AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES AFFAIRE
AK C AS
RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
Z AI
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE
RÉPUBLIQUE DE GAMBIE
RÉPUBLIQUE DU GHANA
RÉPUBLIQUE DU MALAWI
RÉPUBLIQUE DU MALI
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE
REQUÊTE N°0102021
ORDONNANCE
(MESURES PROVISOIRES)
20 décembre 2022 REQUÉRANT
ÉTATS DÉFENDEURS La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Président, Blaise TCHIKAYA, Vice-
Président, Ben KIOKO, Ay X, Bf AQ, Stella |. ANUKAM et
Ab Bd AV - Juges ; et de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et
des peuples, (ci-après désigné « le Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement intérieur
de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »), les juges Bz Bo AJ, de
nationalité tunisienne, Ar Bc Y, de nationalité malawite, Am A,
de nationalité malienne et Bm Ca B, de nationalité ghanéenne, se sont récusés.
En l’Affaire :
AK C AS
Assurant sa défense lui-même ;
contre
! RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
Non - représentée ;
ii. Z AI
Représenté par
Mme Af Cb AM AH,
Mme Ae AL AP,
M. Av Ba AR,
M. Bj AU,
M. Bn Ce AG
M. Ak AO,
Agents Judiciaires adjoints de l’État ;
iii. RÉPUBLIQUE DU CÔTE D'IVOIRE
Non-représentée ;
iv. RÉPUBLIQUE DE GAMBIE
Non-représentée ;
Vv. RÉPUBLIQUE DU GHANA
Représentée par
M. Aa Bi As, Ai Bx et ministre de la Justice, Bureau de
l’Ai Bx, ministère de la Justice ;
Mme Aq Aw Az, Ai Bx adjoint et vice-ministre de la
Justice, Bureau de l’Ai Bx, ministère de la Justice ;
Mme Bk Bl Bw Cc, By Bx, Bureau de l’Ai Bx, ministère
de la Justice ;
Mme Cd Be Bq, Director of Public Prosecution, Bureau de l’Ai
Bx, ministère de la Justice ;
Dr. Ag Bt, Cf Ad Ai, Bureau de l’Ai Bx, ministère de la
Justice ;
Mme Bv Bb Bg, Assistant Ad Ai, Bureau de l’Ai Bx,
ministère de la Justice ;
Mme Bp Ah, Assistant Ad Ai, Bureau de l’Ai Bx, ministère de la
Justice ;
vi. RÉPUBLIQUE DU MALAWI
Non-représentée ;
vil. RÉPUBLIQUE DU MALI
Non-représentée ;
vi. RÉPUBLIQUE TUNISIENNE
Non-représentée;
après en avoir délibéré,
rend la présente Ordonnance :
I. LES PARTIES
1. Le Sieur AK C AS, (ci-après dénommé « le Requérant »)
est un citoyen et homme politique béninois. Il fait valoir que la République du
Bénin est responsable de violations de droits de l'homme continues, en dépit
des décisions de la Cour de céans. Il soutient, en outre, que la responsabilité
de l’inexécution desdites décisions, devrait être imputée aux États défendeurs
puisqu’ils sont membres du Conseil des ministres, devenu Conseil exécutif de
l’Union africaine (ci-après désigné « Conseil exécutif ») qui veille à leur
exécution.
2. La Requête est dirigée contre :
i. La République du Bénin, devenue partie à la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte »),
le 21 octobre 1986 et au Protocole relatif à la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples portant création d’une Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée
« le Protocole »), le 22 août 2014. Elle a, en outre, fait le 08 février
2016 la Déclaration prévue par l’article 34(6) dudit Protocole (ci-
après désignée «la Déclaration ») par laquelle elle accepte la
compétence de la Cour pour recevoir les requêtes émanant des
individus et des organisations non gouvernementales. Le 25 mars
2020, la République du Bénin a déposé, auprès de la Commission
de l’Union Africaine l'instrument de retrait de sa Déclaration. La Cour
a jugé que ce retrait n'a aucun effet, d’une part, sur les affaires pendantes, et d’autre part, sur les affaires nouvelles déposées avant
la prise d’effet du retrait, un an après son dépôt, soit, le 26 mars
20211,
ii. Le Z AI, devenu partie à la Charte, le 21 octobre 1986 et au
Protocole, le 25 janvier 2004. En outre, le 28 juillet 1998, le Z
AI a déposé la Déclaration qui a pris effet à la date d’entrée en
vigueur du Protocole, soit le 25 janvier 2004.
