C (avis consultatif) (2017)
Demande d'avis consultatif par Y
Cf Bg AIavis consultatif) (2017) 2
2 RJCA 593 593
Rights and
Requête 001/2013 Demande d'avis consultatif par Y
Aj and Cf Bg AIC)
Avis consultatif, 26 mai 2017. Fait en anglais et en français, le texte
anglais faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR, BOSSA
et MATUSSE
La Cour a estimé qu’elle n’est pas compétente pour examiner une
demande d’avis consultatif émanant d’une ONG non reconnue par
l’Union africaine.
Compétence (demande d’avis consultatif, organisation africaine, 46-
51 ; reconnue par l’Union africaine, 55, 60, 61, 65)
Opinion individuelle : BEN ACHOUR
Procédure (dispositif, 7, 8)
Opinion individuelle : MATUSSE
Procédure (décision, 13, 15, 20)
| L’auteur de la demande
1 Y Aj and Cf Bg AIci-après dénommé « C ») est une organisation non gouvernementale (ONG) à but non lucratif enregistrée en 2004 et basée en République fédérale du Nigéria. L'objectif principal de C est la promotion de la transparence et de la responsabilité dans les secteurs public et privé, à travers les droits de l'homme.
I. Objet de la demande
2 C affirme que sa demande est fondée sur les dispositions des articles 2, 19, 21 et 22 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte africaine ») et de l’article 4 du Protocole relatif à la Charte africaine portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommé « le Protocole »). C soutient qu’en vertu de l’article 4, la Cour a compétence pour donner l’avis consultatif sollicité.
3 Il ressort de la demande présentée par C que la Cour est saisie pour rendre un avis consultatif sur les questions de savoir :
| Si C est une organisation africaine reconnue par l’UA ;
ii. Si la pauvreté extrême, systémique et généralisée constitue une violation de certaines dispositions de la Charte africaine,
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notamment l’article 2 qui interdit la discrimination fondée sur « toute autre situation ».
4 C soutient que du fait qu’il est légalement enregistré au Nigéria, il s'agit d’une organisation africaine. I! affirme aussi que C est une organisation reconnue par un organe de l'Union africaine, à savoir la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « la Commission »), qui lui a accordé le statut d’'observateur. Il souligne encore que :
« [e]n vertu de son statut d’observateur auprès de la Commission africaine et du fait que la Commission africaine est une institution de l'Union africaine, il est habilité à demander un avis sur toute question relevant du champ d’application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de l’Acte constitutif de l'Union africaine ».
5. C fait encore valoir que « [I]a nature non spécifique et non restrictive du terme ‘organisation ” utilisé à l’article 4 du Protocole laisse penser qu’une organisation non gouvernementale comme C était envisagée par les rédacteurs du Protocole ». || ajoute que :
« [s]i ceux-ci avaient voulu limiter l’utilisation des termes ‘’’organisation africaine ” aux seules ‘organisations intergouvernementales africaines”, ils l’auraient mentionné expressément à l’article 4 ».
6 Selon C, [IJ’utilisation des termes « organisation africaine » à l’article 4 du Protocole, termes repris dans le Règlement intérieur de la Cour, est un choix conscient pour laisser la Cour décider de leur usage. C fait aussi valoir que :
« [c]ontrairement à l’article 4, l’article 5 [du Protocole] fait une référence spécifique aux ‘organisations intergouvernementales africaines ’, ce qui démontre encore que l'intention des rédacteurs de l’article 4 était d'indiquer une catégorie générique d’ ‘organisation’ qui est large et englobe des entités comme C. En fait, selon C, l'expression organisation africaine ” est utilisée partout dans le Règlement intérieur de la Cour, et rien dans le Règlement ne laisse penser que ces termes sont dotés d’un sens restrictif ».
7 Sur le fond, C s'appuie sur un certain nombre d’instruments et de rapports des Ch AH pour établir une relation entre la pauvreté et les droits de l'homme.
8 C cite sur un rapport de la Banque mondiale publié en 2013!, indiquant que le nombre réel de personnes vivant dans la pauvreté en Afrique avait augmenté ces dernières années, alors que de
1 Voir Banque mondiale 2013. « Indicateurs de développement en Afrique 2012/13 ». (Washington, D.C: Banque mondiale). Cité par C dans ses observations reçues au Greffe le 29 janvier 2016.
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plus en plus de richesses et de ressources naturelles sont découvertes dans de nombreux pays africains. Selon C, même si le rapport fait état d’une baisse du nombre total de personnes vivant dans l’extrême pauvreté, il donne aussi la preuve que le taux de pauvreté le plus élevé du monde demeure celui de l’Afrique, dont 47,5% de la population vit avec 1,25 dollar EU par jour, ce qui représente 30% des pauvres du monde.
9. C affirme en outre que dans le rapport final de l’ex Commission des droits de l'homme de l'ONU intitulé Droits de l'homme et extrême pauvreté, Bb Ak? a conclu que la pauvreté se perpétue et crée un cercle vicieux. C indique que le rapport décrit l'extrême pauvreté comme un état où les besoins essentiels, comme la nourriture, l’eau potable, les équipements sanitaires, la santé, l'éducation et l'information ne sont pas satisfaits, et ajoute que cela « dépend du niveau du revenu, mais aussi de l’accès aux services sociaux ».
10. C fait encore valoir que ces différentes initiatives ont été reflétées dans le travail récent du Conseil des droits de l'homme des Ch AH, compte tenu de l'impact de la pauvreté sur les droits de l’homme, et relève qu’en juillet 2012, le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, Bu Az Ah, a soumis au Conseil des droits de l'homme son rapport final sur les Principes directeurs relatifs à l’extrêème pauvreté. C estime en particulier que les Principes directeurs soulignent que la pauvreté n’est pas uniquement un problème économique ou de développement, mais également une question importante de droits de l'homme ; que la pauvreté n’est pas inévitable, étant donné qu’elle est « créée, favorisée et perpétuée par des actes ou omissions des États et des autres acteurs économiques. »
11. S'agissant de la définition du terme «pauvreté», C se réfère au sens adopté par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU, qui définit la pauvreté comme
« une condition humaine caractérisée par une privation durable ou chronique de ressources, de capacités, de choix, de la sécurité et du pouvoir nécessaires à la jouissance d’un niveau de vie suffisant ».*
12. En conséquence, C conclut qu’il existe un lien étroit entre
2. Président de la Commission des droits de l'Homme de l'ONU, de mars 2001 à mars 2002.
3. Voir les observations de C du 12 janvier 2016, citant l'Observation générale n°8 du Comité des Ch AH sur les droits économiques, sociaux et culturels « questions substantielles découlant de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, déclaration adoptée par le Comité le 4 mai 2001. UN Doc E/C. 12/2001/10.
