356 RECUEIL DE JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE VOL 2 (2017-2018)
As c. Tanzanie (fond) (2018) 2 RICA 356
Requête 10/2015 Ai As c. Républie-Unie de Tanzanie
Arrêt, 11 mai 2018. Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant
foi.
Juges ORÉ, KIOKO, NIYUNGEKO, GUISSÉ, BEN ACHOUR,
MATUSSE, MENGUE, MUKAMULISA, CHIZUMILA et BENSAOULA
Le requérant avait été reconnu coupable et condamné pour vol qualifié
d’un véhicule à moteur, tentative de suicide et blessures graves sur sa
personne. || a introduit cette requête, alléguant une violation de ses
droits par suite de sa détention et de son jugement. La Cour a estimé
que les droits du requérant liés au procès équitable avaient été violés.
Compétence (conformité des procédures nationales avec la Charte, 24)
Recevabilité (épuisement des recours internes, recours extraordinaires,
39 ; introduction dans un délai raisonnable, 50)
Procès équitable (assistance judiciaire gratuite, 68, 69)
Réparation (la Cour n’est pas une juridiction d’appel, 84 ; remise en
liberté applicable dans des circonstances exceptionnelles, 85)
I Les parties
1 Le requérant, le sieur Ai As, (ci-après désigné « le requérant »), est un ressortissant de la République-Unie de Tanzanie qui purge une peine de trente (30) ans de réclusion à la prison centrale d'Ukonga à Dar es Salam, pour vol à main armée, tentative de suicide, et atteinte grave à son intégrité physique.
2 La requête est dirigée contre la République-Unie de Tanzanie, (ci-après désignée « l’État défendeur » qui est devenue partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désigné « la Charte ») le 21 octobre 1986 et au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci- après désigné « le Protocole ») le 10 février 2006. Elle a en outre déposé le 29 mars 2010, la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole reconnaissant la compétence de la Cour.
Il. Objet de la requête
A Faits de la cause
3 Le requérant allègue qu’il a été mis en accusation, le 2 mars 1998, pour les infractions de vol de véhicule, de tentative de suicide et
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d'atteinte grave à son intégrité physique dans l'affaire pénale n° 199/98 devant le Tribunal de district d’Ak. Le 25 août 1999, le requérant a été déclaré coupable et condamné à trente (30) ans de réclusion pour vol à main armée, infraction prévue et réprimée par les articles 285 et 286 du Code pénal, livre 16 du Recueil des lois de Tanzanie, ainsi qu’à 7 ans d'emprisonnement pour tentative de suicide, conformément à l’article 217 du même Code et à 2 ans de prison pour atteinte grave à son intégrité physique, en application de l'article 225 dudit Code.
4. Le 28 août 1999, le requérant a relevé appel du jugement rendu par le Tribunal de district d’Ak devant la Haute Cour de Tanzanie qui a, le 22 septembre 2005 confirmé la peine de 30 ans de réclusion, réduit de 7 à 2 ans la peine d'emprisonnement pour tentative de suicide et rejeté tous les autres chefs.
5 Le 25 septembre 2005, le requérant a formé le recours en matière pénale n°228/2005 auprès de la Cour d'appel de Tanzanie siégeant à Ak qui par arrêt du 29 octobre 2007, a confirmé la peine de trente (30) ans de réclusion.
B Violations alléguées
6 Le requérant fait état de plusieurs griefs en rapport avec la manière dont il a été détenu, jugé et condamné par les autorités judiciaires tanzaniennes. Il se plaint notamment :
«i. D’avoir été accusé sur la base d'actes biaisés d’un agent de police qui, agissant en lieu et place d’un Officier de Police Judiciaire (OPJ), a recueilli et enregistré ses déclarations au mépris de la procédure en la matière ;
Il D'avoir été détenu en violation des dispositions des articles 50 et 51 de la loi portant procédure pénale.
iii D’avoir été condamné sur la base d’une erreur de droit et de fait pour avoir pris en compte les prétendus aveux d’un témoin à charge;
iv Du caractère excessif de la peine de 30 ans de réclusion prononcée par le tribunal de première instance contrairement à la peine maximale de 15 ans prévue aux articles 285 et 286 du Code pénal;
D’avoir été condamné à une peine en violation de l’article 13 (b) (c) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie de 1977 et contraire à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples;
VI Des juridictions d'appel n’ont pas relevé que la peine de 30 ans était excessive et qu’elle n’était pas applicable au moment des faits;
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vi. De n’avoir pas bénéficié de l'assistance d’un avocat et d’une assistance judiciaire ;
vi. D’avoir de ce fait été ainsi discriminé ».