iii. La République de Côte d'Ivoire, devenue partie à la Charte le 31
mars 1992 et au Protocole, le 25 janvier 2004. Elle a, en outre, fait
la Déclaration le 23 juillet 2013. Le 29 avril 2020, la République de
Côte d’Ivoire a déposé, auprès de la Commission de l’Union
Africaine l'instrument de retrait de sa Déclaration. La Cour a jugé que
ce retrait n’a aucun effet, d’une part, sur les affaires pendantes et
d'autre part, sur les affaires nouvelles déposées avant la prise d’effet
du retrait, un an après son dépôt, soit, le 30 avril 2021?.
iv. La République de Gambie, devenue partie à la Charte le 21 octobre
1986 et au Protocole, le 25 janvier 2004. Elle a, en outre, fait la
Déclaration le 03 février 2020.
v. La République du Ghana, devenue partie à la Charte, le 1% mars
1989 et au Protocole, le 16 août 2005. Elle a, en outre, déposé la
Déclaration, le 10 mars 2011.
vi. La République du Malawi, devenue partie à la Charte le 23 février
1990. Le 9 octobre 2008, elle est devenue partie au Protocole et a
déposé la Déclaration.
1 AK C AS c. République du Bénin, CAfDHP, Requête n° 003/2020, Ordonnance (mesures provisoires) (05 mai 2020), 8 4-5 et Corrigendum du 29 juillet 2020.
2 Suy AN Aj Al et autres c. République de Côte d'Ivoire, CAfDHP, Requête n°044/2019, Arrêt du 15 juillet 2020 (fond et réparations), 8 67 ;
vii. La République du Mali, devenue partie à la Charte, le 21 octobre
1986 et au Protocole, le 20 juin 2000. Elle a, en outre, déposé la
Déclaration le 19 février 2010.
viii. La République tunisienne, devenue partie à la Charte le 21 octobre
1986 et au Protocole, le 05 octobre 2007. Elle a, en outre, déposé la
Déclaration le 2 juin 2017.
3. Ces États sont dénommés, chacun, par son appellation officielle et
collectivement, « États défendeurs ».
I. OBJET DE LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE
4. Dans sa Requête introductive d'instance, le Requérant fait valoir que du fait
de multiples violations subies, des citoyens béninois, y compris lui-même, ont
décidé de saisir la Cour de céans de plusieurs Requêtes dirigées contre la
République du Bénin. Elle a été déclarée responsable de ces violations dans
des arrêts rendus par ladite Cour®.
5. Il soutient que les États défendeurs, membres du Conseil exécutif n’ont pas
veillé à l'exécution de ces arrêts, par la République du Bénin et ont, par leurs
manquements, « cautionné la spoliaton du peuple béninois, de sa
souveraineté et de son droit à l’autodétermination, pour avoir donné effet aux
violations systématiques et continues des droits fondamentaux et des
décisions de la Cour de céans, par la République du Bénin ».
6. Le Requérant soutient, en outre, que le 05 mars 2021, la dame Ac
AT été arrêtée alors qu’elle protestait contre la tenue de l’élection
présidentielle de 2021 en violation des décisions de la Cour de céans. Il ajoute
3 Requête 013/2017, Au Ao c. République du Bénin, Arrêt du 29 mars 2019 ; Requête 059/2020
- XYZ c. République du Bénin, Arrêt du 27 novembre 2020 ; Requête n°010/2020 - XYZ c. République du Bénin, Arrêt du 27 novembre 2020 ; Requête n°62/2020 — Au Bs Br Bh Ao c. République du Bénin, Arrêt du 04 décembre 2020 ; Requête n°003/2020 — AK C AS c. République du Bénin, Arrêt du 04 décembre 2020.
que celui-ci lui a donné un mandat ad litem, le 25 mai 2021. Selon le
Requérant, la privation de liberté de Ac AT est arbitraire surtout
qu'aucun soupçon ne pesait sur elle.
