AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES
REQUÊTE No. 001/2022
AUX FINS D'INTERPRÉTATION DE L’ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022
DANS L’AFFAIRE
B X A
RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
ARRÊT
5 SEPTEMBRE 2023 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I SAISINE ET RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS.
Il SUR LA DEMANDE EN INTERPRÉTATION
Ill SUR LA COMPÉTENCE DE LA COUR
IV SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
VI DISPOSITIF La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Présidente ; Modibo SACKO, Vice-
président, Ben KIOKO, Rafaâ BEN ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R.
CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise TCHIKAYA, Stella |. ANUKAM, Dumisa B.
NTSEBEZA, Dennis D. ADJEI — Juges ; et Robert ENO, Greffier.
En l'affaire :
B X A
Représenté par Maître Nadine DOSSOU SAKPONOU, Avocate au Barreau du Bénin
Contre
République du BÉNIN
Représentée par M. Ab C, Agent Judiciaire du Trésor.
Après en avoir délibéré,
Rend le présent arrêt :
1 _ SAISINE ET RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
1. Le 03 octobre 2022, B X A (ci-après désigné
«le Requérant ») a introduit devant la Cour une Requête aux fins
d'interprétation de l’arrêt d’irrecevabilité rendu par la Cour le 22 septembre
2022 dans l’affaire B X A c. République du Bénin
(Requête No. 004/2020).
2. Le 16 novembre 2022, la Requête aux fins d'interprétation a été
communiquée à la République du Bénin (« ci-après désignée « l’État
défendeur ») pour dépôt de ses observations dans un délai de trente (30)
jours à compter de la réception.
3. Le 22 février 2023, le Requérant a déposé un mémoire complémentaire,
communiqué à l’État défendeur, le 3 avril 2023, pour observations dans un
délai de trente (30) jours à compter de la réception.
4. L'État défendeur n’a pas déposé ses observations malgré les relances qui
lui ont été adressées à cet effet.
5. Les débats ont été clôturés le 29 mai 2023 et les Parties en ont dûment
reçu notification.
IL SUR LA DEMANDE EN INTERPRÉTATION
6. Le Requérant soutient que dans l’arrêt du 22 septembre 2022 dont
l'interprétation est sollicitée, la Cour a fait droit à l'exception de non-
épuisement des recours internes et déclaré la Requête irrecevable sous les
motifs indiqués aux paragraphes 53,* 60,? 62° et 63* dudit arrêt.
7. À cet égard, il fait valoir que sa demande porte sur les huit (8) points
suivants :
i) La Cour lui demande-t-elle d’attendre que la Cour de cassation rende
une décision contraire aux décisions de conformité DCC 18-130 du 21
juin 2018 et DCC 12-153 du 4 août 2012 rendues par la Cour
! « Elle note que pour justifier l'introduction de la présente Requête devant la Cour de céans sans avoir attendu la décision de la Cour suprême, le Requérant avance deux arguments, à savoir l’inefficacité et la prolongation anormale du recours en cassation devant la Cour suprême ».
2 « La Cour relève, enfin, que dans le cadre de la procédure en cassation devant la Cour suprême, les parties reçoivent copies des pièces et mémoires afin de faire leurs observations mais sont également auditionnées par la Chambre judiciaire ce qui peut prendre un certain temps. De plus, lorsque l'affaire est en état, le Juge rapporteur rédige son rapport et son projet d’arrêt, puis, transmet le dossier au parquet général qui doit, à son tour, produire un rapport. La Cour note, par ailleurs, que la complexité de l'affaire ne souffre d'aucune contestation au regard de la nature des infractions objet de la poursuite, notamment, le détournement de deniers publics, la complicité d’abus de fonction et l’usurpation de titre ».
3 « Au vu de ce qui précède, la Cour déclare que les arguments du Requérant ne sont pas fondés et qu’il aurait dû donc attendre l'issue de son pourvoi en cassation avant de déposer la Requête devant la Cour de céans. La Cour en déduit que le Requérant a déposé la Requête prématurément ».
