AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
A B
RÉPUBLIQUE DU MALI
REQUÊTE N° 038/2019
ARRÊT
5 SEPTEMBRE 2023 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
VI SUR LA RECEVABILITÉ
A Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
B Sur les autres conditions de recevabilité
DIR SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES
VIII SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
IX DISPOSITIF 12
13
13 La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Présidente ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN
ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise
TCHIKAYA, Stella |. ANUKAM, Dumisa B. NTSEBEZA, Dennis D. ADJEI — Juges ; et
de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement
intérieur de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »),* le Juge Modibo SACKO,
Vice-président de la Cour et de nationalité malienne, s’est récusé.
En l’affaire
A B
représentée par
Maître Kasongo Mayombo, avocat au barreau de la République Démocratique du Congo,
Membre du Cabinet Kaci « Contentieux et affaires internationales »
contre
RÉPUBLIQUE DU MALI
représentée par :
Maître Kadidia Sangaré, avocate inscrite au Barreau du Mali
après en avoir délibéré
rend le présent Arrêt :
1 Règle 8(2), Règlement intérieur de la Cour, 2 juin 2010.
I. LES PARTIES
1. La dame A B Cci-après dénommée « la Requérante ») est
une ressortissante malienne, anciennement directrice d’une agence de
communication multiservices chargée de gérer l'image du Président du
Conseil national de transition au Mali. La Requérante allègue la violation de
ses droits dans le cadre de procédures devant les juridictions nationales.
2. La Requête est dirigée contre la République du Mali (ci-après dénommée «
l’État défendeur ») qui est devenue partie à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte ») le 21 octobre
1986 et au Protocole le 20 juin 2000. Elle a également déposé, le 19 février
2010, la Déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole par laquelle elle
accepte la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant
d'individus et d’organisations non gouvernementales (ci-après désignée
« la Déclaration »).
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. La Requérante allègue que, le 19 avril 2012, elle a été enlevée puis
séquestrée pendant trois (3) semaines, par trois agents des services de
sécurité de l’État défendeur. Elle souligne que durant cette période, elle a
été violée et torturée.
4. Elle affirme en outre que, la nuit de son enlèvement, elle a été entendue par
des agents de police au « bureau de poste de police nationale » au sujet de
certains militants et d’autres personnes qui préparaient un coup d’État.
5. La Requérante ajoute que le 27 avril 2012, l’Inspecteur général et chef du
département des enquêtes de police a requis une expertise médicale
spécialisée en neurologie afin d’évaluer son état de santé.
Elle précise que, le 17 mai 2012, elle a été détenue pour tentative d’atteinte
à la sûreté de l’État et association de malfaiteurs. Elle y a été maintenue
sans jugement pendant six (6) mois dans des conditions dégradantes et
La Requérante fait valoir que, le 22 juin 2012, son avocat a introduit une
demande de mise en liberté provisoire devant le juge d’instruction du
Tribunal de première instance du troisième arrondissement de Bamako qui
a été rejetée le 25 juin 2012, motif pris de ce que les charges pesant sur
elle étaient graves et que la demande était prématurée. Le 19 juillet 2012,
une nouvelle demande a été introduite et a également été rejetée, le 30
juillet 2012.
Le 16 octobre 2012, le rapport d’expertise médicale de la Requérante a été
déposé. Le 17 octobre 2012, la Requérante a introduit, devant le Président
de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Bamako, une demande
d'autorisation de se rendre à l’étranger pour des soins médicaux. Sa
demande a été favorablement accueillie le 22 novembre 2012 et une
période de deux (2) mois, à compter du jour de son départ du territoire
national, lui a été accordée à cet effet.
La Requérante s’est ainsi rendue à Aj Ar dans un hôpital de neurologie
à Aj Ar pour y suivre un traitement. Le 13 mars 2013, le juge
d'instruction du Tribunal de première instance du troisième arrondissement
de Bamako a rendu une ordonnance de non-lieu pour insuffisance de
charges.
10. Le 10 novembre 2014, la Requérante a saisi le président de la Section
malienne de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH-Mali)
pour dénoncer les violations qu’elle a subies lors de sa détention.
