AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
AJ AH
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 031/2016
ARRÊT SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
B. Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
A. Sur l’exception d’incompétence matérielle
B. Sur les autres aspects de la compétence
VI SUR LA RECEVABILITÉ 10
A. Sur l'exception tirée du non-épuisement des recours internes 11
B. Sur l'exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable
13
C. Sur les autres conditions de recevabilité 17
DIR SUR LE FOND 18
A Violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue 18
! Sur l'admission par la Haute Cour de l’aveu 20
ii. Sur l’allégation d’erreur de droit et de fait commise par la Cour d’appel
22
B Violation alléguée du droit d’être jugé dans un délai raisonnable 23
C Violation alléguée du droit à la défense 25
DAIIR SUR LES RÉPARATIONS 27
IX SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES 28
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 28
XI DISPOSITIF 29 La Cour, composée de : Blaise TCHIKAYA, Vice-président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN
ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Stella |.
ANUKAM, Dumisa B. NTSEBEZA, Modibo SACKO et Dennis D. ADJEI — Juges ; et de
Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et
des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement intérieur
de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »), la Juge Imani D. ABOUD, Présidente de
la Cour, de nationalité tanzanienne, s’est récusée.
En l'affaire :
AJ AH
assurant lui-même sa défense
contre
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
représentée par :
ii Bl Cq Bi Ct, Bu Au, Bureau du Solicitor General ;
ii. Mme Cb Cg B, Bu Au adjointe, Bureau du
Solicitor General ;
ii. Mme Az AI, Directrice adjointe, Droits de l'homme, Principal
State Attorney, Cabinet de l’Attorney General ;
iv. M. Ci Y, Cd State Attorney, Cabinet de l’Bx Au ;
v. M. By AG, Ambassadeur, Directeur de l’Unité juridique, ministère
des Affaires étrangères et de la Coopération Est-africaine ;
vi. M. Ai C, Fonctionnaire chargé des services extérieurs, ministère des
Affaires étrangères et de la Coopération Est-africaine ; et vii. Mme Cp AL, Juriste, ministère des Affaires étrangères et de la
Coopération Est-africaine.
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt :
I. LES PARTIES
1. Le sieur AJ AH Zci-après dénommé «le Requérant ») est un
ressortissant tanzanien qui, au moment du dépôt de la Requête, était
incarcéré à la prison centrale de Butimba, dans la région de Mwanza, dans
l’attente de l’exécution de la peine capitale prononcée à son encontre, après
avoir été jugé et condamné pour meurtre. Le Requérant allègue la violation
de son droit à un procès équitable dans le cadre des procédures judiciaires
nationales.
2. La Requête est dirigée contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après
dénommée «l’État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée la
« Charte ») le 21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. Elle a
également déposé, le 29 mars 2010, la Déclaration prévue à l’article 34(6)
du Protocole (ci-après désignée «la Déclaration »), par laquelle elle
accepte la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant
d'individus et d'organisations non gouvernementales. Le 21 novembre
2019, l’État défendeur a déposé auprès du Président de la Commission de
l’Union africaine un instrument de retrait de sa Déclaration. La Cour a jugé
que le retrait de la Déclaration n’avait aucune incidence sur les affaires
pendantes, ni sur les nouvelles affaires introduites devant elle avant sa prise
d’effet un (1) an après le dépôt de l'instrument y relatif, à savoir le
22 novembre 2020.!
+ Ap Ae Ac c. République-Unie de Tanzanie (arrêt) (26 juin 2020) 4 RICA 219, 8 38.
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. | ressort du dossier que, le 18 mars 1995, dans le village de Karenge situé
dans le district de Karagwe, région de Kagera, le Requérant et deux (2)
autres co-accusés, décédées, par la suite? ont assassiné As Bj
et son épouse, Aw As.
4. Le 29 juin 2005, la Haute Cour siégeant à Br a déclaré le Requérant
coupable de meurtre sur deux personnes et l’a condamné à la peine
capitale par pendaison. Le Requérant a interjeté appel de sa condamnation
et de sa peine devant la Cour d'appel siégeant à Mwanza, qui, le
21 mai 2009, a rejeté son recours dans son intégralité.
5. Le Requérant affirme avoir, déposé, le 11 mars 2014, un avis de requête
en révision de la décision de la Cour d’appel qui était pendante au moment
du dépôt de la Requête devant la Cour de céans le 8 juin 2016.
B. Violations alléguées
6. Le Requérant allègue la violation de son droit :
ii à ce que sa cause soit entendue, dans la mesure où la Haute Cour l’a
condamné et la Cour d’Appel a confirmé ladite condamnation prononcée
à son encontre sur la base d’un aveu obtenu sous la contrainte, par
rapport à laquelle il s’est rétracté.
ii. prévu à l’article 7(1)(a) et (d) de la Charte et à l’article 136(a) et 107(a)
2(b) de la Constitution de Tanzanie de 1977, en raison du retard accusé
dans l’examen de sa requête en révision.
iii. àla défense, protégé par l’article 7(1)(c) de la Charte en ne lui octroyant
pas un défenseur de son choix.
2 Il ressort du compte rendu des audiences devant la Haute Cour que les deux (2) coaccusés du Requérant sont décédés avant le début des procédures, mais que les dates de décès ne sont pas indiquées.
Il. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
7. La Requête introductive d’instance, accompagné d’une demande de
mesures provisoires, a été reçue au Greffe le 8 juin 2016 et communiquée
à l’État défendeur le 26 juillet 2016. Le 8 septembre 2016, la Requête a été
communiquée au Conseil exécutif de l’Union africaine et aux États parties
au Protocole par l'intermédiaire du Président de la Commission de l’Union
africaine.
8. Les Parties ont déposé leurs observations sur le fond dans les délais fixés
par la Cour. Le Requérant a déposé ses conclusions sur les réparations,
auxquelles l’État défendeur n’a pas répondu, malgré les nombreuses
prorogations de délais qui lui ont été accordées par la Cour. Les débats ont
été clôturés le 14 novembre 2019 et les Parties en ont dûment reçu
notification.
9. Les 7 octobre et 16 novembre 2022 et le 25 janvier 2023, il a été demandé
au Requérant de déposer des documents pertinents et spécifiques, dans
un délai de trente (30) jours suivant réception desdites notifications.* Il s’agit
du recours en révision dans la requête pénale n° 2 de 2014 accompagné
de l’accusé de réception du Greffe du tribunal concerné et signifié à l’État
défendeur ainsi que de la décision de la Cour d’appel dans la requête
pénale n° 8 de 2013 autorisant le dépôt de la requête en révision hors délai.
Le Requérant n’y a pas donné suite.