/ « En conséquence, la Cour déclare fondée l'exception tirée du non-épuisement des recours internes et conclut que la Requête ne satisfait pas à l’exigence de la règle 50(2)(e) du Règlement ».
constitutionnelle concernant les articles 12 et 19 8 2 de la loi sur la
CRIET, 189, 190, 428, et 594 du code de procédure pénale béninois qui
ont été dénoncés dans la Requête No. 004/2020 pour violation de
l’article 14 $ 1, $ 3 et $ 5 du Pacte internationale relatif aux droits civils
et politiques (ci-après désigné le « PIDCP ») commise à son encontre?
il) En cas de réponse positive à cette question, en quoi est-ce qu’un tel
recours en cassation serait satisfaisant si la Cour de cassation venait à
donner une solution contraire à l’application des dispositions ci-dessus
dans la mesure où d’une part, lesdites dispositions ont été déjà
déclarées conformes à la Constitution, et que d’autre part la décision
DCC 09-087 du 13 août 2009 de la Cour constitutionnelle et l’article 124
de la Constitution font prévaloir les décisions en matière des droits de
l'homme de ladite Cour sur toutes les juridictions de l’État défendeur ?
ii) En rejetant la requête principale, la Cour demande-t-elle à l’État
défendeur de le priver de sa liberté en violation des articles 9, 12, 14 (1)
et (5) du PIDCP pour que son recours interne soit recevable ou la Cour
lui demande-t-elle simplement d'attendre l’issue du pourvoi en
cassation et en ce cas, doit-il attendre indéfiniment le prononcé puisque
la Cour n’a pas fixé de délai d’attente ?
iv) Puisque la Cour lui demande d’attendre l'issue d’une procédure où l’État
défendeur ne lui communique pas les éléments du dossier judiciaire, la
Cour lui demande-t-elle d'attendre indéfiniment de voir ces entraves aux
droits à la preuve persister sans issu réel ?
V) Est-ce qu'il doit interpréter le paragraphe 60 de l'arrêt comme si la Cour
lui demande de déposer des mémoires devant la Cour de cassation
sans avoir reçu communication du dossier alors que s'agissant ici d’une
condamnation, la question de fond du procès interne tourne autour de
l'examen des preuves à charge, de l’acte d’accusation et de l’arrêt du
25 juillet 2019 que le défendeur est tenu légalement de communiquer.
Vi) La Cour lui demande-t-elle d’épuiser un recours inefficace puisque la
Cour de cassation a reconnu dans sa jurisprudence qu’elle n’est ni juge
des faits ni juge des preuves ni juge des indemnisations ? Vii) La Cour annule-t-elle le droit à l’opposition prescrit par les articles
593(2) (3) du code de procédure pénale et 56 (2) (3) de la loi n°2004-
20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les
formations juridictionnelles de la Cour suprême (ci-après désigné « loi
du 17 août 2007 ») qui interdit le pourvoi en cassation en cas de
décision par défaut ? et
Viii) La Cour impose-t-elle la nullité des articles 593(2) (3) et 594 du code de
procédure pénale et 56 (2) (3) de la loi du 17 août 2007 ?
8. L'État défendeur n’a pas fait d'observations sur les conclusions des
Requérants.
II. SUR LA COMPÉTENCE DE LA COUR
9. Aux termes de l’article 28(2) du Protocole « l’arrêt de la Cour
définitif et ne peut faire l’objet d’appel ». Pour sa part, le paragraphe 4 dudit
article dispose « la Cour peut interpréter son arrêt ».
10. Enl’espèce, la présente Requête en interprétation concerne l’arrêt définitif
rendu par la Cour le 22 septembre 2022 en l’affaire B X
A c. République du Bénin (Requête n° 004/2020).
11. Compte tenu des paragraphes 2 et 4 de l’article 28 du Protocole, la Cour a
la compétence pour interpréter ledit arrêt à condition que la demande
satisfasse aux conditions posées par l’article 77 du Règlement.
