. du droit à l'information tel qu’il est énoncé à l’article 9(1) de la
x. Sur la demande du requérant aux fins d’être remis en liberté
155. Dans la requête, il est demandé à la Cour d’ordonner sa remise en liberté. Il a réitéré sa demande dans sa réplique à la réponse du défendeur.
156. Le défendeur n’a pas répondu de manière précise à la demande de remise en liberté du requérant.
157. La Cour fait observer qu’elle ne peut ordonner la remise en liberté du requérant que dans des circonstances exceptionnelles ou

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impérieuses.*® En l’espèce, le requérant n’a pas fait état de circonstances exceptionnelles ou impérieuses qui justifieraient que la Cour accède à sa demande de remise en liberté.
158. La Cour tient à rappeler qu’elle a déjà conclu à la violation de plusieurs aspects du droit du requérant à un procès équitable, contrairement aux articles 7(1)(a), (c) et (d), de la Charte et 14(3)(d) du PIDCP. Le recours approprié en l’espèce aurait été de donner au requérant la possibilité d’une reprise de la présentation des moyens de la défense ou un nouveau procès.“ Toutefois, compte tenu de la longueur de la peine déjà purgée jusqu’à présent, soit près de 20 sur les 30 ans qui lui ont été infligés, ces deux solutions pourraient donner lieu à un déni de justice.
159. La Cour ordonne en conséquence à l’État défendeur de prendre les mesures appropriées pour remédier aux violations constatées, en tenant compte des facteurs ci-dessus.
xi. Sur les dépens
160. Le défendeur a demandé à la Cour de condamner le requérant aux dépens. La Cour fait observer à cet égard que l’article 30 du Règlement intérieur de la Cour dispose que « [a] moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ». La Cour rendra sa décision sur la question des dépens au moment où elle abordera le point relatif aux réparations.
Par ces motifs :
161. La Cour,
Décide :
a. Sur l’exception préliminaire d’incompétence soulevée par le défendeur
i. À l’unanimité, l’exception préliminaire d’incompétence matérielle soulevée par le défendeur en invoquant l’article 3(1) du Protocole est rejetée et la Cour déclare qu’elle a compétence pour connaître de la requête en l'espèce.
b. Sur l’exception préliminaire d’irrecevabilité soulevée par le défendeur
ii. À l’unanimité, l’exception préliminaire d’irrecevabilité soulevée par le défendeur au motif que la requête est incompatible avec la Charte africaine et avec l’Acte constitutif de l’Union africaine, au regard de l’article 6(2) du Protocole lu conjointement avec les articles 56(2) de la Charte et 40(2) du Règlement intérieur de la Cour est rejetée.
33 Voir Cour interaméricaine des droits de l’homme. Affaire AH c. Perou. Fond. Arrêt du 17 septembre 1997. Series C11*33, pars résolutoires 5 et 84, dans cette affaire, la Cour a ordonné la remise en liberté du requérant parce que ne pas le faire aurait eu pour résultat une double incrimination qui est interdite par la Convention américaine des droits de l'homme.
34 Voir CEDH, affaire Cv c. Bulgarie, requete n°39206/07, 31 janvier 2012.