IV. DEMANDES DES PARTIES
10. Le Requérant demande à la Cour de :
3 Les notifications aux fins de dépôt de ces documents étaient fondées sur la règle 51(1) du Règlement intérieur de la Cour, qui dispose : « La Cour peut, au cours de la procédure, et chaque fois qu’elle le juge nécessaire, demander aux parties de produire tout document pertinent et de fournir toutes explications pertinentes. La Cour prendra dûment acte de tout défaut de production de documents ou explications requis ».
i. Dire qu’elle est compétente pour connaître la Requête et de dire qu’elle
celle-ci remplit les conditions de recevabilité ;
i. Ordonner des mesures provisoires conformément à l’article 27(2) du
Protocole et à l’article 51(1) du Règlement,“ compte tenu de la gravité
de sa situation, puisqu'’il est détenu dans le couloir de la mort.
ii. Dire que l’État défendeur a violé ses droits protégés par les articles
7(1)(a), (c) et (d) de la Charte.
iv. Ordonner à l’État défendeur de lui payer un montant calculé sur la base
du « quantum national des revenus annuels d’un citoyen » à titre de
réparation pour la période de son incarcération ;
v. Ordonner sa remise en liberté en guise de réparation du préjudice subi.
11. En ce qui concerne la compétence et la recevabilité, l’État défendeur
demande à la Cour de :
ii Dire et juger que la Cour n’est pas compétente pour connaître de la
présente Requête ;
ii. Dire et juger que la Requête ne remplit pas les conditions de recevabilité
prévues à l’article 40(5) et (6) du Règlement intérieur de la Cour* ni ne
satisfait aux conditions énoncées aux articles 56 et 6(2) du Protocole ;
iii. Déclarer la Requête irrecevable ;
iv. Rejeter la Requête conformément à la règle 38 du Règlement de la
Cour.
12. S’agissant du fond, l’État défendeur demande à la Cour de :
i. Dire et juger que le Requérant a été condamné … sur la base d’un aveu
fait volontairement devant un juge de paix ;
ii. Dire et juger que le Requérant n’a pas été torturé ni contraint par la
police à faire de déclaration ;
iii. Dire et juger qu’il n’a pas violé l’article 7(1)(a) et (d) de la Charte ;
iv. Dire et juger qu’il n’a pas violé les articles 13(6) et 107A(2)(b) de la
Constitution de la République-Unie de Tanzanie datée de 1977 ;
v. Rejeter la Requête comme mal fondée ;
4 Règle 59(1) du Règlement intérieur de la Cour du 1°" septembre 2020.
5 Règle 50(2)(e) et (f) du Règlement intérieur de la Cour du 1°" septembre 2020.
vi. Rejeter les demandes du Requérant ;
vii. Mettre les frais de procédures de la présente Requête à la charge du
Requérant.
SUR LA COMPÉTENCE
13. La Cour observe que l’article 3 du Protocole dispose :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de
tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation
et l’application de la Charte, du [...] Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les
États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
14. Aux termes de la règle 49(1) du Règlement, « la Cour procède à un examen
préliminaire de sa compétence … conformément à la Charte, au Protocole
et au [...] Règlement ».
15. Sur le fondement des dispositions susmentionnées, la Cour doit, dans
chaque requête, procéder à un examen préliminaire de sa compétence et
statuer sur les exceptions d’incompétence, le cas échéant.
16. La Cour note que l’État défendeur soulève une exception d’incompétence
matérielle en l'espèce. La Cour statuera sur cette exception (A) avant
d’examiner, si nécessaire, les autres aspects de sa compétence (B).
A. Sur l’exception d’incompétence matérielle
17. Citant l'affaire Bw Bv Bg AK Cc, l’État défendeur soutient
que la Cour n’a pas compétence pour examiner, en appel, les questions qui
ont été tranchées définitivement par la Cour d’appel de l’État défendeur, en
l’occurrence l’admission de l’aveu comme élément de preuve. En outre, il fait valoir que la Cour n’est pas compétente pour annuler la condamnation
et ordonner la remise en liberté du Requérant. L'État défendeur soutient
également que la Requête ne soulève aucune question relative à
l'interprétation de la Charte, du Protocole ou des instruments pertinents
relatifs aux droits de l'homme ratifiés par l’État défendeur, mais qu’elle
soulève plutôt des problèmes d’ordre juridique liés aux éléments de preuve
examinés par les juridictions internes.
18. Le Requérant conclut au rejet de l’exception en faisant valoir que, bien que
la Cour ne soit pas une juridiction d’appel, elle est compétente pour
examiner la Requête dans la mesure où il y allègue la violation de droits
protégés par la Charte. Citant l’affaire Ax Cm c. Tanzanie, le
Requérant soutient que la Cour est compétente pour apprécier si l'examen
des allégations « d'anomalies » judiciaires ou de preuves par les tribunaux
nationaux a été conforme aux normes de la Charte.
19. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 3(1) du Protocole, elle est
compétente pour examiner toutes les affaires dont elle est saisie, pour
autant qu’elles portent sur des allégations de violations de droits protégés
par la Charte ou par tout autre instrument relatif aux droits de l’homme ratifié
par l’État défendeur.S
20. La Cour note que l’État défendeur soulève une exception d’incompétence
matérielle tirée de trois (3) moyens , à savoir : i) la Cour s’investit d’une
compétence d’appel sur des questions tranchées par ses tribunaux
nationaux ; il) les pouvoirs d’annulation, par la Cour, de la peine de mort
légalement prononcée à l’encontre du Requérant ; et iii) la Requête soulève
des questions d’ordre juridique couvertes par ses lois internes et non par la
Charte ou les instruments internationaux ratifiés relatifs aux droits de
8 Kalebi Elisamehe c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 028/2015, (arrêt) (26 juin 2020), 8 18.
l’homme, questions qui ont déjà été tranchées par ses tribunaux nationaux.
La Cour va examiner ces moyens.
21. S'agissant du premier moyen, la Cour rappelle sa jurisprudence selon
laquelle elle n’exerce pas de compétence d'appel des demandes déjà
examinées par les juridictions nationales.” Toutefois, elle conserve le
pouvoir d’apprécier si les procédures internes sont conformes aux normes
énoncées dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
ratifiés par l’État concerné.
22. La Cour ne siègera donc pas en tant que juridiction d'appel ni ne
réexaminera les éléments de preuve produits devant la Cour d’appel de
l’État défendeur dans son appréciation des procédures internes qui ont
abouti à la condamnation du Requérant. La Cour rejette donc le premier
moyen de l’exception soulevée par l’État défendeur.
