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Demande d’avis consultatif par la Rencontre Africaine pour
la Défense des Droits de l'Homme (avis consultatif) (2017)
Requête 002/2014 Demande d'avis consultatif par la Rencontre Africaine
pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO)
Avis consultatif, 28 septembre 2017. Fait en anglais et en français, le
texte français faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR, BOSSA
et MATUSS
La Cour a estimé qu’elle n’est pas compétente pour examiner une
demande d’avis consultatif émanant d’une ONG non reconnue par
l’Union africaine.
Compétence (demande d’avis consultatif, organisation africaine, 30-
32 ; reconnue par l’Union africaine, 36, 37)
Opinion individuelle : BEN ACHOUR
Compétence (demande d’avis consultatif, 8, 9)
Opinion individuelle : MATUSSE
Procédure (décision, 13, 15, 20)
1 La présente demande datée du 18 juin 2014 a été déposée au Greffe le 19 juin 2014 par La Rencontre Ag pour la Défense des Droits de l'Homme (ci-après dénommée « le Demandeur »).
| Le Demandeur affirme être une organisation non gouvernementale de défense des droits de l'homme créée en 1990, au Sénégal, par des Africains de différentes origines et dont l’objectif principal est de « promouvoir, défendre et protéger les droits de l'homme en Afrique et à travers le monde ».
I. Circonstances et objet de la demande
2 Le Demandeur affirme que dans le cadre de l’accomplissement de sa mission il est « … saisi chaque fois qu’un fait juridique générateur de violations des droits humains et de certaines dispositions d’instruments juridiques national, régional ou international survient. C’est le cas pour les changements anticonstitutionnels de gouvernement et pour les violations des droits de humains dans un État partie aux instruments juridiques régionaux ou internationaux, telles que les atteintes à la liberté d'aller et de venir, aux libertés d'expression, de manifestation, de réunion et de participation, des atteintes à l'indépendance de la justice,
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des actes de torture, des crimes contre l’humanité, des violations du droit international et du droit international humanitaire ». Le Demandeur considère que cette demande d’avis consultatif lui permettra d’être «… plus efficace dans son action et de mieux informer les victimes …»
3 La présente demande d'avis consultatif est axée sur trois questions essentielles, à savoir :
4 Premier question : il est demandé à la Cour de lui fournir des éclaircissements sur la question de savoir si, à la lumière de l’article 13 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte »), de l'article 23 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la AG (ci-après dénommée « la Charte africaine sur la démocratie »), de l’article 4 de l'Acte constitutif de l'Union africaine et de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après dénommé « le PIDCP ») :
a Est-il possible d’engager une action en justice devant la Commission ou devant la Cour africaine contre un État suite à : un changement anticonstitutionnel de gouvernement, d'autant plus qu'aucune juridiction nationale n’a compétence pour connaître d’une telle action.
Sitel est le cas, qui serait habilité à engager une telle action — les citoyens du pays concerné ou toute organisation non gouvernementale africaine des droits de l'homme reconnue par l’Union africaine - et dans quels délais ?
si, après un changement de gouvernement anticonstitutionnel, il est organisé une élection présidentielle, cette nouvelle donne empêche-t-elle toute action à l’encontre de l’État incriminé pour un tel changement de gouvernement ?
5. Deuxième question : Il est demandé à la Cour de clarifier :
a le sens de la notion de « violations graves ou massives des droits de l'homme » visée à l’article 58 (1) de la Charte ;
si cette disposition engage uniquement la responsabilité directe de l’État ou si elle engage aussi sa responsabilité indirecte, lorsque les violations en question sont le fait de milices pro- gouvernementales ou qu’elles découlent de l’inaction de l’État ;
Enfin, les critères applicables pour constater l’urgence dont il est question à l'alinéa 3 de l’article 58 de la Charte.
6 Troisième question il est demandé à la Cour de fournir des éclaircissements sur la question de savoir si l'équité et l’impartialité du système de justice prescrites par les articles 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et 14 du PIDCP et les Directives et Principes de la Commission africaine sur le droit à un procès
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équitable et assistance judiciaire en Afrique (2003), sont compatibles avec l'expression d’un soutien politique à un pouvoir politique par le système judiciaire ou par ses hauts responsables, en particulier, lorsque ce soutien est exprimé collectivement (par une marche) ou s’il se traduit dans l’exercice de la fonction de juger par diverses formes de zèle comme la constitution de chambres spéciales pour juger les opposants, ou encore le refus d’examiner des plaintes émanant de personnes soupçonnées d’être hostiles au régime en place.
