AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
MOADH KHERIOI AL ET AUTRES
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE
Requête N° 004/2023
ORDONNANCE
(MESURES PROVISOIRES)
28 AOÛT 2023 reg La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Présidente; Modibo SACKO, Vice-président
Ben KIOKO, By X, Bk Ay Z, Bf AM, Be
AN, Stella |. ANUKAM, Aa Ba AP, Ao Bz B, Juges; et
Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples (ci-après dénommé « le Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement de la
Cour (ci-après dénommé « le Règlement »), le Juge Rafaâ BEN ACHOUR, membre de
la Cour et de nationalité tunisienne, s’est récusé.
En l’affaire
Bo Av AL, Ab Y, Ar C, Ah AI
et Ah AH
représenté par :
Bi Aw Bv AQ, Ac Ad Bm
contre
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE
représentée par :
Directeur général du contentieux, ministère des Domaines de l'État et des Affaires
foncières
après en avoir délibéré,
rend la présente Ordonnance :
LES PARTIES
1. Les sieurs et dame Bo Av AL, Ab Y, Ar
C, Ah AI et Ah AH (ci-après
dénommés respectivement «le premier Requérant», «la deuxième
Requérante », « le troisième Requérant », « le quatrième Requérant » et « le
cinquième Requérant » ; ou, conjointement, « les Requérants ») sont tous des
ressortissants tunisiens. Les Requérants sont des proches parents de Rached
Ghannouchi, Noureddine Bhiri, Ghazi Chaouachi, Said Ferjani, tous
emprisonnés, et de Aq AH, décédé lors des manifestations
survenues le 14 janvier 2022 en République tunisienne. Ils introduisent la
présente demande de mesures provisoires considérée comme accessoire à la
Requête introductive d'instance dans laquelle ils allèguent la violation de leurs
droits protégés par les articles 1, 2, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 13, 16 et 26 de la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après dénommée
«la Charte») ainsi que les dispositions correspondantes du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (ci-après dénommé «le
PIDCP »)* et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels (ci-après dénommé « le PIDESC »).?
2. La Requête est dirigée contre la République tunisienne (ci-après dénommée
« l’État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte le 21 octobre 1986 et
au Protocole le 5 octobre 2007. En outre, le 2 juin 2017 l'État défendeur a
déposé auprès du Président de la Commission de l'Union africaine la
Déclaration prévue à l'article 34(6) du Protocole (ci-après désignée «la
1 L'État défendeur est devenu partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques le 18 mars 1969.
? L'État défendeur est devenu partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels le 18 mars 1969.
Déclaration ») par laquelle il a accepté la compétence de la Cour pour recevoir
des requêtes émanant d’individus et d'organisations non gouvernementales
(ci-après désignée « ONG »).
I. OBJET DE LA REQUÊTE
3. Il ressort de la Requête introductive d’instance que les premier, deuxième,
troisième et quatrième Requérants sont tous des proches d’hommes politiques
actuellement détenus dans l'État défendeur en raison de nombreuses
infractions pénales présumées.® Le cinquième Requérant est le fils d'un
homme politique de l’opposition décédé lors d'une manifestation publique qui
a eu lieu au début de l'année 2022* Le cinquième Requérant, bien que partie
à la requête introductive d'instance, n’a pas formulé de demande quant aux
mesures provisoires.
4. Les Requérants affirment qu'à la suite d'une série de décrets présidentiels
publiés entre juillet et octobre 2021, le président de l’État défendeur a, le 30
mars 2022, dissous le Parlement et modifié la loi relative à l’Instance
supérieure indépendante pour les élections. Selon les Requérants, il a
convoqué un référendum relatif à la constitution le 25 juillet 2022. La nouvelle
Constitution alléguée aurait été approuvée malgré le faible taux de
participation. Par ailleurs, les Requérants affiment que la Cour
constitutionnelle, qui devait être mise en place en vertu de la Constitution, ne
l'a cependant pas été.
3 Bo Av AL est le fils de Rached Ghannouchi, le président du parti Ennahda, le plus grand parti de l'État défendeur ; Ab Y est l'épouse de Noureddine Bhiri, vice-président du parti Ennahda et ancien ministre de la justice ; Ar C est le fils de Ghazi Chaouachi, secrétaire général du parti Bq ; Ah AI est le fils de Said Ferjani, député et dirigeant du parti Ennahda.
4 Ah AH est le fils de Aq AH, un membre « bien connu » du parti Ennahda.
S'agissant particulièrement de leurs proches détenus, le premier Requérant
affirme que son père, Rached Ghannouchi, a été condamné par le tribunal de
première instance de Tunis le 15 mai 2023 pour apologie du terrorisme. Il est
également allégué qu’il a été condamné, par contumace, à un (1) an de prison,
trois (3) ans sous contrôle administratif et à verser une amende de mille (1
000) dinars.
