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28/09/2017 | CADHP | N°011/2015

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 28 septembre 2017, 011/2015


Texte (pseudonymisé)
Aj c.
Aj c. Tanzanie (fond) (2017)

Tanzanie (fond) (2017) 2 RJCA 105 105
2 RICA 105

Requête 011/2015, Au Aj c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt, 28 septembre 2017. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR, BOSSA,
MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA, CHIZUMILA et BENSAOULA
Le requérant avait été reconnu coupable et condamné pour vol qualifié
d'argent et divers autres objets de valeur. || a introduit cette requête
alléguant une violation de ses droits durant sa détention et son

procès.
La Cour a estimé que les éléments de preuve présentés au cours de la
procédure nationale ava...

Aj c.
Aj c. Tanzanie (fond) (2017)

Tanzanie (fond) (2017) 2 RJCA 105 105
2 RICA 105

Requête 011/2015, Au Aj c. République-Unie de Tanzanie
Arrêt, 28 septembre 2017. Fait en anglais et en français, le texte anglais
faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR, BOSSA,
MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA, CHIZUMILA et BENSAOULA
Le requérant avait été reconnu coupable et condamné pour vol qualifié
d'argent et divers autres objets de valeur. || a introduit cette requête
alléguant une violation de ses droits durant sa détention et son procès.
La Cour a estimé que les éléments de preuve présentés au cours de la
procédure nationale avaient été évalués conformément aux exigences
d’un procès équitable, mais que le fait que le requérant n'ait pas bénéficié
de l'assistance judiciaire gratuite constituait une violation de la Charte
africaine.
Recevabilité (épuisement des recours internes, voies de recours
extraordinaires, 44 ; introduction dans un délai raisonnable, 50-54)
Procès équitable (rôle de la Cour africaine dans l’évaluation des
preuves, 68 ; assistance judiciaire, 78)
| Les parties
1 Le requérant, Sieur Au Aj, est un ressortissant de la République-Unie de Tanzanie, qui purge une peine de trente ans de réclusion à la Prison d’Ukonga, à Dar-es-Salaam, en République-Unie de Tanzanie.
2 La requête est dirigée contre la République-Unie de Tanzanie ( ci- après l'Etat défendeur) qui est devenue partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après« la Charte ») le 9 Mars1984 et le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après « le Protocole ») le 10 février 2006. Elle a en outre déposé la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole, reconnaissant la compétence de la Cour pour connaître des requêtes émanant des individus et des Organisations Non Gouvernementales le 29 mars 2010. L'Etat défendeur a également ratifié et adhéré à d’autres instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après « le Pacte »), en date du 11 juillet 1976.

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Il. Objet de la requête
3 La requête en l'espèce concerne l'affaire pénale N° 429 de 2002 devant le Tribunal de District de Morogoro, devant la Haute Cour de Tanzanie sous la référence Affaire pénale N°6 de 2005 et devant la Cour d'appel de Tanzanie, siégeant à Dar es-Salaam, sous la référence Affaire pénale N° 38 de 2006, dans laquelle le requérant a été déclaré coupable et condamné à trente (30) ans de servitude pénale pour vol à main armée, infraction prévue et réprimée par les articles 285 et 286 du Code pénal, Chapitre 16 des Lois de Tanzanie.
A Les faits
4 Le requérant et un certain Bc Af ont été tous deux inculpés pour avoir, le 1° octobre 2002, volé de l'argent et différents objets de valeur à Ak Ao, usant de violence et blessant la victime au visage avec une machette.
5. Le 13 février 2004, le Tribunal de district de Morogoro a rendu son jugement et reconnu le requérant et Bc Af coupables des faits qui leur étaient reprochés. Ils ont été tous les deux condamnés à une peine d'emprisonnement de trente (30) ans et douze (12) coups de bâton, Bc Af ayant été jugé par contumace.
6 Le 26 février 2004, le requérant a interjeté appel devant la Haute Cour de Tanzanie à Dar-es-Salaam mais cet appel fut rejeté le 12 septembre 2005.
7 Le 21 septembre 2005, le requérant a formé un recours auprès de la Cour d’appel de Tanzanie à Dar-es- Salaam. Ce recours fut également rejeté le 27 mars 2009 en ce qui concerne la peine d'emprisonnement de 30 ans. La Cour d’appel a toutefois modifié la sentence en annulant la peine corporelle de douze (12) coups de bâton.
B Violations alléguées
8 Le requérant allègue :
m 1 Qu'il a été inculpé et condamné à tort pour vol à main armée à une peine de trente (30) ans de servitude pénale; que le juge de première instance ainsi que les juges d’appel ont commis une grave erreur de droit et de fait pour avoir pris en compte la déposition principale du témoin à charge 1(TC1), Ak Ao Bh qui ne corrobore pas les éléments de l’acte d'accusation, notamment la liste des effets dont le vol est allégué, leurs valeurs respectives ainsi que le montant total estimé;