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la pauvreté, le sous-développement et le non-respect des droits de l'homme inscrits dans la Charte africaine et relève que cette position est soutenue par le consensus qui s'est dégagé lors de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993 sur le fait que la pauvreté extrême et l'exclusion sociale doivent être considérées comme des violations de la dignité humaine et des droits de l'homme.
13. La demande a été reçue par courriel au Greffe de la Cour le 14 mars 2013.
14. Par lettre datée du 10 juin 2013, le Greffier a demandé à la Commission africaine si l’objet de la requête se rapportait à une affaire pendante devant elle.
15. Par lettre datée du 25 juin 2013, la Secrétaire exécutive de la Commission africaine a confirmé que l’objet de la requête ne se rapporte à aucune affaire pendante devant la Commission.
16. Par lettres distinctes, toutes datées du 3 juillet 2013, le Greffe a communiqué des copies de la demande à la Commission africaine et aux États membres, par le biais de la Présidente de la Commission de l’Union africaine (CUA), et à sa trentième session ordinaire tenue du 16 au 27 septembre 2013, la Cour a décidé d'inviter les États membres de l’Union africaine à déposer leurs observations écrites éventuelles relatives à cette demande, dans un délai de 90 jours.
17. Le 12 août 2013, le Greffe a reçu du Centre pour les droits de l'homme de l'Université de Pretoria (ci-après désigné « le Centre ») une demande d'autorisation pour déposer un mémoire d’amicus curiae. La Cour a donné autorisation au Centre pour agir en qualité
18. Le 24 septembre 2014, le Greffe a informé les États membres et les parties intéressées que le délai qui leur avait été fixé pour déposer leurs observations était arrivé à échéance et par lettre datée du même jour, le Greffe a demandé à la Commission de l'Union africaine de lui transmettre la liste officielle des organisations dotées du statut
19. Le 13 janvier 2015, la CUA a informé la Cour que les documents en sa possession indiquent que C n’est pas accrédité auprès de l’Union et n’a pas non plus signé de Protocole d'accord avec la CUA ou avec l’Union.
20. À sa trente-huitième session ordinaire tenue du 31 août au 18 septembre 2015, la Cour a demandé à C de présenter des observations sur le fond de la demande.
21. Le 29 janvier 2016, la Cour a reçu les observations de C sur le fond et par lettre datée du 16 février 2016, ces observations ont
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été communiquées aux États membres de l’Union africaine, qui ont été invités par la même occasion à répondre à ces observations s'ils le souhaitaient, dans un délai de quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la réception de la notification.
22. Entre le 5 mai et le 29 juin 2016, la Cour a reçu les observations écrites de la République de Zambie, de la République fédérale du Nigéria, de la République d’Ouganda, de la République du Cap-Vert, du Cg Cd et de la République du Burundi.
IV. Compétence de la Cour
A. _ Arguments de C
23. Les observations de C sur la compétence de la Cour sont présentées aux paragraphes 2 à 5 ci-dessus.
B. Observations des États membres“
24. Six (6) États membres de l’Union africaine ont déposé leurs observations, certaines portant sur la compétence de la Cour. Il s’agit des pays suivants :
i. la République d’Ouganda ;°
ii. ii. la République de Zambie ;°
iii. iii. la République fédérale du Nigéria ;”
iv. la République du Cap-Vert ;*
v. le Cg Cd ;°
vi. la République du Burundi.‘°
i. Observations de la République d’Ouganda
25. Dans ses observations relatives à la question de savoir si C est une organisation africaine au sens de l’article 4 du
4. Les organes de l'UA n’ont pas déposé d'observations.
5. Le 15 juin 2014.
6. Le 18 février 2014
7. Le 28 mars 2014
8. Le 29 juillet 2014
9. Le 22 septembre 2014.
10. Le 1“ juin 2016.
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Protocole, la République d’Ouganda fait valoir que « l’auteur de la demande en l’espèce [à savoir C] n’est pas une organisation intergouvernementale » et prie la Cour de « rejeter la demande ».
26. Sur la question de savoir si la Cour africaine a compétence pour émettre un avis consultatif sur cette demande, l’Ouganda fait valoir que :
« [L]a Cour n’a pas compétence pour émettre un avis en l'espèce. Cette affirmation se fonde sur les dispositions de l’article 26 du Règlement intérieur de la Cour. Nous demandons à la Cour de conclure que la demande dont elle est saisie appelle à une interprétation sur des points de droit et des points de fait. Bien que les articles soient clairs, l’auteur de la demande, sans vouloir l’offenser, n'a pas démontré en quoi il a subi un préjudice, ou en quoi il y a eu violation de la Charte. Pour ces raisons, nous prions la Cour de conclure qu’un avis consultatif n’est pas nécessaire et de rejeter la demande en conséquence ».
iii — Observations de la République de Zambie
27. Dans ses observations, la République de Zambie estime qu’avant d’examiner la demande de C, la Cour doit d’abord déterminer si C a qualité pour introduire une demande devant elle, en vertu des articles 4(1) du Protocole et 68(1) du Règlement intérieur de la Cour. Dans sa conclusion, la République de Zambie soutient que :
« C fait partie de la catégorie des institutions qui ont qualité pour saisir la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples d’une demande d’avis consultatif, en vertu des articles 4(1) du Protocole et 68(1) du Règlement intérieur de la Cour, puisqu'il figure sur la liste des organisations de la société civile qui jouissent du statut d’observateur auprès de la [Commission de l’Union africaine] 11 sous l'égide de l'UA. Cela signifie que C est reconnu par l’UA. De ce fait, C a qualité juridique pour introduire une demande d'avis consultatif devant la Cour ».
ii. Observations de la République fédérale du Nigéria
28. La République fédérale du Nigéria fait valoir que « C n’est pas une organisation africaine », et ajoute qu’ « il y a une distinction nette entre l’UA et un organe de l’UA. La reconnaissance par un organe de l’UA est différente de la reconnaissance par l’UA ».
29. S'agissant des arguments avancés par C tendant à
11. La République de Zambie fait certainement référence ici à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples car la Commission de l’Union n'accorde pas le statut d’observateur aux ONG.
