AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
C Cy
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 058/2016
ARRÊT
13 JUIN 2023 avr FOR SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
B. Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV. DEMANDES DES PARTIES
V SUR LA COMPÉTENCE
A. Sur l'exception d’incompétence matérielle
B. Sur les autres aspects de la compétence
VI. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE
A. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes 11
B. Sur l'exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable ..14
C. Sur les autres conditions de recevabilité 16
DIR SUR LE FOND 17
! Allégation relative au défaut d'assistance judiciaire gratuite 18
Il Allégation relative au défaut d’information de l’ambassade du Rwanda par l’État
défendeur 20
iii. Allégation relative à l’appréciation erronée des éléments de preuve 24
iv. Allégation relative à la preuve des faits au-delà de tout doute raisonnable 28
VIII. SUR LES RÉPARATIONS 29
A Réparations pécuniaires 30
! Préjudice matériel 30
ii. Préjudice matériel subi par les victimes indirectes 32
Réparations non pécuniaires 35
! Mise en liberté 35
ii. Non-répétition 36
IX. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 38
x DISPOSITIF 38 La Cour, composée de : Blaise TCHIKAYA, Vice-président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN
ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Stella
|. ANUKAM, Dumisa B. NTSEBEZA, Modibo SACKO et Dennis D. ADJEI — Juges ; et
de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement
intérieur de la Cour* (ci-après désigné «le Règlement »), la Juge Imani D. ABOUD,
Présidente de la Cour, de nationalité tanzanienne, s’est récusée.
En l’affaire
C Cy
représenté par :
Me Majura Muhammadou E. MAJURA,
contre
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
représentée par :
ii Dr Ch Yb AI, Solicitor General
ii. Mme Be Bv A, Ci Bn Cw
ii. Mme Aw Z, directrice adjointe, Droits de l'homme, Principal
State Attorney, Cabinet de l’Attorney General ;
iv. Bx Ar, Bp State Attorney, Cabinet de l’Xo Cw ; et
v. Mme Xj Y, Juriste, ministère des Affaires étrangères, de la
Coopération est-africaine, régionale et internationale.
1 Article 8(2) du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt :
1 LES PARTIES
1. Le sieur C Cy, (ci-après dénommé le « Requérant ») est un
ressortissant rwandais qui, au moment du dépôt de la présente Requête,
purgeait une peine de trente (30) ans de réclusion à la prison centrale de
Butimba pour viol. Il allègue la violation de son droit à un procès équitable
dans le cadre des procédures judiciaires nationales.
2. La Requête est dirigée contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après
dénommée « l’État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples (ci-après désignée la « Charte ») le
21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. Elle a également
déposé, le 29 mars 2010, la Déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole
(ci-après désignée «la Déclaration »), par laquelle elle accepte la
compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant d’individus et
« Déclaration »). Le 21 novembre 2019, l’État défendeur a déposé auprès
du Président de la Commission de l’Union africaine un instrument de retrait
de sa Déclaration. La Cour a décidé que le retrait de la Déclaration n’avait
aucune incidence sur les affaires pendantes, ni sur les nouvelles affaires
introduites devant elle avant sa prise d'effet, à savoir le 22 novembre 2020.?
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. Il ressort du dossier que le 4 novembre 2010, vers 18 heures, au ranch de
Kikurula, dans le district de Karagwe, région de Kagera, le Requérant a été
? Cr Af Cj c. République-Unie de Tanzanie (arrêt) (26 juin 2020) 4 RICA, 88 37 à 39.
arrêté puis mis en accusation pour viol sur mineur devant le tribunal de
district de Karagwe sis à Kayanga, dans l'affaire pénale n° 49 de 2010.
4. Condamné, le 18 août 2011, à vingt (20) ans de réclusion, il a interjeté
appel de ce jugement devant la Haute Cour de Tanzanie à Bl. Le
12 octobre 2015, dans l'affaire pénale n° 31 de 2015, la Haute Cour a
confirmé le jugement sur la culpabilité mais a aggravé la peine à trente (30)
ans de réclusion.
5. Le Requérant a interjeté un nouvel appel devant la Cour d’appel de
Tanzanie, siégeant à Bl, pour contester l’intégralité de cet arrêt. Le 20
février 2016, dans l’appel pénal n° 483 de 2015, la Cour d’appel a confirmé
l’arrêt de la Haute Cour.
B. Violations alléguées
6. Le Requérant allègue la violation, par l’État défendeur, de son droit à un
procès équitable, garanti par l’article 7(1)(c) de la Charte et l’article 13 de la
Constitution. À cet égard, il allègue que :
i. L'État défendeur ne lui a pas fourni une assistance judiciaire durant son
procès ;
i. L'État défendeur a omis d’informer l'ambassadeur du Rwanda en
République-Unie de Tanzanie de son arrestation et de son
ii. Les juridictions de l’État défendeur n’ont pas tenu compte des facteurs
ci-après, lors de l’évaluation des éléments de preuve : incohérences
entre les dépositions des témoins à charge et les preuves produites par
le ministère public, admission de preuves par indices produites par les
membres de la famille de la victime et incapacité à établir de manière
irréfutable l’âge de la victime ;
iv. Les juridictions de l’État défendeur n’ont pas pu établir, au-delà de tout
doute raisonnable, les faits qui lui étaient reprochés.
II. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
7. La Requête a été reçue au Greffe le 28 novembre 2016 et communiquée à
l’État défendeur.
8. Lors de sa 46° session ordinaire,® la Cour a examiné et fait droit à la
demande d’assistance judiciaire du Requérant dans le cadre du programme
d'assistance judiciaire gratuite de la Cour. La décision de la Cour a été
signifiée aux Parties le 2 mai 2018.
9. Les Parties ont déposé leurs conclusions sur le fond et les réparations après
plusieurs prorogations de délai accordées par la Cour.
10. Les débats ont été clôturés le 16 novembre 2021 et les Parties en ont reçu
notification.
IV. DEMANDES DES PARTIES
11. Ence qui concerne la compétence, la recevabilité, le fond et les réparations,
le Requérant demande à la Cour de :
ii Se déclarer compétente pour connaître de l'affaire ;
ii. Déclarer la Requête recevable ;
ii. Lui accorder une assistance judiciaire gratuite ;
iv. Dire et juger que l’État défendeur a violé son droit à un procès équitable ;
v. Ordonner l’annulation des décisions de condamnation prononcées à son
encontre par les juridictions internes et ordonner sa mise en liberté ;
vi. Faire droit à sa demande de compensation financière, formulée au
paragraphe VII de son mémoire sur les réparations ;
vii. Appliquer le principe de proportionnalité lors de l’examen des
réparations à accorder ;
3 La quarante-sixième (46°"°) session a eu lieu du 4 au 22 septembre 2017.
viii. Ordonner à l’État défendeur de prendre des mesures visant à garantir la
non-répétition de cette violation contre le Requérant ; et
ix. Ordonner toute autre mesure que la Cour jugera nécessaire.
12. Sur la compétence, la recevabilité et le fond, l’État défendeur demande à la
Cour de :
ii Constater que le Requérant n’a pas invoqué la compétence de la Cour
et rejeter la Requête ;
ii. Constater que la Requête du Requérant n’a pas rempli les conditions de
recevabilité énoncées aux paragraphes 5 et 6 de la règle 40 du
Règlement de la Cour, déclarer sa requête irrecevable et la rejeter en
conséquence ;
ii. Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant,
protégé par l’article 7(1)(c) de la Charte ;
iv. Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé l’article 13(1) de la
Constitution ;
v. Dire que les décisions de condamnation pour viol, prononcées à
l'encontre du Requérant par les juridictions internes, sont légales ; et
vi. Mettre les frais de procédure à la charge du Requérant.
13. L'État défendeur n’a pas conclu sur les réparations.
V. SUR LA COMPÉTENCE
14. La Cour relève que l’article 3 du Protocole est ainsi libellé :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de
tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation
et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les
États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
15. Aux termes de la règle 49(1) du Règlement, la Cour doit, dans chaque
requête, procéder à un examen préliminaire de sa compétence et statuer
sur les éventuelles exceptions qui s’y rapportent.*
16. La Cour relève qu’en l’espèce, l’État défendeur soulève une exception
d’incompétence matérielle. La Cour va se prononcer sur ladite exception
(A) avant d'examiner, si nécessaire, les autres aspects de sa compétence
(B).
A. Sur l’exception d’incompétence matérielle
17. L'État défendeur fait valoir, premièrement, que la Cour n’a pas compétence
pour examiner ou apprécier les éléments de preuve produits au cours de la
procédure concernant le Requérant devant les juridictions internes. Il
soutient que le traitement des questions relatives aux preuves relève plutôt
des juridictions internes, conformément à la loi sur les Magistrate Courts,
CAP 11 R.E 2002. Le fait qu’il ait ratifié la Charte et le Protocole, et déposé
la Déclaration ne confère pas à la Cour compétence pour examiner des
allégations d’incohérences au niveau des preuves produites dans le cadre
des procédures internes. En outre, tout individu qui se sent lésé par une
décision de sa Cour d’appel ne devrait pas automatiquement contester cette
décision devant la Cour de céans.