7. A l’égard de la République du Bénin, le Requérant allègue la violation des
droits ou obligations suivants :
|. Le droit à la non-discrimination, protégé par l’article 2 de la Charte ;
ii. Les droits à une totale égalité devant la loi et à une égale protection
de la loi, protégés par les article 3 de la Charte et 7 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme (DUDH) ;
iit. Le droit au respect de la vie et à l’intégrité physique et morale, protégé
par l’article 4 de la Charte ;
iv. Le droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine,
protégé par l’article 5 de la Charte ;
v. Le droit à un procès équitable, en particulier, le droit à la défense,
protégé par l’article 7(1)(c) de la Charte, le droit d’être jugé dans un
délai raisonnable, par une juridiction impartiale, protégé par l’article
vi. Le droit à l'information, protégé par l’article 9(1) de la Charte ;
vil. Le droit à la liberté d’opinion et d’expression, protégé par l'article 9(2)
de la Charte et 19 du PIDCP ;
vil Le droit de constituer librement des associations avec d’autres,
protégé par l’article 10 de la Charte, du fait de l’ingérence arbitraire
dans les affaires d’une association ;
ix. Le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de
son pays, protégé par l’article 13 de la Charte ;
x. Le droit de propriété, protégé par les articles 14 de la Charte et 17 de
la DUDH ;
xi. Le droit au travail, protégé par les articles 15 de la Charte et 23 de la
DUDH ;
xii. Le droit de tout peuple à la libre disposition des leurs richesses et de
leurs ressources naturelles, protégé par l’article 21 de la Charte ;
xiii. Le droit de tout peuple à la paix et à la sécurité, protégé par l’article
23(1) de la Charte ;
xiv. Le droit à la liberté et à la sécurité, protégé par l’article 9(1) du PIDCP
xv. Le droit au respect du principe de légalité de la loi pénale, protégé par
l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP) ;
xvi. Le droit au respect de la vie privée, protégé par l’article 17 du PIDCP
xvii. Le droit à un niveau de vie suffisant, protégé par l’article 11 du Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(PIDESC) ;
Xxvili. Les droits de participer à la vie culturelle, de bénéficier des progrès
scientifiques et de ses applications, ainsi que le droit pour tout auteur
de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels
découlant de sa production scientifique, littéraire ou artistique,
protégés par l’article 15(1) du PIDESC ;
xix. Le droit à un recours effectif, garanti par l’article 8 de la Déclaration
Universelle des droits de l'homme (DUDH) ;
XX. Le droit à la présomption d’innocence, garanti par l’article 11 de la
DUDH ;
xxi. L'obligation d’adopter des mesures législatives ou autres rendre
effectifs et garantir les droits, libertés et devoirs garantis dans la
Charte, prévue par l’article 1 de la Charte ;
xxii. L'obligation de prendre des mesures nécessaires en vue de protéger
la santé des populations et leur apporter l’assistance médicale, en cas
de maladie, prévue par l’article 16(2) de la Charte ;
xxiii. L'obligation de garantir l'indépendance des tribunaux, prévue par
l’article 26 de la Charte ;
xxiv. L'obligation de se conformer aux décisions de la Cour africaine,
prévue par l’article 30 du Protocole ;
xxv. L'obligation de garantir un recours utile à toute personne dont les
droits et libertés ont été violés, prévue par l’article 2(3) du PIDCP ;
xxvi. L'obligation de garantir la bonne suite donnée par les autorités
compétentes à tout recours qui aura été reconnu et justifié, prévue par
l’article 2(3)(c) du PIDCP ;
xxvii. L'obligation de se conformer au principe de non-régression, prévue
par l’article 5 du PIDCP ;
Le Requérant allègue, en outre, la violation des articles 1 de la Charte de
l'ONU, 3(b)(e) et 4(g)(M) de l’Acte Constitutif de l'Union africaine (Acte
constitutif).