7. Que pour ces raisons, Le requérant affirme que l’État défendeur a violé l’article 13(b)(c) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie ainsi que les articles 1, 2, 3, 4, 6, et 7(c) et (2) de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ».
Il. Résumé de la procédure devant la Cour
8. Le Greffe a reçu la requête le 11 mai 2015 et en a accusé réception le 5 juin 2015.
9. Par notification datée du 9 juin 2015, le Greffe a, en application de l’article 35(2) et 35(3) du Règlement intérieur de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »), communiqué la requête à l’État défendeur, à la Présidente de la Commission de l'Union africaine et par son intermédiaire, à tous les autres États parties au Protocole.
10. Par lettre du 14 août 2015 reçue au Greffe le 18 août 2015 suivant, l’État défendeur a déposé sa réponse.
11. Sur instruction de la Cour, l’Union Panafricaine des Avocats (UPA) a été saisie pour fournir une assistance judiciaire au requérant. Le 20 janvier 2016, l'UPA a accepté d'assister le requérant et les Parties en ont été informées. Le 29 janvier 2016, le Greffe a transmis à l'UPA toutes les pièces pertinentes relatives à l'affaire. Le 30 mai 2016, le Greffe a informé l’UPA que la Cour, de sa propre initiative, lui a accordé un délai de trente (30) jours pour déposer sa réplique.
12. Le 27 juin 2016, l'UPA a déposé sa réplique au Greffe, laquelle a été transmise à l’État défendeur par notification du 28 juin 2016.
13. Le 14 septembre 2016, la Cour a déclaré la procédure écrite close et les parties en ont été informées.
IV. Mesures demandées par les parties
14. Les mesures demandées par le requérant telles qu’elles ont été formulées dans la requête sont les suivantes :
«i, Faciliter une représentation ou assistance judiciaire gratuite en vertu de l’article 31 du Règlement intérieur de la Cour et 10(2) du Protocole;
ii. Déclarer la requête recevable en application des articles 56 de la Charte, 6(2) du Protocole et 40 du Règlement de la Cour;
iii. Déclarer que l’État défendeur a violé des droits prévus aux articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7(c) et (2) de la Charte;
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iv. Rendre en conséquence, une ordonnance enjoignant à l'État défendeur de remettre le requérant en liberté;
v. Rendre une ordonnance portant mesures de réparation, en vertu de l’article 27(1) du Protocole et de l’article 34(5) du Règlement de la Cour et toute autre ordonnance ou mesure de réparation que l’Honorable Cour estime appropriée de rendre;
vi. Annuler la déclaration de culpabilité pour vol à main armée, la peine infligée et remettre le requérant en liberté. »
15. Dans sa réplique, le requérant réitère ses demandes à la Cour et la prie de :
« Dire que la requête est recevable et que la Cour a compétence pour connaître de l'affaire sur le fond, en application des articles 3(2) du Protocole, 26(2) et 40(6) du Règlement intérieur de la Cour;
Dire que l’État défendeur a violé le droit du requérant à un procès équitable, prévu à l’article 7 de la Charte pour au moins deux raisons :
1. Le défaut de fournir une assistance judiciaire au requérant;
2. La condamnation du requérant sur la seule base d’une déclaration non corroborée, que le requérant avait, en tout état de cause, retirée.»
16. Dans sa Réponse, l’État défendeur prie la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples de rendre les ordonnances ci-après en ce qui concerne sa compétence et la recevabilité de la requête :
«i. Constater que la requête n’a pas invoqué la compétence de l’Honorable Cour ;
ii. Rejeter la requête pour non-respect des critères de recevabilité prévus à l’article 40 (5) du Règlement intérieur de la Cour ».
17. En ce qui concerne le fond de la requête, l’État défendeur prie la Cour de déclarer qu’il n’a pas violé les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7(1) (c), (2) de la Charte.
18. L'État défendeur prie en conséquence la Cour de rejeter la requête au motif qu’elle n’est pas fondée, ainsi que les demandes en réparation formulées par le requérant et d’ordonner que ce dernier continue à purger sa peine.
V. _ Sur la compétence
19. En application de l’article 39(1) de son Règlement, la Cour « procède à un examen préliminaire de sa compétence…».
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A. Exception d’incompétence matérielle
20. L'État défendeur soutient que le requérant demande à la Cour de céans d'agir comme une Cour d’appel ou Cour suprême alors qu’elle n’en a pas le pouvoir.