La deuxième Requérante affirme que son époux, Noureddine Bhiri, a été
« enlevé [.….. ] et emmené [ . ..] vers une destination inconnue après « un
« encerclement et une perquisition » à son domicile et « l'agression sévère
[de] son épouse et ses enfants ». Il est également allégué que la détention
était fondée sur une déclaration faite par M. Au lors d'une manifestation
organisée par le Front du salut national, le 8 janvier 2023, dans la banlieue de
Tunis, à Mnihla, et il lui est reproché d'avoir « cherché à changer la forme du
gouvernement ».
Le troisième Requérant allègue que son père, Ghazi Chaouachi, « a été arrêté
le 25 février 2023 et est accusé de complot contre la sécurité de l'État ainsi
que de diffusion de fausses nouvelles ».
Le quatrième Requérant affirme qu'aucune charge n'a été retenue contre son
père, Said Ferjani, bien qu'ils pensent que la détention de celui-ci est « liée à
la société de médias Instalingo accusée d'espionnage et de complot contre la
sureté nationale ».
Quant au cinquième Requérant, il affirme que son père, Aq AH, « a
participé à une manifestation contre le gouvernement de l'État défendeur le 14
janvier 2022 et a disparu. Cinq jours plus tard, le parti Ennahdha a été informé
qu'il était décédé à l'hôpital des suites de blessures infligées par la police ».
10. Les Requérants ajoutent que les incidents susmentionnés ont eu lieu dans le
« contexte des déclarations faites par le président de l'État défendeur, qui est
allé jusqu'à qualifier les détenus de terroristes et à traiter les juges qui les a
acquittés de complices ».
IN. VIOLATIONS ALLÉGUÉES
11. Dans leur Requête introductive d’instance, les Requérants allèguent que les
droits ci-après des membres de leur famille détenus ont été violés :
i. L'article 1 de la Charte et l'article 2 du PIDCP « en raison des autres
violations de la Charte et du fait que la Cour constitutionnelle ne soit
pas opérationnelle, l'indépendance des avocats et du système
judiciaire n'a pas été respectée, et la mort de M. AH n’a, en
réalité, fait l'objet ni d'une enquête ni d'une sanction ».
ii. L'article 2 de la Charte et l'article 2 du PIDCP dans la mesure où « le
schéma de violations du fait de la détention et la poursuite des
hommes politiques relatifs aux premier au quatrième Requérants,
ainsi que le décès et l'absence d'enquête relative au décès du père
du cinquième Requérant, constitue la preuve que l'État défendeur fait
des distinctions sur la base de l'opinion politique, ce qui affecte la
jouissance des droits garantis par la Charte » ;
iii. L'article 4 de la Charte et l'article 6 du PIDCP car « le droit à la vie de
M. AH n'a pas été respecté : il aurait été arbitrairement privé
de sa vie » ;
iv. L'article 5 de la Charte et les articles 7 et 10 du PIDCP du fait que
« la dignité des proches des Requérants n'a pas été respectée et
l'État défendeur n'a pas assuré une protection adéquate contre la
torture et les peines, les traitements cruels, inhumains ou
dégradants » ;
A L'article 6 de la Charte et l'article 9 du PIDCP, la détention des
proches des Requérants par les autorités n'ayant pas fait suite à des
arrestations effectuées « en vertu d'un mandat, sur la base de
soupçons raisonnables ou d'une cause probable, et sans que des
motifs adéquats n'aient été donnés » ;
vi. L'article 7 de la Charte et les articles 14 et 15 du PIDCP en raison de
l'absence d'une Cour constitutionnelle opérationnelle, du non-
respect de l'indépendance du pouvoir judiciaire et de l'accès
impossible aux avocats. ;
vil. L'article 9 de la Charte et l'article 19 du PIDCP « dans la mesure où
les arrestations, détentions, poursuites et condamnations dont les
Requérants se plaignent constituent une réponse à un discours
politique » ;
viii. L'article 10 de la Charte et l'article 22 du PIDCP « dans la mesure où
les proches des Requérants ont été pris pour cible par l'État
défendeur en raison de leur appartenance au Front de salut national
ou aux partis qui lui sont associés » ;
ix. L'article 11 de la Charte et l'article 21 du PIDCP du fait de l'assassinat
du père du cinquième Requérant ;
x. L'article 13 de la Charte et l'article 25 du PIDCP du fait de l'adoption
d'une législation contraire à la Constitution de 2014, y compris celle
promulguant la Constitution de 2022, entravant le droit des proches
des Requérants de participer librement à la gestion des affaires
publiques de l'État défendeur ;
xi. L'article 16 de la Charte et l'article 12 du PIDESC, car le manque
d'accès des détenus aux médecins de leur choix « les empêche de
jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'ils soient
capables d'atteindre. » ; et
xii. L'article 26 de la Charte, car les mesures prises par le président de
l'État défendeur portent atteinte à l'indépendance des tribunaux.