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démontrer que sa demande d'avis consultatif n'est pas soumise aux dispositions de l'article 34(6) du Protocole, le Nigéria soutient que «l’article 34(6) interdit effectivement à la Cour l’examen de la demande de C, qui est une ONG enregistrée au Nigéria».
iv. Observations de la République du Cap-Vert
30. Dans ses observations, la République du Cap-Vert fait valoir qu'a priori, la demande appelle à s'interroger sur la légitimité dont jouit C pour l’introduire devant la Cour et conclut que :
« [l'exposé annexé à la demande indique effectivement que C est une ONG nigériane qui œuvre pour la promotion de la transparence et de la responsabilité dans les secteurs public et privé à travers les droits de l’homme. Il semblerait alors que C est une organisation africaine et, de ce fait, les dispositions de l’article 4 qui exigent qu’il doit s'agir d’une organisation intergouvernementale ne s'appliquent pas ».
31. Sur la question de savoir si C est reconnu par l’UA, le Cap-Vert estime que :
« C est doté du statut d’observateur auprès de la Commission africaine. … || serait raisonnable de conclure que C est reconnu par l'UA, étant donné qu’il jouit du statut d’observateur auprès d’un organe créé par l’Union ».
v. … Observations du Cg Cd et du Burundi
32. Le Cg Cd et le Burundi n’ont pas abordé la question de la compétence de la Cour.
V. Observations de l’amicus curiae : le Centre pour les droits de l’homme de l’université de Pretoria
33. Le Centre, en sa qualité d’amicus curiae et sur la base de l’article 45(1) du Règlement de la Cour, fait valoir que :
« [I]e sens ordinaire de l'expression « une organisation africaine reconnue par l’OUA », lue dans le contexte textuel du Protocole portant création de la Cour dans son ensemble et à la lumière de son objet et de son but, vient appuyer une interprétation qui intègre les ONG ».
600 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
34. Le Centre soutient que les travaux préparatoires du Protocole « portent à croire que l'expression une organisation africaine a été comprise dans son sens ordinaire par tous ceux qui ont participé à la rédaction du Protocole.” Il fait également valoir que l’usage du terme «une » dans l’expression « une organisation africaine » à l’article 4(1) du Protocole témoigne également de l'intention d’élargir l'accès à la Cour.
35. Toujours selon le Centre, la Cour a compétence pour émettre des avis consultatifs à la demande d’ONG tels que C, au sens de l’article 4,
«cela parce que, en effet, C remplit tous les trois critères de la troisième catégorie d’entités habilitées à solliciter des avis consultatifs auprès de la Cour, à savoir ‘une organisation africaine reconnue par l’OUA’. D'abord, compte tenu de sa situation géographique, de sa structure de gestion, de ses membres qui sont principalement africains et de son orientation thématique sur les questions africaines, C peut être qualifié d’ ‘africain’. Ensuite, il peut être qualifié d’ ‘organisation’, au sens ordinaire du terme et en raison du contexte de l’article 4(1) du Protocole. Enfin, C est ‘reconnu par l’UA’, ayant obtenu le statut d’observateur auprès de la Commission africaine depuis 2008 ».
36. Le Centre conclut que C est, de ce fait, «une organisation africaine reconnue par l’Union africaine» et qui peut, en conséquence, introduire des demandes d'avis consultatifs devant la Cour, en vertu de
l’article 4(1) du Protocole.
VI. Position de la Cour
37. En application des dispositions de l’article 39 de son Règlement intérieur, lu conjointement avec l’article 72 dudit Règlement, la Cour va déterminer si elle a compétence pour rendre un avis consultatif sur la demande dont elle est saisie. Les articles sus mentionnés sont libellés comme suit:
Article 39 (1) : « La Cour procède à un examen préliminaire de sa
Article 72 : « La Cour applique, mutatis mutandis, les dispositions du Titre IV du présent Règlement dans la mesure où elle les estime appropriées et acceptables ».
12. Article 28 du Protocole additionnel de la Commission internationale des juristes à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, 5ème atelier sur la participation des ONG à la Commission des droits de l'homme et des peuples (28- 30 novembre 1993) Addis-Abeba (Ethiopie).
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A. Compétence personnelle
38. Pour déterminer si elle a la compétence personnelle en l'espèce, la Cour doit s'assurer que C fait partie des entités ayant qualité pour introduire une demande d'avis consultatif, conformément à l’article 4 du Protocole.
39. L'examen de la compétence de la Cour l'amène à répondre à la première question soulevée par C concernant sa qualité pour saisir la Cour d’une demande d'avis consultatif.
40. L'article 4(1) du Protocole dispose qu’« À la demande d’un État membre de l’Union africaine, [de l’UA], de tout organe de l’UA ou d’une organisation africaine reconnue par l’UA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme… ».
41. Le fait que C ne relève pas des trois premières catégories mentionnées au paragraphe 37 ci-dessus'* ne fait l’objet d’aucune contestation. La Cour va en conséquence s’attarder uniquement sur la question de savoir si C est une « organisation africaine reconnue par l'UA ».
42. L'examen de la question ci-dessus requiert une définition des deux expressions utilisées à l’article 4(1) du Protocole, à savoir «organisation africaine » et « reconnue par l’UA ».
i. La notion d’ « organisation africaine »
43. La Cour relève que ni l’Acte constitutif de l'Union africaine, ni la Charte africaine, ni le Protocole ne donnent de définition de l'expression « organisation africaine ».
44. Cependant, dans son document intitulé Critères pour octroyer le statut d’observateur et pour un système d'accréditation au sein de l'UA,* l'Union africaine définit une organisation comme étant « une organisation d'intégration régionale ou intergouvernementale, à l'instar des organisations sous-régionales, régionales ou interafricaines qui ne sont pas reconnues comme communautés économiques régionales ». Le document définit une ONG comme étant une « organisation non gouvernementale aux niveaux sous régional, régional et interafricain, y compris celles de la diaspora telles que définies par le Conseil
13. Les trois premières catégories d’entités qui ont qualité pour saisir la Cour d’une demande d’avis consultatif sont : un État membre, l’UA elle-même ou les organes
14. EX.CL/195 (VII) Annexe V, adopté par la septième session ordinaire du Conseil exécutif et approuvé par la cinquième session ordinaire de la Conférence tenue à Syrte (Libye), respectivement du 1 au 2 et du 4 au 5 juillet 2005.
