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16/12/2022 | CADHP | N°005/2022

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 16 décembre 2022, 005/2022


Texte (pseudonymisé)
AFRICAN UNION UNION AFRICAINE
UNIAO AFRICANA AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES AFFAIRE
MAHER BEN Ac B An REPUBLIQUE TUNISIENNE REQUÊTE NO. 005/2022
ORDONNANCE
(MESURES PROVISOIRES)
16 DECEMBRE 2022 La Cour, composée de Imani D. ABOUD, Présidente, Blaise TCHIKAYA, Vice-
président ; Ben KIOKO, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika
BENSAOULA, Stella |. ANUKAM, Aa At X, Ag C et As Aq
A Juges ; et Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte af

ricaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des d...

AFRICAN UNION UNION AFRICAINE
UNIAO AFRICANA AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES AFFAIRE
MAHER BEN Ac B An REPUBLIQUE TUNISIENNE REQUÊTE NO. 005/2022
ORDONNANCE
(MESURES PROVISOIRES)
16 DECEMBRE 2022 La Cour, composée de Imani D. ABOUD, Présidente, Blaise TCHIKAYA, Vice-
président ; Ben KIOKO, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika
BENSAOULA, Stella |. ANUKAM, Aa At X, Ag C et As Aq
A Juges ; et Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et
des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement intérieur
de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »), l’'Honorable Rafaâ BEN ACHOUR, Juge
à la Cour et de nationalité tunisienne, s’est récusé.
Maher Ben Ac B An
Assurant lui-même sa défense
Contre
REPUBLIQUE TUNISIENNE
Non représentée
après en avoir délibéré,
rend la présente Ordonnance :
I LES PARTIES
1. Le sieur Maher Ben Ac B An (ci-après désigné « le Requérant »),
est un ressortissant tunisien et membre de l’Assemblée des représentants du
peuple qui a été dissoute. Il allègue la violation de ses droits de l’homme en rapport avec la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple et des
événements politiques qui l’ont suivi.
2. La Requête est dirigée contre la République tunisienne (ci-après dénommée
« l’État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples (ci-après désignée la « Charte ») le 21 octobre 1986
et au Protocole le 5 octobre 2007. Elle a également déposé, le 2 juin 2017, la
Déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole (ci-après désignée la
Déclaration »), par laquelle elle accepte la compétence de la Cour pour
recevoir des requêtes émanant d'individus et d'organisations non
gouvernementales
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
3. Il ressort du dossier que le Requérant a été élu pour un mandat parlementaire
qui court jusqu’en novembre 2024. Il allègue que les autorités de l’État
défendeur prévoient d'organiser de nouvelles élections législatives le 17
décembre 2022 alors que le mandat du Parlement n’est pas encore arrivé à
terme.
4. Le Requérant allègue la violation de la Constitution de l’État défendeur par le
Président de la République. Il soutient à cet égard que le Président a pris des
mesures qui ne relèvent pas de ses compétences, notamment en suspendant
l’Assemblée des représentants du peuple et en dissolvant le gouvernement. Le
Requérant indique que, par la suite, le Président a dissout l'Assemblée des
représentants du peuple et suspendu les indemnités de ses membres,
notamment les salaires, l’assurance-maladie et les indemnités de voyage.
5. Le Requérant allègue en outre que le Président de la République a qualifié les
députés de vermines, de criminels et de bons à rien, et qu’il a en outre accusé ces derniers de toucher des pots-de-vin pour faire passer certaines lois. Le
Requérant rapporte qu’il a été arrêté le 30 juillet 2021 et traduit devant un
tribunal militaire sous le chef d’accusation d’atteinte à la sûreté de l’État. Il
ajoute que, dans une autre affaire, le même tribunal militaire l’a également
condamné à trois (3) ans de prison.
6. Le Requérant rapporte que le 2 novembre 2021 et le 2 août 2022 des hommes
armés habillés en civil ont fait irruption chez lui à deux reprises. Il ajoute que
les autorités les auraient empêchés, lui et son fils détenteur d’un passeport
américain, de se rendre à l’étranger.