IV. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE
12. La règle 77(1) et (2) du Règlement dispose :
« 1. En application de l’article 28(4) du Protocole, toute partie peut,
aux fins de l’exécution de la décision, demander à la Cour d’interpréter
celui-ci dans un délai douze mois à compter de la date de notification
de la décision, sauf si, dans l'intérêt de la justice, la Cour en décide
autrement.
2. La requête indique avec précision le ou les points du dispositif de la
décision dont l'interprétation est demandée ».
13. Il ressort de ces dispositions susvisées qu’une requête en interprétation
n’est déclarée recevable que si elle remplit les conditions cumulatives
suivantes :
i. Être déposée dans un délai de douze (12) mois à compter de la
date de la notification de l'arrêt ;
il. Indiquer avec précision le ou les point(s) du dispositif dont
l'interprétation est demandée ; et
iii. Avoir pour objectif de faciliter l’exécution de ladite décision.
14. Concernant la condition relative au délai, la Cour constate en l’espèce que
l’arrêt dont l’interprétation est sollicitée a été signifié aux parties le 29
septembre 2022. Le 03 octobre 2022, soit quatre (4) jours plus tard, le
Requérant a introduit la présente Requête aux fins d’interprétation. Il
s’ensuit que la Requête a été introduite dans le délai de douze (12) mois
prescrit.
15. S'agissant de l’indication du ou des point(s) du dispositif dont l'interprétation
est demandée, la Cour relève, comme indiqué au paragraphe 1” du
présent arrêt, que le Requérant demande l'interprétation de la décision
d'irrecevabilité indiqué au dispositif de l’arrêt en cause, ce qui rejoint la
condition prévue à la règle 77(2) du Règlement. La Cour estime, dès lors
que la deuxième condition est remplie.
16. Enfin, relativement à la troisième condition, la Cour souligne que la
demande en interprétation a pour finalité une meilleure exécution d’un arrêt
de la Cour.
17. La Cour relève en l'espèce, que l’arrêt du 22 septembre 2022 dont
l'interprétation est demandée est une décision d’irrecevabilité de la
Requête introductive d'instance pour non-épuisement des recours
internes. La Cour estime que le dispositif de l’arrêt est clair et qu’il n’existe
aucune difficulté quant à sa compréhension. Il s'ensuit par conséquent que
la troisième condition n’est pas remplie.
18. La Cour rappelle que les conditions de recevabilité sont cumulatives. De
sorte que si une condition n'est pas remplie, la Requête aux fins
d'interprétation s’en trouve irrecevable.
19. La Cour, en conséquence, conclut que la Requête aux fins d'interprétation
est irrecevable.
V. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
20. Les parties n’ont pas soumis d'observation sur ce point.
21. Aux termes de l’article 32(2) du Règlement, « [à] moins que la Cour n’en
décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
22. La Cour constate que rien ne justifie, dans les circonstances de l’espèce,
qu’elle déroge à cette disposition.
5 Article 30(2) du Règlement du 02 juin 2010.
23. La Cour déclare donc que chaque Partie doit supporter ses frais de
procédure.
24. Par ces motifs,
LA COUR,
À l’unanimité,
Sur la compétence
ii Déclare qu’elle est compétente pour connaître de la présente
Requête aux fins d’interprétation.
Sur la recevabilité
i. Déclare la Requête aux fins d’interprétation irrecevable.
Sur les frais de procédure :
iii. Dit que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Imani D. ABOUD, Président ; —
Ben KIOKO, Juge ; ESS
Rafaâ BEN ACHOUR, Juge ; HG lee),
Suzanne MENGUE, Juge ; gs " 21 Tujilane R. CHIZUMILA, Juge Lys Aa lan
Chafika BENSAOULA, Juge GE ;
Blaise TCHIKAYA, Juge ges
Stella |. ANUKAM, Juge ; Eux am .
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge Sa Z@ œ.
Dennis D. ADJEI, Juge ;
et Robert ENO, Greffier.
Fait à Arusha, ce cinquième jour du mois de septembre de l’an deux mille vingt-trois, en français et en anglais, le texte français faisant foi.