IV. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
12. Le 1er juin 2023, le Greffe a reçu la Requête introductive d'instance ainsi que
la demande de mesures provisoires. Le 2 juin 2023, il a accusé réception de
la Requête et a notifié son enregistrement aux Requérants.
13. Le8 juin 2023, la Requête a été notifiée à l’État défendeur qui s’est vu accorder
dix (10) jours pour répondre à la demande de mesures provisoires, trente (30)
jours pour déposer la liste de ses représentants et quatre-vingt-dix (90) jours
pour répondre à la Requête introductive d'instance.
14. Le 27 juin 2023, l'État défendeur a sollicité une prorogation du délai de dépôt
de sa réponse à la demande de mesures provisoires et, le 28 juillet 2023, le
Greffe a informé l'État défendeur que la Cour lui avait accordé un délai
supplémentaire de dix (10) jours.
15. Le 14 juillet 2023, l'État défendeur a déposé sa réponse à la demande de
mesures provisoires, qui a été notifiée aux Requérants à la même date.
16. Le 9 août 2023, les Requérants ont déposé leurs conclusions sur la réponse
de l’État défendeur à leur demande de mesures provisoires. Ces observations
ont été signifiées à l’État défendeur le 23 août, à titre d’information.
DEMANDES DES PARTIES
17. Les Requérants demandent à la Cour de :
i. Se déclarer compétente pour connaître de la présente Requête.
ii. Déclarer la présente Requête recevable.
iii. Dire et juger que la Charte et les Pactes internationaux relatifs aux droits
civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels ont été
violés comme indiqué ci-dessus.
iv. Ordonner l’arrêt de la détention et des poursuites dont se plaignent les
Requérants.
v. Ordonner l’annulation par l'État défendeur de toutes les condamnations
découlant des arrestations, détentions et poursuites dont se plaignent les
Requérants.
vi. Ordonner à l'État défendeur de mener une enquête sur la mort de M.
AH.
. vil. Ordonner à l'État défendeur d'indemniser le cinquième Requérant et les
proches des premier au quatrième Requérants pour le préjudice moral
qu’ils ont subi, à hauteur des sommes jugées appropriées par la Cour.
viii. Ordonner à l'État défendeur de fournir des garanties de non-répétition
relativement aux violations constatées par la Cour.
ix. Ordonner à l'État défendeur de payer les frais de procédure encourus par
les Requérants.
18. Dans sa réponse à la demande de mesures provisoires, l'État défendeur, tout
en se réservant le droit de réponse à la Requête introductive d’instance,
soutient que la demande de mesures provisoires n'a aucun fondement
juridique ou factuel et ne constitue rien de plus que de simples allégations qui
doivent être rejetées pour défaut de fondement.
VI. SUR LA COMPÉTENCE PRIMA FACIE
19. Outre le fait de demander à la Cour de se déclarer compétente en l’espèce,
les Parties n'ont pas formulé d'observations spécifiques sur la compétence de
la Cour.
20. L'État défendeur n’a pas conclu sur la compétence de la Cour.
21. La Cour relève que l’article 3(1) du Protocole dispose :
La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les
différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l’application de
la Charte du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux
droits de l'homme et ratifié par les États concernés.
22. Par ailleurs, la Cour note qu'aux termes de l'article 49 (1) du Règlement : « La
Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence (...) conformément
à la Charte, au Protocole et au présent règlement ». Toutefois, s'agissant des
mesures provisoires, et conformément à sa jurisprudence, la Cour n'a pas à
s'assurer qu'elle a compétence sur le fond de l'affaire, mais seulement qu'elle
a compétence prima facie.®
23. En l'espèce, la Cour rappelle que l'État défendeur a ratifié la Charte et le
Protocole et déposé la Déclaration. Par ailleurs, comme indiqué au paragraphe
2 de la présente Ordonnance, les droits dont les Requérants allèguent la
violation sont protégés par la Charte, le PIDCP et le PIDESC, tous des
instruments dont l'État défendeur est partie.
