732 RECUEIL DE
Ad Ac
RJCA 732
JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
c. Tanzanie (mesures provisoires) (2016) 1
Ad Ac c. République-Unie de Tanzanie
Ordonnance portant mesures provisoires, 18 novembre 2016. Fait en
anglais et en français, le texte anglais faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSE, BEN ACHOUR, BOSSA,
MATUSSE, MENGUE et MUKAMULISA
Le requérant alléguait la violation du droit à un procès équitable dans une
procédure ayant abouti à sa condamnation à la peine capitale. La Cour a
estimé des mesures provisoires étaient nécessaires pour éviter un
préjudice irréparable en dépit du moratoire de fait adopté par l’État
défendeur et du fait qu'aucune exécution n'avait eu lieu depuis
longtemps.
Mesures provisoires (peine capitale, 16-18)
I Objet de la requête
1. Le 1°" septembre 2016, la Cour a reçu une requête introductive d'instance présentée par Ad Ac (ci-après dénommé « le requérant »), contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « le défendeur »), pour violation alléguée de ses droits fondamentaux.
2. Le requérant, actuellement détenu à la prison centrale de Butimba, a été condamné à la peine capitale par la Haute Cour de Tanzanie siégeant à Ab, le 26 juin 2015. La peine a été confirmée le 23 février 2016 par la Cour d'appel, qui est la plus haute juridiction de Tanzanie.
3. Le requérant allègue notamment ce qui suit :
(a) Tant le Tribunal de première instance que la Cour d’appel ont commis une erreur de droit et de fait, pour s'être fondés, pour le condamner, sur les pièces à conviction 1 et 2, qui sont le rapport d’autopsie de la victime et du croquis du lieu du crime.
(b) La Haute Cour et la Cour d'appel ont commis une erreur, pour n'avoir pas pris en considération les incohérences et les contradictions dans les dépositions des témoins à charge, de même que l'identification visuelle faite par Aa Ac (PW1), ce qui a donné lieu à un déni de justice et une violation des droits du requérant.
(c) Les deux juridictions ont commis une erreur de droit et de fait, pour n'avoir fait aucun cas des déclarations du requérant, sans fournir les motifs de cette décision.
(d) La peine capitale imposée au requérant viole le droit à la vie, qui est consacré dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 13 et 14 de la Constitution tanzanienne.
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Il. Procédure devant la Cour
4. La requête a été reçue au Greffe de la Cour le 1° septembre 2016.
5. Conformément à l’article 35 du Règlement de la Cour, par notification datée du 26 Septembre 2016, le Greffe a communiqué la requête au défendeur.
6. Lorsqu'elle est saisie d’une requête, la Cour doit procéder à un examen préliminaire de sa compétence, en application des articles 3 et 5 du Protocole.
7. Toutefois, avant d’ordonner des mesures provisoires, la Cour n’a pas à se convaincre qu’elle a compétence sur le fond de l’affaire, mais simplement s'assurer qu’elle a compétence prima facie.!
8. L'article 3(1) du Protocole dispose que « la Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés ».
9. L'État défendeur a ratifié la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte » ) le 9 mars 1984, le Protocole le 10 février 2006 et est partie aux deux instruments ; le 29 mars 2010, il a également fait la déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant d'individus et d'organisations non gouvernementales conformément aux articles 34(6) et 5(3) du Protocole lus conjointement.
10. Les violations alléguées qui font l’objet de la plainte portent sur des droits protégés par les articles 3(2), 4 et 7(1)(c) de la Charte. La Cour a donc la compétence matérielle (rationae materiae) pour connaître de la requête en l’espèce.
11. À la lumière de ce qui précède, la Cour s’est assurée qu’elle a compétence prima facie, pour examiner la requête.
IV. Sur les mesures provisoires
12. Le requérant n’a pas demandé à la Cour d’ordonner des mesures provisoires.
13. En vertu de l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51(1) de son Règlement intérieur, la Cour peut d’office ordonner des mesures provisoires « dans les cas d’extrême gravité et lorsqu'’il s'avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes » et
Voir requête n° 002/2013 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (ordonnance portant mesures provisoires datée du 15 mars 2013) et requête n° 006/2012 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Ae (ordonnance portant mesure provisoires datée du 15 mars 2013) ; requête n° 004/2011 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (ordonnance portant mesures provisoires datée du 25 mars 2011).
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« qu’elle estime devoir être adoptées dans l'intérêt des parties ou de la justice ».
14. Il appartient à la Cour de décider dans chaque situation si, à la lumière des circonstances particulières de l'affaire, elle doit exercer la compétence qui lui est conférée par les dispositions ci-dessus.
15. Le requérant est condamné à la peine capitale et la requête semble révéler une situation d'extrême gravité, ainsi qu’un risque de dommages irréparables pour lui.
16. Compte tenu des circonstances de l’espèce qui révèlent un risque d'application de la peine capitale susceptible de porter atteinte à la jouissance des droits prévus aux articles 3(2), 4 et 7(1)(c) de la Charte, la Cour décide d'exercer ses pouvoirs en vertu de l’article 27(2) du Protocole.
17. La Cour constate que la requête en l'espèce révèle une situation d'extrême gravité et présente un risque de violations irréparables des droits du requérant, protégés par les articles 3(2), 4 et 7(1)(c) de la Charte, si la peine capitale venait à être appliquée.
18. En conséquence, la Cour conclut que les circonstances exigent une Ordonnance portant mesures provisoires, en application de l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51 de son Règlement intérieur, pour préserver le statu quo, en attendant la décision sur la requête principale.
19. Pour lever toute ambiguïté, la présente Ordonnance est de nature provisoire et ne préjuge en rien des conclusions que la Cour formulera sur sa compétence, la recevabilité et le fond de la requête.
20. La Cour, à l’unanimité, ordonne au défendeur :
(a) de surseoir à l'application de la peine capitale à l’encontre du requérant, sous réserve de la décision relative à la requête principale ; (b) _ de faire rapport à la Cour dans les soixante (60) jours de la date de réception de la présente Ordonnance, sur les mesures prises pour la mettre en œuvre.