AFRICAN UNION
sÉS) SAS N UNION AFRICAINE
UNIÂO AFRICANA AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES
DEMANDE D’INTERVENTION DE A Y AFFAIRE
AU X AS
RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
AG AL
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE
RÉPUBLIQUE DE GAMBIE
RÉPUBLIQUE DU GHANA
RÉPUBLIQUE DU MALAWI
RÉPUBLIQUE DU MALI
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE (REQUÉRANT)
ÉTATS DÉFENDEURS REQUÊTE N° 010/2021 ORDONNANCE
(Intervention)
30 MARS 2023 La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Président ; Blaise TCHIKAYA, Vice-
président ; Ben KIOKO, Suzanne MENGUE, Chafika BENSAOULA, Stella |. ANUKAM
et Dumisa B. NTSEBEZA — Juges ; et de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples, (ci-après désigné « le Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement
intérieur de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »), les juges Bk Ag
AM, de nationalité tunisienne, An At AI, de nationalité malawite,
Al B, de nationalité malienne et Ba Bl C, de nationalité
ghanéenne, se sont récusés.
En l'affaire :
AU X AS
assurant sa défense lui-même ;
contre
1 RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
non-représentée ;
2. AG AL
représenté par :
! Mme Ad Av AO AJ, Agent Judiciaire adjoint
de l’État :
Il Mme Ac AN AQ, Agent Judiciaire adjoint de l’État ;
iïi M. Ao Ar AR, Agent Judiciaire adjoint de l’État ;
IV M. Ax AT, Agent Judiciaire adjoint de l’État ;
M. Bb Bo AH, Agent Judiciaire adjoint de l’État ;
VI M. Ai AP, Agent Judiciaire adjoint de l’État ;
3. RÉPUBLIQUE DU CÔTE D'IVOIRE
non-représentée ;
4. RÉPUBLIQUE DE GAMBIE
non-représentée ;
5. RÉPUBLIQUE DU GHANA
représentée par
ii M. Aa Aw Dame, Bc Bi et ministre de la Justice, Bureau
de l’Bc Bi, ministère de la Justice ;
ii. Mme Am Ap Aq, Bc Bi adjointe et vice-ministre de
la Justice, Bureau de l’Bc Bi, ministère de la Justice ;
ii. Mme Ay Az Bh Bm, Bj Bi, Bureau de l’Bc
Bi, ministère de la Justice ;
iv. Mme Bn Au Be, Director of Public Prosecution, Bureau de
l’Bc Bi, ministère de la Justice ;
v. Dr. Ae Bf, Bp Ab Bc, Bureau de l’Bc Bi,
ministère de la Justice ;
vi. Mme Bg As Ak, Assistant Ab Bc, Bureau de l’Bc
Bi, ministère de la Justice ;
vii. Mme Bd Af, Assistant Ab Bc, Bureau de l’Bc Bi,
ministère de la Justice ;
6. RÉPUBLIQUE DU MALAWI
non-représentée ;
7. RÉPUBLIQUE DU MALI
non-représentée ;
8. RÉPUBLIQUE TUNISIENNE
non-représentée.
A Y
DEMANDERESSE À L'INTERVENTION
représentée par Mê Nadine DOSSOU-SAPKONOU, Avocate au Barreau du Bénin,
SCPA Robert M. DOSSOU.
après en avoir délibéré,
rend la présente Ordonnance :
I. LES PARTIES
1. La Dame A Y (ci-après dénommée « la Demanderesse »)
est une citoyenne béninoise. Elle introduit la présente demande
d'intervention en soutenant qu’elle a un intérêt dans la Requête introductive
d'instance déposée par le sieur AU X AS AKci-après
dénommé « le Requérant »), des violations qui la concernent y ayant été
alléguées.
2. La Requête introductive d'instance est dirigée contre :
ii La République du Bénin, devenue partie à la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée «la
Charte »), le 21 octobre 1986 et au Protocole relatif à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples portant création
d’une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-
après désignée « le Protocole »), le 22 août 2014. Elle a, en outre,
fait le 08 février 2016 la Déclaration prévue à l’article 34(6) dudit
Protocole (ci-après désignée « la Déclaration ») par laquelle il
accepte la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes
gouvernementales. Le 25 mars 2020, la République du Bénin a
déposé, auprès de la Commission de l’Union Africaine l'instrument
de retrait de sa Déclaration. La Cour a jugé que ce retrait n’a
aucun effet, ni sur les affaires pendantes, ni sur les nouvelles
affaires introduites devant elle avant sa prise d’effet un an après
le dépôt de l'instrument y relatif, à savoir le 26 mars 2021.!