IN. _ Procédure devant la Cour
7. La demande d’avis consultatif datée du 18 juin 2014 a été reçue au Greffe le 19 juin 2014 et aussitôt enregistrée sous la référence N° 002/2014.
8. Parlettre du 23 septembre 2014, le Greffe a notifié au Demandeur l'enregistrement de sa demande d’Avis consultatif tout en l’invitant à se conformer aux dispositions de l’article 68 du Règlement intérieur de la Cour (ci-après « le Règlement »), avant de soumettre à nouveau la demande dans un délai de 30 jours, si elle le souhaitait.
9. Le 8 novembre 2014, le Demandeur a déposé la version modifiée de la demande.
10. Par lettre du 17 mars 2015, en application des dispositions de l’article 68 (3) du Règlement, le Greffe a demandé à la Commission si l’objet de la demande se rapportait ou non à une affaire pendante devant elle.
11. Le 8 juin 2015, le Greffe a communiqué la demande ainsi que ses annexes aux entités visées à l’article 69 du Règlement.
12. Par courriel du 13 mai 2015, la Commission africaine a confirmé que l’objet de la demande ne se rapportait à aucune affaire pendante devant elle.
13. À sa trente-huitième session ordinaire tenue du 31 août au 9 septembre 2015, la Cour a décidé, en vertu de l’article 70 de son Règlement, de proroger au 10 octobre 2015 le délai initialement fixé pour le dépôt des observations écrites, par les entités énumérées à l’article 69 du Règlement.
14. Par lettre du 25 septembre 2015, le Greffe a informé les entités visées à l’article 69 du Règlement de la Cour qu’en vertu de l’article 70 dudit Règlement, la Cour avait prorogé jusqu’au 10 octobre 2015 le délai initialement fixé pour le dépôt des observations écrites.
15. À sa trente-neuvième session ordinaire tenue du 9 au 22 novembre 2015, la Cour a décidé, de sa propre initiative, de proroger au 31 janvier 2016, le délai pour le dépôt des observations écrites, par les entités citées à l’article 69 de son Règlement.
16. Par lettre du 5 janvier 2016, le Greffe a informé les entités
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visées à l’article 69 du Règlement que le délai fixé pour le dépôt des observations écrites avait été prorogé au 15 février 2016.
17. Le 30 avril 2016, le Greffe a reçu les observations écrites de la République du Kenya sur la Demande d'avis consultatif.
18. La République du Kenya ayant déposé ses observations écrites hors délai (voir paragraphes 17 et 18 du présent Avis), la Cour a décidé, de sa propre initiative, de les accepter, conformément à l’article 70 (1) de son Règlement.
19. À sa quarante-et-unième session ordinaire, qui s’est tenue du 16 mai au 3 juin 2016, la Cour a décidé la clôture de la procédure écrite.
IV. Sur la compétence de la Cour
20. En application de l’article 72 du Règlement « La Cour applique, mutatis mutandis, les dispositions du Titre IV du présent Règlement dans la mesure où elle les estime appropriées et acceptables. »
21. Aux termes de l’article 39 du Règlement, « La Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence… »
22. || résulte de ces dispositions que la Cour doit déterminer si elle a compétence pour apprécier la demande dont elle est saisie.
23. Pour déterminer si elle jouit de la compétence personnelle en l’espèce, la Cour doit s'assurer que le Demandeur fait partie des entités ayant qualité pour introduire une demande d'avis consultatif, conformément à l’article 4 (1) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommé le « Protocole »).
A. Arguments du Demandeur
24. Le Demandeur soutient qu’en vertu des articles 4 du Protocole et 26 (b) et 68 de son Règlement, la Cour a la compétence personnelle pour examiner la demande, celle-ci étant introduite par une organisation reconnue par l’Union africaine, en vertu de son Statut d’Observateur auprès de la Commission africaine.
