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26/07/2023 | CADHP | N°009/2019

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 26 juillet 2023, 009/2019


Texte (pseudonymisé)
AFRICAN UNION UNION AFRICAINE sÉS) SAS UNIAO AFRICANA
AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
B C
ET
Z AG
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 009/2019
ORDONNANCE
(MESURES PROVISOIRES)
26 JUILLET 2023 La Cour, composée de : Modibo SACKO, Vice-président ; Ben KIOKO, Ay Ak
AK, Av Y, Ao Ba AI, Ac AH, Stella
|. ANUKAM, Ab AJ, Af Bc AM et Bb Az A — Juges,
et de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’artic

le 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples portant création d’une...

AFRICAN UNION UNION AFRICAINE sÉS) SAS UNIAO AFRICANA
AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
B C
ET
Z AG
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 009/2019
ORDONNANCE
(MESURES PROVISOIRES)
26 JUILLET 2023 La Cour, composée de : Modibo SACKO, Vice-président ; Ben KIOKO, Ay Ak
AK, Av Y, Ao Ba AI, Ac AH, Stella
|. ANUKAM, Ab AJ, Af Bc AM et Bb Az A — Juges,
et de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement
intérieur de la Cour* (ci-après désigné « le Règlement »), la Juge Imani D. ABOUD,
Présidente de la Cour, de nationalité tanzanienne, s’est récusée.
En l'affaire :
B C et Z AG
assurant eux-mêmes leur défense
contre
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
représentée par :
M. Bd Ap X, Al Ar, Bureau du Solicitor General ;
après en avoir délibéré,
rend la présente Ordonnance :
+ Article 8(2) du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
I. LES PARTIES
1. Les sieurs B C et Z AG ALci-après dénommés «les
Requérants »), sont tous les deux des ressortissants de la République-Unie
de Tanzanie (ci-après désignée « l’État défendeur »). Ils sont actuellement
incarcérés et purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité, après avoir
été reconnus coupables de viol collectif. Ils allèguent la violation de leurs
droits dans le cadre de la procédure devant les juridictions nationales.
2. L'État défendeur est devenu partie à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte ») le 21 octobre
1986 et au Protocole le 10 février 2006. Le 29 mars 2010, l’État défendeur
a également déposé la Déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole (ci-
après désignée « la Déclaration »), par laquelle il accepte la compétence
de la Cour pour connaître des requêtes émanant d'individus et
d'organisations non gouvernementales. Le 21 novembre 2019, l’État
défendeur a déposé auprès de la Commission de l’Union africaine
l'instrument de retrait de cette Déclaration. La Cour a décidé que le retrait
de la Déclaration n'avait aucune incidence, ni sur les affaires pendantes, ni
sur les nouvelles affaires introduites devant elle avant sa prise d’effet un an
après le dépôt de l'instrument y relatif, à savoir le 22 novembre 2020.?
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
3. La Requête introductive d'instance a été déposée le 22 mars 2019. Les
Requérants y allèguent la violation par l’État défendeur de leur droit au
respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la
reconnaissance de leur personnalité juridique, protégé par l’article 5 de la
Charte en rapport avec le déroulement de la procédure devant les
juridictions internes, qui a abouti à la déclaration de culpabilité et à la peine
prononcées à leur encontre.
? An Au Ad c. République-Unie de Tanzanie (arrêt) (26 juin 2020), 4 RICA 219, 8 38 à 39.
4. 1|ressort du dossier que, le 2 septembre 2013, le tribunal de district siégeant
à Ah a reconnu les Requérants coupables du délit de viol collectif et
les a condamnés à la réclusion à perpétuité et à douze (12) coups de bâton.
Se sentant lésés par le jugement du tribunal de district, les Requérants ont
interjeté appel devant la Haute Cour siégeant à Ax qui, le 18 septembre
2015, les a déboutés. Ils ont formé un autre recours devant la Cour d'appel,
qui a été rejeté le 3 août 2016.
5. En l’espèce, les Requérants demandent à la Cour « [dj'ordonner des
mesures provisoires conformément à l’article 27 du Protocole ou à l’article
51 du Règlement », sans fournir d’autres précisions.
II. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
6. Le Greffe a reçu la Requête introductive d'instance le 22 mars 2019. Le 11
avril 2019, le Greffe en a accusé réception et a notifié aux Requérants la
nécessité de déposer d’autres documents pertinents à l’appui de leur
Requête.
7. Le 23 mai 2019, les Requérants ont accusé réception de la notification du
Greffe et, dans leur réponse, ils n’ont pas soumis les documents demandés
et ont formulé leurs demandes de réparation. Dans cette réponse, ils
demandent à la Cour « [d”’ordonner des mesures provisoires conformément
à l’article 27 du Protocole ou à l’article 51 du Règlement », sans fournir
d’autres précisions.
8. La Requête introductive d'instance, ainsi que la demande de mesures
provisoires, a été signifiée à l’État défendeur le 23 octobre 2019, lui fixant
un délai de soixante (60) jours pour déposer son mémoire en réponse.
9. L'État défendeur a déposé son mémoire en réponse le 19 juin 2020, mais
n’a pas expressément abordé la question de la demande de mesures
