Habiyalimana et Ah c. Tanzanie (mesures provisoires)
Ad Ag et Ah Ac
(mesures provisoires) (2016) 1 RICA 675
(2016) 1 RJCA 675 675
c. Aa
Ad Ag et Ah Ac c. République-Unie de
Tanzanie
Ordonnance portant mesures provisoires, 3 juin 2016. Fait en anglais,
français, portugais et arabe, le texte anglais faisant foi.
Juges : THOMPSON, NIYUNGEKO, OUGUERGOUZ, TAMBALA, ORÉ,
KIOKO, BEN ACHOUR, BOSSA et MATUSSE
N’a pas siégé conformément à l’article 22 : RAMADHANI
Le requérant alléguait la violation du droit à un procès équitable dans une
procédure ayant abouti à sa condamnation à la peine capitale. La Cour a
estimé des mesures provisoires étaient nécessaires pour éviter un
préjudice irréparable en dépit du moratoire de fait adopté par l’État
défendeur et du fait qu'aucune exécution n’avait eu lieu depuis
longtemps.
Mesures provisoires (peine capitale, 16-18)
I Objet de la requête
1. La Cour a reçu, le 8 mars 2016, une requête présentée par Ad Ag et Ah Ac ci-après dénommés (« les requérants »), contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « l’État défendeur »), alléguant que le l’État défendeur a violé ses droits de l'homme.
2. Les requérants, des ressortissants du Burundi actuellement incarcérés à la prison centrale de Butimba à Ab, ont été condamnés à mort par la Haute Cour de Tanzanie siégeant à Af le 31 mai 2007. Cette sentence a été confirmée le 2 mars 2012 par la Cour d’appel, qui est la plus haute juridiction de Tanzanie. Le 7 avril 2012, les requérants ont introduit la requête n° 05 de 2012 (sic) aux fins de révision de la décision de la Cour d'appel.
3. Les requérants allèguent notamment que :
(a) Leur condamnation a été fondée sur des preuves et des pièces qui ne répondent pas à la norme en matière de preuve, selon laquelle la preuve doit être au-delà de tout doute raisonnable.
(b) Le tribunal de première instance a commis une erreur en procédant à l'audience en swahili, langue étrangère aux requérants.
(c) La requête aux fins de révision, en dépit d’avoir été enregistrée depuis 2012, n’a pas été entendue ni inscrite au rôle, à ce jour.
676 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
Il. Procédure devant la Cour
4. La requête a été reçue au Greffe de la Cour le 8 mars 2016.
5. Conformément à l’article 36 du Règlement, par notification de signification datée du 21 avril 2016, le Greffe a signifié la requête à l’État défendeur.
IN. Sur la compétence
6. Lorsqu'elle est saisie d’une requête, la Cour doit procéder à un examen préliminaire de sa compétence, en application des articles 3 et 5 du Protocole.
7. Toutefois, avant d’ordonner des mesures provisoires, la Cour n'a pas à se convaincre qu’elle a compétence sur le fond de l’affaire, mais simplement s'assurer qu’elle a compétence prima facie.!
8. L'article 3(1) du Protocole dispose que « La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifiés par les Etats concernés ».
9. L'État défendeur a ratifié la Charte le 9 mars 1984, le Protocole le 10 février 2006 et est partie aux deux instruments ; il a également fait la déclaration prévue à l’article 34(6) le 29 mars 2010, déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes d'individus et d'organisations non gouvernementales conformément aux articles 34(6) et 5(3) du Protocole, lu conjointement.
10. Les droits ayant fait l’objet de violations alléguées dont les requérants se plaignent sont protégés par les dispositions des articles 7 de la Charte. La Cour a donc, prima facie, la compétence rationae materiae pour connaître de l’espèce.
11. À la lumière de ce qui précède, la Cour s’est assurée qu’elle a compétence prima facie, pour examiner de requête.
IV. Sur les mesures provisoires
12. Dans leur requête, les requérants n’ont pas demandé à la Cour d’ordonner des mesures provisoires.
13. En vertu de l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51(1) de son Règlement, la Cour peut ordonner des mesures provisoires d’office dans les cas d'extrême gravité et lorsqu'il s'avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes et qu’elle estime devant être adoptées dans l'intérêt des parties ou de la justice.
Voir requête n°002/2013 Commission africaine des droits de l'homme des peuples c. Libye (ordonnance portant mesures provisoires datée du 15 mars 2013) et requête n°006/2012 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Ae (Ordonnance portant mesure provisoires datée du 15 mars 2013) ; requête n°004/2011 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (Ordonnance portant o mesures provisoires datée du 25 mars 2011).
Habiyalimana et Ah c. Tanzanie (mesures provisoires) (2016) 1 RJCA 675 677
14. |! appartient à la Cour de décider dans chaque situation si, à la lumière des circonstances particulières de l'affaire, elle doit exercer la compétence qui lui est conférée par les dispositions ci-dessus.
15. Les requérants sont des condamnés à mort et la requête semble révéler une situation d’extrême gravité, ainsi qu’un risque de dommages irréparables pour eux.
16. Compte tenu des circonstances de l'espèce qui révèlent un risque d'exécution de la peine de mort susceptible de porter atteinte à la jouissance des droits prévus par l’article 7(1) de la Charte, la Cour décide d'exercer ses pouvoirs en vertu de l’article 27(2) du Protocole. 17. La Cour constate que la requête en l'espèce révèle une situation d'extrême gravité et présente un risque de violations irréparables des droits des requérants protégés par l’article 7(1) de la Charte, si la peine de mort venait à être exécutée.
18. En conséquence, la Cour conclut que les circonstances exigent une ordonnance portant mesures provisoires, en application de l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51 de son Règlement, pour préserver le statu quo, en attendant la décision sur la requête principale
19. Pour lever toute ambiguïté, la présente Ordonnance est de nature provisoire et ne préjuge en rien des conclusions que la Cour formulera sur sa compétence, la recevabilité et le fond de la requête.
V. Par ces motifs,
20. La Cour, à l'unanimité, ordonne à l’État défendeur :
a) de surseoir à l’application de la peine de mort à l'encontre des requérants, en attendant la décision relative à la requête principale ; et b) de faire rapport à la Cour dans les soixante (60) jours de la date de réception de la présente Ordonnance, sur les mesures prises pour la mettre en œuvre.