A l’égard des autres États défendeurs, le Requérant allègue la violation des
droits et obligations suivants :
i. Le droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine,
protégé par l’article 5 de la Charte ;
ii. Le droit de tout peuple à l’existence, protégé par l’article 20(1) de la
Charte ;
iit. L'obligation d’adopter des mesures législatives ou autres pour rendre
effectifs les droits protégés par la Charte, prévue par l’article 1 de la
Charte ;
iv. L'obligation de promouvoir la tenue régulière d’élections
transparentes, libres et justes afin d’institutionnaliser une autorité et un
gouvernement légitimes ainsi que les changements démocratiques de
gouvernement, protégé par l’article 2(3) de la CADEG ;
v. L'obligation d’interdire, de rejeter et de condamner tout changement
anticonstitutionnel de gouvernement dans tout État membre comme une menace grave à la stabilité, à la paix, à la sécurité et au
développement, protégé par l’article 2(4) de la CADEG ;
vi. L'obligation de promouvoir le pouvoir démocratique, le principe de
l’État de droit et les droits de l'homme, prévu par l’article 4(1) de la
Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance
(CADEG) ;
vil. L'obligation de ne pas se livrer à une activité ou d’accomplir un acte
visant à la destruction des droits et libertés énoncés dans la DUDH,
prévue par l’article 30 de la DUDH ;
10. Le Requérant allègue, par ailleurs, la violation des articles 1 de la Charte de
l’'ONUS, 3(b)(e)(h) et 4(g) de l’Acte Constitutif.
IV. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
11. La Requête introductive d’instance et une demande de mesures provisoires
ont été déposées au Greffe le 25 mars 2021. .
12. Le 16 août 2022, le Greffe a communiqué ces différentes requêtes aux États
défendeurs en leur demandant de déposer la liste de leurs représentants
dans un délai de trente (30) jours et de déposer leurs réponses à la demande
# L'article 1 de la Charte des Nations Unies dispose : « Les buts des Nations Unies sont les suivants :
1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ;
2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ;
3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ;
4. Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.
de mesures provisoires et à la requête introductive d’instance, dans les délais
respectifs de quarante-cinq (45) et quatre-vingt-dix (90) jours, à compter de
la réception, soit, pour la demande de mesures provisoires, le 22 août 2022
pour le Z AI, la République du Bénin, la République de Côte d’Ivoire,
la République du Ghana, la République du Malawi ainsi que la République
du Mali et le 23 août 2022 pour la République de Gambie et la République
tunisienne.
13. Le Z AI et la République du Ghana ont indiqué les noms de leurs
représentants, respectivement, les 19 septembre et 5 octobre 2022. A
l'expiration du délai de quarante-cinq (45) jours, aucun État défendeur n’a
déposé ses observations sur la demande de mesures provisoires.
V. SUR LA COMPÉTENCE PRIMA FACIE
14. Le Requérant affirme, sur le fondement de l’article 27(2) du Protocole et de
l’article 51 du Règlement de la Cour (ci — après dénommé « le Règlement »),
qu’en matière de mesures provisoires, la Cour n’a pas à se convaincre qu’elle
a compétence sur le fond de l’affaire mais simplement qu’elle a compétence
prima facie.
15. Se référant, en outre, à l’article 3(1) du Protocole, le Requérant estime que
la Cour est compétente dans la mesure il allègue des violations de droits de
l'homme protégés par des instruments de droits de l'homme d’une part, et
d'autre part, parce que certaines mesures provisoires sollicitées le sont à
l'égard de la République du Bénin qui a déposé la Déclaration, le 08 févier
2016. Il ajoute le retrait de ladite Déclaration qui a eu lieu le 25 mars 2020 n’a
aucune incidence sur les affaires pendantes, ni sur les affaires introduites
avant sa prise d’effet.
5 Règle 59 du présent Règlement, entré en vigueur le 25 septembre 2020.
16. Il ajoute que la compétence prima facie de la Cour s'étend à l’ensemble des
cinq (5) mesures provisoires sollicitées à l'égard de la République du Bénin
même si au nombre de ces mesures, deux visent à faire intervenir le Conseil
exécutif aux fins d’obtenir d’elle l'exécution des décisions de la Cour, pour
éviter des préjudices irréparables.
17. Aucun État défendeur n’a conclu.
18. … L'article 3(1) du Protocole dispose :
La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les
différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l’application de
la Charte, du Protocole et tout autre instrument pertinent relatif aux droits
de l’homme et ratifié par les États concernés.
19. En outre, aux termes de la Règle 49(1) du Règlement : « la Cour procède à
un examen préliminaire de sa compétence (.….) ». Toutefois s'agissant des
mesures provisoires, la Cour n’a pas à assurer qu’elle a la compétence au
fond, mais simplement qu’elle a la compétence prima facieS.
20. En l’espèce, les droits dont le Requérant allègue la violation de droits sont
protégés par la Charte, le PDCIP et le PIDESC, instruments auxquels l’État
défendeur est partie.
