Ac c. Tanzanie (mesures provisoires) (2016) 1 RJCA 729
Aa Ac c. Tanzanie (mesures provisoires) (2016)
RJCA 729
729
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Aa Ac c. République-Unie de Tanzanie
Ordonnance portant mesures provisoires, 18 novembre 2016. Fait en
anglais et en français, le texte anglais faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSE, BEN ACHOUR, BOSSA,
MATUSSE, MENGUE et MUKAMULISA
Le requérant alléguait la violation du droit à un procès équitable dans une
procédure ayant abouti à sa condamnation à la peine capitale. La Cour a
estimé des mesures provisoires étaient nécessaires pour éviter un
préjudice irréparable en dépit du moratoire de fait adopté par l’État
défendeur et du fait qu'aucune exécution n’avait eu lieu depuis
longtemps.
Mesures provisoires (peine capitale, 17-19)
I Objet de la requête
1. Le 1°" septembre 2016, la Cour a reçu une requête introductive d'instance présentée par Aa Ac Aci-après dénommé « le requérant »), contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « le défendeur »), pour violation alléguée de ses droits fondamentaux.
2. Le requérant, actuellement détenu à la prison centrale de Butimba, a été condamné à la peine capitale par la Haute Cour de Tanzanie siégeant à Ab, le 6 décembre 2012. La peine a été confirmée le 17 mars 2014 par la Cour d'appel, qui est la plus haute juridiction de Tanzanie.
3. Le requérant déclare que non satisfait de la décision de la Cour d'appel, il a déposé devant celle-ci un recours en révision de sa décision. Il affirme en outre qu’à ce jour, sa requête en révision n’a pas encore été examinée.
4. Le requérant allègue notamment que :
a) Le retard accusé pour examiner sa requête en révision ou le fait de ne l'avoir pas encore entendu à ce jour constitue une violation des articles 13(1), (2), (3), (4), (5), (6)(a), 107(2) (a) et 107(b) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie de 1977 et, en conséquence, une violation de ses droits fondamentaux.
b) Le Tribunal de première instance a violé son droit à un procès équitable.
c) Le Tribunal de première instance et la première juridiction d'appel ont commis une erreur de droit et de fait pour ne lui avoir pas fait profiter
730 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 1 (2006-2016)
du doute contenu dans la preuve à charge sur laquelle ils se sont fondés.
d) Le Tribunal de première instance a violé l’article 13 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie pour n’avoir pas examiné les éléments de preuve à charge et à décharge.
Il. Procédure devant la Cour africaine
5. La requête a été reçue au Greffe de la Cour le 1°" septembre 2016.
6. Conformément à l’article 35 du Règlement de la Cour, par notification datée du 15 novembre 2016, le Greffe a signifié la requête au défendeur.
IN. Compétence
7. Lorsqu'elle est saisie d’une requête, la Cour doit procéder à un examen préliminaire de sa compétence, en application des articles 3 et 5 du Protocole.
8. Toutefois, avant d’ordonner des mesures provisoires, la Cour n'a pas à se convaincre qu’elle a compétence sur le fond de l’affaire, mais simplement s'assurer qu’elle a compétence prima facie.‘
9. L'article 3(1) du Protocole dispose que « la Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés ».
10. L'État défendeur a ratifié la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte » le 9 mars 1984, le Protocole le 10 février 2006 et est partie aux deux instruments ; le 29 mars 2010, il a également fait la déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant d’individus et d'organisations non gouvernementales conformément aux articles 34(6) et 5(3) du Protocole lus conjointement.
11. Les violations alléguées objet de la plainte portent sur des droits protégés par les articles 3(2), 4 et 7(1), (a) et (c) de la Charte. La Cour a donc la compétence rationae materiae pour connaître de la requête en l’espèce.
12. À la lumière de ce qui précède, la Cour s’est assurée qu’elle a compétence prima facie pour examiner la requête.
IV. Sur les mesures provisoires
13. Dans sa requête, le requérant n’a pas demandé à la Cour d’ordonner des mesures provisoires.
Voir requête n° 002/2013 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (ordonnance portant mesures provisoires datée du 15 mars 2013) et requête n° 006/2012 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Ad (ordonnance portant mesure provisoires datée du 15 mars 2013) ; requête n° 004/2011 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (ordonnance portant mesures provisoires datée du 25 mars 2011).
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14. En vertu de l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51(1) de son Règlement intérieur, la Cour peut d’office ordonner des mesures provisoires « dans les cas d’extrême gravité et lorsqu'’il s'avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes », mesures également « qu’elle estime devoir être adoptées dans l'intérêt des parties ou de la justice ».
15. I! appartient à la Cour de décider dans chaque situation si, à la lumière des circonstances particulières de l'affaire, elle doit exercer la compétence qui lui est conférée par les dispositions ci-dessus.
16. Le requérant est condamné à la peine capitale et la requête révèle une situation d'extrême gravité, ainsi qu’un risque de dommages irréparables pour celui-ci.
17. Compte tenu des circonstances de l'espèce qui révèlent un risque d'application de la peine capitale susceptible de porter atteinte à la jouissance des droits prévus aux articles 3(2), 7(1)(a) et (c) de la Charte, la Cour décide d'exercer ses pouvoirs en vertu de l’article 27(2) du Protocole.
18. La Cour constate que la requête en l’espèce révèle une situation d'extrême gravité et présente un risque de violations irréparables des droits des requérants protégés par les articles 3(2) et 7(1)(a) et (c) de la Charte, si la peine capitale était appliquée.
19. En conséquence, la Cour conclut que les circonstances exigent une Ordonnance portant mesures provisoires, en application de l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51 de son Règlement intérieur, pour préserver le statu quo, en attendant que la Cour se prononce sur la requête principale.
20. Pour lever toute ambiguïté, la présente Ordonnance est de nature provisoire et ne préjuge en rien des conclusions que la Cour formulera sur sa compétence, la recevabilité et le fond de la requête.
IV. Par ces motifs,
21. La Cour, à l’unanimité, ordonne au défendeur :
a) de surseoir à l'application de la peine capitale à l'encontre du requérant.
b) de faire rapport à la Cour dans les soixante (60) jours de la date de réception de la présente ordonnance, sur les mesures prises pour la mettre en œuvre.