23. Ence qui concerne le deuxième moyen, la Cour affirme que, conformément
à l’article 27(1) du Protocole, « si elle constate qu’il y a eu violation des
droits de l’homme ou des peuples », elle « ordonne toutes les mesures
appropriées pour remédier à la violation, y compris le paiement d’une juste
compensation ou l'octroi d’une réparation ». Lorsqu'elle l'estime nécessaire,
la Cour peut ordonner des réparations en rapport avec les peines
prononcées à l’encontre d’une victime de violation des droits de l’homme
ou des peuples. La Cour rejette donc ce moyen.
24. S’agissant du troisième moyen, la Cour rappelle les dispositions de l’article
7 du Protocole, en vertu desquelles elle interprète et applique les
dispositions de la Charte et des autres instruments relatifs aux droits de
7 Bw Bv Bg c. République du Malawi (compétence) (15 mars 2013), 1 RICA 197, 8 14 ; Ca Cs c. République-Unie de Tanzanie (fond) (28 septembre 2017), 2 RICA 67, 8 26 ; Bf Cn ZBq BsX et Bd Bf ZBz AmX c. République-Unie de Tanzanie (fond) (23 mars 2018), 2 RICA 297, 8 35.
8 At Co c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (7 décembre 2018), 2 RICA 493, 8 33 ; Aj Al Aj et un autre c. République-Unie de Tanzanie (fond) (7 décembre 2018), 2 RICA 539, 8 29 et Ax Cm c. République-Unie de Tanzanie (fond) (20 novembre 2015), 1 RICA 482, 8 130.
l'homme ratifiés par l’État défendeur. La Cour se prononcera donc sur les
questions soulevées dans la Requête, que le Requérant ait ou non cité les
dispositions idoines de la Charte et des autres instruments relatifs aux droits
de l’homme ratifiés par l’État défendeur.° En l’espèce, la Cour observe que
le Requérant allègue la violation, par l’État défendeur, de son droit à un
procès équitable, protégé par l’article 7 de la Charte. La Cour rejette, en
conséquence, le troisième moyen relatif à l'exception d’incompétence
matérielle.
25. À la lumière de ce qui précède, la Cour rejette l’exception soulevée par l’État
défendeur et déclare qu’elle a la compétence matérielle pour connaître de
la présente Requête.
B. Sur les autres aspects de la compétence
26. La Cour note que l’État défendeur ne conteste pas sa compétence
personnelle, temporelle et territoriale. Néanmoins, conformément à la règle
49(1) du Règlement,!° elle doit s'assurer que tous les aspects de sa
compétence sont remplis avant de poursuivre l’examen de la Requête.
27. S'agissant de sa compétence personnelle, la Cour rappelle, comme indiqué
au paragraphe 2 du présent Arrêt, que le 21 novembre 2019, l’État
défendeur a déposé l'instrument de retrait de la Déclaration. La Cour a jugé
que le retrait de la Déclaration n’avait aucun effet rétroactif. Par conséquent,
il n’a aucune incidence sur les affaires pendantes devant la Cour avant le
dépôt de l'instrument de retrait de la Déclaration, ni sur les nouvelles
affaires introduites avant sa prise d'effet, un (1) an après le dépôt de
l'instrument y relatif, soit le 22 novembre 2020. Par conséquent, la Cour
estime qu’elle a la compétence personnelle pour connaître de la présente
Requête, celle-ci ayant été déposée avant le retrait de la Déclaration.
9 Bp Cj c. République-Unie de Tanzanie (fond) (3 juin 2016), 1 RICA 624, 8 32.
10 Article 39(1) du Règlement de la Cour du 2 juin 2010.
28. S'agissant de sa compétence temporelle, la Cour relève que les dates
pertinentes, en ce qui concerne l’État défendeur, sont celles de l’entrée en
vigueur de la Charte et du Protocole.
29. En l'espèce, la Cour relève que les violations alléguées par le Requérant
sont fondées sur les arrêts de la Haute Cour et de la Cour d’appel rendus
respectivement le 29 juin 2005 et le 21 mai 2009, soit après la ratification
de la Charte et du Protocole par l’État défendeur. En outre, les violations
alléguées ont un caractère continu, le Requérant restant condamné et en
attente de l’exécution de la peine capitale prononcée à son encontre par la
Haute Cour de Br, sur la base de ce qu’il considère comme une
30. La Cour estime également qu’elle a la compétence territoriale en l'espèce
dans la mesure où les violations alléguées se sont produites sur le territoire
de l’État défendeur.
31. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente pour
connaître de la présente Requête.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
32. Aux termes de l’article 6(2) du Protocole, « la Cour statue sur la recevabilité
des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de
la Charte ».
33. En vertu des règles 49(1) et 50 du Règlement, « [Ia Cour procède à un
examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle
conformément aux articles 56 de la Charte et 6(2) du Protocole, et au [...]
Règlement ».
41 Cr c. Tanzanie (fond), supra, 8 84 ; Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Bh (fond) (26 mai 2017), 2 RICA 9, 8 65 ; Ca Cs c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 mars 2019), 3 RICA 51, 8 29(ii).
34. La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance les dispositions de
l’article 56 de la Charte, est libellée comme suit :
Les requêtes déposées devant la Cour doivent remplir toutes les
conditions ci-après :
a) Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b) Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c) Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou insultants
à l’égard de l’État concerné et ses institutions ou de l’Union
africaine ;
d) Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e) Être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f) Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa
saisine ;
g) Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
35. La Cour note que l’État défendeur soulève deux (2) exceptions
d’irrecevabilité de la Requête, l’une tirée du non-épuisement des recours
internes et l’autre du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable.
A. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
36. L'État défendeur soutient qu’en violation de l’article 40(5) du Règlement de
la Cour,!? la Requête a été introduite de façon prématurée. Il affirme que le
12 Règle 50(2)(e) du Règlement de la Cour du 1°" septembre 2020.
Requérant n’a pas exercé le recours en inconstitutionnalité devant la Haute
Cour, conformément à l’article 13(6) de la Constitution de Tanzanie (1977),
ni demandé la révision de la décision de la Cour d’appel pour qu’il soit
remédié à la violation alléguée de son droit à ce que sa cause soit entendue.
37. Dans sa Réplique, le Requérant soutient qu’il a épuisé les recours internes
avant de saisir la Cour. Il fait valoir qu’un recours en inconstitutionnalité
aurait peu de chance de prospérer dans la mesure où le juge chargé de
statuer sur les requêtes en inconstitutionnalité ne peut, à lui seul, annuler la
décision de la Cour d’appel, qui a été rendue par un collège de trois juges.
En outre, le Requérant réfute l'affirmation selon laquelle il n’a pas exercé
de recours en révision, étant donné qu’il a déposé un avis de requête en
révision de la décision de la Cour d’appel, qui a été reçu par le « Greffe de
la Cour d'appel de Br le 11 mars 2014 ».