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ii. Que la peine de trente (30) ans d'emprisonnement prononcée par le tribunal de première instance à son encontre n’était pas en vigueur au moment où le vol a été commis (1er octobre 2002); que les articles 285 et 286 du Code pénal prévoyaient plutôt une peine maximale de quinze (15) ans d'emprisonnement; que la peine de trente (30) ans de servitude n’est entrée en vigueur qu’en 2004 suite au décret n° 269 de 2004, tel que modifié et qui est devenu l’article 287 A du Code pénal ;
iii. Qu'il s’est vu refuser le droit à l’information;
iv. Qu'il n’a bénéficié d'aucune assistance d’un conseil ou d’une assistance judiciaire durant son procès ;
v. (iv) Que pour toutes ces raisons, l’État défendeur a violé l’article 13 (b) (c) de la Constitution de la République- Unie de Tanzanie de 1977 ainsi que les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7(1) (c) et 7(2) de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ».
Il. Résumé de la procédure
9. Le Greffe a reçu la Requête le 11 mai 2015.
10. Par lettre en date du 9 juin 2015, le Greffe a, en application de l’article 35(2) et 35(3) du Règlement intérieur de la Cour (ci-après « le Règlement »), transmis la requête à l’État défendeur, à la Présidente de Commission de l’Union africaine et, à travers celle-ci, aux autres États Parties au Protocole.
11. Le 15 juillet 2015, l’État défendeur a communiqué au Greffe les noms et adresses de ses représentants et le 11 août 2015, il a déposé sa réponse à la requête.
12. Le 17 août 2015, le Greffe a transmis le Mémoire de l’État défendeur au requérant.
13. Sur instruction de la Cour de solliciter l'assistance judiciaire en faveur du Requérant, le Greffe a, le 6 janvier 2016, écrit à l’Union Panafricaine des Avocats (UPA) pour lui demander si elle est disposée à accorder au requérant ladite assistance.
14. Par lettre en date du 20 janvier 2016, UPA a accepté d'assister le requérant et a, le 30 mars 2016, demandé une prorogation de délai pour déposer sa réplique au Mémoire de l’État défendeur.
15. Le 29 avril 2016, la Cour a décidé d’accorder à l’UPA l’extension de délai demandée et la décision a été notifiée aux parties le même jour.
16. Le 14 juin 2016, l'UPA a déposé la réplique à la réponse de l’État défendeur. Cette réplique a ensuite été communiquée, pour

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information, à l’État défendeur le même jour.
17. Au cours de sa 42 Session ordinaire tenue du 5 au 16 septembre 2016, la Cour a, en application de l’article 59(1) de son Règlement, décidé de clôturer la procédure écrite et de mettre l'affaire en délibéré.
IV. Mesures demandées par les parties
18. Dans la requête, il est demandé à la Cour de :
i. faire respecter tous les droits bafoués et violés par l’État défendeur ;
ii. réhabiliter le requérant dans tous ses droits;
iii. ordonner des réparations pour tout le préjudice qu’il a subi ».
19. Dans sa réplique à la réponse de l’État défendeur, le requérant demande à la Cour de :
"i. Constater que l’État défendeur a violé son droit à une totale égalité de tous devant la loi ainsi que son droit à une égale protection de la loi, protégés par l'article 3 de la Charte;
ii. Constater que l’État défendeur a violé son droit à un procès équitable, protégé par l’article 7 de la Charte ;
iii. Annuler la déclaration de culpabilité et la peine à lui imposée et ordonner, en conséquence, sa libération de la prison ;
iv. Rendre une Ordonnance portant mesures de réparation ; v. Prendre toutes autres mesures ou recours jugés appropriés par cette honorable Cour ».
20. Dans sa réponse à la requête, l’État défendeur demande à la Cour, s'agissant de sa compétence et de la recevabilité de la Requête, de :
i. Dire que la requête n’évoque (sic) pas la compétence de la Cour et la rejeter par voie de conséquence ;
ii. Dire que la Requête ne remplit pas les conditions de recevabilité prévues aux alinéas 5 et 6 de l’article 40 du Règlement intérieur de la Cour et la rejeter par voie de conséquence ;
iii. Se déclarer incompétente pour ordonner à l'État défendeur de remettre le requérant en liberté ».
21. S'agissant du fond de l'affaire, l'État défendeur demande à la Cour de :