5 Voir Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Grande An arabe libyenne populaire et socialiste (mesures provisoires) (25 mars 2011) 1 RICA 18, 810 ; Ag Cc c. République du Bénin (mesures provisoires) (2 décembre 2019) 3 RICA 752, 8 14 ; Ghati Mwita c. République-Unie de Tanzanie (mesures provisoires) (9 avril 2020) 4 RICA 113, 8 14 ; 8 14 ; Cd Bn Br & cinq (5) autres c. République du Malawi, CAfDHP, Requête n° 13/2021 Ordonnance (mesures provisoires), 11 juin 24. Compte tenu … de ce qui précède, la Cour conclut qu'elle a la compétence prima facie pour connaître de la demande de mesures provisoires.
VII. SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES
25. Dans leur Requête de mesures provisoires, les Requérants ont formulé les deux demandes générales suivantes :
Première mesure provisoire :
Les proches détenus des premier au quatrième Requérants doivent avoir libre accès à leurs avocats et aux médecins de leur choix.
De même, les premier au quatrième Requérants doivent avoir libre accès aux avocats mandatés par leurs proches détenus ainsi qu’aux médecins choisis par ces derniers pour être informés de leur état de santé, si ces proches détenus donnent leur consentement.
Deuxième mesure provisoire :
L'État défendeur doit fournir des précisions sur les motifs juridiques et factuels pour lesquels les proches des premier au quatrième Requérants sont détenus et poursuivis.
Il doit suspendre la condamnation de M. AL prononcée le 15 mai 2023.
Il doit libérer les proches des premier au quatrième Requérants détenus, sous réserve des conditions qu'il considère, avec l'approbation de la Cour, comme étant nécessaires et proportionnées.
26. À l'appui de la première demande, les Requérants soutiennent ce qui suit :
les premier au quatrième Requérants doivent urgemment avoir accès
aux avocats mandatés par leurs proches détenus et aux médecins qu'ils ont choisis afin de vérifier, avec le consentement de leurs proches détenus,
que ceux-ci sont en mesure de se défendre et qu'ils sont traités de manière
appropriée, en particulier pour qu'ils puissent efficacement plaider leur
cause devant la Cour de céans. L'affaire est extrêmement grave car, si les
proches détenus ne sont pas en mesure de se défendre ou ne sont pas
traités de manière appropriée, les Requérants devront prendre des
mesures immédiates pour remédier à cette situation, y compris en prenant
les mesures nécessaires dans le cadre de la présente procédure devant la
Cour de céans.
27. Concernant la deuxième demande, les Requérants soutiennent que :
Dans le contexte actuel, il est extrêmement grave que les Requérants ne
sachent pas sur quelle base leurs proches sont détenus, car cela les
empêche de leur porter assistance et de contester le comportement de
l'État défendeur devant la Cour de céans.
Comme indiqué dans la Requête, il est évident que les arrestations et la
détention des proches des premier au quatrième Requérants n'ont pas été
effectuées conformément aux obligations internationales de l'État
défendeur en matière de droits de l'homme. Compte tenu de l'importance
de la liberté de la personne, de la vulnérabilité de nombreux détenus et de
l'incapacité ou du manque de volonté de l'État défendeur à garantir leur
bien-être et leur dignité pendant leur détention tel que démontré dans le
cas de M. AI, il est urgent que les détenus soient remis en liberté, dans
les conditions que l'État défendeur considère, avec l'approbation de la
Cour, comme étant nécessaires et proportionnées. Il s'agit d'une question
extrêmement grave compte tenu de l'importance des obligations qui n'ont
pas été respectées et de la vulnérabilité des détenus, notamment M.
AL et M. AI.
28. S'agissant du fondement juridique et factuel de l'arrestation et de la détention
des premier au quatrième Requérants, l'État défendeur souligne que plusieurs
actions ont été intentées contre les Requérants devant le tribunal de première
instance de Tunis, le pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme et le tribunal
de première instance de Sousse. Ces affaires, affirme-t-on, se fondent sur les
textes juridiques en vigueur dont le Code pénal ou la loi organique relative à
la lutte contre le terrorisme n° 26 de 2015 du 07/08/2015 et révisée par la loi
organique n° 09 de 2019 du 23/01/2019. Certains des chefs d'accusation
étaient également fondés sur les dispositions du décret n° 54 de 2022 du
13/09/2022, qui sont des textes juridiques en vigueur dans l'État défendeur.
L'État défendeur souligne également que les crimes pour lesquels les
Requérants sont poursuivis sont des crimes communs qui sont jugés devant
les tribunaux ordinaires.