38. La Cour relève qu’aux termes de l’article 56(5) de la Charte, dont les
dispositions sont reprises par la règle 50(2)(e) du Règlement, toute requête
dont elle est saisie doit satisfaire à l’exigence de l’épuisement des recours
internes. Cette exigence vise à donner aux États la possibilité de traiter les
violations des droits de l’homme relevant de leur juridiction avant qu’un
organe international des droits de l'homme ne soit saisi pour déterminer leur
responsabilité à cet égard.!*
39. La Cour de céans a également jugé, dans des affaires concernant l’État
défendeur que les recours en inconstitutionnalité devant la Haute Cour et le
recours en révision, tel qu’ils s'appliquent dans le système judiciaire de
l’État défendeur, sont des recours extraordinaires qu’un Requérant n’est
pas tenu d’épuiser avant de la saisir.!*
13 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Bh (fond), supra, 88 93 à 94.
14 Voir Cm c. Tanzanie (fond), supra, 8 65 ; Cj c. Tanzanie (fond), supra, 88 66 à 70; Aq Bk c. République-Unie de Tanzanie (fond) (28 septembre 2017) 2 RICA 105, 8 44.
40. La Cour relève que la Cour d’appel de Tanzanie, l’organe judiciaire suprême
de l’État défendeur, a, par son Arrêt du 21 mai 2009 sur l’appel du
Requérant, confirmé la condamnation de celui-ci à la suite de procédures
au cours desquelles les droits du Requérant ont été violé. La Cour estime
donc que le Requérant a épuisé les recours internes avant de la saisir.
41. À la lumière de ce qui précède, la Cour rejette l'exception tirée du non-
épuisement des recours internes.
B. Sur l’exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable
42. L'État défendeur soutient que la Requête n’a pas été déposée dans un délai
raisonnable conformément à l’article 40(6) du Règlement de la Cour." À
cet égard, il invoque quatre (4) moyens. Premièrement, il affirme que la
requête en révision « dont copie a été jointe par le Requérant, n’a pas été
déposée au greffe de la Cour d’appel, aucune preuve de signification
n’ayant été produite par le Requérant ; la requête n’a pas été visée par le
greffier et ne comporte aucun cachet prouvant qu’elle a été reçue par l’État
défendeur, ni de numéro de référence attribué par la Cour».
Deuxièmement, « l’avis de requête en révision a été déposé après cinq (5)
ans, au mépris de la règle 66 du Règlement de la Cour d'appel, selon
laquelle l’avis de requête en révision doit être déposé dans les soixante (60)
jours à compter de la date de l’arrêt ». Troisièmement, la Requête devant
la Cour africaine a été déposée après sept (7) ans, ce qui n’est pas
conforme à la décision de la Commission africaine des droits de l’homme
et des peuples (la Commission) dans l’affaire Cf c. Zimbabwe, selon
laquelle le délai de six (6) mois observé pour le dépôt de la Requête n’est
pas raisonnable. Quatrièmement, en déposant la présente Requête, le
Requérant a prouvé que son incarcération n’a pas entravé son accès à la
Cour.
15 Règle 50(2)(f) du Règlement de la Cour du 1°" septembre 2020.
43. En réplique, le Requérant fait valoir que le Règlement de la Cour ne
comporte aucune disposition sur le délai de dépôt d’une requête, mais que
le caractère raisonnable du délai est déterminé au cas par cas. Le
Requérant soutient, en outre, que sa Requête a été déposée dans un délai
raisonnable, dans la mesure où son recours en révision n’a pas encore été
définitivement tranché. Il soutient, également, que son incarcération dans
le couloir de la mort a limité sa capacité à assurer le suivi dudit recours, et
à accéder à la Cour d’appel et à la Cour de céans.
44. La Cour note que la question à trancher est celle de savoir si le délai dans
lequel le Requérant l’a saisie est raisonnable au sens de l’article 56(6) de
la Charte, lu conjointement avec la règle 50(2)(f) du Règlement.
45. Conformément à l’article 56(6) de la Charte dont les dispositions sont
reprises à la règle 50(2)(f) du Règlement, une requête n’est recevable que
si elle est «introduite dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour
comme faisant commencer à courir le délai de sa saisine». Ces
dispositions ne fixent pas le délai dans lequel la Cour doit être saisie.
46. Ence qui concerne le premier moyen de l’exception tiré de ce que la requête
en révision n’a jamais été déposée, ni signifiée à l’État défendeur, la Cour
note une contradiction dans les arguments de l’État défendeur puisque,
d’une part, il conteste le dépôt et la signification de la requête en révision
et, d'autre part, il reconnaît que la demande a été déposée, même hors
délai.
47. Les 7 octobre et 12 novembre 2022 et le 25 janvier 2023, la Cour a
demandé au Requérant de déposer des documents indiquant que la Cour
d’Appel lui a accordé l’autorisation de déposer sa Requête en révision hors
délai et que ladite requête a été déposée et signifiée à l’État défendeur. Le
Requérant n’y a pas donné suite. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que l’allégation du Requérant selon laquelle la requête en révision
était pendante au moment de la saisine de la Cour de céans, n’a pas été
prouvée.
48. La Cour note, en ce qui concerne le deuxième moyen de l’exception, qu’en
tout état de cause, le respect des délais des procédures internes n’est pas
pertinent pour évaluer le caractère raisonnable du délai de dépôt des
requêtes devant elle. La Cour estime donc que l’argument de l’État
défendeur selon lequel le Requérant aurait dû déposer l’avis de requête en
révision de l’arrêt de la Cour d'appel dans un délai de soixante (60) jours
est sans incidence sur l’évaluation du caractère raisonnable du délai de
dépôt de la Requête devant la Cour de céans.
49. Ence qui concerne le troisième moyen, la Cour relève que, conformément
à sa jurisprudence constante, l'examen au cas par cas auquel a procédé
la Commission dans l'affaire Cf c. Zimbabwe"® est celui qui est
applicable, et non la norme des six (6) mois.!” Par conséquent, la Cour
rejette l’argument de l’État défendeur selon lequel le délai de plus de six (6)
mois après l’épuisement des recours internes observé par le Requérant
pour déposer sa Requête n’est pas raisonnable .
50. En l'espèce, la Cour relève que le Requérant a épuisé les recours internes
le 21 mai 2009, lorsque la Cour d'appel siégeant à Mwanza a rendu son
arrêt rejetant son recours. Cette date devrait être le point de départ du
décompte du délai de saisine de la Cour pour en apprécier le caractère
raisonnable. Cependant, ce n’est qu’après le 29 mars 2010, date du dépôt
de la Déclaration, que le Requérant a pu introduire la Requête.
