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07/11/2023 | CADHP | N°011/2021

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 07 novembre 2023, 011/2021


Texte (pseudonymisé)
AFRICAN UNION UNION AFRICAINE
AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
C X B
RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
REQUÊTE N°011/2021
ARRÊT
o ht 2 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il. OBJET DE LA REQUÊTE...
A. Faits de la cause
B. Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV. DEMANDES DES PARTIES
V. SUR LA COMPÉTENCE
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
A Sur l’exception tirée du non-ép

uisement des recours internes
B Sur les autres conditions de recevabilité
DIR SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES
DAIIR S...

AFRICAN UNION UNION AFRICAINE
AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
C X B
RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
REQUÊTE N°011/2021
ARRÊT
o ht 2 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il. OBJET DE LA REQUÊTE...
A. Faits de la cause
B. Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV. DEMANDES DES PARTIES
V. SUR LA COMPÉTENCE
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
A Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
B Sur les autres conditions de recevabilité
DIR SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES
DAIIR SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
IX DISPOSITIF 13
14
14 La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Présidente ; Modibo SACKO, Vice-
président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R.
CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise TCHIKAYA, Stella |. ANUKAM, Dumisa B.
NTSEBEZA, Dennis D. ADJEI — Juges ; et de Robert ENO, Greffier.
En l’affaire :
C X B,
représenté par
Maître Yaya Pognon, Avocat au Barreau du Bénin
contre
RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
représentée par
M. Ak A, Agent Judiciaire du Trésor
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt :
I. LES PARTIES
1. Le Sieur C X B, (ci-après dénommé « le Requérant »)
est un citoyen béninois. Il allègue la violation de ses droits du fait de sa
révocation de la fonction de maire de Cotonou et des poursuites
judiciaires intentées contre lui.
2. La Requête est dirigée contre la République du Bénin (ci-après
dénommée « l’État défendeur »), devenue partie, le 21 octobre 1986, à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après
désignée « la Charte ») et au Protocole relatif à la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine
des droits de l’homme et des peuples (ci-après désigné « le Protocole »),
le 22 août 2014. L'État défendeur a, en outre, fait le 08 février 2016 la
Déclaration prévue à l’article 34(6) dudit Protocole (ci-après désignée «
la Déclaration ») par laquelle il accepte la compétence de la Cour pour
recevoir les requêtes émanant des individus et des organisations non
gouvernementales. Le 25 mars 2020, l’État défendeur a déposé auprès
de la Commission de l’Union africaine l'instrument de retrait de sa
Déclaration. La Cour a jugé que ce retrait n’a aucune incidence ni sur les
affaires pendantes ni sur de nouvelles affaires introduites devant elle
avant sa prise d’effet un an après le dépôt de l’instrument y relatif, à
savoir le 26 mars 2021!
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. Il ressort de la Requête introductive d’instance que le Requérant a été
élu maire de la commune de Cotonou, en août 2015. Le 28 juillet 2017,
il a été convoqué pour être entendu sur la gestion de ladite commune
devant le Conseil de Concertation et de Coordination du département du
Littoral (ci-après désigné « le Conseil ») présidé par le Préfet du Littoral.
4. Le Requérant affirme que, ce même jour, suite à son audition, il a été
suspendu de sa fonction de maire par un arrêté du 28 juillet 2017? pris
par le ministre de la Décentralisation de l’État défendeur dont il a reçu
notification (ci-après désigné « arrêté de suspension du 28 juillet 2017 »).
Par la suite, il a été révoqué de ladite fonction par le décret n°2017-380
! Aq Ad Aj c. République du Bénin (mesures provisoires) (05 mai 2020) 4 RICA 708, 88 4 à 5 et Corrigendum du 29 juillet 2020.
? Arrêté ministériel n° 26/MDGL/DC/SGM/DGCL/SA/011 SSG17 du 28 juillet 2017.
du 02 août 2017 (ci-après désigné « décret de révocation du 02 août
2017 »).