29. Concernant l'allégation selon laquelle les personnes détenues n'ont pas été
autorisées à contacter leurs avocats et les conditions de leur détention ne sont
pas conformes à la loi, l'État défendeur fait valoir que, conformément à l'article
13 de son Code de procédure pénale, les familles des détenus ont été
informées de leur détention et les détenus ont été soumis à un examen
médical, le cas échéant, sous la supervision du procureur général. !| est
également allégué que la détention des Requérants a été autorisée par écrit
et suivie d'une enquête. || est également souligné que les Juges ont interrogé
les prévenus en présence de leurs avocats, conformément au procès-verbal
de l'interrogatoire, et qu'ils ont enregistré leurs plaidoiries et leurs principaux
moyens de défense. L'État défendeur soutient donc que les détenus ont été
autorisés à recevoir des visites périodiques et continues de la part de leurs
avocats conformément à ses lois.
30. S'agissant des conditions de détention, l'État défendeur fait valoir que les
détenus jouissent de conditions de vie normales dans leurs prisons, tout
comme les autres prisonniers ou détenus, avec des installations sanitaires adéquates et d'autres commodités mises à leur disposition dans des cellules
non surpeuplées. Il souligne également que les Requérants bénéficient de
visites égales et non discriminatoires de la part de leurs proches chaque
semaine sous contrôle judiciaire.
31. La Cour relève que l’article 27(2) du Protocole dispose :
Dans les cas d'extrême gravité ou d’urgence et lorsqu'il s'avère nécessaire
d’éviter des dommages irréparables à des personnes, elle peut ordonner
les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes.
32. Les dispositions de l'article 27(2) du Protocole, observe la Cour, sont
précisées dans la règle 59(1) du Règlement qui stipule que :
Conformément à l’article 27 (2) du Protocole, à la demande d’une partie ou
nécessaire d’éviter des dommages irréparables à des personnes, elle peut
ordonner les mesures provisoires qu’elle juge pertinentes, en attendant sa
décision sur la requête introductive d'instance.
33. Il ressort clairement des dispositions ci-dessus que la Cour est investie d'un
pouvoir discrétionnaire lui permettant de décider, au cas par cas, si le contexte
spécifique de l'affaire exige qu'elle ordonne ou non des mesures provisoires.
34. Comme réitéré dans la jurisprudence de la Cour, l'urgence, qui est
consubstantielle à l'extrême gravité, constitue une « probabilité réelle et
imminente qu'un dommage irréparable soit causé avant qu'elle ne rende sa
décision finale ».$ La Cour souligne que le risque en question doit être réel, ce
8 Bw Ai Ce Bt Al c. République du Benin, Requête n° 062/2019, Ordonnance du 17 avril 2020 mesures provisoires) (2020) 4 RICA 124, 8 61.
qui exclut le risque purement hypothétique et explique la nécessité d'y
remédier immédiatement.” Concernant le dommage irréparable, la Cour
estime qu'il doit y avoir une « probabilité raisonnable de sa réalisation »
compte tenu du contexte et de la situation personnelle du requérant.®
35. La Cour souligne que les conditions d'urgence ou d'extrême gravité et de
dommage irréparable sont cumulatives, de sorte que si l'une d'entre elles n’est
pas remplie, les mesures provisoires demandées ne peuvent être ordonnées.
36. En statuant sur les demandes de mesures provisoires, la Cour garde donc à
l'esprit les principes énoncés ci-dessus et tient compte, en particulier, du fait
que les mesures provisoires ont une nature préventive et ne peuvent donc être
accordées que si une partie remplit toutes les conditions nécessaires.°
37. La Cour va maintenant examiner les deux demandes de mesures provisoires
déposées par les Requérants, à savoir, premièrement, la demande visant à
permettre aux détenus d'avoir accès aux avocats et aux médecins de leur
choix et, deuxièmement, la demande à l’effet de clarifier les motifs de la
détention des détenus et à ordonner leur remise en liberté.
A. Sur la demande de l’accès aux avocats et aux médecins de leur choix
38. Les Requérants demandent que les membres de leur famille détenus ainsi
qu'eux-mêmes puissent avoir accès aux avocats et aux médecins de leur choix
et qu'ils soient à leur tour autorisés à accéder à ces avocats et médecins pour
obtenir des informations sur les conditions des détenus.
7 Ibid, 8 62.
8 Ibid, 8 63.
© Ibid, 8 60.
39. À l'appui de leur demande, les Requérants affirment que leur requête est
urgente et qu'il s'agit d'une situation grave puisqu'il est nécessaire que les
détenus et leurs familles communiquent avec des avocats et des médecins.