18. L'État défendeur fait valoir, deuxièmement, que le Requérant a interjeté
appel du jugement du tribunal de district devant la Haute Cour et enfin
devant la Cour d'appel, qui a examiné les dossiers du tribunal de district et
a rejeté son appel. L’État défendeur en conclut qu’il ne peut être demandé
à la Cour de céans d'examiner, de nouveau, cette affaire en agissant
comme une juridiction de première instance ou d’appel sur des questions
qui relèvent de la compétence des tribunaux internes. Selon l’État
défendeur, en pareille occurrence, la Cour examinerait les lois pénales de
l’État défendeur plutôt que de s’en tenir aux dispositions de la Charte, des
4 Article 39(1) du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
instruments relatifs aux droits de l'homme énoncés à l’article 3(1) du
Protocole et à la règle 26 du Règlement.
19. Citant la jurisprudence de la Cour dans l’affaire Xn Bo Xf AH
Xd, l’État défendeur affirme que la Cour n’a pas compétence pour
examiner, en appel, des recours concernant des affaires déjà tranchées par
les juridictions internes, régionales ou par des juridictions similaires.
20. En ce qui concerne les allégations de violations de l’article 13(1) de la
Constitution, l’État défendeur fait valoir que la Cour de céans n’est pas
compétente pour examiner ses actions ou omissions, la juridiction
compétente, en la matière, étant la Haute Cour de Tanzanie, comme le
prévoit l’article 30(3) de la Constitution ainsi que les articles 4 et 9(1) de la
loi sur les droits et devoirs fondamentaux. L'État défendeur demande, par
conséquent, à la Cour de se déclarer incompétente.
21. Le Requérant conteste les arguments de l’État défendeur selon lesquels la
Cour n’est pas compétente pour connaître de sa Requête. Il affirme que la
compétence de la Cour est établie pour autant que la Requête allègue la
violation de droits fondamentaux garantis par la Constitution, la Charte et
d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels
cet État est partie. Le Requérant rappelle également que l’État défendeur a
ratifié le Protocole et déposé la Déclaration.
22. Le Requérant fait valoir, en outre, que les dispositions auxquelles se réfère
l’État défendeur, à savoir l’article 30(3) de la Constitution et l’article 4 de la
loi sur les droits et devoirs fondamentaux, sont relatives à la possibilité de
saisir la Haute Cour pour obtenir réparation. Il affirme avoir déjà suivi cette
procédure jusqu’à la Cour d’appel.
23. La Cour note que sur le fondement de l’article 3(1) du Protocole, elle est
compétente pour connaître de « toutes les affaires et de tous les différends
dont elle est saisie, concernant l'interprétation et l’application de la Charte,
du [.…] Protocole et de tout autre instrument relatif aux droits de l’homme et
ratifié par les États concernés ».5
24. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle « elle n’est pas
une juridiction d’appel des décisions rendues par les juridictions
nationales ».° Toutefois, « cela ne l'empêche pas d'examiner les
procédures pertinentes devant les juridictions nationales pour déterminer si
elles sont conformes à la Charte ou à tout autre instrument des droits de
l'homme ratifié par l’État concerné ».” La Cour ne statuerait donc pas
comme une juridiction d’appel si elle devait examiner les allégations du
Requérant, au seul motif qu’elles sont relatives à l’appréciation des
éléments de preuve. La Cour rejette, en conséquence, l’exception soulevée
par l’État défendeur, à cet égard.
25. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle a la compétence
matérielle pour connaître de la présente Requête.
B. Sur les autres aspects de la compétence
26. La Cour note que sa compétence personnelle, temporelle et territoriale n’est
pas contestée par l’État défendeur. Néanmoins, conformément à la
règle 49(1) du Règlement elle doit s'assurer que tous les aspects de sa
compétence sont remplis avant de procéder à l’examen de la Requête.
5 Voir, par exemple, Cs Al c. République-Unie de Tanzanie, (arrêt) (26 juin 2020) 4 RICA 266, $ 18 ; Bt Bq c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 056/2016, Arrêt du 10 janvier 2022 (fond et réparations), 88 38 à 40.
8 Ernest Bo Xf c. République du Malawi (compétence) (15 mars 2013), 1 RICA 197, 8 14.
7 Xf c. Malawi, ibid ; Br Yd c. République-Unie de Tanzanie (fonds et réparations) (28 mars 2019), 3 RJCA 51, $ 26; Cv Ce c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (7 décembre 2018), 2 RICA 493, $ 33; Xe Cd XBk BmB et Xa Xe XXq BzB c. République-Unie de Tanzanie (fond) (23 mars 2018), 2 RICA 297, 8 35.
8 Article 39(1) du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
27. En ce qui concerne sa compétence personnelle, la Cour rappelle, comme
indiqué au paragraphe 2 du présent Arrêt, que l’État défendeur est partie
au Protocole et a déposé la Déclaration. Le 21 novembre 2019, il a déposé
un instrument de retrait de sa Déclaration.
28. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle le retrait de la Déclaration
n’a pas d'effet rétroactif sur les affaires pendantes au moment du dépôt de
l'instrument de retrait, ni aucune incidence sur les nouvelles affaires
déposées avant que ledit retrait ne prenne effet. Étant donné qu’un tel retrait
prend effet douze (12) mois après le dépôt de l’instrument y relatif, en
l'espèce, le 22 novembre 2020,° il n’a donc aucune incidence sur la
présente Requête, introduite avant cette date. Au regard de ce qui précède,
la Cour conclut qu’elle a la compétence personnelle.
29. S'agissant de sa compétence temporelle, la Cour note que les violations
alléguées se sont produites après la ratification de la Charte, du Protocole
et le dépôt de la Déclaration par l’État défendeur.
30. Quant à sa compétence territoriale, la Cour note que les violations
alléguées par le Requérant se sont produites sur le territoire de l’État
défendeur. Dans ces circonstances, la Cour considère que sa compétence
territoriale est établie.
31. Au regard de tout ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente
pour connaître de la présente Requête.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE
32. En vertu de l’article 6(2) du Protocole, « [la Cour statue sur la recevabilité
des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de
la Charte ».
9 Cj c. Tanzanie, supra, 88 35 à 39.
33. Conformément à la règle 50(1) du Règlement, « [Ia Cour procède à un
examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle
conformément aux articles 56 de la Charte et 6, alinéa 2 du Protocole, et au
présent Règlement »."°
34. La Cour note que la règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance
les dispositions de l’article 56 de la Charte, est ainsi libellée :
Les Requêtes déposées devant la Cour doivent remplir toutes les
conditions ci-après :
a) Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b) Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c) Ne pas contenir de termes outrageants ou insultants ;
d) Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e) Être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f) Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre
saisine ;
g) Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
35. L'État défendeur soulève deux exceptions d’irrecevabilité tirées du non-
épuisement des recours internes et du dépôt de la Requête dans un délai
1° Article 40 du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
non raisonnable. La Cour va donc statuer sur lesdites exceptions (A) avant
de se prononcer, si nécessaire, sur les autres conditions de recevabilité (B).
A. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
36. L'État défendeur soutient que le Requérant n’a pas rempli la condition de
recevabilité prévue à la règle 50(2)(e) du Règlement, dans la mesure où il
n’a pas épuisé les recours internes avant d’introduire sa Requête devant la
Cour de céans.
37. L'État défendeur fait valoir, à cet effet, que la juridiction de première
instance, à savoir le tribunal de district de Karagwe, a rendu sa décision le
19 août 2011. S’estimant lésé par cette décision, le Requérant a interjeté
appel devant la Haute Cour qui, le 12 octobre 2015, dans l’affaire n° 31 de
2015, a rendu son arrêt contre lequel le Requérant a interjeté un autre appel
devant la Cour d'appel. Le 20 février 2016, cette juridiction a rendu son
arrêt, dans l'affaire n° 483 de 2015. L'État défendeur affirme, en outre, que
la Haute Cour a confirmé la décision du Tribunal de district. Cependant, elle
a substitué à la peine de (20) ans d’emprisonnement à laquelle le Requérant
avait été initialement condamné, la peine obligatoire de 30 ans de réclusion.
L’État défendeur ajoute que la Cour d'appel a rejeté le recours du
Requérant et a, donc, confirmé la décision de la Haute Cour.