602 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
exécutif ». Cette définition est reprise dans le Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme qui définit le terme « organisation non gouvernementale africaine » comme « organisation non gouvernementale aux niveaux sous régional, régional ou interafricain, y compris celles de la diaspora telles que définies par le Conseil exécutif »."°
45. La Cour fait observer qu’il ressort du paragraphe précédent qu’il n’y a pas encore de définition de ce qu’est « une organisation africaine ». Elle relève cependant que le terme organisation est défini. 46. La Cour estime que l’utilisation du terme « Organisation » dans les instruments cités plus haut et de l'expression « Organisation africaine » à l’article 4 du Protocole couvrent aussi bien les organisations intergouvernementales que les organisations non gouvernementales. 47. La Cour est d'avis que si les rédacteurs du Protocole avaient voulu limiter l'expression « Organisation africaine » telle qu'elle est utilisée à l’article 4 du Protocole, aux seules organisations intergouvernementales africaines, ils l’auraient précisé de manière explicite comme ils l’ont fait à l’article 5 qui porte sur les affaires contentieuses. La Cour est d'avis qu’il ne s'agit pas d’une omission, mais d’une formulation délibérée, destinée à donner un accès étendu à la Cour aux organisations africaines ; ce qui est une interprétation conforme à l'esprit et à la lettre de l’article 4 ainsi qu’au but et à l'objectif de la Charte.
48. À la lumière de ce qui précède, la Cour considère que, lorsqu'il s’agit des ONG concernées par la présente demande, une organisation peut être considérée comme étant « africaine », si elle est enregistrée dans un État africain et est dotée de structures aux niveau sous-régional, régional ou continental et elle mène des activités au-delà du territoire dans lequel elle est enregistrée, de même que toute organisation de la Diaspora reconnue comme telle par l’union africaine.
49. Sil’on applique la définition ci-dessus de la notion d'organisation africaine à l'affaire en l'espèce, la Cour fait observer que C est une organisation dont le siège se trouve dans un pays africain et qu’il mène ses activités dans ce pays, aux niveaux sous-régional et continental. L'article 2(a) de ses statuts prévoit que C a pour objectifs de « promouvoir, protéger et assurer le respect des droits économiques, sociaux et culturels au Bo, conformément à la Constitution nigériane, à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, au Pacte international relatif aux droits économiques,
15. Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme, Préambule, paragraphe 6.
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sociaux et culturels, à la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux autres instruments similaires ». L'article 3 de ses statuts décrit les méthodes de travail qu’il utilise, sont notamment de « collaborer avec les organisations et les agences locales et internationales engagées dans la promotion et la protection des droits de l'homme et de l’état de du droit, en particulier encourager un réseau étroitement connecté et efficace de défenseurs et d'organisations africains des droits de l'homme ».
50. Dans l'exercice de son mandat, C a saisi la Cour de justice communautaire de la CEDEAO, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, de requêtes et de demandes d’avis consultatif visant un certain nombre de pays africains dont le Bo, la Gambie et la Libye. 51. || découle de ce qui précède que C mène ses activités non seulement au Nigéria, mais aussi dans la région ouest-africaine et sur le continent tout entier ; il répond ainsi à la description d’une organisation africaine, au sens de l’article 4 du Protocole.
ii. Sens de l’expression « reconnue par l’Union africaine »
52. Le demandeur et certains États, de même que l’amicus curiae ont soutenu que toute ONG ayant un statut d’observateur auprès de tout organe de l’Union africaine, et en particulier de la Commission est, de ce fait, automatiquement une organisation reconnue par l’Union africaine, au sens de l’article 4(1) du Protocole.
53. De l'avis de la Cour, seules les ONG africaines reconnues par l'Union africaine en tant qu’organisation internationale dotée d’une personnalité juridique propre sont visées par cet article, et peuvent demander un avis consultatif à la Cour. En effet, non seulement l’article 4 (1) du Protocole établit une distinction claire entre « l’Union africaine » d’une part et « tout organe de l’Union africaine » d'autre part, mais dans les faits, l'Union africaine a instauré un système de reconnaissance des ONG, distinct de celui de la Commission.
54. Conformément à l’article 4(1) du Protocole, lorsqu'il s'agit de déterminer les entités habilitées à introduire une demande d’avis consultatif, le Protocole marque clairement la distinction entre l'Union africaine et tout organe de l’Union africaine, et vise les deux séparément. Mais lorsqu'il s’agit de qualifier les organisations africaines habilitées à demander des avis consultatifs à la Cour, le même Protocole, dans la même disposition vise uniquement celles qui sont reconnues par l’Union africaine et reste silencieux sur celles éventuellement reconnues par tout organe de l’Union africaine. Si les auteurs du Protocole avaient voulu viser également les organisations africaines reconnues par tout organe de l’Union africaine, ils n'auraient
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certainement pas manqué de le préciser. En particulier, s'ils avaient voulu viser la reconnaissance par la Commission à travers l'octroi du statut d’observateur, ils l’auraient mentionné de manière explicite comme ils l’ont fait à l’article 5 où la référence au statut d’observateur auprès de la Commission est indiquée en termes explicites, s'agissant de la saisine de la Cour en matière contentieuse.
55. Les États membres de l’Union africaine ne l’ayant pas fait, l’on est bien obligé de conclure que c'est de manière délibérée qu'ils n’ont pas souhaité inclure les organisations africaines reconnues par un organe de l’Union africaine autre que ceux qui sont mandatés pour interagir directement avec l’organisation continentale.'°
56. Enl’espèce, l'expression « reconnues par l'Union africaine » ne saurait s'entendre comme signifiant « reconnues par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples ».
57. Il est établi que dans le système de l'Organisation continentale, l'octroi du statut d’observateur à une ONG constitue une des formes de reconnaissance de celle-ci.
58. S'agissant de la Commission, son Règlement intérieur d'août 2010 prévoit, en son article 68, que le statut d’observateur peut être octroyé à des ONG actives dans le domaine des droits de l'homme en Afrique, et qu’elles jouissent des droits et s'acquittent des devoirs tels que stipulés dans une résolution séparée. En l'occurrence, la Résolution n° 33 sur la révision des critères d'octroi et de jouissance du statut d’observateur aux ONG s'occupant des droits de l'homme auprès de la Commission, adoptée lors de sa 25° session ordinaire, tenue du 26 avril au 5 mai 1999 indique, dans son Annexe, les critères d'octroi de ce statut, la procédure à suivre devant la Commission ainsi que les droits et les obligations des ONG dotées de ce statut. La résolution précise naturellement que c'est la Commission qui octroie, suspend ou retire ce statut à l'ONG, le cas échéant.
59. Par ailleurs, dans son Règlement intérieur, articles 32(3)(e) et 63(1), la Commission fait elle-même la distinction entre les ONG dotées du statut d’observateur auprès d'elle d’une part, et les organisations reconnues par l'Union africaine d’autre part, en ce qui concerne la possibilité pour elles de proposer ou d’ajouter des points à inscrire à l’ordre du jour de la session ordinaire de la Commission.
60. Pour ce qui est de l'Union africaine proprement dite, elle a, de façon séparée, elle-même en tant qu’organisation internationale,
16. Cette interprétation de l'expression « reconnue par l’Union africaine » à l’article 4 (1) du Protocole se fonde sur l’article 31 (1) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, qui dispose qu’ « [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ».