11. Le 28 mai 2018, la Requérante a saisi la Commission Justice, Vérité et
Réconciliation mise en place dans le cadre du processus de justice
transitionnelle au Mali, à la suite des évènements de mai 2012. Ladite Commission lui a délivré le récépissé n° 65665657 qui lui a permis de
bénéficier d’une assistance médicale et psychologique gratuite de l'Agence
nationale d’assistance médicale.
12. La Requérante soutient, enfin, que le 18 février 2019, elle a déposé une
plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction date à
l’appui et ce le 16 février 2019, pour la violation de ses droits durant son
incarcération.
B. Violations alléguées
13. La Requérante allègue la violation des droits suivants :
i. Le droit à un procès équitable, protégé par l’article 7 de la Charte ;
i. Le droit à un recours effectif, prévu à l’article 8 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme (DUDH) ;
iii. Le droit d’accès au juge et à la justice, protégé par l’article 7(1) de la
Charte et l’article 10 de la DUDH ;
iv. L'obligation d’assurer la sécurité des prisonniers dans le cadre du
procès pénal ;
v. Le droit à la vie et à l'intégrité de la personne, protégé à l’article 4 de la
Charte et à l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (PIDCP) ;
vi. Le droit à la protection de la dignité d’une personne emprisonnée
protégé par l’article 5 de la Charte et l’article 10(1) du PIDCP ;
vi. Le droit à l’égalité des armes ;
viii. Le principe du contradictoire entre les parties et le droit à ce que sa
cause soit entendu.
Il. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
14. La Requête introductive d'instance a été déposée au Greffe de la Cour, le
2 juillet 2019. Elle a été communiquée à l’État défendeur, le 14 août 2019,
aux fins de réponse, dans un délai de soixante (60) jours.
15. Le 26 août 2019, la Requérante a déposé au Greffe une demande de prise
de mesures urgentes provisoires qui a également été communiquée à l’État
défendeur.
16. Les Parties ont déposé toutes les écritures et pièces de procédure dans les
délais impartis par la Cour.
17. Les débats ont été clôturés le 28 septembre 2021 et les Parties en ont été
informées.
IV. DEMANDES DES PARTIES
18. La Requérante demande à la Cour de :
i. Déclarer la requête recevable ;
ii. Ordonner le versement d’une indemnisation appropriée et fournir une
prise en charge médicale adéquate pour remédier aux droits violés ;
iii. Ordonner que des poursuites pénales soient engagées contre les
auteurs d’actes de torture, de viol et de violence qui l’ont agressée ;
iv. Communiquer toutes les autres condamnations à prononcer dans l’État
défendeur ;
v. Accorder une indemnisation réparatrice pour tous les dommages
matériels et moraux subis et tous les autres préjudices nés de mauvais
traitements ;
vi. Accorder la réparation du pretium doloris de la perte de gains lucrum
cessans ;
vil. Accorder une réparation pour la perte d’une chance d’avoir une vie
meilleure par son travail de communication avec des opérateurs
économiques de haut niveau ;
viii. Ordonner une prise en charge médicale car elle se trouve dans un pays
étranger ;
ix. Accorder une réparation pour la perte de scolarisation de sa fille de trois
ans qui est prise en charge par ses proches ;
x. Ordonner à l’État défendeur de lui verser la somme de quarante-cinq
millions (45 000 000) de francs CFA à titre de réparation du préjudice
matériel subi ;
xi. Ordonner à l’État défendeur de lui verser la somme de dix millions
(10 000 000) de francs CFA au titre du préjudice moral ;
xii. Ordonner la fourniture ses soins médicaux d’urgence ;
xii. Ordonner des mesures urgentes pour mettre fin aux pressions
psychologiques dont elle est l’objet de la part des services de sécurité
de l’État défendeur.
19. Pour sa part, en ce qui concerne la compétence et la recevabilité, l’État défendeur
demande à la Cour de :
i. Dire et juger que l’exception préliminaire soulevée par l’État défendeur
est recevable ;
ii. Dire et juger que les exceptions préliminaires soulevées par l’État
défendeur sont fondées ;
iii. Déclarer la Requête irrecevable.