7. Le Requérant soutient enfin que le Président de la République a omis de
déclarer son état de santé physique et psychologique, ce qui accentue la peur
et l’anxiété quant au sort du pays, eu égard aux décisions et ordonnances
incompréhensibles qu’il prend au gré de ses caprices.
Il. VIOLATIONS ALLÉGUÉES
8. Le Requérant allègue la violation des droits à la non-discrimination, à l’égalité,
à la vie, à la dignité, à la sécurité et la liberté, au procès équitable, à la liberté
de circuler, le droit du peuple à l’autodétermination ainsi que l'indépendance
des tribunaux garantis par les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 12, 20 et 26 de la Charte
respectivement.
IV. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
9. La Requête, assortie d’une demande de mesures provisoires, a été reçue au
Greffe de la Cour le 7 novembre 2022.
10.Le 16 novembre 2022, la Requête a été notifiée à l’État défendeur, lui
demandant de déposer ses observations sur la Requête au fond et sur la
demande de mesures provisoires dans les délais de quatre-vingt-dix (90) et
sept (7) jours respectivement. Il a été également demandé à l‘État défendeur
de transmettre la liste des noms de ses représentants dans un délai de trente
(30) jours.
11.L’État défendeur n’a pas répondu concernant la demande de mesures
provisoires.
V. DEMANDES DES PARTIES
12.Le Requérant demande à la Cour de :
i. Se déclarer compétente ;
il. Déclarer la Requête recevable ;
iii. Dire, en ce qui concerne le fond de la Requête, que l’État défendeur a violé les
articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de la Charte en faisant comparaître le Requérant devant
des tribunaux militaires et en le condamnant pour ses écrits contre la corruption,
bien qu’il soit un membre élu du Parlement. De plus, la famille du Requérant a
également subi l’enlèvement illégal de ses enfants et s’est vue privée des
services d’un avocat pour les défendre jusqu’à ce qu'ils soient libérés après une
journée entière d’intimidation et de privation d’eau et de médicaments, surtout
pour sa fille, qui est diabétique ;
iv. Dire que l’État défendeur a violé l’article 12 de la Charte en plaçant certains
membres de l’Assemblée des représentants du peuple en résidence surveillée
et en empêchant en toute illégalité le reste des membres de l’Assemblée de
quitter le pays ;
v. Dire que l’État défendeur a violé l’article 20 de la Charte pour atteinte flagrante
à la volonté du peuple en suspendant l’Assemblée des représentants du peuple,
démocratiquement élue, puis en la dissolvant complètement, tout en recourant
à la force militaire pour dissuader toute résistance. L'État défendeur a
également violé le droit du peuple à l’autodétermination en convoquant des élections législatives, bien que le mandat du parlement légalement élu coure
jusqu’en octobre 2024 ; et
vi. Dire que l’État défendeur a violé l’article 26 de la Charte pour avoir manqué de
garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire, en traduisant les représentants
élus du peuple devant des tribunaux militaires et anti-terroristes au motif qu’ils
ont assisté à une session parlementaire qui a lancé un appel au Président de
la République pour qu’il mette un terme à ses mesures exceptionnelles et
rétablisse l’ordre constitutionnel dans le pays.
13.Le Requérant sollicite de la Cour qu’elle :
i. Dise que la levée de l’immunité du Requérant, en sa qualité de membre de
l’Assemblée des représentants du peuple, est illégale ;
ii. Annule les jugements rendus contre lui par les tribunaux militaires après la
levée de son immunité, ceux-ci n’étant pas compétents pour juger des civils.
iii. Réitère son droit à la perception de ses émoluments de député et à la
couverture maladie pour sa famille et lui-même, conformément aux normes et
pratiques en vigueur depuis qu’il a pris fonction comme député ; ces droits ont
été violés depuis les mesures prises en 2021 ;
iv. Dise que le Requérant a le droit d’accéder aux locaux du Parlement pour
exercer les fonctions pour lesquelles le peuple l’a élu ; et
v. Réitère son droit à des réparations pécuniaires et non pécuniaires pour le
préjudice subi depuis le 25 juillet 2021 du fait des mesures prises par le
Président, notamment l’emprisonnement, la diffamation et le fait qu’il ait dû fuir
son pays pour trouver refuge en exil, loin de sa famille dont des membres ont
été enlevés et se sont vus interdits de voyage.