B. Observations de la République du Kenya
25. La République du Kenya, rappelant les dispositions des articles 5 (3) et 34 (6) du Protocole, est d'avis que la saisine de la Cour par des individus et des organisations non gouvernementales est prévue par les textes et qu’en conséquence, elle ne conteste pas la qualité du Demandeur pour saisir la Cour d’une demande d’Avis consultatif.
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C. Position de la Cour
26. L'article 4(1) du Protocole dispose qu’ « À la demande d’un État membre de l’[Union Africaine], [de l’'UA], de tout organe de l’'UA ou d’une organisation africaine reconnue par l’'UA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme…»
27. Le fait que l'ONG qui a introduit la demande ne relève pas des trois premières catégories au sens de l’article 4(1) du Protocole, ne fait l’objet d'aucune contestation.
28. La première question qui se pose est celle de savoir si le l ONG relève de la quatrième catégorie, c'est-à-dire si il a la qualité d’une « organisation africaine » au sens de l’article 4(1) du Protocole.
29. Sur cette question, la Cour dans son avis consultatif sur la demande introduite par Socio-Economic Rights and Accountability (SERAP), a établi que le terme « organisation » utilisé à l’article 4(1) du Protocole couvre aussi bien les organisations non gouvernementales que les organisations intergouvernementales*.
30. Pour ce qui est du terme « africaine », la Cour a établi dans le même avis consultatif qu’une organisation peut être considérée comme « africaine » si elle est enregistrée dans un État africain et est dotée de structures aux niveaux sous-régional, régional ou continental, et qu’elle mène des activités au-delà du territoire dans lequel elle est
31. La Cour fait observer que le Demandeur est enregistré au Sénégal et qu'avec son Statut d’Observateur auprès de la Commission africaine, il est autorisé à mener des activités au-delà de son pays d'enregistrement. Elle en conclut que le Demandeur est une « organisation africaine », au sens de l’article 4(1) du Protocole.
32. La deuxième question à examiner est celle de savoir si le Demandeur est reconnu par l’Union africaine.
33. La Cour note que le Demandeur se base sur son Statut d’Observateur auprès de la Commission africaine pour soutenir qu’il est reconnu par l’Union africaine.
34. À cet égard, la Cour a, dans l'avis consultatif précité, indiqué que le Statut d'Observateur auprès d’un organe quelconque de l’Union africaine n’équivaut pas à une reconnaissance par Union Africaine. Elle a ainsi établi que seules les ONG reconnues par l’Union africaine
1. Demande d’avis consultatif Socio-Ecoomic Rights and Cc Bf ZB), Requête n° 001/2013, Avis consultatif de 26 mai 2017, par. 46.
2. Idem paragraphe 48.
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elle-même, sont concernées par l’article 4(1) du Protocole.*
35. La Cour a également établi que la reconnaissance d’une ONG par l’Union africaine se fait par l’octroi du Statut d’Observateur ou par la signature d’un Mémorandum d’Entente entre l'Union africaine et ces
36. En l'espèce, le Demandeur ne réclamé ni fourni la preuve de ce qu’il bénéficie du Statut d’Observateur auprès de l’Union africaine ou qu’il a signé un Mémorandum d’entente avec cette dernière.
37. De ce qui précède, la Cour conclut que, même si le Demandeur est une organisation africaine au sens de l’article 4(1) du Protocole, il ne remplit pas la deuxième condition essentielle de cette disposition, nécessaire pour déterminer la compétence de la Cour, à savoir « être « reconnue par l'Union africaine ».
38. Par ces motifs,
La Cour,
À l’unanimité,
i. dit qu’elle ne peut pas donner l’avis consultatif qui lui a été demandé.
Opinion individuelle : BEN ACHOUR
1. Les quatre avis rendus le 28 septembre 2017, reprennent in extenso les motifs de l'avis SRAP du 26 mai 2017. Cette opinion individuelle ne fait que confirmer ce qui a été développe dans notre opinion sous cet avis SERAP
2. Encore une fois, la Cour se trouve dans l'impossibilité de donner suite a quatre demandes d'avis consultatif, et contrainte de ne pas répondre a des questions juridiques de la plus haute importance
3. Voir Avis consultatif relative à la demande d'avis consultatif introduite par le SERAP, paragraphe 53.
4. Idem paragraphe 64.
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formulées par des ONG*, relativement a Interprétation de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci- après la Charte) et le Protocole a la Charte portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après le Protocole), ou d’autres instruments pertinents des droits de l'homme en Afrique comme la Charte africaine de la démocratie, les élections et la AG ou le Protocole a la Charte relatif au droit des femmes (Protocole de Maputo).