21. La Cour note, en outre, comme mentionné au paragraphe 2 de la présente
Ordonnance que les États défendeurs ont ratifié le Protocole et ont
également fait la Déclaration.
8 At Ap c. République Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n°012/2019, Ordonnance du 09 Avril 2020 (mesures provisoires), 8 13.
22. La Cour observe, comme mentionné au paragraphe 2(i) de la présente
Ordonnance que le 25 mars 2020, la République du Bénin a déposé
l'instrument de retrait de sa Déclaration faite conformément à l’article 34(6)
du Protocole.
23. La Cour rappelle qu’elle a estimé que le retrait de la Déclaration n’a aucune
incidence sur les affaires pendantes au moment de son dépôt, ni sur les
affaires introduites avant la prise d’effet dudit retrait”, comme c’est le cas dans
la présente affaire. La Cour a réitéré sa position dans son Ordonnance du 05
mai 2020 AK C AS c. République du Béninë selon
laquelle le retrait de la Déclaration de l’État défendeur prend effet le 26 mars
2021. En conséquence, ledit retrait n’a aucune incidence sur la compétence
de la Cour, puisque la Requête initiale a été introduite avant la prise d'effet
du retrait.
24. La Cour souligne, en outre, comme mentionné au paragraphe 2(iii), que le 29
avril 2020, la République de Côte d'Ivoire a déposé l’instrument de retrait de
sa Déclaration faite conformément à l’article 34(6).
25. La Cour rappelle qu’elle a estimé que le retrait de la Déclaration n’a aucune
incidence sur les affaires pendantes au moment de son dépôt, ni sur les
affaires introduites avant la prise d'effet dudit retrait’, comme c’est le cas dans
la présente affaire. La Cour a réitéré sa position dans son Arrêt du 15 juillet
2020 Suy AN Aj et autres c. République de Côte d’Ivoire° selon laquelle
le retrait de la Déclaration de l’État défendeur prend effet le 30 avril 2021. En
conséquence, ledit retrait n’a aucune incidence sur la compétence de la Cour,
puisque la Requête initiale a été introduite avant la prise d’effet du retrait.
7 An Ax Bu c. République du Rwanda, CAfDHP, (compétence) (Arrêt du 03 juin 2016) 1
8 AK C AS c. République du Bénin, CAfDHP, Requête n° 003/2020, Ordonnance (mesures provisoires) (05 mai 2020), 8 4-5 et Corrigendum du 29 juillet 2020.
? An Ax Bu c. République du Rwanda, CAfDHP, (compétence) (Arrêt du 03 juin 2016) 1
1° Suy AN Aj Al et autres c. République de Côte d'Ivoire, CATDHP, Requête n°044/2019, Arrêt du 15 juillet 2020 (fond et réparations), 8 67.
26. La Cour en conclut qu’elle a la compétence prima facie pour connaître de la
présente demande de mesures provisoires.
IV. SUR LES MESURES PROVISOIRES DEMANDÉES
27. Le Requérant sollicite des mesures provisoires qui, selon lui, tendent à éviter
les préjudices irréparables dus à la tenue de l’élection présidentielle de 2021
en violation du droit à l'exécution des décisions rendues par la Cour de céans.
Il sollicité également la suspension du mandat de dépôt décerné contre
Ac AT ainsi que des mesures relatives à l’exercice du droit au
recours effectif.
28. S'agissant des mesures tendant à éviter des préjudices irréparables du fait
de la tenue de l'élection présidentielle de 2021 en violation du droit à
l'exécution des décisions de la Cour de céans, le Requérant demande à la
Cour d’ordonner à la République du Bénin de prendre toutes les mesures
nécessaires pour garantir l'exécution des arrêts qu'elle a rendus le 27
novembre 2020 dans les affaires 059/2019 et 010/2020 et le 04 décembre
2020, dans les affaires 003/2020 et 062/2019.
29. Dans le même cadre, le Requérant demande à la Cour d’ordonner au Conseil
exécutif de prendre toutes les mesures idoines, au sens des articles 29(2) et
30 du Protocole, afin, premièrement, de veiller à l’exécution desdits arrêts,
deuxièmement, de faire échec et tenir en échec toutes les conséquences de
la tenue de l’élection présidentielle de 2021 en violation des arrêts susvisés,
jusqu’à exécution complète des décisions de la Cour de céans et,
troisièmement, de communiquer les mesures prises à la Cour de céans, au
Gouvernement et au peuple béninois.