Ils ajoutent que les charges qui pourraient être retenues contre les détenus
seraient très graves au regard de la législation nationale de l'État défendeur,
et que la peine encourue pourrait être la peine de mort. Ils affirment que les
détenus ont besoin de communiquer avec les médecins de leur choix et leur
famille, pas seulement en raison de la fragilité de leur état de santé, mais
également parce que le fait de les priver de ce droit peut entraîner des
dommages irréparables. Les Requérants soutiennent que, conformément à la
jurisprudence de la Cour, leur demande remplit les conditions requises pour
faire droit à une ordonnance de mesures provisoires.!°
40. Les Requérants soutiennent également que leur demande est urgente en vue
de s'assurer que les détenus sont en mesure d'assurer eux-mêmes leur
défense et que leur traitement soit équitable afin qu'ils puissent plaider leur
cause pendant leur procès. Ils ajoutent que le fait de priver les détenus de
toute possibilité d'accès à un avocat signifie qu'ils ne peuvent pas participer à
leur propre défense. Dans cette situation, selon les Requérants, les
dommages éventuels ne peuvent être réparés ultérieurement, même si la Cour
ordonne la remise en liberté des détenus car ils auront déjà purgé leur peine
d'emprisonnement.
19 Les Requérants cite les décisions suivante en appui de leur argument : Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. Libye, Requête n° 002/2013, Ordonnance du 15 mars 2013(2013) 1 RICA 149, et Ax Bj Bu AO At Az, Requête n° 004/2013, Ordonnance du 4 octobre 2013(2013) 1 RJCA 320 ; et Ap Aj AO Bc, Requête n° 021/2017, Ordonnance du 28 septembre 2017 (2017) 2 RICA 155.
41. L'État défendeur réfute les allégations des Requérants selon lesquelles leurs
proches se sont vu refuser l'accès à leurs avocats et que les conditions de leur
détention ne sont pas conformes à la loi. Il soutient en outre qu'en examinant
les pièces du dossier relatifs à la détention et à l'interrogation, les procédures
légales formelles et substantielles énoncées par les dispositions de l’article
du chapitre 13 bis ont été respectées, y compris l'examen médical des
détenus, lorsque cela était nécessaire. L'Etat défendeur souligne également
que leur détention a été effectuée sous l'autorité du procureur général, qui
l’autorisé par écrit, puis a ouvert une enquête, tandis que les juges ont
interrogé les prévenus en la présence de leurs avocats.
42. L'État défendeur ajoute que le renvoi des dossiers des personnes concernées
à la chambre d'accusation, constituant la deuxième étape de l'enquête,
garantit que cette instance jouera son rôle de contrôle en respectant les
procédures et en garantissant les droits des accusés, comme prévu dans les
dispositions du Code de procédure pénale et les dispositions de la loi anti-
terroriste pour les personnes ayant été jugées sur la base de ladite loi.
43. L'État défendeur allègue également que, contrairement à ce qu’affirment les
Requérants, les détenus reçoivent des visites régulières et continues de la part
de leurs avocats, conformément au droit du détenu de s'entretenir avec un
avocat. Il souligne également que dans le cadre des efforts déployés par la
Direction générale des prisons et de la rééducation visant à faciliter la tâche
aux avocats, depuis le mois de mars 2023, la salle de réunion des avocats de
la prison de Mornaguia a été renforcée et dispose de cinq (5) bureaux
supplémentaires pour permettre aux avocats d'exercer leur droit de visite.
44. D'après l'État défendeur, les détenus jouissent donc de conditions de vie
normales en prison, similaires à celles des autres prisonniers ou détenus ; ils
résident dans des locaux non surpeuplés dotés de toutes les installations
sanitaires et jouissent de tous les droits qui leur sont conférés par la loi. L'État défendeur fait également valoir que les détenus ont la possibilité de rencontrer
leur famille et leurs proches toutes les deux semaines, au même titre que les
autres détenus.
45. La Cour note qu’il ressort du dossier que le père du premier Requérant est un
homme de plus de quatre-vingts (80) ans et qu'il a été condamné par
contumace à une peine d'emprisonnement. Compte tenu de son âge, la Cour
estime qu'il existe un risque plausible pour sa santé si, tel qu'allégué, il n’a pas
un accès régulier à des médecins, ce qui peut, en fin de compte, causer un
46. La Cour observe également que les membres de la famille des deuxième,
troisième et quatrième Requérants ont été emprisonnés sans décision
judiciaire et qu'aucune information n’est disponible concernant les procédures
engagées à leur encontre. Les détenus seraient également dans un état de
santé précaire alors qu'ils doivent suivre les procédures juridiques ayant
conduit à leur détention et y répondre.