3. Je suis dans l’ensemble d'accord avec le raisonnement et les motifs développes par la Cour dans les quatre avis pour considérer que « [Na reconnaissance des ONG par l'Union africaine passe par l’octroi du statut d’observateur ou par la signature d’un protocole d’accord ou de coopération entre l’Union africaine er ces ONG » ($ 54 Avis Centre et Coalition)
4. La Cour n'avait pas le choix et ne pouvait faire autrement. Elle était ‘ligotée’ par les termes explicites de l’article 4(1) de son Protocole* et par la pratique restrictive de l'Union en matière d’octroi de la qualité d’observateur auprès d'elle aux ONG.
1. Dans les quatre avis rendus le 28 septembre 2017, la Cour, sollicitée par plusieurs ONG, ayant toutes le statut d’observateur auprès de la Commission africaine de droits de l'homme, a bute sur la notion d’ « [o]rganisation africaine reconnue par l’Union africaine », utilisée par l’article 4(1) du Protocole.
2. Il convient de noter que l’article 4(1) du Protocole relatif aux entités habilitées a saisir la Cour de demandes d'avis consultatif est, paradoxalement, plus restrictif que l’article 5(3) du Protocole relatifs aux ONG habilitées a saisir la Cour au contentieux. Alors que l’article 4(1) dispose que « [A] la demande [...] d’une organisation africaine reconnue par l’OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme », l’article 5(3) du Protocole dispose que « [L]a Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales
1. 1l s’agit des ONG suivantes :
- The Centre for Bu By, University of Pretoria (CHR) & the Coalition of Ag Az ;
- Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme (ASADHO) ;
- Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO) ;
- The Centre for Bu By, University of Pretoria ; Federation of An AH in Kenya ; Women advocates Research and Documentation Centre et Ah An AH Association.
2. «À la demande d'un Etat membre de l’OUA, de l'OUA, de tout organe de l'OUA ou d’une organisation africaine reconnue par l'OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme, a condition que l’objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas a une requete pendante devant la Commission ».
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(ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la Commission d’introduire des
3. requetés directement devant elle conformément a l’article 34(6) de ce Protocole ».
4. La comparaison de cet article montre que, concernant les ONG, la saisine est plus ouverte en matière contentieuse qu’en matière consultative, puisque pour saisir la Cour au contentieux, l'ONG devra simplement avoir le statut d’observateur auprès de la Commission*, alors qu’en matière consultative elle doit être reconnue par l'UA.
5. L'innovation des quatre avis rendus le 28 septembre 2017, réside dans la formulation du dispositif. Au lieu de dire, comme elle l'avait fait dans l’avis SERAP, que la Cour « [DJeclare qu’elle n’a pas compétence personnelle pour rendre l’avis sollicite », la Cour, dans les quatre avis du 28 septembre 2017, « [D]/t qu’elle ne peut pas donner l’avis consultatif qui lui a été demande », suivant en cela la Cour internationale de justice dans son avis de 1996 (CIJ, Avis consultatif du 8 juillet 1996, Liceite de la menace ou de ! ‘emploi des armes nucleaires), solution que nous avons préconise dans notre opinion sous l’avis SERAP.
6. En conclusion, nous réitérons notre espoir de voir l'Union africaine procéder a un amendement de l’article 4(1) du Protocole dans le sens de l'ouverture des possibilités de saisine de la CAfDHP et d’assouplissement des conditions requises des ONG pour que leur demande d'avis rentre dans le champ de compétence de la Cour ; ou alors, la voie de l'amendement étant incertaine, d’accorder ses critères d'octroi du statut d’observateur aux ONG avec ceux de la Commission de Banjul.