5. Le Requérant déclare qu’il a saisi la Chambre administrative de la Cour
Suprême aux fins d’annulation des actes de suspension et de révocation,
et que malgré les preuves et arguments qu’il a produits prouvant les
violations de son droit à la défense et de la loi sur l’administration des
communes, son recours a été rejeté.
6. Il ajoute, par ailleurs, que l’acharnement de l’État défendeur à son
encontre s’est poursuivi par une tentative d’enlèvement de sa personne
mais aussi par une procédure pénale contre lui et vingt-huit (28) de ses
anciens collaborateurs, devant la Cour de Répression des Infractions
Économiques et de Terrorisme (CRIET) pour abus de pouvoir,
détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux. Il affirme
que, le 29 juin 2020, Il a été reconnu seul coupable par la CRIET des
faits d’abus de fonction et condamné à une peine d’emprisonnement de
dix (10) ans, assorti d’un mandat d’arrêt émis à son encontre, ainsi qu’au
paiement de la somme de deux cent soixante-sept millions cinq mille
(267 005 000) FCFA à l’État défendeur, à titre de dommages et intérêts.
7. Le Requérant indique que, pour des raisons de sécurité et à cause du
sort réservé à certains opposants, il s’est exilé en France avec son
épouse depuis août 2017.
B. Violations alléguées
8. Le Requérant allègue la violation des droits suivants :
ii Le droit à ce que sa cause soit entendue, protégé par l’article 7 de la
Charte ;
ii. Le droit à la vie et à l’intégrité physique et morale, protégé par l’article 4
de la Charte ; et
iii. Le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays, protégé par l’article 13 (1) de la Charte.
Il. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
9. La Requête introductive d’instance comprenant une demande de
mesures provisoires a été déposée le 25 mars 2021. Elle a été
communiquée à l’État défendeur le 12 mai 2021, pour ses réponses dans
les délais respectifs de quatre-vingt-dix (90) et de quinze (15) jours, à
compter de la réception.
10. Les 03 juin et 23 août 2021, l’État défendeur a déposé ses conclusions
en réponse respectivement sur les mesures provisoires et le fond,
lesquelles ont été communiquées au Requérant le 27 septembre 2021.
Ce dernier n’y a pas répliqué malgré les rappels qui lui ont été adressés
les 11 février et 11 novembre 2022, et 10 juillet 2023.
11. La Cour a décidé, lors de sa G9èM° Session ordinaire, d’examiner la
demande de mesures provisoires avec la Requête au fond. Le 30 juin
2023, les Parties en ont été informées.
12. Les débats ont été clôturés le 1° août 2023 et les Parties en ont dûment
reçu notification.
IV. DEMANDES DES PARTIES
13. Le Requérant demande à la Cour :
Sur le fond, de :
i. Dire et juger que l’État défendeur a violé les articles 4, 7, 13(1) et 26
de la Charte.
Sur les mesures provisoires, de :
ii. Ordonner à l’État défendeur de reconnaître et d'accepter
publiquement sa responsabilité alléguée dans la présente Requête,
et de le rétablir dans ses droits civils et civiques ; et
ii. Ordonner à l’État défendeur de lui garantir la liberté d’aller et de venir
dans son pays, de voir et d'assister ses parents âgés et malades.
14. L'État défendeur demande à la Cour :
Sur la recevabilité, de :
ii Constater qu’au moment de l'examen de la Requête les recours
internes n’étaient pas épuisés avant que le Requérant ne saisisse la
Cour de céans :
ii. Constater que les recours internes sont disponibles et efficaces ;
ii. En conséquence, déclarer la Requête irrecevable ;
iv. Constater que le Requérant a laissé s’écouler plus de trois (3)
années avant de saisir la Cour de céans ;
v. Dire et juger que la Requête n’a pas été introduite dans un délai
raisonnable ; et
vi. En conséquence, rejeter la Requête du Requérant pour saisine
tardive.