38. L'État défendeur fait valoir que l’allégation de violation de l’article 7(1)(c) de
la Charte et de l’article 13 de sa Constitution est un grief totalement
nouveau qui n’a jamais été soulevé devant les juridictions internes. En
outre, l’État défendeur soutient que si le Requérant avait estimé que son
droit de bénéficier de l'assistance d’un défenseur de son choix était entravé
par le tribunal de district, il aurait dû en faire état devant le même tribunal
qui aurait alors renvoyé l’affaire devant la Haute Cour pour examen,
conformément à l’article 9 de la loi sur les droits et devoirs fondamentaux.
39. Par ailleurs, pour l’État défendeur, le fait que le Requérant n’ait pas introduit
un recours en inconstitutionnalité devant la Haute Cour de Tanzanie est la
preuve qu’il ne lui a pas donné l’occasion de répondre aux griefs concernant
son système juridique national. Citant la jurisprudence de la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée « la
Commission ») dans la communication n° 0263/02 - Commission
internationale des juristes, Section du Kenya, Law Cz, Ak AG Cf
AH Xk et Communication n° 333/206 - Sahrington et autres c. Tanzanie,
il fait valoir qu’il s’agit d’un principe de droit international selon lequel un État
doit avoir la possibilité de réparer un préjudice allégué dans le cadre de son
système juridique interne avant que celui-ci ne soit traité au niveau
international. À titre subsidiaire, l’État défendeur soutient que si la Cour
devait juger que le Requérant a épuisé les recours internes, une telle
décision ne devrait pas être interprétée par celui-ci comme une invitation à
la saisir d’une affaire sans réelle cause.
40. L’État défendeur soutient donc que le Requérant ne peut et ne doit pas être
réputé avoir épuisé les recours internes.
41. Le Requérant fait valoir qu'après sa condamnation par le tribunal de
première instance, il a interjeté appel de cette décision devant la Haute Cour
et la Cour d’appel, sans succès. Il estime que les arguments avancés par
l’État défendeur sont illogiques et ne reposent sur aucune jurisprudence.
42. Le Requérant réfute, spécifiquement, l’affirmation de l’État défendeur selon
laquelle seule la Haute Cour de l’État défendeur est compétente pour
connaître des violations alléguées découlant de la dérogation à l’article
13(1) de la Constitution de l’État défendeur de 1977 et à l’article 4 de la loi
sur les droits et devoirs fondamentaux, et non la Cour. Il réaffirme qu’il est
innocent et devrait être remis en liberté.
43. Le Requérant … affirme que les juridictions internes auraient dû juger son affaire en conformité avec les lois et règles applicables. Il fait valoir qu’en ne l’ayant pas fait, l’État défendeur n’a pas rendu la justice.
44. La Cour note que, conformément à l’article 56(5) de la Charte, dont les dispositions sont reprises à la règle 50(2)(e) du Règlement, toute requête introduite devant elle doit satisfaire à l’exigence de l’épuisement des recours internes, sauf s’ils sont indisponibles, inefficaces et insuffisants ou que la procédure interne ne se prolonge de façon anormale.*
45. En l’espèce, la Cour relève que le recours du Requérant devant la Cour d'appel, organe judiciaire suprême de l’État défendeur, a été tranché par arrêt le 20 février 2016.
46. La Cour réitère sa jurisprudence, selon laquelle :
lorsqu’une violation alléguée des droits de l'homme se produit au
cours de la procédure judiciaire interne, les juridictions internes ont
ainsi l’occasion de se prononcer sur d’éventuelles violations des droits
de l’homme. En effet, les violations alléguées des droits de l’homme
font partie du faisceau de droits et de garanties qui étaient liés à la
procédure devant les juridictions internes ou qui en constituaient le
fondement. Dans une telle situation, il ne serait pas raisonnable
d’exiger des Requérants qu’ils introduisent une nouvelle Requête
devant les juridictions internes pour demander réparation de ces
griefs.!?
11 Ya Cg Ac c. République-Unie de Tanzanie (recevabilité) (28 mars 2014), 1 RICA 413, 88 142 à 144 ; Yc Bj Ye et autres c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 030/2017, arrêt du 24 mars 2022 (fond et réparations), 8 43.
12 Jibu Amir alias Xt et un autre c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 novembre 2019), 3 RJCA 654, $ 37 ; At Xz c. République-Unie de Tanzanie (fond) (20 novembre 2015), 1 RJCA 482, 88 60 à 65, Br Bu Xi et un autre c. République-Unie de Tanzanie (fond) (28 septembre 2017), 2 RICA 67, 854 ; Xn Co, Am An, Ah Ay et 1744 autres c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 002/2017, Arrêt du 30 septembre 2021 (fond et réparations), 8 57.
47. La Cour observe qu’en l’espèce, les allégations du Requérant portent sur
« le faisceau de droits et de garanties » relatif au droit à un procès équitable
qui ont conduit à son appel, et qu’il n’était donc pas nécessaire pour lui de
retourner devant la Haute Cour.!* Elle note, en outre, que l’État défendeur
avait la possibilité de remédier aux éventuelles violations des droits de
l’homme devant les juridictions internes, mais qu’il ne l’a pas fait.
48. En ce qui concerne le dépôt d’un recours en inconstitutionnalité devant la
Haute Cour, comme le prévoit l’article 13 de la Constitution, la Cour a déjà
jugé que, dans le système judiciaire tanzanien, ce recours est un recours
extraordinaire que le Requérant n’est pas tenu d’épuiser avant de la saisir
14
49. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que le Requérant a épuisé les
recours internes prévus à l’article 56(5) de la Charte et à la règle 50(2)(e)
du Règlement. Elle rejette donc l’exception de l’État défendeur tirée du non-
épuisement desdits recours.
B. Sur l’exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable
50. L'État défendeur fait valoir que du fait du dépôt de la Requête dans un délai
non raisonnable après épuisement des recours internes, la Cour devrait la
rejeter au motif qu’elle n’a pas satisfait aux exigences de la règle 40(6) du
Règlement. Elle affirme que l’arrêt de la Cour d’appel a été rendu le
20 février 2016, alors que le Requérant n’a saisi la Cour de céans que huit
(8) mois plus tard, à savoir le 18 octobre 2016.
51. L'État défendeur fait valoir que la Cour n’a certes pas fourni de définition
spécifique du délai raisonnable, mais d’autres mécanismes régionaux tels
que la Cour européenne des droits de l'homme et la Commission ont adopté
13 At Xz c. République-Unie de Tanzanie (fond) (20 novembre 2015), 1 RICA 482, 8 60.
14 Xz c. Tanzanie, ibid, $$ 60 à 62 ; Bj Xx c. République-Unie de Tanzanie (fond) (3 juin 2016), 1 RJCA 624, $$ 66 à 70; Ct Ck c. République-Unie de Tanzanie (fond) (28 septembre 2017), 2 RICA 105, 8 44.
une période de six (6) mois comme délai raisonnable pour introduire des
requêtes. Il invoque à cet égard l’affaire Cl Bw c. Zimbabwe.
52. L'État défendeur fait valoir que le délai de huit (8) mois observé par le
Requérant avant de saisir la Cour n’est pas justifié, et que sa Requête doit
donc être rejetée.
53. Pour sa part, le Requérant soutient que le délai raisonnable n’est pas défini
dans le Règlement de la Cour. Il en déduit que le délai raisonnable doit faire
l’objet d’une interprétation large comme étant le délai qui est
raisonnablement nécessaire, commode et convenable pour poser les actes
qu’il faut, lorsque les circonstances le permettent. Fort de ce qui précède,
le Requérant estime que sa Requête a été déposée dans un délai
raisonnable et devrait être déclarée recevable par la Cour.
54. La Cour note que ni la Charte, ni le Règlement ne précisent le délai dans
lequel les requêtes doivent être déposées, après épuisement des recours
internes. L'article 56(6) de la Charte et la règle 50(2)(f) du Règlement
indiquent simplement que les requêtes doivent être déposées « … dans un
délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou
depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le
délai de sa saisine ».
55. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle : « … le caractère
raisonnable du délai de sa saisine dépend des circonstances particulières
de chaque affaire … ».!* Comme la Cour l’a affirmé dans sa jurisprudence
15 Ayant droits de feus Bt Xl, Ca Xm alias Ablassé, Xn Xl et Xg Aq AH Xy Bb (fond) (24 juin 2014), 1 RICA 226, 8 92. Voir Xz c. Tanzanie (fond), supra, 8 73.
constante, la charge de la preuve du le caractère raisonnable du délai en
cause incombe aux Requérants.!6
56. Nonobstant ce qui précède, la Cour a estimé que le délai pour introduire
une requête devant elle est manifestement raisonnable lorsqu’il est
relativement court. En pareille hypothèse, l’exigence de démontrer le
caractère raisonnable du délai ne s'applique pas.!”