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déterminé, non seulement les critères d'octroi du statut d’observateur aux ONG, mais également la procédure à suivre, ainsi que les organes compétents à cet effet. Par décision EX.CL 195 (VII), Annexe V du ler au 2 juillet 2005, le Conseil exécutif de l'Union africaine a adopté les « Critères d'octroi du statut d’observateur et pour un système d'accréditation auprès de l'Union africaine », et ce document a été entériné par la Ve session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l'Union en juillet 2005.
61. S'agissant de l’octroi du statut d’observateur aux ONG, le document précise les principes applicables, la procédure de demande, ainsi que les droits et les obligations qui résultent de ce statut pour les bénéficiaires. Il s'ensuit que la demande doit être soumise à la Commission de l’Union africaine qui la transmet à son tour au Conseil Exécutif, à travers le Comité des Représentants permanents. Il en ressort aussi que c'est le Conseil exécutif qui est investi du pouvoir d’octroyer, de suspendre ou de retirer le statut d’observateur à une ONG. Le document précise enfin que « [l’] octroi, la suspension et le retrait du statut d’observateur d’une ONG non gouvernementale [sic] sont la prérogative de l'Union africaine et ne peuvent être l’objet de décision judiciaire d’une instance juridictionnelle» [section V, 6].
62. Une telle reconnaissance n'étant valable que si elle émane de l'autorité compétente suivant le droit interne de l'Organisation internationale concernée, la reconnaissance par l’Union africaine n’est valable que si elle émane de l’organe compétent, en l’occurrence le Conseil exécutif de l'Union africaine.
63. || résulte de cette distinction entre les deux systèmes que les ONG dotées d’un statut d’observateur auprès de la Commission n’ont pas automatiquement le statut d’observateur auprès de l’Union africaine et vice-versa. Les deux statuts ne sont donc pas interchangeables et il n’existe pas de système d'équivalence entre les deux.
64. De ce qui précède, il est clair que les auteurs du Protocole envisageaient que la saisine en matière consultative par les ONG soit limitée à celles qui sont dotées du statut d’observateur auprès de l'Union africaine ou ayant signé un Protocole d’accord avec celle-ci.
65. Enconséquence, C n’étant pas doté du statut d’observateur auprès de l’Union africaine et n'ayant pas signé de Protocole d'accord avec celle-ci, comme indiqué au paragraphe 61 ci-dessus, il n’est pas reconnu par l’Union et il n’a donc pas qualité pour saisir la Cour d’une demande d'avis consultatif.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Dit qu’elle n’a pas la compétence personnelle pour émettre un avis sur la présente demande.
606 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
Opinion individuelle : BEN ACHOUR
1. Je suis dans l'ensemble d'accord avec le raisonnement et les motifs développes par la Cour pour considérer que le demandeur d'avis (C) « [mJene ses activités non seulement au Nigeria, mais dans la région ouest-africaine et sur le continent tout entier [et qu’il] répond ainsi à la description d’une organisation africaine, au sens de l’article 4 du Protocole » ($51) ; mais que cependant « C, n’étant pas doté du statut d’observateur auprès de l'Union africaine et n'ayant pas signé de Protocole d’accord avec celle-ci [...], il n’est pas reconnu par l’Union et n’a donc pas qualité pour saisir la Cour d’une demande d'avis consultatif » (para 65).
2. La Cour n’avait pas le choix et ne pouvait faire autrement. Elle était ‘ligotée’ par les termes explicites de l’article 4(1) de son Protocole‘ et par la pratique restrictive de l'Union en matière d'octroi de la qualité d'observateur auprès d'elle aux ONG.
3. Il aurait été souhaitable que la saisine de la Cour soit plus ouverte en matière consultative et que les conditions imposées aux ONG soient moins rigides. La Cour avait formulé semblable souhait dans son avis consultatif du 5 décembre 2014 (Comite africain d’experts sur les droits et le bien-être des enfants). Dans le paragraphe 94 dudit avis, la Cour « [flait en outre observer que cette décision des organes politiques [insertion du Comité d’experts parmi les organes pouvant saisir la Cour dans le Protocole de 2008, portant fusion entre la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et la Cour de justice de l'UA] confirme d’une part l’avis de la Cour, à savoir qu’il est hautement souhaitable que le Comite soit habilité à saisir la Cour ». Dans le même sens, la Cour affirme dans le point 3 (iii) du dispositif de son avis que « L[a] Cour est d'avis que le Comité devrait être habilite à saisir la Cour en vertu de l’article 5(1) du Protocole ».
4. Cependant mon accord avec les motifs invoqués par la Cour dans l’avis C n’emporte pas mon agrément avec le dispositif dudit avis.
5. Selon moi, la Cour a donné son avis (négatif) sur la première des deux questions posées par C dans sa demande d'avis, question qui consiste à savoir « si C est une organisation africaine reconnue par l’UA ».
1. « À la demande d’un Etat membre de l’OUA, de l'OUA, de tout organe de l'OUA ou d’une organisation africaine reconnue par l'OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, a condition que l’objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission ».
C (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 593 607
6. Il est vrai, comme le relevé très justement la Cour, que cette question se ramené à l'examen de la compétence de la Cour à donner un avis consultatif. Dans le paragraphe 39, la Cour affirme « [ l'examen de la compétence de la Cour l’a mené à répondre à la première question soulevée par C concernant sa qualité pour saisir la Cour d’une demande d'avis consultatif ».
7. En toute logique, le dispositif de l’avis aurait dû avoir une formulation différente de celle consistant en une ‘déclaration’ rigide d’incompétence rationae personne.
8. Amon avis, la Cour aurait dû terminer son avis en réaffirmant ce qu’elle avait développe dans les motifs, à savoir que :
A C est une organisation africaine au sens de l’article 4(1) du Protocole
ii. C n’est pas reconnue par l'UA
iii. La Cour ne peut en conséquence répondre a la deuxième question posée par C de savoir « si la pauvreté extrême, systématique et généralisée constitue une violation de certaines dispositions de la Charte africaine, notamment l’article 2 qui interdit la discrimination fondée sur ‘toute autre situation’ » pour défaut de qualité du demandeur d’avis.
9. Cette position trouve des fondements solides dans la jurisprudence de la Cour permanente de justice internationale (CPJI) et dans celle de son héritière, la Cour internationale de justice (CIJ).