20. Sur le fond, l’État défendeur demande à la Cour de rejeter la Requête
comme mal fondée.
SUR LA COMPÉTENCE
21. La Cour relève que l’article 3 du Protocole dispose :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de
tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation
et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les
États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
22. Aux termes de la règle 49(1) du Règlement, « la Cour procède à un
examen préliminaire de sa compétence … conformément à la Charte, au
Protocole et au [.…] Règlement ».?
23. Sur le fondement des dispositions précitées, la Cour doit, pour chaque
Requête, procéder à un examen préliminaire de sa compétence et statuer
sur les éventuelles exceptions d’incompétence.
24. La Cour note que l’État défendeur n’a pas soulevé d’exception
25. Ayant constaté qu’aucun élément dans le dossier n'indique qu’elle n’est pas
compétente, la Cour conclut qu’elle a :
ii la compétence matérielle, dans la mesure où la Requérante
allègue la violation de droits de l’homme protégés par les articles
4, 5 et 7 de la Charte, des articles 8 et 10 de la DUDH et de l’article
6 du PIDCP, instruments auxquels l’État défendeur est partie.*
il. La compétence personnelle, dans la mesure où l’État défendeur
est partie au Protocole et a déposé la Déclaration.
iii. La compétence temporelle, dans la mesure où les violations
alléguées ont été commises après que l’État défendeur est
devenu partie au Protocole.
iv. La compétence territoriale dans la mesure où les violations
alléguées se sont produites sur le territoire de l’État défendeur.
26. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente pour
connaître de la présente Requête.
2 Article 39(1) du Règlement intérieur du 2 juin 2010.
3 L’État défendeur est devenu partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques le 16 juillet 1974.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
27. L'article 6(2) du Protocole dispose : « la Cour statue sur la recevabilité des
requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la
Charte ».
28. Conformément à la règle 50(1) du Règlement, « La Cour procède à un
examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle
conformément à la Charte, au Protocole et au […] Règlement ».
29. La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance les dispositions de
l’article 56 de la Charte, est libellée comme suit :
Les requêtes introduites devant la Cour doivent remplir les conditions
ci-après :
a. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b. Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c. Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou
insultants à l’égard de l’État concerné et ses institutions ou de
l’Union africaine ;
d. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa
saisine ;
g. Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
30. L'État défendeur soulève, en l’espèce, une exception d’irrecevabilité de la
Requête tirée du non-épuisement des recours internes. La Cour va se
prononcer sur ladite exception avant d’examiner les autres aspects de sa
compétence si nécessaire.
A. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
31. L'État défendeur soutient que la Requérante n’a pas épuisé les recours
internes qui étaient disponibles. || affirme qu’elle était tenue d’introduire sa
plainte devant les autorités judiciaires nationales et qu’en cas de rejet de
ladite plainte, elle pouvait interjeter appel. Selon l’État défendeur, si la
Requérante avait saisi les autorités judiciaires, les recours internes auraient
pu être considérés comme ayant été épuisés.
32. L'État défendeur affiime qu’une loi sur les procédures civiles,
commerciales, sociales et pénales est en vigueur depuis 2001. Les
dispositions qui y sont énoncées permettent, selon l’État défendeur,
d’exercer les recours internes, avec des garanties de disponibilité, de
satisfaction et d’efficacité.
33. L'État défendeur ajoute que la Requérante se contente d’alléguer qu’elle a
déposé plusieurs plaintes qui ont été rejetées, sans fournir une quelconque
preuve pour étayer ses allégations ou indiquer l’autorité qu’elle a saisie et
la décision rendue. Il soutient, en outre, que les preuves sont essentielles
pour déterminer si les recours internes ont été épuisés. Selon l’État
défendeur, aucune preuve n’a été versée au dossier pour indiquer une
quelconque action entreprise par la Requérante au niveau national, que ce
soit en première instance ou devant les juridictions d'appel, alors qu’elle
avait la possibilité de le faire puisqu’elle était assistée d’un conseil.