57. Enl’espèce, la Cour observe que, dans l’appel pénal n° 483 de 2015, l’arrêt
de la Cour d’appel a été rendu le 20 février 2016 et que le Requérant a
déposé la présente requête, neuf (9) mois et huit (8) jours plus tard, c’est-
à-dire le 28 novembre 2016.
58. Enl’espèce, la Cour estime que ce délai est manifestement raisonnable, au
sens de l’article 56(6) de la Charte. La Cour rejette, en conséquence,
l'exception d’irrecevabilité tirée du dépôt de la Requête dans un délai non
raisonnable.
C. Sur les autres conditions de recevabilité
59. La Cour constate que le respect des conditions énoncées à
l’article 50(2)(a), (b), (c), (d) et (g) du Règlement ne fait l’objet d'aucune
contestation. Néanmoins, elle est tenue de s'assurer que ces conditions
sont remplies.
60. La Cour relève qu’il ressort du dossier que le Requérant a été clairement
identifié, conformément à la règle 50(2)(a) du Règlement.
61. La Cour relève que les griefs formulés par le Requérant visent à protéger
ses droits garantis par la Charte. Elle note également que l’un des objectifs
de l’Union africaine, tel qu’énoncé à l’article 3(h) de son Acte constitutif, est
16 Xu Xw c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n°028/2017, Arrêt du 2 décembre 2021 (recevabilité), $ 48 ; Ba AH Xv, supra, 8 65.
17 Cb Bs Cp c. République du Bénin, CAfDHP, Requête n° 065/2019, Arrêt du 29 mars 2021 (fond et réparations), 88 86 et 87.
la promotion et la protection des droits de l’homme et des peuples. En outre,
aucun élément du dossier n’indique que la Requête est incompatible avec
l’Acte constitutif de l’Union africaine. La Cour en conclut que la Requête
satisfait à l’exigence de la règle 50(2)(b) du Règlement.
62. La Cour note, en outre, que la Requête ne contient pas de termes
outrageants ou insultants à l'égard de l’État défendeur. Elle est donc
conforme à la règle 50(2)(c) du Règlement.
63. La Requête n’est pas fondée exclusivement sur des nouvelles diffusées par
des moyens de communication de masse. Elle est plutôt fondée sur des
documents judiciaires, ce qui rend la Requête conforme à la règle 50(2)(d)
du Règlement.
64. Enfin, la Requête ne se rapporte pas à une affaire qui a déjà été réglée par
les Parties conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, de
l’Acte constitutif de l’Union africaine, des dispositions de la Charte ou de
tout instrument juridique de l’Union africaine. Elle est donc conforme à la
règle 50(2)(g) du Règlement.
65. La Cour constate donc que toutes les conditions de recevabilité sont réunies
et que la présente Requête est recevable.
VII. SUR LE FOND
66. Le Requérant allègue la violation, par l’État défendeur, de ses droits à un
procès équitable garantis par l’article 7(1)(c) de la Charte et l’article 13 de
la Constitution, au moyen que l’État défendeur :
ii ne lui a pas fourni d'assistance judiciaire durant les procédures
nationales ;
il. n’a pas informé l’ambassadeur du Rwanda de son arrestation et de son
incarcération ;
ill. n’a pas tenu compte des facteurs suivants dans son évaluation des
éléments de preuve : incohérences entre les témoins du ministère
public et les éléments de preuve versés au dossier, admission des
preuves par indice produites par les membres de la famille de la victime,
et incapacité de prouver de manière irréfutable l’âge de la victime ; et
iv. n’a pas démontré que les charges qui pesaient sur lui étaient établies
au-delà de tout doute raisonnable.
67. Conformément à sa jurisprudence, la Cour souligne qu’elle n’applique pas
la législation interne pour déterminer si un État a violé les dispositions de la
Charte ou à tout autre instrument relatif aux droits de l'homme qu’il a
ratifié."8 Elle examinera donc la violation alléguée, non pas de l’article 13(1)
de la Constitution, mais plutôt de l’article 7(1)(c) de la Charte.
i. Allégation relative au défaut d’assistance judiciaire gratuite
68. Le Requérant fait valoir qu’il n’a pas bénéficié d’assistance judiciaire durant
son procès alors qu’il est étranger. Il affirme que, par voie de conséquence,
ses droits ont été violés.
69. L'État défendeur soutient que les lois tanzaniennes ne prévoient pas le
bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite d’office pour les cas de viol.
Toute personne poursuivie qui souhaite être représentée par un avocat doit
introduire une demande d'assistance judiciaire et chaque affaire est évaluée
au cas par cas. De plus, il ne résulte pas du dossier de la procédure
nationale que le Requérant avait besoin d’une assistance judiciaire.
70. L'État défendeur affirme que l’assistance judiciaire peut être accordée
devant la Cour d’appel comme prévu par prévu la Règle 31, Partie Il du
Règlement de la Cour d'appel de Tanzanie de 2009. Ainsi, il soutient que
18 Xx c. Tanzanie (fond), supra, $ 28 ; Xi et un autre c. Tanzanie (fond), supra, 8 39 et Xb AH Xv, supra, 8 42.
les allégations du Requérant sont erronées, étant donné que le
Gouvernement a toujours considéré ses citoyens comme égaux devant la
loi, leur a accordé des droits sans discrimination et a promu et protégé leur
droit à l’égalité devant la loi.
71. En conclusion, l’État défendeur déclare qu’il s’est engagé à protéger les
droits de l’homme prévus par la Charte. À cette fin, il a adopté des mesures
législatives, y compris la promulgation de la loi sur l’assistance judiciaire
(procédures pénales) Cap 21 du Recueil des Lois, qui prévoit l’une
assistance judiciaire gratuite au profit des personnes poursuivies qui sont
indigentes. Cette loi a été promulguée au moment où l’action pénale visant
le Requérant a été intentée.
72. L'article 7(1)(c) de la Charte prévoit que toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue. Ce droit comprend «le droit à la défense, y compris
celui de se faire assister par un défenseur de son choix ».
73. La Cour a interprété l’article 7(1)(c) de la Charte à la lumière de
l’article 14(3)(d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP),"° et a conclu que le droit à la défense inclut le droit de bénéficier
d’une assistance judiciaire gratuite.?°
74. La Cour a constamment considéré que lorsque des personnes indigentes
sont poursuivies pour des infractions passibles de lourdes peines, une
assistance judiciaire gratuite doit leur être fournie de plein droit.?* De plus,
la Cour a conclu que l’obligation de faire bénéficier une assistance judiciaire
gratuite aux personnes indigentes poursuivies pour des infractions
19 L’État défendeur est devenu partie au PIDCP le 11 juin 1976.
mars 2018) 2 RICA 226, 8 72 ; Xi et un autre c. Tanzanie (fond), supra, 8 104.
2! Xz c. Tanzanie, ibid., $ 123; Az c. Tanzanie (fond), ibid., $ 78; Xi et un autre c. Tanzanie, ibid., 88 104 et 106.
passibles d’une peine lourde s'applique tant en première instance qu’en
75. La Cour note que le Requérant est un étranger poursuivi pour viol, une
infraction passible d’au moins trente (30) ans de réclusion. Il ressort du
dossier que le Requérant n’a pas été informé de son droit à une assistance
judiciaire gratuite dans le cas où il ne serait pas en mesure de s’offrir les
services d’un avocat. La Cour observe, en outre, que l’État défendeur n’a
pas contesté l’allégation du Requérant selon laquelle il est indigent.
76. La Cour est d’avis que dans l’intérêt de la justice, le Requérant aurait dû
bénéficier d’une assistance judiciaire gratuite compte tenu, non seulement,
du fait qu’il est étranger et indigent, mais également du fait de la gravité de
la peine encourue pour cette infraction. En outre, dans sa jurisprudence
constante, que l’accusé doit bénéficier d’une assistance judiciaire gratuite
de plein droit. En conséquence, la Cour rejette, conformément à sa
jurisprudence constante,, l’argument selon lequel l’assistance judiciaire
gratuite n’est accordée qu’en fonction de la disponibilité des ressources.”
77. Au regard de ce qui précède, la Cour considère que l’État défendeur a violé
l’article 7(1)(c) de la Charte, lu conjointement avec l’article 14(3)(d) du
PIDCP pour n’avoir pas fait bénéficier au Requérant une assistance
judiciaire gratuite devant les juridictions internes.
ii. Allégation relative au défaut d’information de l’ambassade du Rwanda
par l’État défendeur
78. Le Requérant affirme qu’il est un ressortissant rwandais dont les droits ont
été violés du fait que l’État défendeur n’a pas informé l’ambassade du
Rwanda de son arrestation et de son incarcération, le privant ainsi du
bénéfice des services consulaires et de l'assistance judiciaire auxquels il
? Xz c. Tanzanie, ibid., $ 124; Am Ax Ap et 9 autres c. République-Unie de Tanzanie (fond) (18 mars 2016), 1 RICA 526, 8 183.