Normalement, la période à prendre en compte pour l’appréciation du délai
de dépôt de la Requête devrait être celle de six (6) ans, deux (2) mois et
dix-neuf (19) jours, correspondant à la période qui s’est écoulée entre le
16 Voir, Communication 308/2005 (2008) AHRLR (CADHP 2008).
17 Bn Aa Bo c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 mars 2019), 3 RICA 13, 8 52 à 53.
29 mars 2010, date du dépôt par l’État défendeur de la Déclaration, et celle
du dépôt de la Requête le 8 juin 2016.
51. La Cour relève toutefois que la période allant de 2007 à 2013 correspond
aux premières années d’exercice de la Cour. Comme la Cour l’a relevé dans
ses arrêts antérieurs, pendant la période indiquée, l’on ne peut présumer
que le grand public, à fortiori les personnes dans la situation du Requérant
en l’espèce, aient eu une connaissance suffisante de l’existence de la Cour
pour déposer leurs requêtes peu après l’épuisement des recours internes.*®
Par conséquent, la période à prendre en compte dans l’appréciation du
caractère raisonnable du délai de dépôt de la Requête, est celle comprise
entre 2013, date à laquelle le public aurait dû avoir connaissance de
l’existence de la Cour, et 2016, année du dépôt de la Requête, soit une
période de trois (3) ans.
52. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle : « … le caractère
raisonnable du délai de sa saisine dépend des circonstances particulières
de chaque affaire et devrait être apprécié au cas par cas ».!° Dans cette
optique, la Cour a pris en considération des circonstances telles que le fait
d’être incarcéré, dans l’attente ou non de l’exécution de la peine de mort,
ce qui a pour conséquence la restriction des mouvements et de l’accès à
l'information,” le fait d’être profane en droit et de ne pas bénéficier d’une
assistance judiciaire,?* ni d’avoir connaissance de l’existence de la Cour.
Néanmoins, ces circonstances doivent être prouvées.
53. Dans la présente Requête, la Cour note que le Requérant n’est pas
seulement incarcéré, mais qu’il est dans le couloir de la mort depuis sa
condamnation en 2005, avec pour conséquence une restriction de ses
18 Ag Ad c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 005/2016, Arrêt du 2 décembre 2021, 8 52.
19 Af Ah et autres c. Cl Be (fond), supra, 8 92. Voir également Cm c. Tanzanie (fond), supra, 8 73.
% Ak Av c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 020/2017, Arrêt du 1°" décembre 2022, 88 37 et 38.
21 Cm c. Tanzanie (fond), supra, 8 73 ; Bk c. Tanzanie (fond), supra, 8 54 ; Amir Ar c. République-Unie de Tanzanie (fond) (11 mai 2018) 2 RICA 356, 8 83.
22 Ar c. Tanzanie, ibid., 8 50 ; Bk c. Tanzanie (fond), ibid., 8 54.
mouvements et de l’accès à l’informations, ce qui, conformément à la
jurisprudence de la Cour, pouvait entraîner des retards dans le dépôt des
requêtes.?* La Cour estime que cette situation fait échec au quatrième
moyen de l’exception de l’État défendeur, selon lequel le Requérant ne peut
prétendre avoir été empêché d’accéder à la Cour, puisque la question qui
se pose est celle du respect des délais. La Cour observe, enfin, que le
Requérant assure lui-même sa défense devant la Cour de céans.
54. Au regard de ce qui précède, la Cour estime que le délai de trois (3) ans
observé par le Requérant avant d’introduire sa Requête est raisonnable, au
sens de l’article 56(6) de la Charte et de la règle 50(2)(f) du Règlement.
55. En conséquence, la Cour rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par
l’État défendeur, tirée du dépôt de la présente Requête dans un délai non
raisonnable.
C. Sur les autres conditions de recevabilité
56. La Cour relève qu’aucune exception n’a été soulevée concernant le respect
des conditions énoncées à la règle 50(2), (a), (b), (c), (d), (e) et (g) du
Règlement. Toutefois, elle doit s'assurer que la Requête remplit ces
conditions.
57. 1|ressort du dossier que le Requérant a été clairement identifié par son nom,
conformément à la règle 50(2)(a) du Règlement.
58. La Cour relève également que les demandes formulées par le Requérant
visent à protéger ses droits garantis par la Charte. Elle note, en outre, que
l’un des objectifs de l’Acte constitutif de l’Union africaine, tel qu’énoncé en
son article 3(h), est la promotion et la protection des droits de l'homme et
des peuples. La Cour en conclut que la Requête est compatible avec l’Acte
23 Cm c. Tanzanie (fond), supra, 8 73 ; Bk c. Tanzanie (fond), supra, 8 54 ; Ar c. Tanzanie (fond), supra, 8 83 ; Av AK Ch, supra, 8 39.
constitutif de l’Union africaine et la Charte et qu’elle satisfait aux exigences
de l’article 50(2)(b) du Règlement.
59. La Cour observe, par ailleurs, que la Requête ne contient aucun terme
outrageant ou insultant à l’égard de l’État défendeur, de ses institutions, ou
de l’Union africaine ; ce qui la rend conforme à l’exigence de la règle
50(2)(c) du Règlement.
60. La Cour note, du reste, que la Requête n’est pas fondée exclusivement sur
des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse, mais
sur des documents judiciaires émanant des juridictions internes de l’État
défendeur. Elle est donc conforme à la règle 50(2)(d) du Règlement.
61. La Cour estime, enfin, que la Requête ne soulève aucune question déjà
réglée par l’État défendeur conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies ou de l’Acte constitutif de l’'UA, au sens de la règle 50(2)(g)
du Règlement.
62. La Cour en conclut que la Requête remplit toutes les conditions énoncées
à l’article 56 de la Charte, tel que repris à la règle 50(2) du Règlement, et la
déclare, par conséquent, recevable.
VII. SUR LE FOND
63. Le Requérant allègue la violation de ses droits au procès équitable
notamment (A) le droit à ce que sa cause soit entendue, (B) le droit d’être
jugé dans un délai raisonnable et (C) le droit à la défense.
A. Violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue
64. Le Requérant soulève deux (2) griefs en ce qui concerne le droit à ce que
sa cause soit entendue, à savoir que (i) la Haute Cour a admis à tort comme
élément de preuve l’aveu qu’il a rétracté et que (ii) la Cour d'Appel a commis une erreur de droit et de fait en ne prenant pas en compte son
moyen de défense selon lequel son aveu a été extorqué.
65. L'État défendeur conteste ces deux allégations et demande que le
Requérant en apporte les preuves les plus irréfutables. En ce qui concerne
la première allégation, l’État défendeur soutient que, suite à l’exception
soulevée par le Conseil du Requérant contre l’admission de son aveu
comme élément de preuve, la Haute Cour a examiné une procédure
incidente et estimé que le Requérant avait fait son aveu de plein gré. Sur le
fondement de cette conclusion, la Haute Cour a admis l’aveu comme
élément de preuve. La Cour d’appel a également confirmé la décision de la
Haute Cour.