34. La Requérante n’a pas conclu sur ce point.
35. La Cour rappelle que conformément à l’article 56(5) de la Charte dont les
dispositions sont reprises à la règle 50(2) du Règlement intérieur, « les
requêtes doivent être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste que la procédure de ces recours se
prolonge de façon anormale ». La Cour relève que la règle de l’épuisement
des recours internes vise à donner aux États la possibilité d’examiner les
allégations de violations des droits de l'homme relevant de leur juridiction
avant qu’un organe international ne soit saisi pour déterminer la
responsabilité de l’État à cet égard.*
36. La Cour souligne que les recours internes à épuiser doivent être des
recours ordinaires et judiciaires.” Par ailleurs, lesdits recours doivent non
seulement être prévus dans le système judiciaire de l’État défendeur mais
encore être effectif,® c’est-à-dire de nature à remédier à la situation litigieuse
et suffisant’ de sorte à répondre à la situation du requérant.
37. Sur le point de l’existence des recours, la Cour note qu’aux termes de
l’article 62 du Code de procédure pénale (ci-après désignée « CPP ») de
l’État défendeur : « [toute personne qui se prétend lésée par un crime ou
un délit, peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge
d'instruction compétent ».
38. La Cour note que ce texte institue la plainte pour constitution de partie civile,
recours dont dispose toute personne qui s'estime victime d’un crime ou d’un
délit. La Cour relève, qu’en l’espèce, il n’existe aucun obstacle juridique, ni
4 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. République du Kenya (fond), CAfDHP, Requête n° 006/2012, Arrêt du 26 mai 2017, 88 93 à 94.
5 Ac Ae Ao c. Am As (fond) (05 décembre 2014) 1 RICA 324, 8 96.
8 Al Aa Ag c. République du Bénin (4 décembre 2020) (fond et réparations) 4 RICA 133, 8 86.
7 An Ak et un autre c. République du Mali (compétence et recevabilité) (28 septembre 2017) 2 RICA 122, 8 42.
factuel à l’exercice de ce recours par la Requérante. La Cour estime donc
que ce recours est disponible.
39. S’agissant du caractère effectif et satisfaisant des recours, la Cour note que
les articles 89 et suivants du CPP indiquent la procédure à suivre en cas de
plainte avec constitution de partie civile. Plus décisivement, le juge
d'instruction peut, en vertu de l’article 90 du CPP, procéder,
« conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la
manifestation de la vérité ».
40. En outre, l’article 112 de ladite loi dispose : « [IJes conseils de l’inculpé et de
la partie civile, tant au cours de l'instruction qu’après avoir pris communication de
la procédure au greffe, peuvent conclure par écrit à l’audition de nouveaux
témoins, à des confrontations, expertises et tous actes d’instruction qu’ils jugeront
utiles à la défense de l’inculpé et aux intérêts de la partie civile. Le juge doit motiver
l'ordonnance par laquelle il refuse de procéder aux mesures d’instruction
complémentaires qui lui sont demandées. Le prévenu et la partie civile, par eux-
mêmes ou par leurs conseils, peuvent faire appel de cette ordonnance … ».
41. || ressort des dispositions précitées que le juge d'instruction peut procéder
à tous les actes d'instruction demandés par l’inculpé ou la partie civile qui
ont également le droit d’interjeter appel de sa décision de refus de procéder
aux actes d’instruction demandés.
42. La Cour relève que la plainte avec constitution de partie civile permet à la
victime de participer au déroulement de la procédure et de demander
directement au juge d’instruction de procéder aux actes d’instruction.
43. À la lumière de ces dispositions, la Cour estime que le recours devant le
juge d'instruction dans le système judiciaire de l’État défendeur est effectif
et satisfaisant et que la Requérante aurait pu l’exercer pour s’offrir tout au
moins la possibilité de faire examiner sa plainte.ê
8 Ibid, 88 44 à 51.
44. La Cour note que la plainte déposée par la Requérante auprès du président
de la Section malienne de la Fédération internationale des droits de
l’homme, le 10 novembre 2014, ne constitue pas un recours au sens de
l’article 56(5) de la Charte puisque la Fédération n’est pas une juridiction.