VI. SUR LA COMPÉTENCE PRIMA FACIE DE LA COUR
14.Les deux parties n’ont pas fait d’observations sur la compétence prima facie
de la Cour.
15.Lorsqu’elle est saisie d’une requête, la Cour procède à un examen préliminaire
de sa compétence, sur la base des articles 3,5(3) et 34(6) du Protocole.
16. L'article 3(1) du Protocole dispose :
La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et tous les
différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l’application de
la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif
aux droits de l’homme et ratifié par les États concernés.
17.La règle 49(1) du Règlement prévoit que « La Cour procède à un examen
préliminaire de sa compétence (.…) conformément à la Charte, au Protocole et
au présent Règlement ». Toutefois, s'agissant des mesures provisoires,
conformément à sa jurisprudence constante, la Cour n’a pas à s'assurer qu’elle
a compétence sur le fond de l'affaire, mais simplement qu’elle a compétence
18.Aux termes de l’article 5(3) du Protocole, « La Cour peut permettre aux
individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du
statut d’observateur auprès de la Commission d’introduire des requêtes
directement devant elle, conformément à l’article 34(6) de ce Protocole ».
19.Comme mentionné au paragraphe 2 de la présente Ordonnance, l'État
défendeur est partie à la Charte, au Protocole et a également fait la Déclaration
acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes des individus
et des organisations non gouvernementales conformément à l’article 34(6) du
Protocole lu conjointement avec l’article 5(3) du Protocole.
+ Voir Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Grande Aj arabe libyenne populaire et socialiste (mesures provisoreries) (25 mars 2011) RICA 18, 8 10 ; Af Ak c. République du Bénin (mesures provisoires (2 décembre 2019) 3 RICA 752, 8 14. Ah Ao c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n°12/2019, Ordonnance du 09 avril 2020 (mesures provisoires), 8 14 ; Au Ae Al et cinq (5) autres c. République du Malawi, CATDHP, Requête n° 13/2021 Ordonnance (mesures provisoires), 11 juin 2021 8 11.
20. Sur le fond, les droits dont le requérant allègue la violation sont protégés par la
Charte, qui est un instrument que la Cour est habilitée à interpréter et appliquer
en vertu de l’article 3(1) du Protocole.
21.À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle a compétence prima
facie pour connaitre des demandes de mesures provisoires.
22. Au titre des mesures provisoires, le Requérant demande à la Cour de :
i. Rendre de toute urgence une ordonnance enjoignant à l’État défendeur de
surseoir à l’organisation des élections législatives prévues le 17 décembre
2022, en raison de l’existence d’un parlement légitime démocratiquement élu
par le peuple tunisien, dont le mandat arrive à terme dans deux ans, c’est-à-
dire en novembre 2024.
ii. Déclarer que sont nulles et de nul effet la convocation du corps électoral, toute
décision ou mesure prise par le parlement illégitime qui en résulte, eu égard à
une décision antérieure rendue par l’honorable Cour de céans qui a déclaré
nuls les ordonnances et décrets présidentiels pris après les élections du 25
juillet 2021. Ces élections empêcheront le Requérant d'exercer ses fonctions
de membre de l’Assemblée des représentants du peuple, dans la mesure où
la Cour constitutionnelle est l'instance compétente en matière électorale.
ii. Ordonner au Président de la République de se soumettre à un bilan de santé
physique et psychologique pour s'assurer qu’il est sain de corps et d’esprit et
apte à exercer ses fonctions, dans la mesure où il pèse, de toute évidence,
une menace directe sur la sécurité et la stabilité du pays, du fait que la Cour
constitutionnelle compétente en Tunisie pour contraindre le Président de la
République à se plier à la présente demande, n’a pas encore été mise en
place.
23.La Cour rappelle que l’article 27(2) du Protocole dispose :
Dans les cas d’extrême gravité ou d’urgence et lorsqu’il s'avère
nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour
ordonne les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes.