3 As Cq c. République-Unie de Tanzanie (fond) (21 septembre 2018), 2 RICA 415, 8 70.
avait droit. Il fait donc valoir qu’il a été « victime d’un vice de procédure qui
a donné lieu à un déni de justice ».
79. L'État défendeur n’a pas conclu spécifiquement sur cette allégation, mais a
affirmé, de manière générale, que les droits du Requérant inscrits dans la
Charte et dans la Constitution ont été pleinement respectés et protégés.
80. La Cour a déjà examiné la question du droit à l’assistance consulaire et
considéré que les droits découlant des dispositions de l’article 36(1) de la
Convention de Vienne sur les relations consulaires (CVRC),?* sont
également protégés par la Charte.?° La Cour observe que bien que la
Charte et le PIDCP ne couvrent pas explicitement les questions consulaires,
la CVRC, à laquelle l’État défendeur est partie, traite de celles-ci. L'article
36(1) de la CVRC* prévoit les droits consulaires des personnes détenues
et les obligations qui incombent aux États.
24 Adoptée le 24 April 1963 ; entrée en vigueur le 19 mars 1967.
25 Cv Ce c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (7 décembre 2018), 2 RICA 493, 88 95 et 96.
261, Afin que l'exercice des fonctions consulaires relatives aux ressortissants de l’État d’envoi soit facilité :
(a) Les fonctionnaires consulaires doivent avoir la liberté de communiquer avec les ressortissants de l’État d’envoi et de se rendre auprès d’eux. Les ressortissants de l’État d'envoi doivent avoir la même liberté de communiquer avec les fonctionnaires consulaires et de se rendre auprès d’eux ;
(b) Si l'intéressé en fait la demande, les autorités compétentes de l’État de résidence doivent avertir sans retard le poste consulaire de l’État d’envoi lorsque, dans sa circonscription consulaire, un ressortissant de cet État est arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention. Toute communication adressée au poste consulaire par la personne arrêtée, incarcérée ou mise en état de détention préventive ou toute autre forme de détention doit également être transmise sans retard par lesdites autorités. Celles-ci doivent sans retard informer l'intéressé de ses droits aux termes du présent alinéa ;
(c) Les fonctionnaires consulaires ont le droit de se rendre auprès d’un ressortissant de l’État d'envoi qui est incarcéré, en état de détention préventive ou toute autre forme de détention, de s'entretenir et de correspondre avec lui et de pourvoir à sa représentation en justice. Ils ont également le droit de se rendre auprès d’un ressortissant de l’État d’envoi qui, dans leur circonscription, est incarcéré ou détenu en exécution d’un jugement. Néanmoins, les fonctionnaires consulaires doivent s'abstenir d’intervenir en faveur d’un ressortissant 81. La Cour observe que le bénéfice de services consulaires est essentiel au
respect du droit à un procès équitable des ressortissants étrangers détenus.
L'article 36(1) de la CVRC exige de manière explicite des États parties qu’ils
facilitent l’assistance des services consulaires aux ressortissants étrangers
détenus dans leur juridiction. En conséquence, la Cour examinera, à la
lumière de cet article, l’allégation selon laquelle l’État défendeur n’a pas
facilité le bénéfice des services consulaires au Requérant.
82. La Cour note que l’article 36 de la CVRC impose une double obligation à
l’État d'accueil, mais confère également au détenu des droits individuels.
La première obligation est celle d’informer le Requérant de son droit à
l'assistance des services consulaires et la seconde, de faciliter le bénéfice
de l’assistance des services consulaires à la demande du Requérant. La
seconde obligation ne peut être mise en œuvre qu’à la demande du détenu,
après qu’il a été informé de son droit aux services consulaires. Par
conséquent, pour statuer sur le grief du Requérant relatif au manquement
par l’État défendeur à l’obligation de lui faciliter le bénéfice de services
consulaires de son pays d’origine, la Cour examinera le processus selon
deux étapes envisagées à l’article 36(1) de la CVRC : le droit pour le détenu
de solliciter l’assistance consulaire et l’obligation pour l’État de résidence
de l’informer de son droit aux services consulaires.
83. En ce qui concerne la première question relative à la demande de services
consulaires par un détenu, la Cour reconnaît qu’une assistance consulaire
rapide peut être décisive pour l'issue d’une procédure pénale, dans la
mesure où elle garantit au détenu étranger la protection de son pays
d’origine, en particulier en ce qui concerne l’accès aux agents consulaires,
l’obtention de conseils sur ses droits constitutionnels et juridiques dans sa
propre langue et de façon compréhensible, le bénéfice de conseils
juridiques appropriés qui lui permettent de comprendre les conséquences
juridiques du crime dont il est accusé.
incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention lorsque l'intéressé s'y oppose expressément.
84. En l’espèce, il ne résulte du dossier de la procédure et des autres pièces
du dossier aucun élément indiquant que le Requérant a sollicité le bénéfice
de services consulaires en tant qu’étranger. Néanmoins, la Cour observe
que le Requérant ne peut demander à bénéficier de l’assistance des
services consulaires qu’après avoir été informé par l’État défendeur de son
droit à bénéficier d’une telle assistance en tant qu’étranger.
85. En ce qui concerne la deuxième question relative à l’obligation de l’État
défendeur d'informer le Requérant, qui est un ressortissant étranger, de ses
droits consulaires, la Cour estime qu’il est impératif que les garanties
minimales de la justice pénale soient appliquées et interprétées
conformément à la CVRC afin de garantir une procédure régulière. Ces
garanties permettent au détenu de communiquer avec les autorités
consulaires de l’État dont il est ressortissant et de leur demander
assistance. Le détenu doit, par conséquent, être informé, avant tout, de ses
droits en vertu de l’article 36(1) de la CVRC au moment de son arrestation
ou avant qu’il ne fasse une quelconque déposition ou un quelconque aveu,
mais également avant le début du procès.
86. En l’espèce, il résulte du compte-rendu des audiences que le Requérant
n’avait pas été informé de son droit à bénéficier de l’assistance des services
consulaires. Il ressort du procès-verbal de la police et du compte-rendu de
l’audience préliminaire devant le tribunal de district que la nationalité du
Requérant a été vérifiée et enregistrée, et que l’État défendeur savait donc
que le détenu était un étranger accusé d’une infraction passible d’une
lourde peine. L’État défendeur aurait donc dû immédiatement informer le
Requérant de son droit au bénéfice de services consulaires.
87. La position de la Cour est également confortée par celle d’autres juridictions
internationales, qui ont estimé que l’identification de l’accusé, notamment
sa nationalité, est essentielle à l’administration des procédures pénales. En
outre, il est du devoir de l’État qui a la garde de l’accusé de l’informer immédiatement de ses droits consulaires.?”’” Dans l'affaire LaGrand
(Ai c. États-Unis d’Amérique), la Cour internationale de justice (CIJ)
a conclu que l’État d’accueil avait violé l’article 36(1)(a) et (1)(c), qui traitent
respectivement des droits mutuels de communication, en n’informant pas
les détenus de leur droit aux services consulaires, du droit des
fonctionnaires consulaires de rendre visite à leurs ressortissants en prison
et d'organiser leur représentation juridique.?® Dans l'affaire Aj XAu c.
Cx), la CIlJ a également conclu que le Cx avait manqué à
l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 36 de la CVRC, en
n’informant pas immédiatement l'Inde de l’arrestation du détenu et en
n’informant pas celui-ci de ses droits consulaires, comme le prévoit l’article
36(1)(b) de la Convention.
88. La Cour estime donc qu’en n’informant pas le Requérant de son droit à
l'assistance des services consulaires, l’État défendeur l’a privé de la
possibilité de solliciter une assistance consulaire pour faciliter sa défense,
et a, ainsi, violé l’article 7(1)(c) de la Charte, lu conjointement avec
l’article 36(1) de la CVRC.
iii. Allégation relative à l’appréciation erronée des éléments de preuve
89. Le Requérant allègue que l’État défendeur n’a pas tenu compte des facteurs
d'appréciation des preuves en ce qui concerne les incohérences entre les
témoignages de l’accusation et les preuves à charge versées au dossier,
mais s’est simplement appuyé sur des indices produits par les membres de
la famille de la victime.
90. Le Requérant allègue que la preuve produite par PW1 est dénuée de
fondement, dans la mesure où le certificat médical (PF3) versé au dossier
comme pièce à conviction P1 a été établi le 3 novembre 2010 alors que les
faits de viol ont eu lieu le 4 novembre 2010. Les éléments de preuve
27 Cour interaméricaine des droits de l'homme : Avis consultatif Oc-16/99 du 1 octobre 1999, demande formulée par les États-Unis du Mexique, para 94 et paras 106 et 140 (1 à 7).