30. Le Requérant fait valoir, à cet égard, qu’il y a urgence du simple fait du
caractère exécutoire des décisions de la Cour. || ajoute que les dirigeants actuels de la République du Bénin ont persisté à tenir l’élection présidentielle
de 2021. En outre, il souligne que les situations ayant donné lieu aux
décisions inexécutées peuvent engendrer des préjudices irréparables.
31. En ce qui concerne la mesure relative à la suspension du mandat de dépôt
décerné contre Ac AT pour des faits de terrorisme, alors
qu’elle manifestait contre la tenue de la présidentielle de 2021, le Requérant
souligne que ce titre de détention est attentatoire aux droits protégés par les
articles 2, 19 et 25 du PIDCP. Il ajoute qu’elle est détenue dans des
conditions exécrables et n’a pas le droit de voir ses enfants encore mineurs
en sus du fait qu’elle ne peut communiquer avec ses avocats, dans la
confidentialité.
32. Au sujet des mesures relatives à l’exercice du droit au recours effectif, le
Requérant fait valoir qu’étant donné que selon la jurisprudence de la Cour de
céans, les organes de l’Union ne peuvent être assignés en tant que partie
défenderesse devant elle, il ne peut que diriger sa plainte que contre tous les
États membres du Conseil exécutif ».
33. Le Requérant soutient, sur ce point, qu’il y a urgence pour qu’il exerce toutes
les voies de recours qui lui sont légalement ouvertes afin d’éviter une situation
de violations systématiques des décisions de la Cour de céans. Le Requérant
souligne, en relation avec le préjudice irréparable, qu’il y a « imminence de
la privation arbitraire de l’efficacité et du caractère satisfaisant du droit au
recours ». Il soutient, à cet effet, que si les autres États qui composent le
Conseil exécutif devaient être écartés de la cause, son droit au recours serait
rendu insatisfaisant.
34. Le Requérant demande ainsi à la Cour de « se prononcer sur la composition
de l’organe prévu à l’article 29(2) du Protocole en indiquant les États africains
qui le composent » et de l’autoriser à « modifier et/ou repréciser les identités
des défendeurs, en dehors de la République du Bénin, dès notification de la composition de l’organe prévu à l’article 29(2) du protocole par la Cour de
céans ».
35. La Cour relève que l’article 27(2) du Protocole dispose :
Dans les cas d’extrême gravité ou d’urgence et lorsqu'il s'avère nécessaire
d’éviter des dommages irréparables à des personnes, la Cour ordonne les
mesures provisoires qu’elle juge pertinentes.
36. La Cour rappelle que l'urgence, consubstantielle à l'extrême gravité, s'entend
de ce qu'un « risque irréparable et imminent qu’un préjudice irréparable soit
causé avant qu'elle ne rende sa décision définitive »**. Le risque en cause doit
être réel, ce qui exclut le risque purement hypothétique et explique la nécessité
d'y remédier dans l’immédiat.!?
37. En ce qui concerne le préjudice irréparable, la Cour estime qu’il doit exister une
« probabilité raisonnable de matérialisation » eu égard au contexte et à la
situation personnelle du requérant**.
38. La Cour souligne que les deux conditions exigées par l’article susvisé, à savoir,
l'urgence ou l’extrême gravité et le dommage irréparable sont cumulatives, de
sorte que si l’une d’elles fait défaut, la mesure sollicitée ne peut être ordonnée.
39. La Cour relève, toutefois, qu’avant d'analyser si ces conditions sont remplies,
elle doit s'assurer, si nécessaire, que les mesures sollicitées ne sont pas
dépourvues d'objet ou qu’un État défendeur est débiteur de leur exécution.