10. Concernant la CPJI, l’auguste Cour a eu à rejeter une demande d'avis a une seule reprise. Il s’agit de l’avis du 23 juillet 1923, Statut de la Carélie orientale. Dans cet avis, la Cour ne déclare pas qu’elle n’a pas compétence. Elle explique que son refus discrétionnaire de donner l'avis consultatif demande a été motivé par les facteurs suivants :
1. le fait que la question posée dans la requête pour avis consultatif avait trait à un différend entre deux Etats (Finlande et Russie) ; 2. le fait que répondre a la question équivalait à trancher ce différend ;
3. le fait que l’un des Etats parties au différend au sujet duquel a été demande un avis consultatif, la Russie, n’était ni partie au Statut de la C.P.J.l., ni, a l’époque, membre de la Société des Nations, et avait refusé de donner son consentement ;
4. le fait que la Société des Nations n’avait pas compétence pour traiter d’un différend impliquant des Etats non membres qui refusaient son intervention, et ce, en vertu du principe fondamental selon lequel aucun Etat ne saurait être oblige de soumettre ses différends avec les autres Etats, soit à la médiation, soit à l'arbitrage, soit enfin à n'importe quel procède de solution pacifique, sans son consentement ;
5. le fait qu’à la suite du refus russe la Cour ne pouvait établir contradictoirement les faits, et se trouvait donc devant l'absence
608 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
concrète de « renseignements matériels nécessaires pour lui permettre de porter un jugement sur la question de fait » pose dans la demande d'avis consultatif.
11. De son côté, la ClJ a toujours estime qu’ « [e]n principe, la réponse à une demande d’avis ne doit pas être refusée »°° et « [q]qu’il faudrait des raisons décisives pour déterminer la Cour a opposer un refus a une demande d’avis consultatif »*. Parmi les raisons décisives invoquées par la Cour figurent le caractère non juridique des questions,® les questions qui concerneraient des affaires relevant essentiellement de la compétence nationale,“ ou encore les questions qui devraient conduire a « trancher au fond un litige pendant »”, etc.
12. Comme la CPJI, la CIJ a refusé a une seule reprise de donner suite à une demande d’avis consultatif. Il s'agit de l'avis sur la demande de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la licéité de | ‘utilisation des armes nucléaires dans les conflits armes&. Dans sa demande, l’OMS priait la Cour de se prononcer sur la question suivante : «[C]compte tenu des effets des armes nucléaires sur la santé et l’environnement leur utilisation par un Etat au cours d’une guerre ou d’un autre conflit armé constituerait-elle une violation de ses obligations au regard du droit international, y compris la Constitution de l'OMS? ». Se référant à l’article 2 de la Constitution de l'OMSS ° qui énumère les 22 fonctions conférées à l'Organisation, la Cour relevé que « [AJucun de ces points ne vise expressément la licéité d’une quelconque activité dangereuse pour la santé; et aucune des fonctions de l'OMS n’y est rendue tributaire de la licéité des situations qui lui imposent d’agir » (para 20). Plus loin, la Cour ajoute à propos
2. CPJI. Avis consultatif, Statut de la Carélie orientale, 23 juillet 1923, Série B, n°5.
3. CIJ, Avis consultatif du 3 mars 1950 , Compétence de l'Assemble générale pour l’admission d’un Etat membre aux Ch AH, Rec. 1950, P. 71.
4. CIJ, Avis consultatif du 8 juillet 1996, Licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires, Rec. P. 235, $ 14 ; Avis consultatif du 9 juillet 2004, Conséquences juridiques de l'édification d’un mur dans le territoire palestinien occupe, Rec. 2004, p. 156 - 157, $ 44.
5. CIJ, Avis consultatif du 20 juillet 1962, Certaines dépenses des Ch AH, Rec. 1962, p.155.
6. CIJ, Avis consultatif du 3 mars 1950 déjà cite, p. 70.
7. CIJ, Avis consultatif du 15 décembre 1989, Applicabilité de la section 22 de l'article VI de la Convention sur les privilèges et immunités des Ch AH, Rec. P. 177
-221.
8. CIJ, Avis consultatif du 8 juillet 1996 déjà cite.
9. La Constitution de l'OMS a été adoptée et ouverte a signature le 22 juillet 1946;
elle est entrée en vigueur le 7 avril 1948 et a été amendée en 1960, 1975, 1977,
1984 et 1994.
C (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 593 609
de l’article 2 de la Constitution de l'OMS relatif aux moyens confères a l'Organisation pour atteindre ses buts que « [I]Jes dispositions de l’article 2 peuvent être lues comme habilitant l’organisation à traiter des effets sur la santé de l’utilisation d’armes nucléaires, ou de toute autre activité dangereuse, et à prendre des mesures préventives destinées à protéger la santé des populations au cas où de telles armes seraient utilisées ou de telles activités menées » (para 21). Cependant, la Cour constate que « La question posée en l’espèce a la Cour porte, toutefois, non sur les effets de l’utilisation d’armes nucléaires sur la santé, mais sur la licéité de l’utilisation de telles armes compte tenu de leurs effets sur la santé et l’environnement. Or, quels que soient ces effets, la compétence de l'OMS pour en traiter n’est pas tributaire de la licéité des actes qui les produisent. En conséquence, i/ n'apparait pas à la Cour que les dispositions de | ‘article 2 de la Constitution de l'OMS, interprétées suivant les critères sus-indiques, puissent être comprises comme conférant compétence a l’Organisation pour traiter de la licéité de l’utilisation des armes nucléaires, et, des lors, pour poser à la Cour une question à ce sujet » (821).° Et la Cour de conclure «Etant parvenue à la conclusion que la demande d'avis consultatif présentée par l'OMS ne porte pas sur une question qui se pose (dans le cadre de [l'Jactivité» de cette organisation conformément au paragraphe 2 de l’article 96 de la Charte, la Cour constate qu’une condition essentielle pour fonder sa compétence en l’espèce fait défaut et qu’elle ne peut, par suite, donner l'avis sollicite. En conséquence, la Cour n’a pas à examiner les arguments qui ont été développes devant elle concernant l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de donner un avis » (para 31). 13. Ainsi,comme la Cour de céans, la ClJ conclut à son incompétence à donner l'avis. Cependant, dans le dispositif de l’avis, la Cour « [D] It qu’elle ne peut donner” l'avis consultatif qui lui a été demande aux termes de la résolution WHA46.40 de l’Assemblée mondiale de la Sante en date du 14 mai 1993 ». C’est ce que la CAfDHP aurait dû dire concernant C
14. En conclusion, il ne reste qu’à formuler l’espoir de voir l'Union africaine procéder à un amendement de l’article 4(1) du Protocole dans le sens de l’ouverture des possibilités de saisine de la CAfDHP et d'assouplissement des conditions requises des ONG pour que leur demande d’avis rentre dans le champ de compétence de la Cour ; ou alors, la voie de l'amendement étant incertaine, d’accorder ses critères d'octroi du statut d’observateur aux ONG avec ceux de la Commission
10. Non soulignes dans le texte.
610 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
de Banjul.