66. L'État défendeur réitère, en ce qui concerne la deuxième allégation, que le
Requérant a fait son aveu de plein gré, comme l’ont confirmé la Haute Cour
et la Cour d'appel. Enfin, le Requérant n’a pas fait part à la juge de paix, qui
a enregistré son aveu, d’un quelconque incident de torture.
67. L'article 7(1) de la Charte dispose : « Toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue ».
68. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, la Cour n’étant pas une
juridiction d'appel, « par principe, il appartient aux juridictions nationales de
se prononcer sur la valeur probante d’un élément particulier ».2* Toutefois,
elle a le pouvoir d’apprécier si, de manière générale, la façon dont le juge
national a évalué ces preuves est conforme aux instruments internationaux
des droits de l'homme applicables.* Il convient de relever que parmi les
garanties du droit à un procès équitable figure le fait qu’une lourde peine
d'emprisonnement prononcée à la suite d’une condamnation pour une
infraction pénale soit fondée sur des preuves solides et crédibles.?é La Cour
25 Cj c. Tanzanie (fond), supra, 8 173.
26 Ibid, 8 174.
examinera successivement les deux moyens relatifs à la question de
l’élément de preuve soulevée par le Requérant.
i. Sur l’admission par la Haute Cour de l’aveu
69. La Cour constate qu’il résulte du dossier que la défense du Requérant
devant la Haute Cour et le moyen soulevé devant la Cour d'appel portait
essentiellement sur l’admission de l’aveu comme preuve. La Cour doit donc
apprécier si l'admission de ces éléments de preuve par les juridictions
nationales s’est faite conformément au droit du Requérant à ce que sa
cause soit entendue, protégé par l’article 7(1) de la Charte.
70. La Cour relève, également, qu’il ressort du dossier que, dès le début du
procès, le 13 juin 2000, le Requérant a soulevé une exception
d’irrecevabilité de tendant à exclure l’aveu comme élément de preuve. La
Haute Cour a donc dû examiner, à titre préliminaire, cette question
incidente.
71. La Cour souligne, à cet égard, que lors de l’examen de la question incidente,
le Requérant a, dans son témoignage, indiqué qu’il avait été arrêté le
20 mars 1995 et qu’il avait été ensuite battu par des « sungusungu ».?” Il a
ensuite été conduit, le 23 mars 1995, devant le tribunal de district qui a
ordonné sa détention provisoire. Le Requérant a indiqué qu’au lieu d’être
placé en détention provisoire conformément aux ordonnances du tribunal
de district, il avait été conduit à un poste de police où des agents l’ont battu
et contraint à faire des aveux. Les policiers l’ont ensuite emmené devant le
juge de paix le 24 mars 1995, où il a avoué avoir commis le crime. Le
Requérant affirme avoir consenti à faire des aveux estimant qu’il serait,
ainsi, retiré de la garde à vue et placé en détention provisoire dans un
établissement pénitentiaire.
27 Un groupe d’autodéfense ou une force de sécurité informelle.
72. La Cour relève que , dans son témoignage au cours de l’examen de la
procédure incidente, la juge de paix a également indiqué qu’avant
d'enregistrer l’aveu, elle s’est assurée que le Requérant avait fait son aveu
de son plein gré et a, en sus, posé les actes suivants : examen physique
du Requérant afin de détecter d’éventuelles blessures ou contusions
récentes, avertissement que tout aveu pourrait être retenu contre le
Requérant au tribunal. La Cour précise que la juge paix s’est exprimée en
kiswahili, langue comprise par le Requérant. L’aveu a, en conséquence,
été enregistré comme preuve lors du procès devant la Haute Cour.
13. La Cour observe que la Haute Cour a, également, examiné la question de
savoir si le Requérant avait signé les aveux. La Haute Cour a été
convaincue du témoignage de la juge de paix (PW1), selon lequel le
Requérant a signé l’aveu en sa présence après qu’elle lui en a donné
lecture. En outre, s'agissant de la question relative au maintien du
Requérant en garde à vue plutôt que de le conduire en prison, la Cour note
qu’à l'issue de la procédure incidente, la Haute Cour a conclu que : « Les
autres anomalies, à savoir le fait de ne pas conduire l’accusé en prison, n'a
aucun rapport avec la question du caractère volontaire (de l’aveu). Ces faits
sont trop éloignés ». En conséquence, l’aveu a été considéré comme
élément de preuve lors du procès devant la Haute Cour.
T4. À la suite de l'admission de l’aveu comme élément de preuve, la Haute Cour
a poursuivi la procédure initiale devant elle. La Cour note que la Haute Cour
a rejeté les dépositions orales de deux témoins à charge (PW2 et PW3) en
raison des incohérences dans leurs témoignages. Par conséquent, sur les
trois (3) témoins à charge, la Haute Cour ne s’est appuyée que sur celui de
la juge de paix, (PW1), qui a corroboré le caractère volontaire de l’aveu du
Requérant.
T5. En outre, la Haute Cour s’est appuyée sur des preuves documentaires,
notamment, le rapport post-mortem des deux (2) victimes et le rapport
d’examen médical du Requérant du 22 mars 1995, indiquant qu’il ne présentait aucune contusion. Ces éléments de preuves ont été versés au
dossier sans aucune contestation du ministère public ou du Requérant.
76. La Cour estime donc qu’il ne résulte du dossier aucun élément qui permette
de soutenir l’allégation du Requérant selon laquelle l'admission par la Haute
Cour de son aveu comme élément de preuve n’était pas conforme à son
droit à ce que sa cause soit entendue.
ii. Sur l’allégation d’erreur de droit et de fait commise par la Cour d’appel
77. En ce qui concerne le deuxième grief soulevé par le Requérant, la Cour
observe qu’il a présenté un moyen d’appel, portant sur le manquement de
la Haute Cour de relever que la condamnation était fondée sur des aveux
qui ont été rétractés, sans vérifier s’ils avaient été faits de plein gré ou non.
78. La Cour note que la Cour d’appel a affirmé que la licéité de l’aveu admis
par la Haute Cour comme élément de preuve. En effet, elle révélait des
aspects matériels du meurtre tels que les armes utilisées pour les meurtres,
ce qui a été confirmé par les rapports d’autopsie des victimes, produits
devant la Haute Cour. La Cour a également relevé l’existence de faits
constants indiquant que le Requérant n’ignorait pas que son arrestation
était liée au meurtre des deux (2) victimes, et que le fait de s'être enfui du
lieu du crime avec ses coaccusés, indique une intention de donner la mort.