21. Selon l’État défendeur, l’article 3 du Protocole ne donne pas à la Cour la latitude de se prononcer sur les questions soulevées par le requérant devant les juridictions nationales, de réviser les arrêts rendus par ces juridictions, d'évaluer les éléments de preuve et de parvenir à une conclusion.
22. L'État défendeur souligne que la Cour d’appel de Tanzanie a, dans l'arrêt qu’elle a rendu en l'affaire pénale n°228/2005, examiné toutes les allégations du requérant et que la Cour de céans doit respecter l'arrêt rendu par cette Cour.
23. Le requérant réfute cette allégation. Citant la jurisprudence de la Cour, notamment les arrêts Al Ap et Ah Aj Aa c. République-Unie de Tanzanie, il soutient que la Cour est compétente dès lors que des allégations de violation des droits de l'homme sont formulées.
24. La Cour réitère sa position selon laquelle elle n’est pas une instance d’appel des décisions judiciaires rendues par les juridictions nationales. Comme la Cour a eu à le souligner dans son arrêt du 20 novembre 2015, en l'affaire Al Ap c. République-Unie de Tanzanie : bien qu’elle ne soit « pas une instance d’appel des décisions rendues par les juridictions nationales » (.…),«cela ne l'empêche pas d'examiner les procédures pertinentes devant les instances nationales pour-déterminer si elles-sont en conformité avec les normes prescrites dans la Charte ou tout autre instrument des droits de l'homme ratifié par l'Etat concerné».? Dans cette même affaire, la Cour a également déclaré que sa compétence ne saurait être contestée dans la mesure où «les droits qui sont allégués violés sont protégés par la Charte ou tout autre instrument des droits de l’homme ratifié par l’État défendeur ».* 25. En tout état de cause, dans la présente affaire, le requérant allègue la violation des droits garantis par la Charte et par voie de conséquence, la Cour rejette, l'exception soulevée à cet égard par
1 Requête 005/ 2013. Arrêt du 20 novembre 2015, Al Ap c. République
-Unie de Tanzanie, par. 130. Voir requête 010/2015, Arrêt du 28 septembre 2017, Ao Aq c. République —Unie de Tanzanie, para 28; requête 003/2014, Arrêt du 24 novembre 2017, requête 003/ 2014, Arrêt du 24 novembre 2017, Ay Ax Ad c. République du Rwanda, para 52. Requête 007/ 2013, Arrêt du 3 juin 2013, Av An c. République- Unie de Tanzanie, para 29.
2 Arrêt Al Ap c. Tanzanie op. cit, para 130.
3 Ibid para 45.
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l'État défendeur et conclut qu’elle a la compétence matérielle.
B. Les autres aspects de la compétence
26. La Cour observe que sa compétence personnelle, temporelle et territoriale n’est pas contestée par l’État défendeur, et que rien dans le dossier n'indique qu’elle n’est pas compétente. Elle conclut en conséquence :
i. qu’elle est compétente sur le plan personnel étant donné que l’État défendeur est partie au Protocole et qu’il a déposé la déclaration prévue à l’article 34(6) qui permet aux individus d'introduire des requêtes directement devant elle, en vertu de l’article 5(3) du Protocole. (Supra para 2)
ii. qu’elle est compétente sur le plan temporel dans la mesure où les violations alléguées présentent un caractère continu, le requérant étant toujours condamné sur la base de ce qu'il considère comme étant des irrégularités“ ;
iii. qu’elle est compétente sur le plan territorial dans la mesure où les faits de l'affaire se sont déroulés sur le territoire d’un État partie au Protocole, en l’occurrence l’État défendeur.
27. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour conclut qu’elle est compétente pour connaître de la présente affaire.
VI. Sur la recevabilité
28. Aux termes de l’article 6(2) du Protocole, « La Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte ».
29. Aux termes de l’article 39 précité de son Règlement intérieur, « la Cour procède à un examen préliminaire (…) des conditions de recevabilité de la requête telles que prévues par l’article 56 de la Charte et l’article 40 du présent Règlement».
30. L'article 40 du Règlement intérieur qui reprend en substance le contenu de l’article 56 de la Charte, dispose comme suit:
« En conformité avec les dispositions de l’article 56 de la Charte auxquelles renvoie l’article 6(2) du Protocole, pour être examinées, les requêtes doivent remplir les conditions ci-après :
1. Indiquer l’identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Cour de garder l’anonymat ;
2. Être compatible avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
4 Requête 011/2013, Arrêt du 21 juin 2013, Am Ac et autres. c. Aw At, exceptions préliminaires, paras 71 à 77.
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Charte ;
3. Ne pas contenir de termes outrageants ou insultants ;
4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse ;
5. Être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
6. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des voies de recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;
7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l’Acte constitutif de l’Union africaine et soit des dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l'Union africaine ».