2 [ aCrand (Ai c. États-Unis d’Amérique), arrêt, C.1.J. Recueil 2001, p. 466
2° Aj XAu c. Cx), arrêt, C.1.J. Recueil 2019, p. 418.
présentés et corroborés par les membres de la famille devant les juridictions
internes n’étaient fondés que sur des déductions. Le Requérant affirme que
le certificat médical a été retiré du dossier à la demande du ministère public,
mais que les juridictions auraient dû prendre en compte la déposition du
témoin PW5 (médecin) qui tendait à remettre en cause la thèse du viol.
91. Il fait également valoir que l’âge de la victime n’a été prouvé par aucun
élément tel qu’un acte de naissance et qu’il s'agissait, pourtant, d’une
question cruciale, qui a été ignorée par les juridictions puisqu’elles n’ont pas
pris en compte l’attitude de la victime, avant et après le viol présumé. Le
Requérant affirme que la victime avait consenti et qu’il ne s'agissait donc
pas d’un viol comme l’a prétendu la famille de la victime. Il soutient, enfin,
que la victime a cédé aux pressions de la famille en qualifiant leur rapport
sexuel de viol.
92. Pour sa part, l’État défendeur soutient que les juridictions nationales de
jugement l’ont établi, et que, de surcroît, cette question n’a jamais été
soulevée par le Requérant au cours du contre-interrogatoire. Il ajoute que,
dans le paragraphe 2 de son arrêt, la Cour d'appel a conclu que « le moyen
d'appel tiré de l’âge de la victime ne mérite pas que l’on s’y attarde. Il ressort
clairement de l’acte d’accusation que l’appelant était poursuivi pour viol au
sens de la loi et que la victime était âgée de 16 ans ».
93. L’État défendeur affirme que les dépositions convergentes des témoins à
charge PW1, PW2, PW3 et PW4, telles que rapportées dans le procès-
verbal d'audience, montrent à suffisance que la victime n’a jamais donné
son consentement. L'État défendeur soutient que, selon les lois du pays,
conformément à son code pénal (chapitre 16 du Recueil des lois), la
question du consentement est sans importance lorsqu'il s’agit d’apporter la
preuve du viol au sens de la loi.
94. L'article 7(1) de la Charte dispose :
1. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit
comprend :
a. le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de
tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus
et garantis par les conventions, les lois, règlements et
coutumes en vigueur.
b. le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa
culpabilité soit établie par une juridiction compétente ».
c. le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par
un défenseur de son choix ;
d. le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une
juridiction impartiale.
95. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle «un procès équitable
requiert que la condamnation d’une personne à une sanction pénale, et
particulièrement à une lourde peine de prison, soit fondée sur des preuves
solides et crédibles ».°°
96. La Cour observe, également, que lorsque l'identification visuelle est utilisée
comme moyen de preuve pour condamner une personne, toutes les
circonstances ouvrant la voie à de possibles erreurs doivent être écartées
et l'identité du suspect doit être établie avec certitude. Ce principe est
également reconnu dans la jurisprudence tanzanienne. En outre,
l'identification visuelle doit donner une description cohérente et régulière du
lieu du crime. La Cour a également jugé qu’elle n’est pas une instance
d'appel et qu’en principe, il appartient aux juridictions nationales d’évaluer
la valeur probante des éléments produits.%! En tant que telle, la Cour ne
saurait se substituer à ces juridictions pour examiner les détails et les
particularités des preuves produites lors des procédures internes afin
d'établir la culpabilité des personnes.°?
# Az c. Tanzanie (fond), supra, 8 67.
31 Az c. Tanzanie, ibid, 8 65 et Cm Bf Cm et un autre c. Tanzanie (fond) (7 décembre 2018), 2 RICA 539, 8 60.
97. Ence qui concerne l’allégation du Requérant selon laquelle les dépositions
des témoins à charge présentaient des incohérences, la Cour observe que,
la Cour d’appel a examiné le deuxième moyen d’appel soulevé par le
Requérant, à savoir que le juge de première instance a commis une erreur
de droit et de fait lorsqu'il s’est appuyé sur le formulaire P3 (formulaire
d’examen médical) ainsi que sur la déclaration du témoin PWS5, un praticien
clinique, qui a examiné le Requérant et rempli le formulaire P3 le 3
novembre 2012, alors que l’infraction pour laquelle il a été poursuivi s’est
produite le 4 novembre 2012.°° La Cour observe, en outre, que, dans ses
réquisitions, le ministère public s’est a fait valoir que le rapport médical, le
formulaire P3, avait été admis, à tort, par le juge de première instance et a
demandé à la Cour de l’expurger. Le ministère public a néanmoins observé
qu’il existait des preuves indéniables, tirées des témoignages et permettant
d’établir que le Requérant avait effectivement commis le viol.
98. La Cour observe que sur ce moyen, la Cour d’appel, a pris en compte les
éléments de preuve figurant au dossier, la déclaration de la victime et le
témoignage du praticien clinique qui l’a examinée et a déclaré qu’il avait
constaté que la victime présentait des ecchymoses sur le cou qui avaient
été causées par un objet contondant. La Cour d’appel a donc estimé que le
juge de première instance était fondé à conclure que l’infraction de viol était
établie dans la mesure où il y avait pénétration et qu’il existait des preuves
concordantes. Elle a, ainsi, confirmé la décision de la Haute Cour et rejeté,
en conséquence, le moyen d’appel du Requérant.
99. La Cour observe en outre que, bien qu’il y ait eu erreur procédurale
concernant l’admission du formulaire P3 par la juridiction de jugement, la
Haute Cour et la Cour d’appel ne l’ont pas pris en compte lors de l'examen
des preuves. Cette procédure n’a donc laissé apparaître aucune erreur
manifeste ayant entraîné un déni de justice, qui nécessiterait l’intervention
de la Cour de céans.
38 Arrêt de la Cour d’appel en date du 21/09 & 12/10/15, pages 3 et 5.
100. La Cour en conclut que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant
à un procès équitable, protégé par l’article 7(1)(c) de la Charte, et rejette,
par voie de conséquence, cette allégation.
iv. Allégation relative à la preuve des faits au-delà de tout doute raisonnable
101. Le Requérant allègue que l’État défendeur n’a pas été en mesure de
démontrer les faits qui lui sont reprochés au-delà de tout doute raisonnable,
ce qui a entraîné un vice de procédure et un déni de justice.
102. L'État défendeur fait valoir qu’en matière pénale, la norme de preuve est
celle qui est établie au-delà de tout doute raisonnable. La charge de la
preuve incombe au ministère public qui doit prouver ses arguments au-delà
de tout doute raisonnable, ce qu’il a fait en première instance, si bien que
la décision de la juridiction de première instance a été confirmée à la fois
par la Haute Cour et par la Cour d’appel de Tanzanie.
103. Il ressort du dossier devant la Cour que le ministère public s’est appuyé sur
les dépositions concordantes des témoins et de la victime, le dossier
médical ayant été expurgé de la procédure.
104. À cet égard, la Cour observe que le Requérant n’a en rien démontré que le
ministère public n’a pas réussi à prouver sa culpabilité au-delà de tout doute
raisonnable.
105. La Cour rappelle sa jurisprudence dans l'affaire Bj Xx c.
République-Unie de Tanzanie, où elle a jugé qu’un procès équitable
requiert, lorsqu’une personne encourt une lourde peine de réclusion, que
sa culpabilité et sa condamnation soient fondées sur des éléments de preuve solides et crédibles.** En l’espèce, la Cour note que le tribunal de
première instance, la Haute Cour et la Cour d’appel ont conclu que les
preuves étaient suffisantes pour établir, au-delà de tout doute raisonnable,
que le Requérant avait commis le crime dont il était accusé, ce qui a été
confirmé par les dépositions des témoins à charge.
106. La Cour en conclut que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant
à un procès équitable, consacré par l’article 7 de la Charte, et rejette, en
conséquence, cette allégation.
VIII. SUR LES RÉPARATIONS
107. La Cour relève qu’aux termes de l’article 27(1) du Protocole, « [orsqu’elle
estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, [elle]
ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y
compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».
108. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle « pour que des réparations
soient accordées, la responsabilité internationale de l’État défendeur doit
être établie au regard du fait illicite. Deuxièmement, le lien de causalité doit
être établi entre l’acte illicite et le préjudice allégué. En outre, et lorsqu'elle
est accordée, la réparation doit couvrir l’intégralité du préjudice subi, étant
précisé qu'il incombe au requérant de justifier les demandes formulées ».°5
109. La Cour rappelle également que les réparations doivent « … autant que
possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état
qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été commis ».°6
34 Xx c. Tanzanie (fond), supra, 88 191 à 192.
35 Av Cn c. République Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 024/2016, Arrêt du 20 septembre 2021 (fond et réparations), 8 141 ; Ce AH Xv, supra, 8 15 ; Bt Xl et autres c. Xy Bb (réparations) (5 juin 2015) 1 RICA 265, 88 20 à 31.