45. Concernant à l’affirmation de la Requérante selon laquelle elle a déposé
une plainte devant le juge d’instruction et s’est constituée partie civile, la
Cour note la présente Requête n’inclut que le texte de la plainte, écrit et
signé par elle. En revanche, la Requérante n’apporte pas la preuve que
ladite plainte a été effectivement enregistrée devant le juge d’instruction
compétent. Elle n’a soumis non plus aucune décision de justice rendue par
les autorités judiciaires nationales en rapport avec la plainte. Il ressort de
ces éléments que la Requérante n’a pas apporté la preuve de l'exercice du
recours qu’elle prétend avoir exercé devant les juridictions nationales avant
d'introduire la présente Requête.
46. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la Requête ne remplit pas les
conditions de recevabilité énoncées à l’article 56(5) de la Charte. Elle
accueille, en conséquence, l’exception de l’État défendeur.
B. Sur les autres conditions de recevabilité
47. La Cour rappelle que les conditions de recevabilité d’une requête sont
cumulatives de telle sorte que dès que l’une d’entre elles n'est pas remplie,
c’est l’entière Requête qui s'en trouve irrecevable.®
48. En l’espèce, la Requête n’ayant pas rempli la condition d’épuisement des
recours internes prescrites à l’article 56(5) de la Charte, il n’y a pas lieu
d’examiner les autres conditions de recevabilité.
9 Ap Ai c. République du Mali, CAfDHP, Requête n° 002/2019, Arrêt du 22 septembre 2022 (compétence et recevabilité), 8 49 ; Ah Ab et Af Ak c. République du Mali (compétence et recevabilité) (21 mars 2018) 2 RICA 246, 8 63 ; Aq Ad c. République du Rwanda (compétence et recevabilité) (11 mai 2018) 2 RICA 373, 8 48 ; Collectif des anciens travailleurs ALS c. République du Mali (compétence et recevabilité) (28 mars 2019) 3 RICA 77, 8 39.
49. En conséquence, la Cour déclare la Requête irrecevable.
VII. SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES
50. La Cour note que la Requérante a déposé, le 26 août 2019, une demande
de « prise de mesures urgentes pour mettre fin à la course poursuite des
conséquences irréparables nés des actes de torture et de viol en application
de l’article 27 du Protocole ».
51. Ayant déjà déclaré la Requête irrecevable pour non-épuisement des
recours internes, la Cour considère que la demande de mesures provisoires
est sans objet.
VIII. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
52. Le Parties n’ont pas conclu sur les frais de procédure.
53. La Cour rappelle qu’aux termes de la règle 32(2)"° de son Règlement, « à
moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses
frais de procédure ».
54. La Cour estime qu’il n’y a pas lieu, en l'espèce, de s’écarter de ces
dispositions. Elle décide, par conséquent, que chaque Partie supporte ses
frais de procédure.
IX. DISPOSITIF
55. Par ces motifs,
LA COUR,
1° Article 30(2) du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
Sur la compétence
À l’unanimité
Sur la recevabilité
À la majorité de neuf (9) voix pour et une (1) voix contre, la Juge Chafika
Bensaoula ayant émis une déclaration,
ii. Accueille l'exception d’irrecevabilité soulevée par l’État défendeur ;
ii. Déclare la Requête irrecevable.
Sur la demande de mesures provisoires
iv. Dit que la demande de mesures provisoires est sans objet.
Sur les frais de procédure
v. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Imani D. ABOUD, Présidente ; =
Ben KIOKO, Juge ; MES
Rafaâ BEN ACHOUR, Juge : ME leo),
Tujilane R. CHIZUMILA, Juge Li Cyan lan
Chafika BENSAOULA, Juge ; AGE
Blaise TCHIKAYA, Juge gs
Stella |. ANUKAM, Juge Eu ; am .
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge Sa Æ a.
Dennis D. ADJEI, Juge ;
et Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 28(7) du Protocole et à la règle 70(1) du Règlement, la déclaration de la Juge Chafika Bensaoula est jointe au présent Arrêt.
Fait à Arusha, ce cinquième jour du mois de septembre de l’an deux mille vingt-trois, en arabe, en anglais et en français, le texte français faisant foi.