15. Enfin, remarquons, que malgré leur refus des demandes d’avis dans les cas de la Carélie orientale et de la licéité de | ‘utilisation des armes nucléaires, la CPJ| comme la CIJ n’ont pas hésité a intituler leurs deux décisions de refus d’avis consultatif. En effet, C’est la nature de la demande qui détermine la nature de la décision et sa qualification non l’issue réservée à la demande.‘
Opinion individuelle : MATUSSE
1. La Cour a estimé, à l’unanimité, qu’elle n'avait pas la compétence personnelle pour émettre l’avis consultatif demandé par C. Et pourtant, elle qualifie « d'Avis consultatif », la procédure par laquelle elle est arrivée à cette conclusion. Je ne partage pas cette position et j'exprime ici mon opinion individuelle, qui est basée sur les motifs suivants :
I Forme des actes de la Cour
2. Les instruments juridiques qui régissent la Cour, à savoir le Protocole? et le Règlement intérieur ne donnant aucune indication quant à l'appellation de chacune des différentes formes que peuvent prendre ses actes. Néanmoins, la pratique, qui est devenue la norme est l’utilisation des appellations ci-après : « Ordonnance », « Décision » et « Arrêt ».
3. En adoptant les expressions ci-dessus, la Cour n’a pas fait preuve de cohérence dans sa pratique, dans la mesure où elle a utilisé la même expression pour désigner des actes différents, à des moments différents, comme il est démontré ci-après :
1. Voir en sens contraire, l'opinion du juge Matusse sous cet avis.
2 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une cour africaine des droits de l'homme et des peuples.
C (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 593 611
ii. Pratique de la Cour
4. Dans les demandes d’avis consultatifs numéros 002/2011,° 001/2012* et 001/2014,° la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l'acte par lequel elle a décidé de rejeter les demandes au motif que les requérants les avaient soit abandonnées, soit avaient fait preuve d’un manque d'intérêt pour poursuivre les procédures.
5. Dans la Demande d'avis consultatif n° 002/2012,° la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l’acte par lequel elle a décidé de ne pas examiner la demande, au motif que celle-ci se rapportait à une affaire pendante devant la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission).
6. Dans la Demande d’avis consultatif n 001/2015,7 la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l’acte par lequel elle a décidé de rejeter la demande au motif que les auteurs n'avaient pas précisé les dispositions de la Charte ou de tout autre instrument relatif aux droits de l'homme à propos desquelles l’avis est demandé, conformément à l'article 68(2) du Règlement intérieur de la Cour.
7. Dans la Demande d'avis consultatif numéro 002/2013, la Cour s’est prononcée sur le fond de la demande en rendant un « Avis consultatif ».
8. En d’autres termes, dans les cas où la Cour n’est pas arrivée jusqu’à l'étape de l'examen de la demande sur le fond, et a décidé de la radier du rôle en raison d’un manque d'intérêt de la part de son auteur ou du non-respect des exigences prévues à l’article 68, la Cour a décidé de désigner l’acte qu’elle rend par le terme « Ordonnance ». 9. En matière contentieuse, la Cour a rendu sous le terme d’ « Ordonnance » un acte par lequel elle déclarait : n'avoir pas
3 Demande d'avis consultatif de l'avocat Bp Bz au nom de la « Grande Bs arabe libyenne populaire et socialiste », arrêt du 30 mars 2012.
4 Demande d'avis consultatif par Y Aj & Cf Bg AIC), « Ordonnance » du 15 mars 2013.
5 Demande n° 001/2014 - Coalition on the International Criminal Court Ltd/gte(cicen), Am Ab X Assistance Project Ltd/gte (LEDAP), Civil Cb Ar X … … ……… … … … … … Ltd/gte (WARDC), « Ordonnance » du 5 juin 2015.
6 Demande n° 002/2012 - Union panafricaine des avocats (PALU) et An Ag Br Centre (SALC), « Ordonnance » du 15 mars 2013.
7 Demande n° 001/2015 - Coalition on the International Criminal Court LTD/GTE, « Ordonnance » du 29 novembre 2015.
8 Demande n° 002/2013 - Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant sur le statut du Comité africain d'experts sur les droits et le bien- être de l'enfant devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, « Ordonnance » du 5 décembre 2014.
612 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
compétence pour connaître d’une affaire,’ ou poursuivre l'examen de
l’affaire,‘° ou procéder à une jonction d’instances des requêtes ;" ou
encore rejeter la requête en raison du manque d'intérêt de la part du Requérant pour continuer la procédure.‘
10. Toujours en ce qui concerne les affaires contentieuses, la
Cour a rendu sous le nom d’« Arrêt » un acte pour dire que certaines
L'appellation « Ordonnance » est également utilisée dans la plupart
des ordonnances portant mesures provisoires que la Cour a rendues”.
11. La Cour a largement utilisé le terme « Décision » pour dire
qu’elle n’avait pas compétence pour examiner des affaires en matière
9 Requête n° 019/2015 - Ba Bd c. Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, « Ordonnance » du 20 novembre 2015.
10 Requête n° 016/2015 — Général Z AJ et autres c. République du Rwanda, « Ordonnance » du 3 juin 2016.
11 Requête numéros 009 et 011/2011 - By Bk Af et Legal and Bt Aj Centre et Ae Bw Bn Bc c. République-Unie de Tanzanie, « Ordonnance » du 22 septembre 2011.
12 Requête n° 002/2015 - Collectif des Anciens Travailleurs du Laboratoire (ALS) c. République du Mali, « ordonnance » du 5 septembre 2016.
13 Requête n° 003/2012 - Peter Bq Aa c. République-Unie de Tanzanie, « décision » du 28 mars 2014 ; Requête n° 003/2011 - Av Bj c. République du Malawi, « arrêt » du 21 juin 2013.
14 Requête n° 001/2008 : Ce Bx c. République du Sénégal, « arrêt » du 15 décembre 2009 ; Requête n° 001/2011 - Ba Bd c. Union africaine, « arrêt » du 26 juin 2012.
15 À savoir : Requête n° 016/2015 - Général Z AJ et autres c. République du Rwanda, « Ordonnance » du 24 mars 2017. Requête n° 004/2013 — Aq Al Bh c. Cg Cd, « Ordonnance » du 4 octobre 2013 ; Requête n° 002/2013 - Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye, « Ordonnance » du 15 mars 2013.