A. Conditions de recevabilité en discussion entre les
parties
31. L'État défendeur a soulevé deux exceptions en rapport avec l'épuisement des voies de recours internes et le délai pour saisir la Cour.
i. Exception d’irrecevabilité tirée de l’allégation du non épuisement des voies de recours internes
32. Dans sa Réponse, l’État défendeur soutient que la requête ne remplit pas les conditions de recevabilité prescrites aux articles 56(5) de la Charte et 40(5) du Règlement au motif qu’elle a été déposée avant l’épuisement des voies de recours internes.
33. L'État défendeur affirme en outre qu’en cas de violation alléguée des droits prévus et protégés par la Charte des droits, Partie III, articles 12 à 29 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, comme en l'espèce, le requérant avait la possibilité d’introduire un recours en inconstitutionnalité devant la Haute Cour de Tanzanie ou à défaut, de demander une révision de la décision de la Cour d'appel conformément à l’article 65 de son Règlement.
34. L'État défendeur conclut que le refus du requérant d’exercer les voies de recours disponibles et efficaces, notamment les recours en inconstitutionnalité et en révision, ainsi que de faire la demande d'octroi d’une assistance judiciaire, constitue une preuve tangible que celui- ci n'a pas épuisé les voies de recours internes et que la requête devrait être rejetée pour non-respect des dispositions de l’article 40(5)
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du Règlement.
35. Le requérant, dans sa réplique, ne conteste pas l'existence des voies de recours invoquées par l’État défendeur, mais plutôt l’allégation selon laquelle il était tenu de les épuiser. || soutient que les voies de recours ont été épuisées dès lors que la Cour d'appel, la plus haute juridiction de la République-Unie de Tanzanie, a rendu l'arrêt dans l’affaire pénale n°228/2005, suite à l'appel interjeté par le requérant.
36. S'agissant des recours en inconstitutionnalité et en révision, le requérant allègue qu’il s’agit là de « recours extraordinaires » qu’il n’était pas tenu d’exercer avant de porter l’affaire devant la Cour de céans.
37. En conséquence, le requérant soutient qu’il a épuisé toutes les voies de recours internes disponibles et que la requête répond aux conditions prévues à l'article 40(5) du Règlement.
38. En ce qui concerne les voies de recours internes, la Cour note qu'il est constant que le requérant a introduit un recours en appel de sa condamnation auprès de la Cour d’appel de Tanzanie, la plus haute instance judiciaire du pays, et que celle-ci a confirmé les jugements rendus par le Tribunal de district et par la Haute Cour.
39. La principale question à trancher est celle de savoir si les deux autres voies de recours auxquelles fait référence l’État défendeur, à savoir le recours en inconstitutionnalité devant la Haute Cour et le recours en révision devant la Cour d’appel, sont des recours que le requérant devait épuiser, au sens de l’article 40(5) du Règlement qui reprend en substance les dispositions de l’article 56(5) de la Charte. En ce qui concerne le recours en inconstitutionnalité, la Cour a déjà établi que ce recours constitue, dans le système judiciaire tanzanien, un recours extraordinaire que le requérant n’était pas tenu d’épuiser avant de saisir la Cour“. Il en va de même pour le recours en révision.S 40. Il apparaît donc clairement que le requérant a exercé toutes les voies de recours ordinaires qu’il était tenu d’épuiser. Pour cette raison, la Cour rejette l'exception d’irrecevabilité de la requête tirée du non-épuisement de toutes les voies de recours internes proposées par
5 Arrêt Al Ap c. Tanzanie, op. cit. paras. 60 — 62 ; Arrêt Av An c. Tanzanie, op. cit. paras. 66 — 70 ; Requête 011/2015. Arrêt du 28/9/2017, Ao Aq c. République-Unie de Tanzanie (Arrêt Ao Aq c. Tanzanie), para 44.
6 Arrêt Al Ap c. Tanzanie, op. cit. para 63.
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ii. Exception d’irrecevabilité tirée du non-respect d’un délai raisonnable
41. L'État défendeur allègue que le requérant a attendu cinq (5) ans et deux (2) mois, à compter de la date du dépôt par l’État défendeur de la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole, pour introduire la présente requête.
42. L'État défendeur affirme en outre que la requête est irrecevable, pour n'avoir pas respecté les conditions en matière de recevabilité d’une requête prévues à l’article 40(6) du Règlement de la Cour.
