Woyome c. Ghana (mesures provisoires)
Woyome c. Ghana (mesures provisoires)
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(2017) 2 RJCA 221 221
(2017) 2 RICA
Requête 001/2017, Ae Ad Ag c. République du Ghana
Ordonnance, 24 novembre 2017. Fait en anglais et en français, le texte
anglais faisant foi.
Juges : ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR, BOSSA,
MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA, CHIZUMILA et BENSAOULA
Ordonnance de mesures provisoires dans des circonstances où les biens
du requérant encourent le risque de vente aux enchères en exécution de
la décision d’une juridiction nationale.
Mesures provisoires (compétence prima facie, 18 ; dommage
irréparable, 26)
| Les parties
1 La présente requête a été introduite par le sieur Ae Ad Ag Aci-après dénommé « le requérant »), de nationalité ghanéenne, contre la République du Ghana (ci-après dénommée « l’État défendeur »).
2 L'État défendeur est devenu partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte ») le 1°’ mars 1989 et au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désigné le « Protocole »), le 16 août 2005. Il a déposé la déclaration prévue à l’article 34 (6) du Protocole, reconnaissant la compétence de la Cour pour examiner les requêtes émanant des individus et des organisations non gouvernementales, le 10 mars 2011.
I. Objet de la requête
3 Le 16 janvier 2017, le requérant a saisi la Cour de la présente requête qui a par la suite été enregistrée sous la référence requête 001/2017. La requête découle des services d'ingénierie financière que le requérant affirme avoir fournis à l’État défendeur suite à un accord pour la mobilisation des fonds en vue de la réhabilitation des stades Accra et Ac Sports en vue du tournoi de la Coupe d’Afrique des Nations de 2008.
4 Le requérant allègue que, pour n’avoir pas respecté les termes dudit accord, l’État défendeur a violé les droits ci-après inscrits dans la Charte :
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la jouissance des droits et libertés reconnus par la Charte, sans distinction aucune (article 2 de la Charte) ;
la totale égalité devant la loi et l’égale protection de la loi (article 3 de la Charte) ;
C le droit à un procès équitable (article 7 de la Charte).
5. Dans le cadre de la procédure devant la Cour de céans, le 4 juillet 2017, le requérant a demandé à la Cour de rendre une ordonnance portant des mesures provisoires enjoignant à l'Etat défendeur de surseoir à l'exécution d’un arrêt de la Cour Suprême du 8 juin 2017 lui ordonnant le remboursement d’une somme de 5 283 480,59 Cédis ghanéens à l'Etat défendeur, après avoir conclu que le processus de passation du marché pour lequel les paiements pour les services rendus ont été effectués était inconstitutionnel.
6 L'État défendeur, dans son mémoire en réponse à la demande de mesures provisoires, soutient que la question qui doit être tranchée est celle de savoir s’il a le droit de recouvrer les dettes dues par le requérant comme le prévoit la législation ghanéenne. L'État défendeur ajoute que la question n’est pas de savoir si des violations irréparables des droits de l'homme alléguées peuvent être légitimement soulevées en réponse aux efforts de l’État défendeur en vue de recouvrer les montants en question, encore moins si une telle action serait en violation des obligations de l’État défendeur en découlant de la Charte, des articles 5(3) et 34(6) du Protocole, et de l’article 40 de la Constitution de la République du Ghana de 1992.
7 La requête, datée du 5 janvier 2017, a été reçue au Greffe de la Cour le 16 janvier 2017.
8 Par avis datés du 28 avril et du 8 juin 2017, la Cour a notifié la requête à l’État défendeur, en lui demandant de déposer la liste de ses représentants et de faire connaître sa réponse à la requête dans les délais de (30) et soixante (60) jours respectivement, à compter de la date de réception. Le deuxième avis est dû à la lettre de l’Attorney général reçue le 31 mai informant le Greffe de la Cour qu'ils n'avaient reçu que la notification, sans la requête et les pièces y afférentes.
9 Le 16 août 2017, l’État défendeur a déposé une demande de prorogation au 31 août 2017 du délai pour le dépôt de sa réponse à la requête, arguant du fait que le requérant avait engagé une procédure d'arbitrage international contre l’État défendeur sur la même affaire devant une autre instance. Le requérant affirme que la Chambre internationale du commerce a refusé d’exercer sa compétence en ce qui concerne cette procédure d'arbitrage.
10. Le 4 septembre 2017, l’État défendeur a déposé sa réponse à la
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requête, qui a été transmise au requérant par notification datée du 12 septembre 2017, lui accordant un délai de 30 (trente) jours à compter de la date de réception pour faire connaître sa réplique. Le 12 octobre 2017, le requérant a déposé sa réplique, qui a été communiquée à l'État défendeur pour information, par notification datée du 18 octobre 2017.
11. Le 4 septembre 2017, le requérant a déposé une déclaration sous serment supplémentaire à l’appui de sa demande de mesures provisoires, qui a été transmise à l’État défendeur par la notification mentionnée plus haut, en date du 12 septembre 2017.