47. Les informations contenues dans le dossier portent à croire que les conditions
relatives au risque imminent et à l'urgence sont remplies dans la mesure où
les procédures suivies lors de l'arrestation et de l'emprisonnement des proches
des Requérants ne sont pas claires, notamment en ce qui concerne la
précision des chefs d’accusation auxquels ils répondent.
48. La Cour estime donc que le risque auquel sont exposés les proches détenus
des quatre Requérants est réel et non hypothétique, en ce qui concerne leur
état de santé et leur accès aux services d'un avocat. Dans ces conditions, le
préjudice éventuellement subi par les proches des Requérants ne pourra être
compensé que par l’octroi de réparations.
49. Par conséquent, la Cour accorde aux Requérants la possibilité d'autoriser les
détenus et leurs familles à avoir accès aux médecins et avocats de leur choix
pour le suivi de leurs affaires devant les tribunaux et des problèmes de santé
ainsi que pour communiquer librement avec leurs familles.
B. Sur la demande de clarification des motifs légaux et des circonstances de la
détention et demande de remise en liberté
50. Les familles des premier, deuxième, troisième et quatrième Requérants
demandent des éclaircissements sur le fondement juridique et les faits ayant
conduit à l’emprisonnement de leurs proches. Elles demandent la suspension
de l'exécution de la condamnation de M. AL prononcée le 15 mai
2023, et la remise en liberté des membres de la famille des premier, deuxième,
troisième et quatrième Requérants dans les conditions jugées appropriées et
nécessaires par l'État défendeur. Les Requérants soutiennent que le droit
international des droits de l'homme reconnaît le droit des personnes détenues
d'être informées des charges retenues contre eux et des circonstances ayant
conduit à leur arrestation. Ils ajoutent qu'il est dangereux pour leurs proches
de rester dans l'incertitude, en ce qui concerne les motifs juridiques de leur
détention.
51. Les Requérants estiment également que la condamnation de M. AL,
le 15 mai 2023, devrait être suspendue en attendant la décision de la Cour de
céans dans la présente Requête, car il est injuste de prononcer la décision et
la peine et exécuter celle-ci alors que l’affaire est pendante devant la Cour de
céans. Ils soutiennent en outre que le risque est imminent compte tenu du type
de peine encourue, à savoir une peine d'emprisonnement et une amende, pour
une personne âgée ayant des problèmes de santé. Les Requérants appuient
leur demande en invoquant la jurisprudence de la Cour.**
11 Les requérants invoquent les décisions suivantes à l'appui de leur demande : Ae Bb c. Côte d'Ivoire, Requête n° 025/2020, Ordonnance du 25 septembre 2020 (mesures provisoires) ; Sébastien 52. Les Requérants ajoutent que, comme indiqué dans la Requête introductive
d'instance, qu’il est évident que l'arrestation de leurs proches n'a pas été
effectuée conformément aux obligations internationales de l'État défendeur en
matière de droits de l'homme. Compte tenu de l'importance de la liberté
individuelle et de la fragilité de l'état de santé des détenus, ainsi que du non-
respect par l'État défendeur des exigences relatives à la dignité des détenus,
comme cela aurait été patent dans le cas du détenu Bp AR, ils
soutiennent qu'il est primordial de libérer les détenus. Par ailleurs, les
Requérants soutiennent que le dommage subi par leurs proches ne peut être
réparé.
53. Les Requérants poursuivent en déclarant que tous leurs proches subissent un
dommage irréparable en raison de leur maintien en détention, de leur état de
santé fragile, de l'impact qu'a l'emprisonnement sur leur personne et du refus
de leur accorder le droit de participer à la gestion des affaires publiques et le
droit à la liberté d'expression. Ils concluent en affirmant qu'autoriser le maintien
en prison des détenus équivaut à permettre à l'État défendeur de persécuter
leurs proches.
54. L'État défendeur, pour sa part, fait valoir que les détenus sont poursuivis dans
le cadre de plusieurs affaires réparties entre le tribunal de première instance
de Tunis, le pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme et le tribunal de
première instance de Sousse 2.
Ai Al c. République du Bénin, Requête n° 013/2017, Ordonnance du 7 décembre 2018 (mesures provisoires) et Bw Ai Al c. République du Bénin, Requête n° 027/2020, Ordonnance du 29 mars 2021 (mesures provisoires) et Bw Ai Al c. République du Bénin, Requête n° 27/2020, Ordonnance du 1er avril 2021 (mesures provisoires) et Ak Bs et Bx Bs c. République du Bénin, Requête n° 008/2020, Ordonnance du 28 février 2020 (mesures provisoires) ; Am As c. République du Malawi, Requête n° 55/2019, ordonnance du 27 mars 2020 (mesures provisoires) ; Ca Cb Bg c. République du Bénin, Requête n° 004/2020, Ordonnance du 6 mai 2020 (mesures provisoires) ; et Ca Cb Bg c. République du Bénin, Requête n° 032/2020, Ordonnance du 22 novembre 2021 (mesures provisoires).