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i. Dire que le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas violé les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.1 c) et 7.2 de la Charte ;
ii. Dire que le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas enfreint l’article 13.6 b) et c) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie ;
iii. Dire que la condamnation du requérant et la peine à lui infligée par le juge de première instance, la Haute Cour et la Cour d’appel de Tanzanie étaient appropriées et non excessives ;
iv. Dire que la peine de 30 ans d’emprisonnement pour vol à main armée est légale ;
v. Dire que le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a fait aucune discrimination contre le requérant ;
vi. Dire que le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie ne doit aucune réparation au requérant ;
vil. Rejeter la requête dans sa totalité parce que dénuée de tout fondement ».
V. Exceptions préliminaires soulevées par le défendeur
22. Dans son Mémoire en réponse à la requête, le défendeur a soulevé des exceptions préliminaires sur la compétence de la Cour et la recevabilité de la Requête.
A. Sur la compétence de la Cour
23. Aux termes de l’article 39 (1) du Règlement, la Cour « procède à un examen préliminaire de sa compétence… ».
i. Exception d’incompétence matérielle de la Cour
24. L'État défendeur soutient que le requérant demande à la Cour de céans d’agir comme Cour d'appel ou Cour suprême alors qu’elle n’en a pas le pouvoir.
25. Selon l'Etat défendeur, l’article 3 du Protocole ne donne pas à la Cour la latitude de se prononcer sur les questions soulevées par le requérant devant les juridictions nationales, de réviser les arrêts rendus par ces juridictions, d’évaluer les éléments de preuve et de parvenir à une conclusion
26. L'État défendeur souligne que la Cour d’appel de Tanzanie a,

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dans l'arrêt qu’elle a rendu en l'affaire pénale N° 38/2006, examiné toutes les allégations du requérant et que la Cour de céans doit respecter l'arrêt rendu par cette Cour.
27. Le requérant réfute cette allégation. Citant la jurisprudence de la Cour, notamment les arrêts Ar Av et Bb Am Aa contre la République-Unie de Tanzanie, il soutient que la Cour est compétente aussi longtemps qu’il y a des allégations de violation des droits de l'homme.
28. La Cour réitère sa position selon laquelle elle n’est pas une instance d'appel des décisions rendues par les juridictions nationales‘. Mais comme elle l’a souligné dans son arrêt en l’affaire Ar Av c. République-Unie de Tanzanie, et confirmé dans son arrêt en l'affaire Bf At c. République-Unie de Tanzanie, cette circonstance n’affecte pas sa compétence à examiner si les procédures devant les juridictions nationales répondent aux standards internationaux établis par la Charte ou les autres instruments des droits de l'homme applicables?
29. En tout état de cause, le requérant a allégué la violation de droits garantis par la Charte.
30. La Cour rejette, en conséquence, l'exception soulevée à cet égard par l’État défendeur et conclut qu’elle a la compétence matérielle.
ii. Les autres aspects de la compétence
31. La Cour observe que sa compétence personnelle, temporelle et territoriale n’est pas contestée par l’État défendeur, et rien dans le dossier n’indique qu’elle n’est pas compétente. Elle conclut en conséquence :
"i. qu’elle est compétente sur le plan personnel étant donné que l'Etat défendeur est partie au Protocole et qu’il a déposé la déclaration prévue à l’article 34 (6) qui permet aux individus d'introduire des requêtes directement devant elle, en vertu de l’article 5(3) du Protocole.
ii. qu’elle est compétente sur le plan temporel dans la mesure où les violations alléguées présentent un caractère continu, le requérant étant toujours condamné sur la base de ce qu’il considère comme étant des irrégularités ;°
1 Affaire Ah Az Ac c. République du Malawi (Requête 001/2013), arrêt du 15 mars 2013, paragraphe 14
2 Ar Av c. la République-Unie de Tanzanie (Requête 005 de 2013), arrêt du 20 novembre 2015, paragraphe 130 et Bf At c. la République-Unie de Tanzanie (Requête 007 de 2013), arrêt du 3 juin 2016, paragraphe 29.
3 Affaire As et autres. c. Bg Bd, exceptions préliminaires, arrêt du 21 juin 2013, paragraphes 71 à 77.