! AU X AS c. République du Bénin, CAfDHP, Requête n° 003/2020, Ordonnance (mesures provisoires) (05 mai 2020), 88 4 à 5 et Corrigendum du 29 juillet 2020.
ii. Le AG AL, devenu partie à la Charte, le 21 octobre 1986 et
au Protocole, le 25 janvier 2004. Le AG AL a, en outre,
déposé la Déclaration, le 28 juillet 1998. Celle-ci a pris effet, à la
date d’entrée en vigueur du Protocole, soit le 25 janvier 2004.
iii. La République de Côte d'Ivoire, devenue partie à la Charte le 31
mars 1992 et au Protocole, le 25 janvier 2004. Elle a, en outre, fait
la Déclaration le 23 juillet 2013. Le 29 avril 2020, la République de
Côte d’Ivoire a déposé, auprès de la Commission de l’Union
Africaine l’instrument de retrait de sa Déclaration. La Cour a jugé
que ce retrait n’a aucun effet, ni sur les affaires pendantes, ni sur
les nouvelles affaires introduites devant elle avant sa prise d’effet
un an après le dépôt de l’instrument y relatif, à savoir le 30 avril
iv. La République de Gambie, devenue partie à la Charte le 21
octobre 1986 et au Protocole, le 25 janvier 2004. Elle a, en outre,
fait la Déclaration le 03 février 2020.
v. La République du Ghana, devenue partie à la Charte, le 1% mars
1989 et au Protocole, le 16 août 2005. Elle a, en outre, déposé la
Déclaration, le 10 mars 2011.
vi. La République du Malawi, devenue partie à la Charte le 23 février
1990. Le 9 octobre 2008, elle est devenue partie au Protocole et
a déposé la Déclaration.
vii. La République du Mali, devenue partie à la Charte, le 21 octobre
1986 et au Protocole, le 20 juin 2000. Elle a, en outre, déposé la
Déclaration le 19 février 2010.
? Suy Z Ah Aj et autres c. République de Côte d'Ivoire, CAÏDHP, Requête n° 044/2019, Arrêt du 15 juillet 2020 (fond et réparations), 8 67.
viii. La République tunisienne, devenue partie à la Charte le 21
octobre 1986 et au Protocole, le 05 octobre 2007. Elle a, en outre,
déposé la Déclaration le 2 juin 2017.
3. Ces États sont dénommés, chacun, par son appellation officielle et
collectivement « États défendeurs ».
4. Le Requérant est un citoyen béninois. Il fait valoir, d’une part, que la
République du Bénin est responsable de violations de droits de l’homme
continues, en dépit des décisions de la Cour de céans et d'autre part, que
la responsabilité de l’inexécution desdites décisions, devrait être imputée
aux États défendeurs puisqu'ils sont membres du Conseil des ministres de
l’Union africaine (ci-après désigné « Conseil des ministres ») qui veille à
leur exécution.
Il. _ OBJET DE LA DEMANDE D'INTERVENTION
5. La présente demande d’intervention est déposée dans le cadre de la
Requête introductive d'instance dont le Requérant a saisi la Cour le 25 mars
2021. La Demanderesse fait valoir que le Requérant allègue des violations
de droits qui la concernent, tels que ceux protégés par les articles 5 et 6 de
la Charte ; 2, 7 et 9 du PIDCP et 11 de la Déclaration Universelle des droits
de l'homme (DUDH).
6. Elle ajoute que son intérêt, dans la présente affaire, est pleinement justifié
et qu’elle entend déposer des écritures et preuves additionnelles, qui, selon
elle, sont capitales pour la Cour.
II. PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
7. La Requête introductive d’instance et une demande de mesures provisoires
ont été déposées au Greffe le 25 mars 2021. Le Greffe en a accusé
réception le 11 juin 2021.
8. Le 12 mai 2021, la Demanderesse a déposé au Greffe un mémoire portant
demande d'intervention. Le Greffe en a accusé réception le 11 juin 2021.
9. Le 25 mai 2021, la Demanderesse a déposé au Greffe un mandat ad item
dans lequel elle a désigné le Requérant comme étant son représentant.