43. L'État défendeur évoque la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l'homme dans l’affaire Ae c. Zimbabwe" et soutient que le délai raisonnable dans lequel la requête aurait dû être déposée est de six (6) mois.
44. Dans sa réplique, le requérant réfute les allégations de l’État défendeur par rapport au délai raisonnable et soutient que la déclaration faite par l’État défendeur au titre de l’article 34(6) du Protocole est intervenue trente (30) mois après le prononcé de l’arrêt de la Cour d'appel dans la procédure pénale n° 228/2005. Le requérant ajoute qu’à cette date il était déjà incarcéré suite à la condamnation dont il a fait l’objet par les juridictions de la République- Unie de Tanzanie et n’avait par ailleurs pas accès à l'information.
45. Le requérant affirme que, dans les circonstances de l'espèce, la requête a été déposée dans un délai raisonnable tel que prévu par les articles 56(6) de la Charte et 40(6) du Règlement et demande à la Cour de se référer à sa propre jurisprudence, selon laquelle les affaires doivent être examinées séparément, au cas par cas, en ce qui concerne cette exigence.
46. Le requérant ajoute que dans ces conditions, il lui était difficile, en tant que profane de la matière juridique, de savoir que de nouvelles voies de recours qui étaient indisponibles par le passé lui étaient désormais accessibles.
47. Enfin le requérant soutient qu’au cas où la Cour viendrait à rejeter sa requête au motif qu’elle aurait dû être saisie plus tôt qu’elle ne l’a été, ceci constituerait une injustice flagrante et une violation continue des droits prévus aux articles 6 et 7 de la Charte, étant donné qu’il est toujours en détention.
48. La Cour fait observer que l’article 56(6) de la Charte ne fixe pas un délai de saisine de la Cour. L'article 40(6) du Règlement, qui en reprend la substance, mentionne juste un « délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue
7 Ag Ae c. Zimbabwe (2008) AHRLR 146 (AHRLR 2008).
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par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ».
49. Les voies de recours internes ont été épuisées le 20 octobre 2007 lorsque la Cour d’appel a rendu son arrêt. Cependant, ce n’est que le 29 mars 2010 que l’État défendeur a déposé la déclaration en vertu de l’article 34 (6) du Protocole permettant à des personnes telles que le requérant de déposer des requêtes directement devant cette Cour, et c'est donc la date à partir de laquelle le caractère raisonnable évoqué à l’article 40 (6) du Règlement de la Cour doit être apprécié. La requête a été introduite cinq (5) ans, un (1) mois, une (1) semaine et six (6) jours après le dépôt par l’État défendeur de la déclaration susmentionnée. Sur ce point, la Cour rappelle sa jurisprudence dans l'affaire Am Ac et autres c. Aw At dans laquelle elle a estimé que « le caractère raisonnable d’un délai de sa saisine dépend des circonstances particulières de chaque affaire et doit être apprécié au cas par cas ».°
50. Dans la présente affaire, le fait que le requérant soit incarcéré, restreint dans ses mouvements et avec un accès limité de l'information ; le fait qu’il soit un indigent et qu’il n’a pas été capable de se payer un avocat ; le fait qu’il n’ait pas bénéficié de l'assistance gratuite d’un avocat depuis mars 1998 ; le fait qu’il soit illettré ; le fait qu’il a pu ignorer l'existence de la présente Cour sont autant de circonstances qui justifient de la Cour une certaine souplesse dans l'appréciation du caractère raisonnable du délai de saisine. Au vu de ce qui précède, la cour constate que la requête remplit la condition relative à son dépôt dans un délai raisonnable.
51. Par conséquent, elle rejette l'exception d’irrecevabilité de la requête tirée du non-respect d’un délai raisonnable pour saisir la Cour et déclare la requête recevable.
B. Conditions de recevabilité qui ne sont pas en
discussion entre les parties
52. Les conditions relatives à l'identité des requérants, à la compatibilité de la requête avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la Charte, au langage utilisé dans la requête, à la nature des preuves, et au principe selon lequel la requête ne doit pas concerner des cas qui ont été réglés conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine, des dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l’Union africaine
8 Arrêt Al Ap c. Tanzanie op. cit. para 73. Arrêt Ac et autres c. Aw At, op. cit. para 121.
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(alinéas 1, 2 3, 4 et 7 de l’article 40 du Règlement) ne sont pas en discussion entre les Parties. La Cour note en outre que rien dans le dossier n'indique que l’une ou l’autre de ces conditions ne serait remplie en l'espèce.
53. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que la présente requête remplit toutes les conditions de recevabilité énoncées aux articles 56 de la Charte et 40 du Règlement et la déclare recevable.
VII. Sur le fond
54. Le requérant allègue que l’État défendeur a violé les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7(1)(c) et 7(2) de la Charte. La Cour observe cependant que le requérant n’a conclu que sur les violations des articles 7 et 1 de la Charte, en rapport avec le droit à un procès équitable ainsi que les droits, devoirs et libertés, que la Cour de céans va examiner.
A. Violation du droit au procès équitable
55. Le requérant formule plusieurs griefs en rapport avec la violation alléguée de son droit à un procès équitable, garanti par l’article 7 de la Charte qui est libellé comme suit :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :
a. le droits de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, les règlements et les coutumes en vigueur ;
b. le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ;
c. le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ;
d. le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale.
2. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n’a pas été prévue au moment où l'infraction a été commise. La peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant ».
i. Allégation relative aux irrégularités ayant entaché
l’acte d’accusation
56. Le requérant se plaint de vices de procédure concernant l’acte
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d'accusation en affirmant que les juridictions se sont fondées sur la pièce dénommée « caution under statement » pour rendre leurs décisions alors qu’il conteste cet élément de preuve qui aurait été obtenue en violation des articles 50 et 51 du de procédure pénale, et soutient par conséquent que l'acte d'accusation était vicié.
57. Le requérant soutient en outre que lorsqu'un accusé revient sur ses déclarations initiales, la Cour doit rechercher le caractère volontaire desdites déclarations avant de les accepter comme preuves. Il affirme que le fait d’asseoir une décision sur des déclarations qu'il a contestées, constitue une violation du principe de la présomption d’'innocence prévue à l’article 7(1)(b) de la Charte.
58. L'État défendeur conteste ces allégations et fait remarquer qu'il incombe au requérant de les prouver. Selon lui, les déclarations contestées par le requérant, l’ont été dans le respect de la Loi portant procédure pénale, Titre 20 du recueil des lois tanzaniennes et que leur valeur probante est légalement admise et corroborée conformément à la loi sur la preuve.
59. La Cour fait remarquer qu’il ressort du dossier que l’acte d'accusation a été contesté par le requérant au niveau de la Haute Cour qui a rejeté la contestation.
60. La Cour observe cependant que le requérant se contente d’alléguer des irrégularités pendant son interrogatoire mais n’explique pas de façon satisfaisante en quoi et comment celles-ci ont vicié la procédure dont il a fait l’objet.
61. Pour ces raisons, au vu des éléments du dossier, la Cour conclut que cette allégation relative aux irrégularités ayant entaché l'acte d’accusation n’est pas établie.
ii. Allégation relative à l’erreur de droit par rapport à la
déposition du témoin à charge PW1
62. Le requérant allègue que le juge de première instance et les juges d’appel ont pris en considération les dépositions du témoin à charge n°1 (PW1) obtenues par un agent de police agissant en lieu et place d’un officier de police judiciaire (OPJ) qui s’est présenté sur les lieux du crime aux fins d’enquête, au mépris de la procédure en la matière.
63. Le défendeur conteste ces allégations et soutient que le requérant n’en rapporte pas la preuve irréfutable.
64. || ressort du dossier et plus spécialement de la lecture des trois jugements rendus par les juridictions nationales que la culpabilité du requérant a eu pour base, non seulement la déclaration du témoin PW1, mais aussi celle des témoins à charge PW2, PW3 et PW4, et qu’à aucun moment de la procédure, l’allégation quant à l’annulation
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de la procédure par rapport à la déposition à charge PW1 n’a été soulevée. La Cour note en outre que le requérant n’a pas rapporté la preuve de cette allégation.
65. La Cour conclut que l’allégation relative à l'erreur de procédure par rapport à la déposition du témoin à charge PW1 n’est pas fondée.
iii. Allégation relative à l’absence d’assistance judiciaire
66. Le requérant allègue qu’il est indigent et n’a bénéficié d'aucune assistance judiciaire gratuite au cours de la procédure ayant abouti à sa condamnation, alors que cette assistance était impérieuse dans le cas d'espèce où il est question d’infraction grave mise à sa charge. Il en déduit que ce défaut d'assistance judiciaire gratuite entraîne une violation de son droit à un procès équitable garanti à l’article 7 de la Charte.