Opinion individuelle : MATUSSE
1. La Cour a estimé, à l’unanimité, qu’elle n'avait pas la compétence personnelle pour émettre l’avis consultatif demandé par SERAP. Et pourtant, elle qualifie « d'Avis consultatif », la procédure par laquelle elle est arrivée à cette conclusion. Je ne partage pas cette position
3. A condition bien evidemment que l'Etat ait souscrit a la clause facultative de juridiction prevue par l’article 34(6).
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et j'exprime ici mon opinion individuelle, qui est basée sur les motifs suivants :
I. Forme des actes de la Cour
2. Les instruments juridiques qui régissent la Cour, à savoir le Protocole! et le Règlement intérieur ne donnant aucune indication quant à l'appellation de chacune des différentes formes que peuvent prendre ses actes. Néanmoins, la pratique, qui est devenue la norme est l’utilisation des appellations ci-après : « Ordonnance », « Décision » et « Arrêt ».
3. En adoptant les expressions ci-dessus, la Cour n'a pas fait preuve de cohérence dans sa pratique, dans la mesure où elle a utilisé la même expression pour désigner des actes différents, à des moments différents, comme il est démontré ci-après :
ii. Pratique de la Cour
4. Dans les demandes d’avis consultatifs numéros 002/2011,? 001/2012° et 001/2014,* la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l’acte par lequel elle a décidé de rejeter les demandes au motif que les requérants les avaient soit abandonnées, soit avaient fait preuve d’un manque d'intérêt pour poursuivre les procédures.
5. Dans la Demande d'avis consultatif n° 002/2012,° la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l’acte par lequel elle a décidé de ne pas examiner la demande, au motif que celle-ci se rapportait à une affaire pendante devant la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (la Commission).
6. Dans la Demande d’avis consultatif n 001/2015,° la Cour a utilisé le terme « Ordonnance » pour désigner l’acte par lequel elle
1 Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une cour africaine des droits de l'homme et des peuples.
2 Demande d'avis consultatif de l'avocat Bo Bq au nom de la « Grande Bs arabe libyenne populaire et socialiste », arrêt du 30 mars 2012.
3 Demande d'avis consultatif par Socio-economic Rights & Cc Bf ZB), « Ordonnance » du 15 mars 2013.
4 Demande n° 001/2014 - Coalition on the International Criminal Court Ltd/gte(cicen), Ak Ab C Assistance Project Ltd/gte (LEDAP), Civil Bz Aq C … … ……… … … … … … Ltd/gte (WARDC), « Ordonnance » du 5 juin 2015.
5 Demande n° 002/2012 - Union panafricaine des avocats (PALU) et Al Ag As Centre (SALC), « Ordonnance » du 15 mars 2013.
6 Demande n° 001/2015 - Coalition on the International Criminal Court LTD/GTE, « Ordonnance » du 29 novembre 2015.
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a décidé de rejeter la demande au motif que les auteurs n'avaient pas précisé les dispositions de la Charte ou de tout autre instrument relatif aux droits de l'homme à propos desquelles l’avis est demandé, conformément à l’article 68(2) du Règlement intérieur de la Cour.
7. Dans la Demande d'avis consultatif numéro 002/2013;7 la
Cour s’est prononcée sur le fond de la demande en rendant un « Avis consultatif ».
8. En d’autres termes, dans les cas où la Cour n’est pas arrivée
jusqu’à l'étape de l'examen de la demande sur le fond, et a décidé de la radier du rôle en raison d’un manque d'intérêt de la part de son auteur ou du non-respect des exigences prévues à l’article 68, la Cour a décidé de désigner l’acte qu’elle rend par le terme « Ordonnance ». 9. En matière contentieuse, la Cour a rendu sous le terme d’ « Ordonnance » un acte par lequel elle déclarait : n’avoir pas compétence pour connaître d’une affaire,® ou poursuivre l'examen de l'affaire,’ ou procéder à une jonction d’instances des requêtes ;"° ou encore rejeter la requête en raison du manque d'intérêt de la part du Requérant pour continuer la procédure.”
10. Toujours en ce qui concerne les affaires contentieuses, la Cour a rendu sous le nom d’« Arrêt » un acte pour dire que certaines requêtes étaient irrecevables'? ou qu’elle n'avait pas compétence"*. L'appellation « Ordonnance » est également utilisée dans la plupart
7 Demande n° 002/2013 - Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant sur le statut du Comité africain d'experts sur les droits et le bien- être de l'enfant devant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, « Ordonnance » du 5 décembre 2014.