55. L'État défendeur ajoute qu'en réexaminant les affaires impliquant les proches
des Requérants, les fondements juridiques sur lesquelles repose la détention
de chacun d'entre eux sont claires. || soutient que les détentions étaient
fondées sur les dispositions juridiques en vigueur, aussi bien dans le Code
pénal que dans la loi organique relative à la lutte contre le terrorisme n° 26 de
2015 publiée le 7 août 2015 et révisée par la loi organique n° 09 de 2019
publiée le 13 septembre 2022, ces textes juridiques étant en vigueur dans
l'État défendeur.
56. La Cour réitère sa position selon laquelle elle n'est pas tenue, à ce stade,
d'examiner le bien-fondé des violations alléguées par l'État défendeur relatives
aux droits des proches détenus des Requérants. Elle doit plutôt déterminer si
les circonstances de cette demande justifient une ordonnance enjoignant à
l'État défendeur de prendre des mesures provisoires ou pas.!?
57. S'agissant du père du premier Requérant, la Cour note qu’il ressort du dossier
qu'il a été détenu à l'issue d'un procès qui s'est tenu le 15 mai 2023, après
avoir été accusé d’apologie du terrorisme. Dans son cas, la Cour estime que
les motifs et les circonstances ayant conduit à sa détention sont donc clairs.
Sur la question de savoir si les motifs et les circonstances justifiaient la
détention après avoir été évaluées à la lumière des obligations de l'État
défendeur découlant de la Charte, la Cour estime qu'il s'agit là d'une question
qui doit être tranchée au stade de l’examen au fond de la présente affaire. La
Cour rejette donc la demande d'annulation de la condamnation du père du
premier Requérant.
12 Bw Ai Ce Bt Al c. République du Bénin, Requête n° 027/2020, CAfDHP, Ordonnance du 1er avril 2021 (mesures provisoires), 8 30. Bd Bl AJAf BhAG c. République du Mali, Requête n° 47/2020, CAfDHP, Ordonnance du 29/03/2021 (mesures provisoires), 8 23.
58. S'agissant des familles des premier, deuxième, troisième et quatrième
Requérants, la Cour note qu'aucune information n'a été fournie sur les
circonstances de leur arrestation. Aucun élément du dossier n’indique non plus
qu'ils aient été effectivement jugés ou inculpés. La Cour note également que
les familles des Requérants affirment que l’état de santé de ceux-ci est
gravement menacé. De manière plus spécifique, les Requérants se plaignent
du fait que leurs proches ont été soumis à des conditions pénibles et
inhumaines en prison.
59. La Cour, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment
concernant le père du premier Requérant, ne peut ordonner à ce stade la
libération des membres des familles des deuxième au quatrième Requérants,
au risque de préjuger de ses conclusions sur le fond de la Requête. Toutefois,
compte tenu du manque d'informations concernant la détention des proches
des Requérants, la Cour ordonne à l'État défendeur de fournir des informations
adéquates clarifiant les motifs pour lesquelles ils sont détenus.
60. La Cour rappelle, pour éviter toute ambigüité, que la présente Ordonnance a
un caractère provisoire et ne préjuge en aucune manière les conclusions de la
Cour sur sa compétence, la recevabilité et le fond de la Requête.
61. Par ces motifs;
LA COUR,
À l’unanimité,
ii Ordonne à l'État défendeur de prendre toutes les mesures
nécessaires pour éliminer les obstacles empêchant les quatre (4)
détenus et leurs familles d’avoir accès à et de communiquer avec les
avocats et les médecins de leur choix ;
ii. Ordonne à l'État défendeur de fournir aux quatre (4) détenus, à leurs
avocats et à leurs familles des informations et des faits précis relatifs
aux motifs factuels et légaux de détention des proches des
Requérants ;
iii. Rejette la demande de remise en liberté des quatre (4) détenus ;
iv. Ordonne à l'État défendeur de faire rapport des mesures prises afin
de mettre en œuvre la présente Ordonnance dans un délai de quinze
(15) jours à compter de la date de sa notification.
Ont signé :
Imani D. ABOUD, Présidente ; ++ Na
et
Robert ENO, Greffier. 4 /
Fait à Arusha ce vingt-huitième jour du mois d’août de l’an deux mille vingt-trois, en arabe,
en français et en anglais, le texte arabe faisant foi.