10. Le 16 août 2022, le Greffe a communiqué ces différentes requêtes aux États
défendeurs en leur demandant d’indiquer les noms de leurs représentants
et de déposer leurs observations sur la demande d'intervention, le tout,
dans un délai de trente (30) jours, à compter de la réception, soit, le 22 août
2022 pour le AG AL, la République du Bénin, la République de Côte
d'Ivoire, la République du Ghana, la République du Malawi ainsi que la
République du Mali et le 23 août 2022 pour la République de Gambie, la
République tunisienne.
11. Le AG AL et la République du Ghana ont déposé la liste de leurs
représentants, respectivement, les 27 septembre et 05 octobre 2022. Bien
que le dépôt ait été fait hors délai, la Cour a décidé, dans l’intérêt de la
justice de prendre ces listes en considération.
12. À l’expiration du délai de trente (30) jours, aucun État défendeur n’a conclu.
IV. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE D’INTERVENTION
13. Le 12 mai 2021, la Demanderesse a saisi la Cour d’une Demande
d'intervention. Elle soutient que ladite Demande est recevable au regard de
la Règle 61 du Règlement.
14. D'abord, elle estime que ladite Demande a été déposée dans un délai
raisonnable, la Requête introductive d'instance ayant été reçue au Greffe le
25 mars 2021.
15. Ensuite, s'agissant de son identité et de la représentation, la Demanderesse
fait valoir qu’elle a indiqué ses nom et prénom, son adresse ainsi que
l'identité de ses conseils et le domicile élu.
16. Par ailleurs, en ce qui concerne son intérêt pour agir, la Demanderesse
relève que l’auteur de la Requête introductive d'instance évoque la violation
de ses droits humains protégés par les articles 11 de la Déclaration
Universelle des droits de l'homme (DUDH), 2, 7 et 9 du PIDCP, 5 et 6 de la
Charte.
17. Elle en déduit d’une part que son intérêt est établi en ce qu’il s’agit, en
l'espèce, de violations de droits dont elle est la victime directe et, en cette
qualité, elle est bien placée pour les évoquer.
18. La Demanderesse relève, d’autre part, que son intérêt se justifie par des
questions probatoires parce qu’en sa qualité de victime réelle, elle dispose
des faits et preuves dont ne dispose pas l’auteur de la Requête introductive
d'instance. Selon elle, « ces éléments sont indispensables à l’intérêt de la
justice et ont une influence décisive sur le procès ».
19. Elle ajoute que les éléments factuels relativement à ses conditions
inhumaines de détention ainsi que les allégations de violations de ses
droits, telles que relatées dans la Requête introductive d’instance ne
peuvent être entièrement compris que par son audition, ce qui n’est possible
que si la Cour l’autorise à intervenir.
20. Enfin, en ce qui concerne l’objet de l'intervention, la Demanderesse déclare
qu’elle souhaite présenter ses observations et preuves additionnelles sur
les violations de ses propres droits dont la violation est également alléguée dans la Requête introductive d'instance. Selon elle, il est capital que la Cour
ait à sa disposition tous les éléments de preuve.
21. Aucun État défendeur n’a conclu.
22. La Cour note que la règle 61(2), (3) et (6) du Règlement dispose :
La Cour peut, dans l’intérêt de la justice, autoriser toute personne ayant
un intérêt dans une affaire à intervenir.
La demande d'intervention doit indiquer :
a) Les nom(s) et adresse(s) du (des) Requérant(s) ou de son (ses)
représentant(s), le cas échéant ;
b) L'intérêt pour agir ;
c) L'objet de l'intervention ; et
d) La liste des pièces justificatives.
(…) Si elle déclare la demande recevable, la Cour fixe un délai dans
lequel la partie intervenante devra présenter ses observations
écrites. »
23. Il résulte de ces textes que l'intervention qui est une procédure incidente,
vise à protéger un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la
décision à intervenir. À cet égard, la Cour note qu’à travers les termes
« toute personne ayant un intérêt dans une affaire », le règlement vise tout
tiers à la procédure principale.
24. La Cour estime que les termes «tiers à la procédure principale »
s'entendent non seulement de toute personne qui n’est pas partie principale
au sens strict du terme, mais également de toute personne dont l'intérêt ne
peut être pris en considération dans la cause. Il s’ensuit qu’une personne
qui a dûment délivré mandat ad litem au Requérant ne peut se prévaloir de
la qualité de tiers à la procédure principale.