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iii. À l'unanimité, l'exception préliminaire d’irrecevabilité, soulevée par le défendeur au motif que les voies de recours internes n’ont pas été épuisés comme l’exige l’article 6(2) du Protocole lu conjointement avec les articles 56(5) de la Charte et 40(5) du Règlement intérieur de la Cour, est rejetée. La Cour déclare que le requérant a épuisé les voies de recours internes.
iv. À l'unanimité, que l'exception préliminaire d’irrecevabilité soulevée par le défendeur au motif que la requête en l'espèce n’a pas été introduite dans un délai raisonnable après l’épuisement des voies de recours internes, en application des articles 6(2) du Protocole, 56(6) de la Charte et 40(6) du Règlement intérieur de la Cour est rejetée.
v. À l'unanimité, la Cour déclare la requête recevable.
c. Sur le fond
vi. À l’unanimité, qu’il n’y a pas eu de violation des articles 3, 5, 6, 7(1)(b) et 9(i) de la Charte
vi. À l’unanimité, qu’il y a eu violation des articles 1 et 7(1)(a), (c) et (d) de la Charte et de l’article 14(3)(d) du PIDCP.
viii. Par six (6) voix contre deux (2), la Juge Elsie N. THOMPSON et le juge Rafaa BEN ACHOUR ayant voté contre, de rejeter la demande du requérant visant à ordonner sa remise en liberté.
ix. À l'unanimité, ordonne au défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires dans un délai raisonnable pour remédier aux violations constatées, en particulier, pour avoir privé le requérant de la possibilité de reprendre la présentation des moyens de la défense et de rouvrir le procès et d'informer la Cour des mesures prises, dans un délai de six (6) mois à compter de la date du présent arrêt.
x. À l'unanimité, ordonne au requérant, en application de l’article 63 du Règlement intérieur de la Cour, de déposer sa demande de réparation dans un délai de trente (30) jours à compter de la date du présent arrêt, et au défendeur d’y répondre dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de réception des observations écrites du requérant.
Opinion dissidente : THOMPSON et BEN ACHOUR
1. Nous souscrivons certes, de manière générale, à l'arrêt rendu par la Cour. Cependant, nous aurions appréhendé différemment un point particulier abordé au paragraphe 159 de l’arrêt et rendu une ordonnance spécifique à cet effet.
2. Le requérant allègue la violation de plusieurs articles de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui ont été invoqués dans l’arrêt et il demande, entre autres, à la Cour d’ordonner sa remise en liberté.
3. La Cour, dans sa grande sagesse, constate la violation des articles 1 et 7(1)(a), (c) et (d) de la Charte et de l’article 14(3)(d) du PIDCP, du

Br c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RICA 482 517
fait que le procès n’était pas équitable et ordonne en conséquence à l'Etat de :
« prendre toutes les mesures nécessaires dans un délai raisonnable pour remédier aux violations constatées, en particulier, pour avoir privé le requérant de la possibilité de reprendre la présentation des moyens de la défense et de rouvrir le procès et d'informer la Cour des mesures prises, dans un délai de six (6) mois à compter de la date du présent arrêt ».
4. Sur la question précise de la remise en liberté du requérant, la Cour a estimé, et nous partageons entièrement cet avis, qu’elle ne peut ordonner la remise en liberté du requérant que dans des « circonstances exceptionnelles ou impérieuses ». La Cour conclut en outre que le requérant n’a pas fait état de telles circonstances exceptionnelles, mais nous ne partageons pas cet avis.
5. Malgré le fait que le requérant n’a pas exposé de faits particuliers justifiant des circonstances exceptionnelles, nous avons la ferme conviction que la Cour a établi ces circonstances exceptionnelles et/ou impérieuses lorsqu'elle a fait observer que le requérant avait purgé vingt (20) ans de la peine de réclusion criminelle de trente (30) ans, et que la réouverture de l'affaire dans laquelle il est impliquée ou la reprise du procès y relatif « pourraient donner lieu à un déni de justice ».
6. Nous ne voyons pas de « circonstance » plus « exceptionnelles et/ ou impérieuses » que celle dans laquelle se trouve le requérant, qui a purgé 20 ans sur les 30 ans de prison qui lui ont été infligés, suite à un procès que la Cour a déclaré qu’il n’était pas équitable, contrairement à la Charte.
7. De plus, la Cour reconnaît que la reprise de la présentation des moyens de la défense ou la réouverture du procès « pourraient causer préjudice et donner lieu à un déni de justice ».
8. La Cour n’est pas allée jusqu’à ordonner la remise en liberté du requérant. Toutefois, nous sommes d’avis que la Cour ne peut ordonner aucune autre mesure corrective, au vu des circonstances de l'espèce, que la remise en liberté du requérant.
9. Au vu des circonstances de l'espèce, au lieu de laisser au défendeur l’initiative de mesures correctives, nous aurions fait droit à la demande et ordonné la remise en liberté du requérant.


Synthèse
Numéro d'arrêt : RANDOM847029331
Date de la décision : 20/11/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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