40. La Cour rappelle que le Requérant a sollicité les mesures relatives (i) aux
préjudices irréparables du fait de la tenue de l'élection présidentielle de 2021
11 Au Ao c. République du Bénin, CAfDHP, Requête n° 062/2019, Ordonnance (mesures provisoires) 17 avril 2020, 8 61.
2 Ibid, 8 62.
15 Ibid, 8 63.
(ii) au mandat de dépôt décerné contre Ac AT et (iii) au droit à
un recours effectif.
ii Sur les mesures relatives à l’élection présidentielle de 2021
41. La Cour rappelle que s'agissant de l’élection présidentielle de 2021, le
Requérant a sollicité quatre (4 mesures) dont une à l’encontre de la
République du Bénin et trois autres, à l'encontre du Conseil exécutif.
a. Sur les mesures dirigées contre la République du Bénin
42. La Cour souligne que les mesures sollicitées sont relatives à l’exécution de
décisions de la Cour à laquelle devrait procéder la République du Bénin avant
l'élection présidentielle de 2021. La Cour note que ladite élection a eu lieu le
11 avril 2021. Il s'ensuit que les mesures sollicitées sont devenues sans objet.
43. En conséquence, sans qu’il soit besoin d’examiner les conditions prévues par
l’article 27(2) du Protocole, la Cour déclare cette demande sans objet.
b. Sur les mesures dirigées contre le Conseil exécutif
44. La Cour rappelle que le Requérant a sollicité d’elle qu’elle ordonne au Conseil
exécutif de prendre les mesures idoines au sens de articles 29(2) et 30 du
Protocole afin de veiller à l'exécution de quatre (4) arrêts rendus contre la
République du Bénin, de faire échec et tenir en échec toutes les
conséquences de la tenue de la présidentielle de 2021 en violation desdites
arrêts et de lui communiquer toutes les mesures prises à cet égard.
45. La Cour souligne qu’elle ne peut ordonner des mesures provisoires qu’à la
charge des parties à une instance. Or, en l’espèce, le Conseil exécutif n’est
pas partie à cette instance, ni un État partie au Protocole.
46. Enconséquence, sans qu’il soit besoin d’examiner les conditions prévues par
l’article 27(2) du Protocole, la Cour rejette cette demande.
iii Sur la mesure provisoire relative à la suspension du mandat de
dépôt décerné contre Ac AT
47. La Cour rappelle que le Requérant demande la « suspension » du mandat
de dépôt qui a été décerné contre la dame Ac AT par la
Commission d’instruction de la CRIET.
48. La Cour relève qu’il ressort du dossier que le 11 décembre 2021, Ac
AT a été jugée et condamnée par la Cour de répression des
infractions économiques et de terrorisme à une peine de vingt (20) ans
d'emprisonnement. La Cour souligne que dès lors, la privation de liberté de
la dame Ac AT est fondée sur cette décision de condamnation
et non plus, sur le mandat de dépôt décerné par la Commission d’instruction
de la CRIET dont les effets ont, ainsi, pris fin.
49. La Cour estime que cette demande de suspension de titre de détention qui
n’a plus d’effet est mal fondée.
50. En conséquence, il convient de rejeter cette demande.
iii. Sur les mesures provisoires relatives à l’exercice d’un droit à un
recours effectif
51. La Cour rappelle que la Requérant lui demande de « se prononcer sur la
composition de l’organe prévu à l’article 29(2) du Protocole en indiquant les
États africains qui le composent » et de l’autoriser à « modifier et/ou
repréciser les identités des défendeurs, en dehors de la République du Bénin,
dès notification de la composition de l’organe prévu à l’article 29(2) du
protocole par la Cour de céans ».
52. La Cour note qu’il ne lui revient pas de se prononcer sur la composition du
Conseil exécutif dont la composition et les attributions sont fixés par l’Acte
constitutif de l’Union africaine.
53. En outre, il n’appartient pas à la Cour, non plus, au titre des mesures
provisoires, de se prononcer sur la position processuelle des parties des
parties en modifiant ou en précisant l’identité des défendeurs.
54. || s'ensuit que la Cour rejette ces demandes.
55. Pour éviter toute ambigüité, la Cour rappelle que la présente ordonnance a
un caractère provisoire et ne préjuge en aucune manière les conclusions de
la Cour sur sa compétence, sur la recevabilité de la requête et sur le fond de
celle-ci.
Par ces motifs,
LA COUR
|. Dit que les demandes relatives à l’élection présidentielle de 2021 sont
sans objet ;
ii. Rejette les autres demandes de mesures provisoires.
Ont signé :
Imani Et Robert D. ABOUD, ENO, Greffier. Président ; ‘ E ; YX a
Fait à Arusha, ce vingtième jour du mois de décembre de l'an deux mille vingt-deux, en
français et en anglais, la version française faisant foi.