8 Requête n° 019/2015 - Ba Bd c. Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, « Ordonnance » du 20 novembre 2015.
9 Requête n° 016/2015 — Général X AI et autres c. République du Rwanda, « Ordonnance » du 3 juin 2016.
10 Requête numéros 009 et 011/2011 - Bx Bb Af et Legal and Bu By Centre et Ae Bw Bm Bc c. République-Unie de Tanzanie, « Ordonnance » du 22 septembre 2011.
11 Requête n° 002/2015 - Collectif des Anciens Travailleurs du Laboratoire (ALS) c. République du Mali, « ordonnance » du 5 septembre 2016.
12 Requête n° 003/2012 - Peter Bp Aa c. République-Unie de Tanzanie, « décision » du 28 mars 2014 ; Requête n° 003/2011 - Aw Bi c. République du Malawi, « arrêt » du 21 juin 2013.
13 Requête n° 001/2008 : Cb Ai c. République du Sénégal, « arrêt » du 15 décembre 2009 ; Requête n° 001/2011 - Ba Bd c. Union africaine, « arrêt » du 26 juin 2012.
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des ordonnances portant mesures provisoires que la Cour a rendues**. 11. La Cour a largement utilisé le terme « Décision » pour dire qu’elle n'avait pas compétence pour examiner des affaires en matière
12. Dans la Demande d’avis consultatif objet de la présente Opinion individuelle, la Cour a conclu qu’elle n'avait pas la compétence personnelle et pourtant elle désigne cet acte par « Avis consultatif », ce qui est pour le moins contradictoire.
13. À mon avis, soit la Cour est compétente, auquel cas elle émet
un avis consultatif, soit elle n’a pas compétence en l'espèce et elle n’émet pas d'avis consultatif.
14. Mes éminents collègues Juges ont sans doute été influencés par le fait que dans sa demande, SERAP invitait la Cour à examiner sa qualité pour la saisir, en vertu de l’article 4(1) du Protocole. Et pourtant, cette question aurait été examinée par la Cour, étant donné que conformément à l’article 39(1) du Règlement intérieur de la Cour en tout état de cause, applicable en vertu de l’article 72 du même Règlement, « [La] Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence et des conditions de recevabilité de la requête… » (C’est moi qui souligne), avant de pouvoir statuer sur toute affaire dont elle est saisie.
15. À mon avis, l’article 39(1) du Règlement oblige la Cour à procéder à un examen préliminaire afin de vérifier sa compétence et la
14 À savoir : Requête n° 016/2015 - Général X AI et autres c. République du Rwanda, « Ordonnance » du 24 mars 2017. Requête n° 004/2013 — Ap Aj Ca c. Br Bg, « Ordonnance » du 4 octobre 2013 ; Requête n° 002/2013 - Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye, « Ordonnance » du 15 mars 2013.
15 Requête n° 002/2011 - Au Ax c. République démocratique populaire d'Algérie, « Décision » du 16 juin 2011 ; Requête n° 005/2011 - Bk Ao et Ar Ao c. République du Mozambique et Mozambique Airlines, « Décision » du 16 juin 2011 ; Req. n° 006/2011 - Association des Juristes d'Afrique pour la Bonne AG c. République de Côte d'Ivoire, « Décision » du 16 juin 2011; Requête n° 007/2011 - Cd Ax c. Royaume du Maroc, « Décision » du 2 septembre 2011; Requête n° 008/2011 - Ekollo M. Bj c. République du Cameroun et République fédérale du Nigeria, « Décision » du 23 septembre 2011; Requête n° 010/2011 - At Am'o Ac c. Parlement panafricain, « Décision » du 30 septembre 2011; Reg. N° 012/2011 — Convention Nationale des Syndicats du Secteur Education (CONASYSED) c. République du Gabon, « Décision » du 15 décembre 2011 ; Requête n° 002/2012 - Ay Bn Av A, M. et Mme Y de Ad c. République d'Afrique du Sud, « décision » du 30 mars 2013 ; Requête n° 004/2012 - Bv Bp Be et autres c. République d'Afrique du Sud, « décision » du 30 mars 2012 ; Requête n° 005/2012 - Amir Bt Bl c. République du Soudan, « décision » du 30 mars 2012.