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iii. qu’elle est compétente sur le plan territorial dans la mesure où les faits de l'affaire se sont déroulés sur le territoire d’un État partie au Protocole, en l'occurrence l’État défendeur.
32. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour conclut qu’elle est compétente pour connaître de la présente affaire.
B. Sur la recevabilité de la requête
33. En vertu de l’article 6(2) du Protocole, « [Ja Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte ».
34. Aux termes de l’article 39 du Règlement, la Cour procède à un examen préliminaire des conditions de recevabilité de la requête telles que prévues par les articles 50 et 56 de la Charte et de l’article 40 du Règlement.
35. L'article 40 du Règlement qui reprend en substance le contenu de l’article 56 de la Charte, dispose comme suit :
« En conformité avec les dispositions de l’article 56 de la Charte auxquelles renvoie l’article 6.2 du Protocole, pour être examinées, les requêtes doivent remplir les conditions ci-après : 1. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Cour de garder l'anonymat ;
2. Être compatible avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la Charte ;
3. Ne pas contenir de termes outrageants ou insultants ;
4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse ;
5. Être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
6. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;
7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l’Acte constitutif de l’Union africaine et soit des dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l’Union africaine ».
37. Alors que certaines de ces conditions ne sont pas en discussion entre les Parties, l’État défendeur a soulevé deux exceptions en rapport avec l'épuisement des voies de recours internes et le délai de saisine de la Cour.

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i. Conditions en discussion entre les Parties
a. L’exception d’irrecevabilité tirée du non- épuisement des voies de recours internes
38. L'État défendeur soutient, en se basant sur la jurisprudence de la commission,“ qu’il était prématuré pour le requérant de soumettre la présente affaire à une instance internationale, vu qu’il y avait encore des voies de recours internes à sa disposition.
39. Selon l’État défendeur, le requérant avait d’abord la possibilité d'introduire une requête en inconstitutionnalité auprès de la Haute Cour de Tanzanie au sujet des violations alléguées de ses droits en se fondant sur la loi relative à la mise en œuvre des droits fondamentaux et des devoirs, Livre 3, édition révisée de 2002 (Basic Rights and Duties Enforcement Act [Chapter 3 Revised Edition 2002] pour obtenir réparation ;
40. L'Etat défendeur fait en outre valoir qu'après la décision de la Cour d'appel, le Requérant avait aussi la possibilité de demander à cette même Cour de procéder à la révision de son arrêt, en vertu de l’article 66 de son Règlement.
41. L'État défendeur conclut que le requérant n'ayant pas exercé ces recours disponibles au niveau national, la requête ne remplit pas les exigences de l’article 40(5) du Règlement intérieur de la présente Cour et devrait donc être rejetée
42. Le requérant affirme qu’il a épuisé toutes les voies de recours internes en interjetant appel contre le jugement de la Haute Cour de Tanzanie devant la Cour d'appel de Tanzanie qui est la plus haute juridiction du pays. Il ajoute que dès lors que la Cour d’appel s'était prononcée sur son recours, il n’aurait pas été raisonnable de lui demander de déposer une nouvelle requête portant sur son droit à un procès équitable devant la Haute Cour, qui est une juridiction d’un rang inférieur par rapport à la Cour d'appel.
43. || soutient, en outre, que les recours en inconstitutionnalité et en révision mentionnés par l’État défendeur sont des recours extraordinaires qu’il n’était pas tenu d’épuiser avant de saisir la Cour de céans de sa requête.
44. S'agissant des deux autres recours mentionnés par l’État défendeur, à savoir le recours en inconstitutionnalité et le recours en
4 Communication No. 333/06: Al Ad Aq Ax A Aw and Others v Tanzania; Communication No. 263/2002: Kenyan Section of the International Commission of Jurists, Law Ab X Ae, Ap Bi Be BCAe ; Communication No. 275/03 Article 19 v. Eritrea.

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révision, la Cour a déjà établi, dans d’autres requêtes dirigées contre le défendeur, que ces recours sont, dans le système juridique tanzanien, des recours extraordinaires que les requérants ne sont pas tenus d’épuiser avant de saisir la présente Cour de leur requête .
45. La Cour rejette, en conséquence, l'exception d’irrecevabilité de la requête pour non- épuisement des voies de recours internes, soulevée par l’État défendeur
b. … L’exception d’irrecevabilité tirée du non-respect d’un délai raisonnable dans la soumission de la Requête à la Cour
46. L'État défendeur soutient que le requérant n’a pas saisi la Cour dans un délai raisonnable. Tout en reconnaissant que l’article 40(6) du Règlement de la Cour ne prescrit pas un délai précis pour le dépôt des plaintes, l’État défendeur indique qu’en s'inspirant des décisions des organismes régionaux similaires à la Cour de céans, une période de six(6) mois serait un délai raisonnable dans lequel le requérant aurait dû déposer sa requête. || affirme que telle est également la position de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dans l'affaire An Ag c. Zimbabwe et soutient donc que le délai de quatre (4) ans et 10 mois dans lequel le requérant a saisi la Cour est de loin supérieur au délai de six mois considéré comme un délai raisonnable.
47. Le requérant réfute cette allégation. || indique, d’abord, que la Cour a été saisie de cette affaire le 11 mai 2015 et non le 28 janvier 2015. Il fait, ensuite, valoir que la jurisprudence de la Cour de céans a montré que cette question de délai de saisine de la Cour est toujours traitée au cas par cas ; que telle a été la position de la Cour dans l'affaire Ar Av c. République-Unie de Tanzanie où la Cour a considéré la situation particulière dans laquelle se trouvait le requérant, à savoir que celui-ci était une personne illettrée, indigente, incarcérée et sans assistance judiciaire pour décider que le délai dans lequel le requérant avait saisi la Cour était raisonnable.
48. La Cour fait observer que l’article 56(6) de la Charte ne fixe pas un délai dans lequel les requêtes doivent être déposées.
49. L'article 40(6) du Règlement, qui reprend la substance de l’article 56(6) de la Charte, parle juste d’un « délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ».
50. La Cour observe que les recours internes ont été épuisés le 27 mars 2009, date à laquelle la Cour d'appel a rendu sa décision. La Cour observe, toutefois, qu’à cette date, l’État défendeur n'avait pas encore