67. Dans sa Réponse, l’État défendeur affiime que la Loi du 1 juillet 1969 sur l'assistance judiciaire, telle que révisée en 2002 prévoit l’octroi d’une assistance judiciaire gratuite dans le cadre des procédures pénales impliquant des personnes indigentes sous certaines conditions, dont une demande à cette fin. L'État défendeur soutient qu’il ressort du dossier que le requérant n’a jamais introduit une telle demande devant les juridictions nationales et conclut que cette allégation est sans fondement et doit être rejetée.
68. Dans son arrêt, en l'affaire Av An c. République- Unie de Tanzanie, la Cour a retenu qu’ « une personne indigente poursuivie en matière pénale a spécialement droit à l'assistance judiciaire gratuite lorsque l'infraction concernée est grave, et que la peine prévue par la loi est sévère ».°
69. Le requérant, dans la présente affaire, étant dans la même situation que celle décrite ci-dessus, la Cour conclut que l’État défendeur se devait de lui offrir, d'office et gratuitement, les services d’un avocat tout au long de la procédure judiciaire interne. Ne l'ayant pas fait, il a violé l’article 7(1)(c) de la Charte.
iv. Allégation relative à l’applicabilité de la peine de 30
ans de réclusion au moment des faits
70. Le requérant soutient que la peine de trente (30) ans de réclusion prononcée par le Tribunal de première instance à son encontre était excessive au regard des articles 285 et 286 du Code
9 Arrêt Av An c. Tanzanie, op. cit. paras 138-142.
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pénal, qui prévoient une peine maximale de quinze (15) ans et que sa condamnation était donc contraire à la Constitution de la République de Tanzanie. I! ajoute que la peine de trente ans de prison introduite et publiée dans le Journal officiel n° 269 de 2004 en son article 287 A, n’était pas applicable au moment des faits.
71. L'État défendeur conteste ces allégations et fait remarquer qu’il incombe au requérant d’en rapporter la preuve. Selon l’État défendeur, la peine applicable pour l’infraction de vol à main armée, en vertu des amendements à la Loi sur les peines minimales est la réclusion criminelle pour au moins 30 (trente) ans. En outre, l'État défendeur conclut que la peine pour vol à main armée prononcée par le Tribunal de première instance dans l'affaire pénale n°199 de 1998 était conforme au Code Pénal, à la Loi sur les peines minimales et à l’article 13(6)(a) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie (1977).
72. La Cour observe que la question en discussion à cette étape est celle de savoir si la peine prononcée contre le requérant en 1999, confirmée en 2005 par la haute Cour et en 2007 par la Cour d'appel, est conforme à la loi.
73. La Cour a déjà fait observer que la peine de trente (30) ans de réclusion est, en République-Unie de Tanzanie, la peine minimale applicable pour l'infraction de vol à main armée depuis 1994." En l'espèce, il ressort du dossier qu’en mars 1998, la loi applicable au moment des faits incriminés (vol à main armée), est le Code pénal tanzanien de 1981 et la Loi sur les peines minimales de 1972, telle qu’amendée en 1989 et en 1994 et qu’en conséquence, l’allégation du requérant n’est pas fondée.
74. La Cour en conclut que la violation alléguée relative à la peine prononcée contre le requérant après l’avoir déclaré coupable n’est pas fondée. En conséquence, elle la rejette.
B. Allégation selon laquelle l’État défendeur a violé
l’article 1 de la Charte
75. Dans la requête, il est allégué que l’État défendeur a violé l’article 1 de la Charte. L'État défendeur soutient que tous les droits du requérant ont été respectés.
76. L'article 1 de la Charte dispose que :
« [L]es États membres de l'Organisation de l’Unité Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer ».
10 Arrêt Av An c. Tanzanie, op. cit. para 210.
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77. La Cour a déjà constaté que l’État défendeur a violé l’article 7(1) (c) de la Charte pour n’avoir pas accordé au requérant l'assistance judiciaire gratuite. Elle réitère, par conséquent, la conclusion qu’elle a tirée dans l'affaire Al Ap c. la République-Unie de Tanzanie, à savoir que : « … lorsque la Cour constate que l’un quelconque des droits, des devoirs ou des libertés inscrits dans la Charte a été restreint, violé ou non appliqué, elle en déduit que l’obligation énoncée à l’article 1er de la Charte n’a pas été respectée ou qu’elle a été violée »."
78. Ayant dégagé la conclusion que le requérant a été privé de son droit de bénéficier de l'assistance judiciaire gratuite, en violation de l’article 7(1)(c) de la Charte, la Cour conclut que l’État défendeur a simultanément violé l’obligation qui est la sienne en vertu de l’article 1 de la Charte.