626 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
recevabilité de la requête, une procédure qui, en aucune manière, ne saurait être désignée par « Avis » en soi, même si, dans les cas où la Cour a la compétence juridictionnelle, la décision sur la compétence et la recevabilité forment partie intégrante de l’avis consultatif émis, comme ce fut le cas en la Demande d’avis consultatif n° 002/2013.
16. C’est pour cette raison que je pense que l'examen préliminaire, au sens de l’article 39(1) du Règlement, est une procédure qui est clairement différente de l'émission d’un avis consultatif, même si quelquefois elle en forme une partie intégrante.
17. En d’autres termes, lorsqu’après examen préliminaire la Cour conclut qu’elle n’est pas compétente, elle ne peut en aucun cas désigner par le terme « Avis consultatif » l’acte par lequel elle est parvenue à cette conclusion.
18. En droit comparé, lorsque la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIADH) décide de ne pas émettre d’avis consultatif, elle adopte une forme de « Résolution »'° et non pas un « Avis consultatif ». Même lorsqu'elle émet un « Avis consultatif », elle établit une distinction claire entre la section consacrée à sa compétence (dans laquelle elle détermine si elle a compétence sur la demande d’avis consultatif) et la section relative à l’avis consultatif lui-même (dans laquelle elle donne son avis sur la question dont elle a été saisie, dans le cas où elle conclut qu’elle est compétente pour émettre un tel avis consultatif). 7 19. Dans la demande d’avis consultatif introduite par le Conseil de la Société des Nations relative à l’affaire Bh c. Finlande, la Cour permanente de justice internationale (CPJI) a implicitement‘® utilisé l'expression « Avis consultatif »'° lorsqu'elle a constaté qu’elle pouvait émettre l'avis consultatif en raison du refus ad hoc de la Bh de reconnaître sa compétence. Toutefois, il s'agit d’un précédent incongru et isolé qui remonte à un siècle et qui ne peut pas être invoqué en l'espèce. En réalité, ce précédent n’a jamais inspiré une quelconque position de la Cour dans ses décisions antérieures sur les demandes
16 Résolution de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, du 23 juin 2016, Demande d'avis consultatif introduite par le Secrétaire général de l’organisation des Etats américains ; Résolution de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, 27 janvier 2009 ; demande d'avis consultatif introduite par la Commission interaméricaine des droits de l'homme.
17 Avis consultatif OC-21/14 du 19 août 2014 demandé par la République d'Argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale d’Uruguay ; Avis consultatif OC-20/09 du 29 septembre 2009 demandé par la République d'Argentine.
18 Pourquoi pas formellement désignée comme telle. Ce n’est qu’à la fin de la disposition qu’il est fait mention du « (...) Présent Avis … (..) ».
19 Décision de la troisième session ordinaire du 23 juillet 1923, Dossier F. c. V Rôle
Carelie_orientale_Avis_consultatif.pdf, consultée le 24.05.2017.
RADDHO (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 615 627
iv. Mon opinion
20. À mon avis, pour les raisons exposées ci-dessus, la Cour devrait utiliser le terme « Décision » pour désigner les actes par lesquels elle procède à un examen préliminaire de sa compétence et de la recevabilité des demandes en vertu des dispositions de l’article 39 de son Règlement intérieur. En effet, la pratique récurrente qui consiste à utiliser le terme « Décision » lorsqu'elle se déclare incompétente pour statuer sur les affaires contentieuses, s'applique parfaitement en matière consultative. Cela d'autant plus que l’article 72 du Règlement intérieur exige de la Cour, pour les avis consultatifs, d'appliquer mutatis mutandis les dispositions relatives à la procédure contentieuse.
21. L'appellation « Décision » éviterait de donner l'impression erronée que l'acte est un avis consultatif, que la Cour n’a pas émis en fait. En revanche, la Cour de céans gagnerait à rester plus cohérente en utilisant les appellations appropriées pour désigner ses actes, ce qui l’amènera à s’aligner sur sa jurisprudence bien établie, dans laquelle elle utilise le terme « Décision » lorsqu’elle détermine sa compétence pour les affaires contentieuses.