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déposé la déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour pour connaître des requêtes émanant de particuliers, au sens de l’article 34(6) du Protocole. Elle estime qu’il ne serait donc pas raisonnable de faire courir le délai de saisine de la Cour à partir d’une date antérieure au dépôt de cette déclaration, à savoir le 29 mars 2010.
51. La requête ayant été déposée le 11 mai 2015, le requérant a donc saisi la Cour dans un délai de cinq (5) ans, un (1) mois et douze (12) jours. La question qui se pose ici est celle de savoir si ce délai peut être considéré comme un délai raisonnable au sens de l’article 56(6) de la Charte.
52. Dans ses arrêts antérieurs, la Cour a établi que le caractère raisonnable d’un délai de saisine de la Cour dépend des circonstances particulières de chaque affaire et qu’il doit être apprécié au cas par cas.
53. Dans l'affaire Bf At c. la République-Unie de Tanzanie, cette Cour a observé que le fait pour un requérant d’être incarcéré, le fait d’être un indigent, le fait de ne pas avoir bénéficié de l'assistance gratuite d’un avocat durant toute la procédure au niveau national, le fait d’être un illettré, le fait d’ignorer l'existence de la présente Cour en raison de sa mise en place relativement récente, sont toutes des circonstances qui peuvent plaider en faveur d’une certaine souplesse dans l'évaluation du caractère raisonnable du délai de saisine de la Cour.
54. Le requérant dans la présente affaire étant dans une situation similaire à celle décrite ci-dessus, la Cour conclut que le délai de cinq (5) ans, un (1) mois et douze (12) jours dans lequel elle a été saisie est un délai raisonnable au sens de l’article 56(6) de la Charte. Elle rejette en conséquence l'exception d'’irrecevabilité de la Requête tirée du non-respect d’un délai raisonnable dans la soumission de la requête à la Cour.
iii — Conditions non en discussion entre les parties
55. La Cour constate que le respect des points 1, 2, 3, 4, et 7 de l’article 40 du Règlement n’est pas contesté et que rien dans le dossier n’indique non plus qu’ils ne sont pas respectés. La Cour estime donc que les exigences de ces dispositions sont remplies.
56. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que la présente Requête remplit toutes les conditions de recevabilité énoncées aux articles 56 de la Charte et 40 du Règlement et la déclare en conséquence recevable.
VI. Sur le fond

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57. Le requérant allègue que l’État défendeur a violé les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7(1) (c) et 7(2) de la Charte. La Cour observe cependant qu’il n’a conclu que sur les violations en rapport avec le droit à un procès équitable.
58. Dans ces circonstances, seules les allégations étayées par le requérant, à savoir les allégations de violation de l’article 7 de la Charte, seront examinées par la Cour.
A. L’allégation selon laquelle le requérant aurait été inculpé et condamné sur la base d’une déposition qui ne corrobore pas les éléments de l’acte d’accusation
59. Dans la requête, il est soutenu que le juge de première instance et les juges d’appel ont tous commis une grave erreur de droit et de fait pour avoir pris en compte la déposition principale du témoin à charge 1 (TC1), qui ne corrobore pas les éléments de l’acte d'accusation, notamment la liste des effets dont le vol est allégué, leurs valeurs respectives ainsi que le montant total estimé.
60. L'État défendeur réfute cette allégation et affirme qu’après avoir évalué les preuves présentées, le juge de première instance a estimé que le vol avait effectivement eu lieu et que des témoignages probants avaient établi que le requérant était bien la personne qui avait participé au vol et que c’est sur la foi de ces éléments que ce dernier a été condamné.
61. || ajoute que la Cour d'appel a clairement indiqué que la reconnaissance de la culpabilité du requérant ne reposait pas sur la doctrine de la possession récente, mais que le requérant « était condamné parce qu’il avait été pris, en même temps que d’autres personnes, en flagrant délit de vol » [Traduction du Greffe] ; que dans ce contexte, peu importe que le témoignage du témoin à charge 1(TC1) concorde ou non avec le contenu de l’acte d'accusation, dès lors qu’il existe des éléments de preuve crédibles et directs que le juge a dûment examinés.
62. L'État défendeur conclut que cette allégation est dénuée de tout fondement et qu’elle doit, en conséquence, être rejetée.
63. La disposition applicable de la Charte est l’article 7(1)(c) qui dispose que : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
64. Cet article peut être interprété à la lumière de l’article 14(1) du Pacte qui dispose que :« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère

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civil …» (italique ajouté).
65. || ressort de la lecture combinée de ces deux dispositions que toute personne a droit à un procès équitable.
66. || ressort des procès-verbaux d’interrogatoire au niveau national que, contrairement aux allégations du requérant, celui-ci a été arrêté en flagrant délit de vol à main armée. La Cour note également que les juridictions nationales ont entendu le requérant ainsi que trois témoins oculaires en plus de la victime et que tous ont déclaré avoir vu le requérant en train de commettre le vol.
67. || ressort également de l'arrêt de la Cour d’appel que celle-ci a examiné tous les moyens soulevés par le requérant avant de confirmer la décision rendue par les juridictions inférieures.
68. La Cour tient à rappeler que son rôle se limite, s'agissant de l'évaluation des preuves sur lesquelles la condamnation par le juge national a été basée, à apprécier si de manière générale, la façon dont ce dernier les a évaluées est en conformité avec les dispositions pertinentes des instruments internationaux des droits de l'homme
69. De ce qui précède, la Cour conclut que l'évaluation des preuves par les juridictions nationales a été faite conformément aux exigences d’un procès équitable, au sens de l’article 7 de la Charte.
70. La Cour rejette, en conséquence, l’allégation du requérant selon laquelle il aurait été inculpé et condamné sur la base d’une déposition qui ne corrobore pas les éléments de l'acte d'accusation et conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 7(1)(c) de la Charte à cet égard.
B. L’allégation selon laquelle le requérant n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire
71. Dans la requête, il est allégué que l'État défendeur a violé le droit du requérant à se faire représenter par un conseil
72. L'État défendeur soutient que le requérant n’a pas soulevé cette question devant les juridictions nationales. || affirme qu’il a parcouru les dossiers de la procédure d'instance et des deux procédures d'appel et qu’il n’a vu nulle part que le requérant avait sollicité une assistance judiciaire et que celle-ci lui avait été refusée par l'autorité de certification.
73. L'État défendeur fait valoir que le requérant disposait pourtant des voies légales pour solliciter une assistance judiciaire, en application de l’article 3 de la loi sur l'assistance judiciaire (procédure pénale),
5 Affaire At c. République-Unie de Tanzanie (Requête 007/2013), arrêt du 3 juin 2016, paragraphe 26.

.… Aj c. Tanzanie (fond) (2017) 2 RICA 105 117 [Chapter 21 Revised Edition 2002] ; qu’il pouvait de même solliciter cette assistance au cours de la procédure devant la Cour d'appel en vertu de l’article 31(1), Partie Il du Règlement intérieur de la Cour d'appel de Tanzanie de 2009 mais qu’il n’a pas déposé cette demande. 74. Le requérant explique qu’à aucun moment de la procédure, il n’a été informé de la possibilité d’obtenir l'assistance judiciaire gratuite prévue par la loi ; que l’État défendeur avait une obligation positive de l’informer, suo motu, de l’existence de ce droit ; que cette obligation est encore primordiale lorsque l'intéressé est un profane, indigent détenu et faisant face à une infraction grave ; que telle est également la position de la Cour de céans dans les affaires Ar Av et At contre la République-Unie de Tanzanie et que ces précédents doivent également s'appliquer dans la présente affaire.
75. Selon l’article 7(1)(c) de la Charte, «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :
a.
b.
c. le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix… ».
76. L'article 14(3)(d) du Pacte quant à lui dispose que : « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes:
a.
b.
d. A être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d’un défenseur de son choix; si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le
77. Dans son arrêt en l'affaire Bf At c. République- Unie de Tanzanie, la Cour a souligné qu’« une personne indigente poursuivie en matière pénale a spécialement droit à l'assistance judiciaire gratuite lorsque l’infraction concernée est grave, et que la peine prévue par la loi est sévère ».°
78. Le requérant, dans la présente affaire, étant dans la même situation que celle décrite ci-dessus, la Cour conclut que l'État défendeur se devait de lui offrir, d'office et gratuitement, les services d’un avocat tout au long de la procédure judiciaire interne. Ne l’ayant
6 Arrêt du 3 juin 2016, paragraphe 139 ; voir également l'affaire Ar Av c. République-Unie de Tanzanie, arrêt du 20 novembre 2015, paragraphe 124