12. Le 28 septembre 2017, le requérant a déposé une autre « Demande urgente de mesures provisoires », au motif que malgré la signification à l’État défendeur de la demande de mesures provisoires déposée par le requérant, l’État défendeur avait persisté dans sa demande de recouvrement de la somme de 51 283 480,59 Cédis ghanéens auprès du requérant, avec le soutien actif de la Cour suprême et de son Greffe, en violation flagrante de la lettre et de l'esprit du Protocole et du Règlement intérieur de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »).
13. Le requérant affirme que le Greffe de la Cour suprême de l’État défendeur avait entamé la procédure d'exécution de l'arrêt et que ses biens immobiliers situés à plusieurs endroits de la ville d’Af AAaB, dont certains appartiennent à des membres de sa famille étaient sur le point d’être saisis.
14. La deuxième demande a été transmise à l’État défendeur par notification datée du 2 octobre 2017, l'invitant à faire connaître sa réponse au plus tard le 11 octobre 2017.
15. L'État défendeur a déposé sa réponse le 13 octobre 2017 et la Cour a décidé, dans l'intérêt de la justice, que cette réponse avait été valablement déposée. Par avis daté du 18 octobre 2017, cette réponse a été notifiée au requérant, lui donnant un délai de sept (7) jours à compter de la date de réception, pour faire connaître sa réplique. Le 31 octobre 2017, le requérant a déposé sa réplique à « l’affidavit de l'État défendeur en contestation de la demande de mesures provisoires », faisant valoir que ces mesures doivent être ordonnées en raison de l'urgence et de la gravité de la situation, telle que présentée dans sa requête.
IV. Sur la compétence de la Cour
16. Lorsqu'elle est saisie d’une requête, la Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence sur le fond de l'affaire.
17. Toutefois, avant d’ordonner des mesures provisoires, la Cour n’a pas à se convaincre qu’elle a compétence sur le fond de l'affaire,
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mais simplement s'assurer qu’elle a compétence prima facie.!
18. L'article 3(1) du Protocole est libellé comme suit : « La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les États concernés ».
19. La Cour relève que les droits dont la violation est alléguée sont garantis par les articles 2, 3 et 7 de la Charte.
20. En outre, comme indiqué au paragraphe 2 de la présente Ordonnance, l’État défendeur est devenu partie à la Charte le 1er mars 1989, au Protocole le 16 août 2005 et, le 10 mars 2011, il a fait la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole acceptant la compétence de la Cour pour recevoir directement les requêtes émanant d'individus et d’organisations non gouvernementales.
21. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle a la compétence prima facie pour examiner la présente requête.
V. _ Sur les mesures provisoires demandées
22. Aux termes de l’article 27(2) du Protocole « dans les cas d'extrême gravité ou d’urgence et lorsqu'il s'avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personne ». Conformément à l’article 51(1) du Règlement, « conformément au paragraphe 2 de l’article 27 du Protocole, la Cour peut, soit à la demande d’une partie ou de la Commission, soit d'office, indiquer aux parties toutes mesures provisoires qu’elle estime devoir être adoptées dans l'intérêt des parties ou de la justice ».
23. || appartient à la Cour de décider d’ordonner de telles mesures selon les circonstances de chaque affaire.
24. La Cour constate que l’État défendeur a entamé la procédure d'exécution des jugements prononcés contre le requérant, par la saisie de ses biens.
25. La Cour estime que la situation décrite dans la présente requête est d’une gravité et d’une urgence extrêmes au motif que, si les biens du requérant venaient à être saisis et vendus pour recouvrer le montant de 51 283 480,59 Cédis ghanéens, le requérant subirait un préjudice irréparable dans le cas où il pourrait ultérieurement avoir gain de cause au terme de l'examen de la requête sur le fond. La Cour estime que
1. Voir requête 002/2013, Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (Ordonnance portant mesures provisoires, datée du 15 mars 2013) ; requête 006/2012 : Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Ab (Ordonnance portant mesures provisoires, datée du 15 mars 2013) ; requête 004/2011 : Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (Ordonnance portant mesures provisoires, datée du 25 mars 2011).
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les circonstances exigent une ordonnance de mesures conservatoires, conformément à l’article 27(2) du Protocole et à l’article 51 de son Règlement, pour préserver le statu quo, en attendant l'issue de la requête principale.
26. Pour lever toute ambigüité, la présente Ordonnance ne préjuge en rien des conclusions que la Cour formulera sur sa compétence, sur la recevabilité et sur le fond de la requête.
27. Par ces motifs,
La Cour,
à l’unanimité,
Ordonne à l’État défendeur de :
i. surseoir à la saisie des biens du requérant et prendre toutes les mesures nécessaire pour maintenir le statu quo et s'assurer que ces biens ne soient pas vendus, jusqu’à ce que la présente requête soit examinée et tranchée;
ii. faire rapport à la Cour dans les quinze (15) jours à compter de la date de réception de la présente Ordonnance, sur les mesures prises pour la mettre en œuvre.