Sur le fond de la requête, de :
ii Constater que la procédure suivie pour la prise de l’arrêté
n° 26/MDGL/DC/SGM/DGCL/SA/011 SSG17 du 28 juillet 2017
portant suspension du maire de Cotonou est conforme aux textes
régissant la décentralisation en République du Bénin ;
ii. Constater que la procédure suivie pour la révocation par décret n°
2017-380 du 2 août 2017 est régulière et conforme aux textes en
vigueur ;
iii. Dire et juger que la suspension et la révocation du Requérant des
fonctions de maire de la ville de Cotonou ne constituent pas une
violation de son droit à une justice libre et équitable ;
iv. Constater que le Requérant a quitté le Bénin sans y être contraint ;
v. Dire et juger qu’il ne saurait être retenu à l’égard de l’État défendeur
la violation du droit à la libre participation de tous les citoyens à la
direction des affaires publiques de leurs pays ;
vi. Constater que le Requérant n’a pas été victime d’une tentative
d’enlèvement de la part de l’État du Bénin ;
vi. Dire et juger que l’État n’a pas violé l'article 4 de la Charte ; et
viii. En conséquence, débouter le Requérant de l’entièreté de ses
demandes.
Sur la demande de mesures provisoires, de :
i. Dire et juger qu’il n’y a pas urgence ou extrême gravité ;
ii. Dire et juger qu’il n’y a pas de risque de préjudice irréparable ;
iii En conséquence, déclarer mal fondées toutes les demandes
provisoires du Requérant ; et
iv. Débouter le Requérant de sa demande de mesures provisoires en
tout point.
SUR LA COMPÉTENCE
15. La Cour rappelle que l’article 3 du Protocole est libellé comme suit :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et
de tous les différends dont elle est saisie concernant
l'interprétation et l’application de la Charte, du présent
Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits
de l'homme et ratifié par les États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
16. Aux termes de la règle 49(1) du Règlement « la Cour procède à un
examen préliminaire de sa compétence [.…] conformément à la Charte,
au Protocole et au […] Règlement ».
17. Sur le fondement des dispositions précitées, la Cour doit, dans chaque
requête, procéder à un examen préliminaire de sa compétence et statuer
sur les éventuelles exceptions d’incompétence.
18. La Cour note que l’État défendeur n’a pas soulevé d’exception
d’incompétence. Toutefois, elle doit s'assurer qu’elle est compétente
pour examiner la présente Requête. À cet effet, elle conclut, au regard
du dossier, qu’elle a :
ii La compétence matérielle, dans la mesure où le Requérant
allègue la violation du droit à la défense, du droit à la vie et à
l'intégrité physique et morale et du droit de participer librement à
la direction des affaires publiques de son pays, protégés
respectivement par les articles 7, 4 et 13(1) de la Charte,
instrument ratifié par l’État défendeur.
ii. La compétence personnelle, dans la mesure où l’État défendeur
est partie à la Charte, au Protocole et a déposé la Déclaration.
La Cour rappelle, comme elle l’a indiqué au paragraphe 2 du
présent Arrêt que le 25 mars 2020, l’État défendeur a déposé
l'instrument de retrait de la Déclaration. À cet égard, la Cour
réitère sa position selon laquelle le retrait de la Déclaration n’a
pas d’effet rétroactif et n’a aucune incidence sur les affaires
pendantes au moment du dépôt de l'instrument de retrait, ni sur
les nouvelles affaires dont elle a été saisie avant que ledit retrait
ne prenne effet. Étant donné que ledit retrait de la Déclaration a
pris effet un an après le dépôt de l’instrument y relatif, soit le 26
mars 2021, il n’a, donc, aucune incidence sur la présente
Requête, introduite le 25 mars 2021.
ii. La compétence temporelle, dans la mesure où les violations
alléguées ont été commises après l’entrée en vigueur des
instruments citées ci-dessus, à l'égard de l’État défendeur.
iv. La compétence territoriale, dans la mesure où les faits de la
cause et les violations allégués ont eu lieu sur le territoire de
l’État défendeur.