118 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
pas fait, il a violé l’article 7(1)(c) de la Charte
C. L’allégation selon laquelle la peine de trente (30) ans de servitude n’était pas en vigueur au moment où le vol a été commis
79. Dans la requête, il est soutenu que la peine de trente (30) ans de servitude à laquelle le requérant a été condamné par les juridictions nationales n’était pas applicable au moment où le vol avec violence allégué a été commis; que les articles 285 et 286 du Code pénal prévoyaient une peine maximale de quinze(15) ans ; que la peine de trente (30) ans de servitude n’est entrée en vigueur qu’en 2004 suite au décret n° 269 de 2004, tel que modifié, devenu l’article 287 A du Code pénal.
80. Le requérant conclut de ce qui précède que les juridictions nationales ont violé les articles 13(b)(c) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie de 1977 ainsi que les Articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7(1) (c) et 7(2) de la Charte.
81. L'État défendeur réfute en bloc les allégations du requérant faisant valoir que dans l'affaire pénale n° 424/2002, le requérant avait été accusé de vol à main armée, en application des articles 285 et 286 du code pénal, Chapitre 16 des lois de Tanzanie ; qu’au moment de la condamnation et de la détermination de la peine, la loi sur les peines minimales (Minimum Sentence Act) de 1972 était en vigueur ; que cette loi sur les peines minimales de 1972 a été modifiée en 1994 par la loi n° 6/1994 Droit écrit (Modifications diverses) ; que la nouvelle loi a abrogé la peine de vingt (20) ans d'emprisonnement et a introduit une peine minimale obligatoire de trente (30) ans.
82. L'État défendeur fait en outre remarquer que ce n’est pas la première fois que se pose la question de l'infraction de vol à main armée, en violation des articles 285 et 286 du code pénal, Chapitre 16, et de la peine correspondante à cette infraction avant 2004 ; que la Cour d'appel de Tanzanie a statué sur cette question dans l'affaire Ay Ai Ba c/la République, appel n° 69/2004
83. L'État défendeur conclut que les allégations du requérant sont dénuées de pertinence et de tout fondement étant donné qu'il a été accusé de vol à main armée en 2002 alors que la loi sur les peines minimales avait été modifiée huit ans plus tôt.
84. Dans son Mémoire en réplique, le requérant indique qu’il ne souhaite plus arguer sur la légalité de la peine à lui imposée et que la Cour peut donc considérer que cette question n’est plus en discussion entre les parties.
85. La Cour note que le requérant a abandonné cette allégation. En ce qui la concerne, la Cour a déjà observé que la peine de trente

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(30) ans de servitude est, en République-Unie de Tanzanie, la peine minimale applicable à l'infraction de vol à main armée depuis 1994.” Elle conclut, en conséquence, que l'État défendeur n’a violé aucune disposition de la Charte en condamnant le requérant à cette peine.
D. L’allégation selon laquelle l’État défendeur a violé l’article 1er de la Charte
86. Dans la requête, il est allégué, de manière générale, que l’État défendeur a violé l’article 1er de la Charte. L'État défendeur n’a pas fait d'observations sur cette allégation.
87. L'article 1° de la Charte dispose que : « Les États membres de l’organisation de l'Unité Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer ».
88. La Cour a déjà constaté que l’État défendeur a violé l’article 7(1) (c) de la Charte pour n'avoir pas accordé au requérant l'assistance judiciaire gratuite. Elle réitère, par conséquent, la conclusion qu’elle a tirée dans l'affaire Ar Av c. la République-Unie de Tanzanie. Dans cette affaire, la Cour a observé que : « … lorsque la Cour constate que l’un quelconque des droits, des devoirs ou des libertés inscrits dans la Charte a été restreint, violé ou non appliqué, elle en déduit que l'obligation énoncée à l’article 1er de la Charte n’a pas été respectée ou qu’elle a été violée® »
89. Ayant dégagé la conclusion que le requérant a été privé de son droit à bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite, en violation de l’article 7(1)(c) de la Charte, la Cour conclut que l’État défendeur a simultanément violé l'obligation qui est la sienne en vertu de l’article 1° de la Charte.
VII. Sur les mesures de réparation
90. Dans la requête, il est demandé à la Cour : (i) de rétablir le requérant dans ses droits ; (ii) d'annuler la déclaration de culpabilité et la peine à lui infligée ; (iii) d’ordonner sa remise en liberté ; (iv) d’ordonner qu’une réparation lui soit accordée en rapport avec toutes les violations constatées.
7 Affaire At c. République-Unie de Tanzanie (Requête 007/ 2013), arrêt du 3 juin 2016, paragraphe 210
8 Affaire Ar Av c. la République-Unie de Tanzanie (Requête 005/2013), arrêt du 20 novembre 2015, paragraphe 135