36 Xp Cc Xs c. République du Rwanda (réparations) (7 décembre 2018) 2 RICA 209,
110. Les mesures qu’un État doit prendre pour réparer une violation des droits
de l'homme peuvent inclure, notamment, la restitution, l'indemnisation, la
réadaptation de la victime, la satisfaction équitable et des mesures propres
à garantir la non-répétition des violations, compte tenu des circonstances
de chaque affaire.
111. La Cour rappelle qu’en ce qui concerne le préjudice matériel, il est de
principe qu’il doit exister un lien de causalité entre la violation alléguée et le
préjudice causé, et qu’il incombe au requérant de fournir des éléments de
preuve pour justifier ses demandes. L'exception à cette règle est relative au
préjudice moral, qu’il n’est nul besoin de prouver, étant donné que les
présomptions profitent au requérant, la charge de la preuve étant renversée
et incombant, donc à l’État défendeur.
112. En l’espèce, la Cour a déjà établi que l’État défendeur a violé le droit du
Requérant à un procès équitable, protégé par l’article 7(1)(c) de la Charte,
lu conjointement avec l’article 14(3)(d) du PIDCP, du fait du défaut
d'assistance judiciaire gratuite, et l’article 7(1)(c) de la Charte, lu
conjointement avec l’article 36(1) de la CVRC, du fait de n'avoir pas facilité
le bénéfice de services consulaires.
113. La Cour examinera la demande de réparations du Requérant à cet égard.
A. Réparations pécuniaires
114. Le Requérant sollicite des réparations pécuniaires pour le préjudice matériel
subi du fait de la perte de revenus et pour le préjudice moral subi du fait des
violations constatées.
i. Préjudice matériel
115. Le Requérant soutient qu’il était un homme d’affaires qui subvenait aux
besoins de ses parents et autres membres de sa famille, mais qu’il a perdu son activité à la suite de son incarcération illégale. Il affirme que la situation
économique en République-Unie de Tanzanie a changé depuis lors, et qu’il
devra, par conséquent, apprendre à survivre dans un monde très différent
lorsqu'il sera mis en liberté.
116. Pour le calcul du montant des dommages pécuniaires et non pécuniaires,
le Requérant invite la Cour à appliquer le principe d’équité et à prendre en
considération la gravité de la violation, en particulier l’impact que ces
dommages ont eu sur les personnes qui sont directement ou indirectement
à sa charge, ainsi que la période passée en prison. Le Requérant demande
respectueusement à la Cour d’ordonner, à minima, des mesures pouvant
alléger les souffrances que lui et sa famille ont endurées.
117. Le Requérant invoque l’affaire Xl, dans laquelle la Cour a jugé qu’en
l’absence de preuves documentaires à l’appui d’une demande de réparation
pécuniaire résultant d’une violation directe de la Charte, il serait approprié
d’examiner la question en termes d'équité. II sollicite, ainsi, le paiement de
la somme de trois cent cinquante-cing mille quatre cents (355 400) dollars
des États-Unis. Il ajoute que dans cette même affaire, la Cour a jugé que
les réparations peuvent inclure le remboursement des frais de transport.
Enfin, le Requérant sollicite le paiement de la somme de sept cents (700)
dollars des États-Unis, à titre de remboursement des frais d'impression et
de photocopie ainsi que deux mille (2 000) dollars des États-Unis au titre
des frais de voyage aller-retour entre la prison de Butimba et le Rwanda.
118. L'État défendeur n’a pas conclu sur ce point.
119. La Cour rappelle que pour que des réparations soient accordées, au titre
du préjudice matériel, le requérant doit apporter la preuve du préjudice ainsi
que celle lien de causalité entre la violation constatée et ledit préjudice.”
120. En l’espèce, la Cour note que le Requérant n’a pas apporté la preuve du
lien de causalité entre les violations constatées et le préjudice matériel qu’il
affirme avoir subi.
121. La Cour rejette donc les demandes formulées par le Requérant au titre de
la réparation du préjudice matériel.
ii. Préjudice matériel subi par les victimes indirectes
122. Le Requérant soutient que la reconnaissance du droit à réparation des
« personnes à charge » et des proches parents, sous certaines conditions,
repose sur la présomption selon laquelle la violation commise contre la
victime directe a causé un de préjudice à des tiers.
123. Selon le Requérant, la Cour interaméricaine considère que les proches
parents des victimes directes de violations flagrantes des droits de l’homme
n’ont pas besoin d’apporter des preuves pour démontrer qu’ils ont subi un
préjudice. Dans de tels cas, la Cour présume que les proches parents ont
subi un préjudice, au regard du « grave impact sur leur bien-être mental et
affectif ». Le Requérant demande, par conséquent, à la Cour d'accorder des
réparations aux personnes à sa charge et à ses proches parents, en tant
que victimes indirectes.
124. Le Requérant demande que soit octroyé à sa mère la somme de cent trente
mille (130 000) dollars des États-Unis, à titre de réparation du préjudice
qu’elle a subi en tant que victime indirecte.
37 Cn c. Tanzanie, ibid, 8 147.
125. L'État défendeur n’a pas conclu sur ce point.
126. La Cour note que le Requérant n’a pas produit de preuves documentaires
de sa filiation, telles que des actes de naissance concernant son lien avec
celle qu’il considère comme étant sa mère ou toute autre preuve
équivalente, encore moins une quelconque preuve du préjudice matériel
invoqué, tels que des reçus.
127. La Cour rejette donc la demande de réparation formulée à ce titre par le
Requérant.
iii. Préjudice moral
128. Le Requérant fait valoir que dans l’affaire Xr Ct Ab c.
Tanzanie, la Cour de céans a défini le préjudice moral comme n’entraînant
pas de perte économique, mais comme incluant plutôt les souffrances et
afflictions causées à la victime, la détresse émotionnelle des membres de
la famille, ainsi que les changements non matériels dans les conditions de
vie de la victime et de sa famille.
129. Le Requérant ajoute que, dans l'affaire Maria de! Carmen c. Uruguay, la
Cour interaméricaine des droits de l'homme a estimé qu’il n’est pas
nécessaire de prouver le préjudice émotionnel dans la mesure où il est
inévitable en cas de graves violations des droits de l’homme.
130. Le Requérant affirme qu’il a souffert d’un énorme stress du fait des appels
infructueux interjetés auprès de la Haute Cour et de la Cour d'appel de l’État
défendeur, ces juridictions n’ayant pas examiné tous les éléments de
preuve ainsi que les irrégularités. Selon lui, les souffrances englobent les
douleurs et traumatismes physiques et émotionnels subis par le Requérant
pendant toute la durée du procès et de son emprisonnement. Il déclare qu’il a été incarcéré durant presque neuf (9) ans et a connu de nombreuses nuits
d’insomnie, hanté par la question de savoir s’il recouvrerait un jour la liberté.
131. Il affirme également qu’à cause de sa détention illégale, il a perdu son statut
social et la considération dont il jouissait dans la communauté. Il soutient
que son état de santé s’est considérablement détérioré du fait des
conditions carcérales dans lesquelles il a vécu. || affirme qu’il souffre de
nombreuses maladies, dont le paludisme et des affections cutanées.
132. Citant l'arrêt Ae By AH Bg, le Requérant rappelle que la
perturbation du projet de vie d’une personne donne droit à des réparations,
ce qui est le cas, en l’espèce, en raison de son arrestation, de son procès
et de son incarcération subséquente. I! fait valoir qu’il n’a pas pu réaliser
ses projets et objectifs, dans la mesure où sa vie a été perturbée par sa
détention illégale.
133. L'État défendeur n’a pas conclu sur ce point.
134. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle le préjudice
moral est présumé en cas de violation des droits de l’homme, et l’évaluation
du montant de la réparation y relative devrait se faire sur la base de l’équité,
en tenant compte des circonstances particulières de chaque affaire. La
Cour a adopté le principe consistant à accorder une somme forfaitaire dans
de telles circonstances.*
38 Xl et autres c. Xy Bb (réparations), supra, $ 55 ; Xp Cc Xs c. République du Rwanda (réparations) (7 décembre 2018), 2 RICA 209, $ 59; Ct Ck AH Xv, CAfDHP, Requête n° 011/2015, Arrêt du 25 septembre 2020 (réparations), 8 23.
3° Ag Aa Xh c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 mars 2019), 3 RICA 13, $ 119 ; Evarist c. Tanzanie (fond), supra, $$ 84 à 85 ; Ce AH Xv (fond et réparations), supra, 8 177 ; Ck AH Xv, ibid., 8 24.