25. La Cour relève qu’en l’espèce, il est constant d’une part, que certains faits
relatés dans la Requête introductive d'instance concernent la
Demanderesse. Il en est ainsi de son arrestation, suite à la protestation du
5 mars 2021 et de la violation alléguée de ses droits. Il s’y ajoute que parmi
les violations alléguées par le Requérant, certaines se rapportent
exclusivement à la situation de la Demanderesse.* Il en est de même des
certaines mesures de réparations sollicitées par le Requérant.* La Cour
souligne, sous ce rapport, qu’en même temps que la Requête introductive
d'instance, le sieur Houngue a déposé une demande de mesures
provisoires « pour urgente situation de préserver la vie de la Demanderesse
pour cause de préjudice irréparables et conséquences imprévisibles (…) ».
26. La Cour souligne, d’autre part, que le Greffe a reçu, le 25 mai 2021, un
document dont le contenu est, entre autres, le suivant : « Je soussignée
A Y donne « mandat ad litem » à Monsieur AU X
AS AK…) devant la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples (CADHP), dans le cadre de l'affaire (…) relativement aux violations
de mes droits fondamentaux commises sous la responsabilité de la
République du Bénin et qui lui sont reprochés en ladite affaire, y compris,
celles relevées dans les conclusions et moyens additionnels du requérant
résultant des faits de la cause et/ou en réplique aux observations du(des)
défendeur(s). Dans l’intérêt de l’œuvre de la Justice, le présent mandat ne
fait pas obstacle à toutes autres violations de mes droits fondamentaux que
la CADHP, en ladite affaire, relèvera, jugera et sanctionnera d'office, s’il
311 s’agit des violations suivantes : Le droit à la liberté et à la sécurité, protégé par l’article 9(1) du PIDCP, du fait de l'arrestation « arbitraire » de la Demanderesse à l’intervention ; Le droit au respect du principe de légalité de la loi pénale, protégé par l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), du fait de l’arrestation de la Demanderesse à l'intervention pour des actions qui ne sont pas prévues par la loi pénale ; le droit au respect de la vie privée, protégé par l’article 17 du PIDCP, du fait des accusations publiques et déraisonnables portées contre la Demanderesse à l'intervention, sans aucune preuve crédible alors que la procédure judiciaire interne la concernant était encore en cours ; Le droit à la présomption d’innocence, garanti par l’article 11 de la DUDH, du fait des propos d’un ministre béninois tendant à faire croire à la culpabilité de la Demanderesse à l'intervention.
4 Requête introductive d’instance, Point 46.5 du dispositif de la Requête introductive d'instance « Enjoindre au défendeur de remettre dame A Y en liberté et ce, sans délai et de lui présenter les excuses publiques pour les humiliations qu’elle a subies ainsi que la Cour leur allouera les indemnisations financières selon le montant qu’il plaira à la Cour de fixer, dans sa grande sagesse » ; Point 46.14 du dispositif « enjoindre au défendeur de présenter des excuses publiques à (.…) dame A Y ».
échet, ni aux mesures de réparation que la CADHP prononcera d'office, s'il
échet, en ma faveur, en la présente affaire. »
27. La Cour relève que ce document s’analyse en un mandat ad litem dans le
cadre de la présente affaire, en vertu duquel l’auteur de la Requête
introductive d'instance, le sieur AU X AS, est
chargé d'assurer la défense des intérêts de la Demanderesse, dans la
procédure qui l’oppose aux États défendeurs.
28. La Cour note que les droits invoqués par la Demanderesse dans sa
demande d'intervention, sont également allégués par le Requérant. Or, elle
entend revêtir la qualité d’intervenant, ce qui ne sied qu’aux personnes dont
les intérêts ne sont pas pris en compte dans une instance donnée. La
Demanderesse ne peut, en effet, être intervenante alors que la défense de
ses intérêts est déjà assurée dans la Requête introductive d’instance.
29. Au regard de ce qui précède, la Cour estime que l'examen des conditions
prévues par la règle 61(3) du Règlement relative à l’intervention est
superfétatoire.
30. En conséquence, la Cour déclare la Demande d’intervention irrecevable.
DISPOSITIF
31. Par ces motifs,
LA COUR
À l’unanimité
Déclare la demande d’intervention de la dame A Y
irrecevable.
Ont signé :
Imani D. ABOUD, Présidente ; ‘ AGO
Ben KIOKO, Juge ; Sess
Suzanne MENGUE, Juge ; > Ya <
Chafika BENSAOULA, Juge ; 2
Stella |. ANUKAM, Juge ; Butï_-Gm :
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge ; — vg
Et Robert ENO, Greffier. E
Fait à Arusha, ce trentième jour du mois de mars de l’an deux mille vingt-trois, en français et en anglais, la version française faisant foi.