120 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
91. Dans sa réponse, l’État défendeur demande que la requête soit rejetée dans sa totalité parce que dénuée de tout fondement et qu’il n’y ait, en conséquence, pas de réparation pour le requérant.
92. L'article 27(1) du Protocole dispose que « [Jorsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».
93. À cet égard, l’article 63 du Règlement prévoit que « [IJa Cour statue sur la demande de réparation (…) dans l'arrêt par lequel elle constate une violation d’un droit de l'homme ou des peuples, ou, si les circonstances l’exigent, dans un arrêt séparé ».
94. Ence qui concerne la demande par le requérant de sa remise en liberté, la Cour a établi qu’une telle mesure ne pourrait être directement ordonnée par la Cour que dans des circonstances exceptionnelles et impérieuses®. Dans la présente affaire, le requérant n’a pas fait état de telles circonstances. La Cour rejette, en conséquence, cette demande. 95. La cour note cependant que cette conclusion n’affecte en rien le pouvoir de l'Etat défendeur d'envisager lui-même une telle mesure. 96. S'agissant de la demande relative à l’annulation de la condamnation et la peine prononcée contre le requérant, la Cour fait observer qu’elle n'a pas le pouvoir d'annuler les Décisions rendues par les juridictions nationales. Elle rejette en conséquence cette demande. 97. La Cour observe enfin que les parties n'ont pas soumis de mémoires sur les autres formes de réparation. Elle statuera donc sur cette question à une phase ultérieure de la procédure, après avoir entendu les parties.
VIII. Frais de procédure
98. Aux termes de l’article 30 du Règlement « [à] moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
99. Après avoir considéré les circonstances de la présente affaire, la Cour décide que chaque partie supportera ses propres frais.
100. Par ces motifs,
La Cour,
À l’unanimité :
[ Rejette l'exception d’incompétence de la Cour soulevée par l’Etat défendeur ;
9 Affaire Ar Av c. la République-Unie de Tanzanie (Requête 005/2013), arrêt du 20 novembre 2015, paragraphe 157 ; Affaire At c. République-Unie de Tanzanie (Requête 007/ 2013), arrêt du 3 juin 2016, paragraphe 234

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il. Déclare qu’elle est compétente pour connaître de la présente requête ;
iii. Rejette les exceptions d’irrecevabilité de la Requête soulevées par l'Etat défendeur;
iv. Déclare la requête recevable ;
V. Dit que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1) de la Charte en ce qui concerne les allégations du requérant selon lesquelles il a été inculpé et condamné sur la base d’une déposition qui ne corrobore pas les éléments de l’acte d’accusation et la peine de 30 ans de servitude n’était pas en vigueur au moment où le vol a été commis ;
vi. Dit que l’État défendeur a violé l’article 7(1)(c) de la Charte en ce qui concerne le droit allégué du requérant de bénéficier d’une assistance judiciaire gratuite et que, par conséquent, il a également violé l’article 1er de la Charte ;
vi. Rejette la demande du requérant visant à ordonner directement sa remise en liberté, sans préjudice du pouvoir de l’Etat défendeur d'envisager lui-même cette mesure
vil. Rejette la demande du requérant visant à ordonner l’annulation de sa condamnation et la peine prononcée à son encontre, sans préjudice du pouvoir de l'Etat défendeur de prendre lui-même cette mesure ;
ix. Réserve la demande du requérant sur les autres formes mesures de réparation ;
x. Demande au requérant de soumettre à la Cour son Mémoire sur les autres formes mesures réparations dans les trente (30) jours qui suivent la date du présent arrêt ; demande également à l’État défendeur de soumettre à la Cour son Mémoire en réponse sur les réparations dans les trente (30) jours qui suivront la réception du Mémoire du requérant;
xi. Dit que chaque Partie supportera la charge de ses propres frais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 011/2015
Date de la décision : 28/09/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2022
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