24.La Cour note que la Règle 59(1) du Règlement prévoit ce qui suit :
Conformément à l’article 27, alinéa 2 du Protocole, à la demande d’une
partie ou d'office, dans les cas d’extrême gravité ou d'urgence et lorsqu'il
s'avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes,
la Cour peut ordonner les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes,
en attendant de statuer sur la requête principale.
25.1l ressort de ce qui précède que la Cour dispose d’un pouvoir discrétionnaire
pour décider dans chaque cas si elle doit exercer les pouvoirs dont elle est
investie en vertu des dispositions susmentionnées.
26.La Cour observe que l'urgence, consubstantielle à l'extrême gravité, s'entend
de ce qu’un « risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé
avant qu’elle ne rende sa décision définitive.” ».
27.La Cour souligne que le risque en question doit être réel, ce qui exclut le risque
purement hypothétique et explique la nécessité d’y remédier dans un proche
? Ar Ad Am c. République du Bénin, CAfDHP, Requête No. 004/2020, Ordonnance du 15 août 2022 (mesures provisoires) ; Ab Ap Ai c. République du Bénin, CAfDHP, Requête No. 062/2019, Ordonnance du 17 avril 2020 (mesures provisoires), 8 61.
3 Ar Ad Am c. Bénin, op. cit., 8 27 ; Ai Ab c. Bénin, op. cit, 62.
28.En ce qui concerne le préjudice irréparable, la Cour estime qu’il doit exister une
« probabilité raisonnable de matérialisation » eu égard au contexte et à la
situation personnelle du Requérant*.
29. Au regard des dispositions susmentionnées, la Cour rappelle que les mesures
provisoires ont un caractère préventif et n’excluent pas une décision sur le fond
de la Requête*.
30.Dans la présente Requête de mesures provisoires, le Requérant demande à la
Cour de : i) surseoir à l'organisation des élections législatives ; ii) invalider la
convocation des élections législatives et des décisions du Parlement élu en
conséquence ; et iii) ordonner que le Président de la République soit soumis à
un examen physique et psychologique.
i. Sursis à l’organisation des élections législatives du mois de décembre
2022
31.Le Requérant demande à la Cour de rendre, de toute urgence, une ordonnance
enjoignant à l’État défendeur de surseoir à l’organisation des élections
législatives prévues pour le 17 décembre 2022, en raison de l’existence d’un
parlement légitime démocratiquement élu par le peuple tunisien, dont le
mandat se termine dans deux ans, c’est-à-dire en novembre 2024.
32.La Cour note que la demande examinée tend à obtenir une ordonnance
annulant l’article 1% du Décret présidentiel n° 2022-710 du 15 septembre 2022
par lequel le Président a convoqué des élections législatives pour le 17
décembre 2022 en vue d’élire les membres du Parlement. Selon le calendrier
* Ar Ad Am c. Bénin, op. cit, 8 28 ; Ab Ap Ai c. Bénin, op. cit., 8 63. 5 Ab Ap Ai c. Bénin, op. cit., 8 60.
électoral, les électeurs résidant à l’étranger voteront les 15, 16 et 17 décembre
2022.
33.La Cour note en outre que le Requérant a déposé sa requête au Greffe le 7
novembre 2022.
34.La Cour fait observer que pour établir l’existence d’un préjudice que la
demande de mesures provisoires tend à éviter, il y a lieu de déterminer une
connexion entre les mesures demandées et la cause au fond. La Cour note à
cet égard qu'il n’existe aucun rapport entre la demande de sursis à la tenue de
l'élection concernée et les droits allégués par le Requérant dans la Requête
introductive d'instance. En effet, les violations alléguées ne le sont pas dans le
contexte de l’élection dont la suspension est demandée.
35. La Cour note par ailleurs que si les demandes liées à la légitimité du Parlement
dissout et du Parlement qui sortirait de l’élection prévue pour le mois de
décembre 2022 se rapportent à la cause au fond, il est évident que la Cour
risquerait d’entamer le fond si elle faisait suite à la demande de sursis en
36.Par conséquent, La Cour rejette la demande du Requérant tendant à faire
ordonner qu’il soit sursis à l’organisation de l'élection concernée.
ii. Annulation de la convocation des électeurs, des résultats des
élections et des décisions du parlement à élire.