16 Requête n° 002/2011 - At Aw c. République démocratique populaire d'Algérie, « Décision » du 16 juin 2011 ; Requête n° 005/2011 - Bl Ap et As Ap c. République du Mozambique et Mozambique Airlines, « Décision » du 16 juin 2011 ; Reg. n° 006/2011 - Association des Juristes d'Afrique pour la Bonne Cc c. République de Côte d'Ivoire, « Décision » du 16 juin 2011; Requête n° 007/2011 - Ca Aw c. Royaume du Maroc, « Décision » du 2 septembre 2011; Requête n° 008/2011 - Ekollo M. Ci c. République du Cameroun et République fédérale du Nigeria, « Décision » du 23 septembre 2011; Requête n° 010/2011 - Ay Ao'o Ac c. Parlement panafricain, « Décision » du 30 septembre 2011; Reg. N° 012/2011 — Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c. République du Gabon, « Décision » du 15 décembre 2011 ; Requête n° 002/2012 - Ax Ai Au B, M. et Mme AG de Ad c. République d'Afrique du Sud, « décision » du 30 mars 2013 ; Requête n° 004/2012 - Bv Bq Bf et autres c. République d'Afrique du Sud, « décision » du 30 mars 2012 ; Requête n° 005/2012 - Amir Be Bm c. République du Soudan, « décision » du 30 mars 2012.
C (avis consultatif) (2017) 2 RICA 593 613
12. Dans la Demande d’avis consultatif objet de la présente Opinion individuelle, la Cour a conclu qu’elle n'avait pas la compétence personnelle et pourtant elle désigne cet acte par « Avis consultatif », ce qui est pour le moins contradictoire.
13. À mon avis, soit la Cour est compétente, auquel cas elle émet un avis consultatif, soit elle n’a pas compétence en l'espèce et elle n’émet pas d'avis consultatif.
14. Mes éminents collègues Juges ont sans doute été influencés par le fait que dans sa demande, C invitait la Cour à examiner sa qualité pour la saisir, en vertu de l’article 4(1) du Protocole. Et pourtant, cette question aurait été examinée par la Cour, étant donné que conformément à l’article 39(1) du Règlement intérieur de la Cour en tout état de cause, applicable en vertu de l’article 72 du même Règlement, « [La] Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence et des conditions de recevabilité de la requête… » (C’est moi qui souligne), avant de pouvoir statuer sur toute affaire dont elle est saisie.
15. À mon avis, l’article 39(1) du Règlement oblige la Cour à procéder à un examen préliminaire afin de vérifier sa compétence et la recevabilité de la requête, une procédure qui, en aucune manière, ne saurait être désignée par « Avis » en soi, même si, dans les cas où la Cour a la compétence juridictionnelle, la décision sur la compétence et la recevabilité forment partie intégrante de l’avis consultatif émis, comme ce fut le cas en la Demande d’avis consultatif n° 002/2013.
16. C’est pour cette raison que je pense que l'examen préliminaire, au sens de l’article 39(1) du Règlement, est une procédure qui est clairement différente de l'émission d’un avis consultatif, même si quelquefois elle en forme une partie intégrante.
17. En d’autres termes, lorsqu’après examen préliminaire la Cour conclut qu’elle n’est pas compétente, elle ne peut en aucun cas désigner par le terme « Avis consultatif » l’acte par lequel elle est parvenue à cette conclusion.
18. En droit comparé, lorsque la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) décide de ne pas émettre d’avis consultatif, elle adopte une forme de « Résolution »"” et non pas un « Avis consultatif ». Même lorsqu'elle émet un « Avis consultatif », elle établit une distinction
17 Résolution de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, du 23 juin 2016, Demande d'avis consultatif introduite par le Secrétaire général de l'organisation des Etats américains ; Résolution de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, 27 janvier 2009 ; demande d'avis consultatif introduite par la Commission interaméricaine des droits de l'homme.
614 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
claire entre la section consacrée à sa compétence (dans laquelle elle détermine si elle a compétence sur la demande d’avis consultatif) et la section relative à l’avis consultatif lui-même (dans laquelle elle donne son avis sur la question dont elle a été saisie, dans le cas où elle conclut qu’elle est compétente pour émettre un tel avis consultatif).'© 19. Dans la demande d’avis consultatif introduite par le Conseil de la Société des Nations relative à l’affaire Bi c. Finlande, la Cour permanente de justice internationale (CPJI) a implicitement‘° utilisé l'expression « Avis consultatif »? lorsqu’elle a constaté qu’elle pouvait émettre l'avis consultatif en raison du refus ad hoc de la Russie de reconnaître sa compétence. Toutefois, il s'agit d’un précédent incongru et isolé qui remonte à un siècle et qui ne peut pas être invoqué en l'espèce. En réalité, ce précédent n’a jamais inspiré une quelconque position de la Cour dans ses décisions antérieures sur les demandes
iv. Mon opinion
20. Amonavis, pour les raisons exposées ci-dessus, la Cour devrait utiliser le terme « Décision » pour désigner les actes par lesquels elle procède à un examen préliminaire de sa compétence et de la recevabilité des demandes en vertu des dispositions de l’article 39 de son Règlement intérieur. En effet, la pratique récurrente qui consiste à utiliser le terme « Décision » lorsqu'elle se déclare incompétente pour statuer sur les affaires contentieuses, s'applique parfaitement en matière consultative. Cela d'autant plus que l’article 72 du Règlement intérieur exige de la Cour, pour les avis consultatifs, d'appliquer mutatis mutandis les dispositions relatives à la procédure contentieuse.
21. L'appellation « Décision » éviterait de donner l'impression erronée que l’acte est un avis consultatif, que la Cour n’a pas émis en fait. En revanche, la Cour de céans gagnerait à rester plus cohérente en utilisant les appellations appropriées pour désigner ses actes, ce qui l’'amènera à s’aligner sur sa jurisprudence bien établie, dans laquelle elle utilise le terme « Décision » lorsqu'elle détermine sa compétence pour les affaires contentieuses.
18 Avis consultatif OC-21/14 du 19 août 2014 demandé par la République d'Argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale d’Uruguay ; Avis consultatif OC-20/09 du 29 septembre 2009 demandé par la République d'Argentine.
19 Pourquoi pas formellement désignée comme telle. Ce n’est qu’à la fin de la disposition qu’il est fait mention du « (...) Présent Avis … (..) ».
20 Décision de la troisième session ordinaire du 23 juillet 1923, Dossier F. c. V Rôle
Carelie_orientale_Avis_consultatif.pdf, consultée le 24.05.2017.