79. La Cour d'appel a également cherché à savoir si les aveux du Requérant
avaient été faits de plein gré. En ce qui concerne, particulièrement,
l’allégation relative à la torture, la Cour d’appel a estimé que, le Requérant
n’avait, certes, pas informé le juge de paix qu’il avait été torturé pendant sa
garde à vue, mais la juge de paix n’a pas constaté d’ecchymoses sur son
corps pendant l’examen physique. La Cour d’appel en a conclu que l’aveu
n’avait pas été obtenu sous la torture et qu’il était véridique, comme l’a
corroboré le témoignage de la juge de paix devant la Haute Cour.
80. La Cour relève, en outre, que la Cour d’appel a fait référence à sa
jurisprudence, selon laquelle la prise en compte d’un aveu, non corroboré,
est assujettie à des conditions strictes, à savoir qu’il a été fait de plein gré,
qu’il est véridique et qu'il n'existe pas d’élément de corroboration.’ë La Cour
d'appel a appliqué ces critères aux faits de la cause reprochés au
Requérant et s’est assurée qu’il avait été condamné à juste titre sur la base
des aveux qu’il a faits de plein gré.
81. La Cour estime donc qu’il ne résulte du dossier aucun élément indiquant
que la Cour d’appel de l’État défendeur a refusé au Requérant la possibilité
de contester sa condamnation.
82. La Cour estime, en ce qui concerne les procédures devant la Haute Cour
et la Cour d'appel, que le traitement par les juridictions nationales de l’aveu
et de l’allégation de torture ne révèle aucune violation des normes énoncées
dans la Charte.
83. La Cour en conclut que l’État défendeur n’a pas violé les droits du
Requérant protégé par l’article 7(1) de la Charte.
B. Violation alléguée du droit d’être jugé dans un délai raisonnable
84. Le Requérant allègue qu’en n’ayant pas inscrit au rôle de la Cour d'appel
son recours en révision et en n’ayant pas sur ledit recours, la Cour d’appel
siégeant à Br a violé son droit d’interjeter appel, protégé par l’article
7(1)(a) de la Charte, correspondant « aux articles 136(a) et 107(a) 2(b) de
la Constitution de Tanzanie de 1977 ». Le Requérant soutient qu’une
période de plus de deux (2) ans s’est écoulée entre le 10 mars 2014, date
du dépôt de sa requête en révision devant la Cour d’appel qui était toujours
pendante le 8 juin 2016, date à laquelle il à saisi la Cour de céans.
28 Bm c. Ouganda [1967] EA 84 à la page 91. « Le point de droit est le suivant : la cour de céans a le droit de condamner un accusé sur la base d’un aveu rétracté si elle est convaincue, après avoir pris en compte les éléments matériels de l'affaire, qu’il ne ressort des éléments de la déclaration que la vérité et rien d'autre ».
85. L'État défendeur soutient que l’allégation n’est pas fondée, pour trois (3)
raisons. Premièrement, l’avis de requête en révision de la décision de la
Cour d'appel a été déposé hors délai, en violation de la règle 66(3) du
Règlement de la Cour d’appel de l’État défendeur. Deuxièmement, le
Requérant n’a pas prouvé que sa requête en révision lui a été signifiée.
Enfin, la décision d’enrôlement des requêtes en révision dépend du
calendrier et du budget du tribunal.
86. L'article 7(1)(d) de la Charte prévoit « le droit d’être jugé dans un délai
raisonnable par une juridiction impartiale ».
87. La Cour se réfère à sa décision dans l’affaire Ao Ba Bc et
autres c. Tanzanie, dans laquelle elle a considéré « … qu’il n’existe pas de
délai considéré comme raisonnable qui serve de norme dans l’examen
d’une affaire. Pour déterminer si le délai est raisonnable ou non, chaque
affaire doit être traitée selon ses propres circonstances ».?°
88. Pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure
interne, la Cour prend en compte le comportement du Requérant et la
diligence de l’État défendeur dans le traitement de la procédure. La Cour
a souligné que « les autorités des juridictions nationales ont le devoir de
veiller à ce que tous ceux qui jouent un rôle dans un procès fassent tout ce
qui est en leur pouvoir pour éviter tout retard inutile ».3!
89. L'État défendeur réfute l’allégation du Requérant selon laquelle il a déposé
la requête en révision dans les délais, au Greffe de la Cour d’appel et que
celle-ci a été signifiée à l’État défendeur.
90. Comme indiqué au paragraphe 9 du présent Arrêt, le Requérant n’a pas
apporté la preuve que la Cour d’appel l’a autorisé à déposer la requête en
29 Bc et autres c. Tanzanie (fond), supra, 8 135.
3 Ibid, 88 134 et 136.
31 Ibid, 8 153.
révision hors délai. Il n’a pas non plus apporté la preuve qu’après ladite
autorisation, il a effectivement déposé la requête en révision au du Greffe
de la Cour d’appel et que celle-ci a été dûment signifiée à l’État défendeur,
comme l'exige le Règlement de la Cour d’appel.S?
91. La Cour note que le Requérant ne lui a pas fourni d’éléments de preuve ou
d'informations lui permettant d'apprécier s’il y a effectivement eu un retard
dans l’enrôlement et l'examen de sa requête en révision.
92. Compte tenu de ce qui précède, la Cour rejette l’allégation du Requérant
selon laquelle un retard a été accusé dans l’enrôlement et l’examen de sa
requête en révision. La Cour estime donc qu’aucune violation de la Charte
n’est établie à cet égard.
93. La Cour a déjà indiqué qu’elle n’applique pas le droit interne pour
déterminer si l’État s'était conformé à la Charte ou à tout autre instrument
relatif aux droits de l'homme qu'il a ratifié. La Cour estime donc qu’il n’est
pas nécessaire d'examiner si les dispositions de la Constitution de l’État
défendeur citées par le Requérant ont été violées.
C. Violation alléguée du droit à la défense
94. Le Requérant allègue que l’État défendeur a violé son droit de se faire
assister par un défenseur de son choix, protégé par l’article 7(1)(c) de la
Charte.
95. L’État défendeur n’a pas conclu sur ce point.
32 Aux termes de l’article 66(3) et (4) du Règlement de la Cour d’appel, 2009 :
(3) L'avis de requête en révision doit être déposé dans un délai de soixante jours à compter de la date de l’arrêt ou de l’ordonnance dont la révision est sollicitée. Elle expose clairement les motifs de la révision.
(4) Des copies de l’avis de requête en révision sont signifiées à l’autre ou aux autres parties, selon le cas, dans un délai de quatorze jours à compter de la date de dépôt. La partie à l’initiative de l’avis doit déposer auprès de la juridiction la preuve de la signification.
96. La Cour observe qu'aux termes de l’article 7(1)(c) de la Charte, « [t]oute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend [...]
le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur
de son choix ».