37.Le Requérant demande à la Cour d'annuler la convocation du peuple à
l'élection d’un nouveau parlement le 17 décembre et le résultat de celle-ci, en
raison de l’existence d’un parlement légitime dont le mandat court jusqu’en
novembre 2024, dans la mesure où ces élections l’empêcheront d’exercer ses
fonctions de membre de l’actuelle Assemblée des représentants du peuple, et en l’absence d’une Cour constitutionnelle nationale compétente en matière
électorale.
38.La Cour note que le Requérant demande une mesure d’annulation de la
convocation susmentionnée du collège électoral et de toutes les mesures
prises par le Parlement qui en résulte, conformément à un arrêt antérieur de la
Cour sur les ordonnances et décrets présidentiels publiés et sur le fait que la
Cour constitutionnelle n’a pas été mise en place dans l’État défendeur.
39.La Cour considère que cette demande porte sur le fond de la Requête et ne
peut donc être examinée au stade des mesures provisoires. La convocation du
collège électoral est une mesure qui dans sa nature est similaire à la demande
déjà examinée. La Cour estime que la même réponse s'applique à la demande
qui est examinée. L’annulation des décisions futures du parlement à élire
ressort bien évidemment de demandes potentielles et le préjudice y afférent
n’est absolument pas réalisé.
40.Par ailleurs, il ne serait pas possible d'accueillir la présente demande sans
toucher le fond de la Requête.
41.En conséquence, la Cour rejette la demande de mesures provisoires tendant
à faire annuler la convocation des électeurs et les décisions du Parlement qui
sera issue de l'élection du mois de décembre 2022.
ii. Mesure visant à ordonner au Président de la République de se
soumettre à un bilan de santé physique et psychologique
42.Le Requérant demande à la Cour d’ordonner au Président de la République de
se soumettre à un bilan de santé physique et psychologique pour s'assurer
qu’il est sain de corps et d'esprit et apte à exercer ses fonctions, dans la mesure
où il pèse, de toute évidence, une menace directe sur la sécurité et la stabilité du pays, du fait que la Cour constitutionnelle compétente en Tunisie pour
contraindre le Président de la République à se plier à la présente demande,
n’a pas encore été mise en place.
43.La Cour note qu’aucun élément du dossier ne justifie une réponse à cette
demande. Par conséquent, la Cour la rejette.
44.Pour éviter tout équivoque, la Cour précise que la présente ordonnance est de
nature provisoire et ne préjuge en rien les décisions qu’elle pourrait prendre
sur sa compétence, la recevabilité et le fond de la requête.
VIII. DISPOSITIF
45.Par ces motifs,
LA COUR,
À la majorité de neuf (9) pour un (1) contre, la Juge Chafika BENSAOULA étant
dissidente,
i. Rejette la demande d'ordonner à l'État défendeur de surseoir à
l'organisation des élections législatives prévues le 17 décembre
2022 jusqu'à ce qu'elle puisse examiner le fond de l'affaire.
ii. Rejette la demande d’une ordonnance invalidant la convocation du
collège électoral, les résultats des élections et toute mesure prise par
le parlement à élire jusqu'à ce qu'elle puisse examiner le fond de
l'affaire.
ii. Rejette la demande portant sur une ordonnance obligeant le Président
de la République à se soumettre à un examen médical,
psychologique et physique pour s'assurer de son état de santé.
Ont signé :
Juge Imani D. ABOUD, Présidente ——…
Robert ENO, Greffier
Conformément à l’article 28(7) du Protocol et à la règle 70(1) du Règlement, l’opinion
dissidente de la Juge Chafika BENSAOULA est jointe à la présente Ordonnance.
Fait à Arusha, ce seizième jour du mois de décembre de l’année deux-mille vingt-deux,
en arabe, en anglais et en français, le texte en arabe faisant foi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 005/2022
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
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