provisoires.
IV. SUR LA COMPÉTENCE PRIMA FACIE
10. Aucune des Parties n’a formulé d’observations sur un quelconque aspect
de la compétence de la Cour.
11. L'article 3(1) du Protocole dispose :
La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous
les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et
l'application de la Charte, du Protocole et de tout autre instrument
pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les États concernés.
12. Aux termes de la règle 49(1) du Règlement « la Cour procède à un examen
préliminaire de sa compétence [.…] conformément à la Charte, au Protocole
et au [...] Règlement ». Toutefois s'agissant des mesures provisoires, la
Cour n’a pas à assurer qu’elle a compétence sur le fond de l'affaire, mais
seulement qu’elle a compétence prima facie®.
13. En l'espèce, les Requérants allèguent la violation de droits protégés par
l'article 5 de la Charte, instrument auquel l'État défendeur est partie.
14. La Cour note que l'État défendeur a ratifié le Protocole. Il a également fait
la Déclaration, par laquelle, il a accepté la compétence de la Cour pour
connaître des requêtes émanant des individus et des organisations non
gouvernementales, conformément aux articles 34(6) et 5(3) du Protocole,
lus conjointement.
15. La Cour relève en outre que, comme indiqué au paragraphe 2 de la
présente Ordonnance, le 21 novembre 2019, l’État défendeur a déposé un
instrument de retrait de sa Déclaration faite le 29 mars 2010, en vertu de
3 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye (25 mars 2011) 1 RICA 18, 8 10; Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Aj (15 mars 2013) 1 RICA 200, 8 16 ; et Ai At c. République du Bénin (2 décembre 2019) 3 RICA 752, 8 14.
l’article 34(6) du Protocole. La Cour rappelle que le retrait d'une déclaration
prend effet un an après le dépôt de l'instrument y relatif, qu'il n'a pas d'effet
rétroactif et qu'il n'a pas d'incidence sur les affaires pendantes ou nouvelles
déposées avant l'entrée en vigueur du retrait.“ La Cour rappelle en outre,
comme elle l'a décidé dans l'affaire An Au Ad c. République-
Unie de Tanzanie,° que le retrait de la Déclaration a pris effet le 22
novembre 2020 à l'égard de l'État défendeur. Notant qu'en l'espèce, la
Requête introductive d'instance a été déposée le 22 mars 2019 et la
demande de mesures provisoires, le 23 mai 2019, la Cour estime que ledit
retrait n'affecte pas sa compétence personnelle.
16. La Cour en conclut qu’elle a la compétence prima facie pour connaître de
la demande de mesures provisoires.
V. SUR LES MESURES PROVISOIRES DEMANDÉES
17. La Cour observesouligne que les Requérants lui ont simplement demandé
d’ordonner des mesures provisoires. Ils n’ont pas formulé d’observations
exposant le fondement de leur demande.
18. La Cour relève également que l’État défendeur n’a pas formulé
d'observations au sujet de la demande de mesures provisoires.
19. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 27(2) du Protocole, à la demande
d’une partie ou d'office, dans des cas d’extrême gravité ou d’urgence et
lorsqu'il s'avère nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des
personnes, elle peut ordonner les mesures provisoires qu’elle juge
pertinentes en attendant sa décision sur la requête introductive d’instance.
4 Aq Aw As c. République du Rwanda (compétence, retrait) (3 June 2016) 1 RICA
584, 8 67.
5 Note 2 supra.
20. En particulier, il incombe à la Cour de décider dans chaque cas si, à la
lumière des circonstances particulières, elle doit exercer la compétence que
lui confère l’article 27(2) du Protocole.S
21. La Cour rappelle que, pour déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à
une demande de mesures provisoires, il faut établir l'extrême gravité et
l'urgence, ainsi que la nécessité d'éviter un dommage irréparable.
En l’espèce, aucun élément des observations des Requérants, ne permet
de conclure à l'existence d'une extrême gravité et d'une urgence
nécessitant le prononcé d'une ordonnance de mesures provisoires. Il n'y a
pas non plus d'indication du dommage irréparable que les Requérants sont
susceptibles de subir si une telle ordonnance n'est pas rendue. Les
Requérants ont simplement formulé une demande de mesures provisoires
sans l'étayer.
22. En conséquence, la Cour rejette la demande des Requérants.
23. La Cour rappelle, pour éviter toute ambigüité, que la présente Ordonnance
a un caractère provisoire et ne préjuge en aucune manière les conclusions
de la Cour sur sa compétence, la recevabilité et le fond de la Requête.
24. Par ces motifs,
LA COUR,
Rejette les mesures provisoires sollicitées.
8 Aa Ag c. République-Unie de Tanzanie (mesures provisoires) (18 mars 2016) 1 RICA 610,
8 17 et Am Ae c. République du Malawi (mesures provisoires) (27 mars 2020) 4 RICA
36, 817.
Fait à Arusha, ce Vingt-sixième jour du mois de juillet de l’an deux mille vingt-trois, en
français et en anglais, la version anglaise faisant foi.
Ont signé :
Modibo SACKO, Vice-président : frale fause -
et Robert ENO, Greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 009/2019
Date de la décision : 26/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
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