97. La Cour rappelle qu’elle a jugé que l’article 7(1)(c) de la Charte, lu
conjointement avec l’article 14(3)(d) du PIDCP garantit à toute personne
accusée d’une infraction pénale pouvant donner lieu à de lourdes peines,
le droit à l’assistance judiciaire gratuite, chaque fois que l'intérêt de la justice
l'exige.3° La Cour a également affirmé que droit vaut également pour les
personnes accusées de crimes graves, passibles d’une lourde peine,
s'applique tant au stade en instance qu’en appel.3*
98. La Cour souligne que le Requérant n’ait pas étayé cette affirmation, elle
relève qu’il résulte du dossier que le Requérant était représenté par Me
Katabalwa et Me Rweyemamu devant la Haute Cour, et par Me S.
Kahangwa® devant la Cour d'appel. La Cour note ainsi que le Requérant a
bénéficié de l’assistance de ces trois (3) conseils aux frais de l’État
défendeur. En outre, la Cour observe qu’aucun élément du dossier
n'indique qu’une quelconque question ait été soulevée devant les
juridictions nationales relativement à l’exercice leurs fonctions au détriment
du droit à la défense du Requérant.*é
99. La Cour en conclut que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1)(c) de la
Charte.
33 Cm c. Tanzanie (fond), supra, 8 124.
34 Idem ; Bc et autres c. Tanzanie (fond), supra, 8 183.
35 Nom des conseils tels qu’ils figurent dans le dossier.
36 Ab Ck c. République Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 004/2016, Arrêt du 26 février 2021 (fond et réparations), 8 75.
100. Ayant conclu que l’État défendeur n’a pas violé les droits du Requérant. La
Cour note, au demeurant, que le Requérant a été condamné à la peine de
mort obligatoire. En pareille occurrence, la Cour réitère les termes de sa
jurisprudence constante,” à savoir que la peine de mort obligatoire
constitue une violation du droit à la vie, parmi d’autres droits énoncés dans
la Charte et qu’elle devrait donc être abrogée du code pénal de l’État
défendeur.
VIII. SUR LES RÉPARATIONS
101. La Cour relève qu’aux termes de l’article 27(1) du Protocole, « [I]orsqu’elle
estime qu’il y a eu violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour
ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y
compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d'une
réparation ».
102. Le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de lui verser
un montant calculé sur la base du « quantum national des revenus annuels
d’un citoyen », à titre de réparation du préjudice subi pendant la période de
son incarcération. Il demande également à la Cour d’ordonner son
acquittement en réparation du préjudice subi du fait de la violation de son
droit de se faire assister par un défenseur de son choix.
103. L'État défendeur n’a pas répondu aux conclusions du Requérant sur les
réparations en dépit du fait qu’elles lui ont été communiquées le
20 août 2018 et des prorogations de délais de réponse de trente (30) jours
qui lui ont été accordées les 27 septembre 2018, 20 décembre 2018 et
15 février 2019.
37 Ce Bb et autres c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 novembre 2019) 3 RJCA 562, 88 104 à 114. Voir également, Ay Bt c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 024/2016, Arrêt du 30 septembre 2021, S8 120 à 131 ; Af An c. République- Unie de Tanzanie ; CAfDHP, Requête n° 056/2016, Arrêt du 10 janvier 2022, 8 160.
104. En l’espèce, la Cour a établi que l’État défendeur n’a violé aucun des droits
du Requérant tel qu’allégué.
105. Au vu de ce qui précède, les demandes de réparations du Requérant sont
rejetées.
IX. SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES
106. La Cour rappelle que le Requérant a sollicité des mesures provisoires,
« compte tenu de l’extrême gravité de sa situation, étant un détenu dans le
couloir de la mort ». L’État défendeur n’a pas conclu sur ce point.
107. La Cour estime que la présente décision rend la demande de mesures
provisoires sans objet. Il est, par conséquent, superfétatoire de statuer sur
ladite demande.
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
108. Le Requérant n’a formulé aucune demande spécifique relativement aux
frais de procédure.
109. L’État défendeur demande à la Cour de mettre les frais de procédure à la
charge du Requérant.
110. Aux termes de la règle 32(2) du Règlement, « [à] moins que la Cour n’en
décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
111. En l'espèce, la Cour ordonne que chaque Partie supporte ses frais de
procédure.
XI. DISPOSITIF
112. Par ces motifs,
LA COUR,
Sur la compétence
À l’unanimité,
Sur la recevabilité
À la majorité de sept (7) voix pour et trois (3) voix contre, les Juges Ben
KIOKO, Tujilane R. CHIZUMILA et Dennis D. ADJEI, étant dissidents,
ii. Rejette les exceptions d’irrecevabilité de la Requête ;
iv. Déclare la Requête recevable.
Sur le fond
À la majorité de six (6) voix pour et une (1) voix contre, la Juge Chafika
BENSAOULA ayant émis une opinion dissidente et les Juges Ben KIOKO,
Tujilane R. CHIZUMILA et Dennis D. ADJEI étant dissidents sur la
recevabilité,
v. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce que
sa cause soit entendue, protégé par l’article 7(1) de la Charte, en
condamnant le Requérant sur la base de ses aveux ;
vi. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant protégé
par l’article 7(1) de la Charte, du fait du retard allégué dans
l'examen de la requête en révision de l’arrêt de la Cour d’appel ;
vii. Dit que l’État défendeur T7 n’a pas violé le droit à la défense du Requérant, y compris le droit de se faire assister d’un défenseur de son choix, protégé par l’article 7(1)(c) de la Charte.
Sur les réparations
viii. Rejette la demande de réparations formulée par le Requérant.
Sur la demande de mesures provisoires
ix. Dit que la demande de mesures provisoires est sans objet.
Sur les frais de procédure
x. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Blaise TCHIKAYA, Vice-président ES
Ben KIOKO, Juge ; MES
Tujilane R. CHIZUMILA, Juge Les Gnigueui a
Chafika BENSAOULA, Juge ; € +
Stella |. ANUKAM, Juge uk am ;
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge Sa Z@ œ.
Modibo SACKO, Juge ; fran fre
Dennis D. ADJEI, Juge ; Met
et Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 28(7) du Protocole et à la règle 70(1) du Règlement, l’Opinion dissidente conjointe des Juges Ben KIOKO, Tujilane R. CHIZUMILA et Dennis D.
ADJEI ; l’Opinion dissidente de la Juge Chafika BENSAOULA et l’opinion individuelle du Juge Blaise TCHIKAYA, Vice-président, sont jointes au présent arrêt.
Fait à Arusha, ce treizième jour du mois juin de l’an deux mille vingt-trois, en anglais et en français, le texte anglais faisant foi.