135. La Cour a jugé, en l’espèce, que le droit du Requérant protégé par l’article 6
de la Charte et celui protégé par l’article 7(1)(c) du même instrument, lu
conjointement avec l’article 14(3)(d) du PIDCP, ont été violés. Le Requérant
a droit à des réparations au titre du préjudice moral, dans la mesure où il
est présumé avoir subi un tel préjudice en raison desdites violations.*°
136. La Cour relève que les violations établies portent sur les garanties d’un
procès équitable qui auraient dû être observées par les juridictions internes
dans le cadre des procédures visant le Requérant. Il ressort du dossier que
la déclaration de culpabilité du Requérant était fondée sur la commission
de viol sur mineure et que, par conséquent, les violations constatées
concernent l’issue de la procédure.
137. La Cour note, en outre, que la perturbation du projet de vie du Requérant
est liée à son incarcération et à sa condamnation, et qu’elle a déjà constaté
des violations à cet égard. Au regard de ces circonstances et exerçant son
pouvoir discrétionnaire en toute équité, la Cour alloue, en conséquence, au
Requérant la somme de trois-cent mille (300 000) shillings tanzaniens, à
titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi du fait des violations
B. Réparations non pécuniaires
ii. Mise en liberté
138. Le Requérant demande à la Cour d’annuler la déclaration de culpabilité et
la peine prononcées à son encontre et d’ordonner sa remise en liberté.
Invoquant l’affaire Bh AH Bd, il fait valoir que l’État défendeur devrait
prendre toutes les mesures nécessaires et urgentes pour assurer la
protection des victimes de violations des droits de l'homme, y compris des
mesures visant à garantir que les victimes de violations des droits de
l’homme se voient accorder des réparations efficaces telles que la
# Cj c. Tanzanie, supra, 8151.
#1 Ad c. Tanzanie, ibid., 8 123.
restitution de leurs biens et l'indemnisation. Tout en reconnaissant qu’il ne
peut être rétabli à l’état dans lequel il se trouvait avant son incarcération, le
Requérant souligne que sa remise en liberté constituerait un bon point de
départ et la meilleure alternative au regard des circonstances.
139. L'État défendeur fait valoir que la Cour de céans est incompétente pour
ordonner la remise en liberté du Requérant.
140. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle elle ne peut ordonner la
remise en liberté du Requérant que dans des circonstances spécifiques et
impérieuses, et notamment « si le Requérant démontre à suffisance ou si la
Cour elle-même établit que l’arrestation ou la condamnation du Requérant
repose, entièrement, sur des considérations arbitraires et que son
incarcération continue résulterait en un déni de justice ».*?
141. Sans en minimiser la gravité, la Cour estime qu’en l’espèce, les violations
constatées n’ont manifestement pas influé sur la procédure qui a conduit à
la condamnation du Requérant, au point qu’il se serait trouvé dans une
situation différente si lesdites violations n'avaient pas eu lieu. En outre, la
Cour n’a pas établi que la déclaration de culpabilité du Requérant ou sa
condamnation étaient fondées sur des considérations arbitraires et que son
maintien en détention était illégal.**
142. Au regard de ce qui précède, la Cour rejette cette demande.
# Evarist c. Tanzanie, ibid, 8 82; voir aussi Bi Bc XXtB et un autre c. Tanzanie (fond et réparations), supra, $ 96 ; Xc Cu Ao c. République-Unie de Tanzanie (fond) (7 décembre 2018), 2 RICA 570, 8 84.
# Voir Evarist c. Tanzanie, supra, 8 82.
143. Le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de garantir
la non-répétition des violations dont il a été victime.
144. L'État défendeur, pour sa part, demande à la Cour de dire que le Requérant
purge une peine légale, à l’issue d’un procès équitable et d’une procédure
régulière.
145. La Cour observe que le Requérant demande des réparations sous forme
de garanties de non-répétition des violations qu’il a subies à titre individuel.
La Cour a constamment considéré que de telles mesures ne visent
généralement pas à réparer un préjudice subi à titre individuel mais plutôt à
s'attaquer aux causes sous-jacentes de la violation, l’objectif étant
d’éradiquer les violations structurelles et systémiques des droits de
l’homme.“ Toutefois, la Cour de céans a également estimé que les
garanties de non-répétition peuvent également être pertinentes, en
particulier dans des cas individuels, lorsqu’il existe des preuves que la
violation ne cessera pas ou qu’elle est susceptible de se produire, à
nouveau. Il s'agit notamment des cas où l’État défendeur a contesté ou ne
s’est pas conformé aux mesures ordonnées par la Cour.
146. En l’espèce, la Cour a conclu que les droits du Requérant n’ont été violés
qu’en ce qui concerne le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite et celui
de ses droits aux services consulaires, pour lesquels une réparation a été
accordée. Ces violations ne sont pas de nature systémique ou structurelle
au regard des circonstances de l’espèce. En outre, rien n’indique que ces
violations se sont répétées ou risquent de l’être. La Cour estime, dans ces
“4 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, Observation générale n° 4 sur la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : Le droit à réparation des victimes de la torture et autres peines ou traitements cruels, innumains ou dégradants (article 5), 8. 10 (2017). Voir également l'affaire « Enfants de la rue » (Villagran-Morales et al.) c. Guatemala, Cour interaméricaine des droits de l’homme, arrêt sur les réparations et les frais de procédure (26 mai 2001).
#5 Voir Ab c. Tanzanie (réparations), supra 8. 43.
circonstances, que la mesure demandée n’est pas justifiée et rejette en
conséquence cette demande.
IX. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
147. Le Requérant n’a formulé aucune demande relative aux frais de procédure.
148. L'État défendeur demande à la Cour de mettre les frais de procédure à la
charge du Requérant.
149. La Cour relève qu'aux termes de la règle 32(2) de son Règlement, « à moins
que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de
procédure ».
150. La Cour estime qu’il n’y a, en l'espèce, aucune raison de s’écarter du
principe posé par cette disposition. La Cour ordonne donc que chaque
Partie supporte ses frais de procédure.
DISPOSITIF
151. Par ces motifs,
LA COUR,
Sur la compétence Sur la recevabilité
ii. Rejette l’exception tirée du non-épuisement des recours internes ;
iv. Rejette l'exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non
raisonnable ;
v. Déclare la Requête recevable.
Sur le fond
vi. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à un
procès équitable, protégé par l’article 7 de la Charte en ce qui
concerne l'appréciation des éléments de preuve produits devant les
juridictions nationales et l'incapacité à démontrer les charges
retenues contre le Requérant au-delà de tout doute raisonnable ;
vii. Dit que l’État défendeur a violé le droit à la défense du Requérant,
protégé par l’article 7(1)(c) de la Charte et lu conjointement avec
l’article 14(3)(d) du PIDCP, en ne lui ayant pas fait bénéficier de
l'assistance judiciaire gratuite ;
vii. Dit que l’État défendeur a violé le droit à la défense du Requérant
protégé par l’article 7(1)(c) de la Charte, lu conjointement avec
l’article 36(1) de la CVRC, en ne lui ayant pas facilité le bénéfice de
l'assistance de services consulaires.
Sur les réparations
Réparations pécuniaires
ix. Fait droit à la demande de réparation formulée par le Requérant au
titre du préjudice moral subi du fait des violations constatées et lui
alloue la somme de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens ;
x. Ordonne à l’État défendeur de payer le montant indiqué au point
(ix) ci-dessus, exempté d’impôt, dans un délai de six (6) mois à
compter de la date de signification du présent Arrêt. A défaut, il sera tenu de payer des intérêts moratoires calculés sur la base du taux
en vigueur de la Banque centrale de Tanzanie pendant toute la
période de retard jusqu’au paiement intégral des sommes dues.
Réparations non pécuniaires
xi. Rejette la demande de garantie de non-répétition de la violation
alléguée;
xi. Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures
appropriées dans un délai raisonnable pour remédier à toutes les
violations établies.
Sur la mise en œuvre et le dépôt de rapport
xiii. Ordonne à l’État défendeur de lui soumettre, dans un délai de six
(6) mois à compter de la date de signification du présent Arrêt, un
rapport sur la mise en œuvre des mesures qui y sont ordonnées et,
par la suite, tous les six (6) mois jusqu’à ce que la Cour considère
toutes ses décisions pleinement mises en œuvre.
Sur les frais de procédure
xiv. Rejette la demande du Requérant tendant au remboursement des
frais engagés dans le cadre de la procédure devant la Cour ;
xv. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Blaise TCHIKAYA, Vice-président ges
Ben KIOKO, Juge RSS Tujilane R. CHIZUMILA, Juge Mas Airport la
Chafika BENSAOULA, Juge ; AG EC
Stella |. ANUKAM, Juge ; Eux am |
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge D Æ œ.
Modibo SACKO, Juge ; fra fause
Dennis D. ADJEI, Juge ;
et Robert ENO, Greffier.
Fait à Arusha, ce treizième jour du mois de juin de l’an deux mille vingt-trois, en anglais