VIII. Sur les réparations
79. Comme indiqué au paragraphe 16 du présent arrêt, le requérant demande à la Cour d’annuler la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre, et d’ordonner sa remise en liberté ainsi que des mesures de réparation.
80. Comme relevé au paragraphe 19 ci-dessus, l’État défendeur demande que la requête soit rejetée dans sa totalité parce que dénuée de tout fondement et qu’en conséquence, aucune réparation ne soit octroyée au requérant.
81. L'article 27(1) du Protocole dispose que « lorsqu'elle estime qu'il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l'octroi d’une réparation ».
82. À cet égard, l’article 63 du Règlement prévoit que « [IJa Cour statue sur la demande de réparation (…) dans l'arrêt par lequel elle constate une violation d’un droit de l'homme ou des peuples, ou, si les circonstances l’exigent, dans un arrêt séparé ».
83. La Cour rappelle sa position, énoncée dans l'affaire Ab Ao Af Au c. République- Unie de Tanzanie, sur la responsabilité de l’État selon laquelle « …… toute violation d’une obligation internationale ayant causé un préjudice doit être réparée ».'? 84. S'agissant de la demande du requérant d’ordonner l'annulation de sa déclaration de culpabilité et la peine prononcée à son encontre, la Cour réitère sa décision selon laquelle elle n’est pas une juridiction
11 Arrêt Al Ap c. Tanzanie, op. cit. para 135.
12 Requête 011/2011. Arrêt du 13/6/2014, Ab Ao Af Au, c. République-Unie de Tanzanie, para 27.
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d’appel ayant le pouvoir d’infirmer les décisions des juridictions nationales et ne fait en conséquence pas droit à cette demande.‘*
85. En ce qui concerne la demande faite par le requérant aux fins de sa remise en liberté, la Cour a établi qu’elle ne pourrait ordonner directement une telle mesure que dans des circonstances exceptionnelles et impérieuses.“ Dans la présente affaire, le requérant n’a pas fait état de telles circonstances. La Cour rejette, en conséquence, cette demande.
86. La Cour relève toutefois que sa décision n'empêche pas l’État défendeur d’envisager lui-même cette mesure.
87. La Cour observe enfin que les parties n’ont pas soumis de mémoires sur les autres formes de réparation. Elle statuera donc sur cette question à une phase ultérieure de la procédure, après avoir entendu les Parties.
IX. Sur les frais de procédure
88. Aux termes de l’article 30 du Règlement « [à] moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
89. La Cour note qu’aucune des deux Parties n’a formulé de demandes relatives aux frais de procédure.
90. Compte tenu des circonstances de l'espèce, la Cour décide que chaque partie supportera ses frais de procédure.
Par ces motifs,
La Cour,
À l’unanimité :
Sur la compétence :
ii. Déclare qu’elle est compétente.
Sur la recevabilité
iv. Déclare la requête recevable;
13 Requête 032/2015. Arrêt du 23/03/2018, Ki Ar c. République-Unie de Tanzanie, para 95.
14 Arrêt Al Ap c. Tanzanie, op. cit. para 157; Arrêt Av An c. Tanzanie, op. cit, para 234.
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Sur le fon
V. Dit que la violation alléguée de l’article 7 relative aux irrégularités qui ont entaché l’acte d’accusation n’est pas établie ;
vi. Dit que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1)(b) de la Charte en ce qui concerne l’allégation du requérant relative à l’erreur de procédure par rapport à la déposition du témoin à charge PW1 ;
vi. Dit que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(2) de la Charte en ce qui concerne l'applicabilité de la peine au moment où le vol a été commis ;
viii. Dit par contre que l’État défendeur a violé l’article 7(1)(c), pour n’avoir pas octroyé au requérant une assistance judiciaire gratuite au cours de la procédure judiciaire et que par conséquent, il a également violé l’article 1" de la Charte;
ix. Rejette la demande du requérant visant à l'annulation de la déclaration de culpabilité et de la peine prononcées à son encontre ;
x. Ne fait pas droit à la demande du requérant visant à ordonner directement sa remise en liberté, sans préjudice du pouvoir de l’État défendeur d'envisager lui-même cette mesure;
xi. Réserve sa décision sur la demande du requérant relative aux autres formes de réparation;
xii. Décide que chaque partie supporte ses frais.
xiii. Accorde au requérant, en application de l’article 63 du Règlement, un délai de trente (30) jours à compter de la date du présent arrêt pour déposer ses observations écrites sur les autres formes de réparation, et à l’État défendeur un délai de trente (30) jours à compter de la date de réception des observations écrites du requérant pour y répondre.