19. Par voie de conséquence, la Cour conclut qu’elle est compétente pour
connaître de la présente Requête.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
20. En application de l’article 6(2) du Protocole : « [Ja Cour statue sur la
recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à
l’article 56 de la Charte ».
21. Conformément à la règle 50(1) du Règlement : « [[Ja Cour procède à un
examen de la recevabilité [.…] conformément aux articles 56 de la Charte
et 6(2) du Protocole et au [.…] Règlement ».
22. La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance les dispositions
de l’article 56 de la Charte, est libellée ainsi qu’il suit :
Les requêtes introduites devant la Cour doivent remplir les conditions
ci-après :
a. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b. Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c. Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou
insultants à l’égard de l’État concerné et de ses institutions ou
de l’Union africaine;
d. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa
saisine ;
g. Ne pas concerner des affaires qui ont été réglés par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
23. La Cour note que l’État défendeur soulève deux (2) exceptions
d’irrecevabilité de la Requête, l’une tirée du non-épuisement des recours
internes et l’autre du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable.
La Cour va examiner les deux exceptions avant de se prononcer,
éventuellement, sur les autres conditions de recevabilité.
A. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
24. Citant la décision de la Commission africaine des droits de l'homme et
des peuples (ci-après désignée « la Commission ») dans les affaires
jointes Free Legal Assistance Group et autres contre Zaïre, l’État
défendeur fait valoir que l’épuisement des recours internes est un
principe fondamental du droit international qui requiert qu’un
Gouvernement soit informé des violations alléguées des droits de
l’homme afin d’avoir l’opportunité d’y remédier avant d’être appelé devant
une instance internationale telle que la Cour de céans.
25. L'État défendeur soutient qu’en violation de l’article 40(5) du Règlement*
qui reprend, en substance, les dispositions de l’article 56(5) de la Charte,
la Requête a été introduite de façon prématurée. || affirme que le
Requérant avait la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle pour
présenter ses griefs en matière de violations des droits de l’homme,
conformément à l’article 117 de la loi n° 2019-40 du 7 novembre 2019
portant révision de la loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant
Constitution de l’État défendeur.
3 Règle 50(2)(e) du Règlement intérieur du 1°" septembre 2020.
26. Il estime que le Requérant n’a pas satisfait à la condition de l’épuisement
préalable des recours internes et par conséquent, sa Requête doit être
déclarée irrecevable.
27. Le Requérant n’a pas répliqué spécifiquement aux arguments de l’État
défendeur. Il a, toutefois, affirmé dans la Requête introductive d'instance
qu’il a exercé un recours en annulation devant la Chambre administrative
de la Cour suprême aussi bien de l’arrêté de suspension que du décret
de révocation. En outre, il reconnaît qu’il n’a pas formé de recours contre
le jugement de la CRIET puisqu’un mandat d'arrêt aurait été émis contre
lui.
28. La Cour rappelle que conformément à la règle 50(2)(e) du Règlement et
à l’article 56(5) de la Charte, les requêtes doivent être déposées
postérieurement à l’épuisement des recours internes s'ils existent, à
moins que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale.*
29. La Cour souligne que les recours internes à épuiser sont les recours de
nature judiciaire. Ils doivent être disponibles, c’est-à-dire qu’ils peuvent
être exercés sans obstacle par le requérant et efficaces en ce sens qu’ils
sont à « même de donner satisfaction au plaignant ou de nature à
remédier à la situation litigieuse ».°
30. La Cour précise qu’il ne suffit pas à un requérant de douter de la
disponibilité ou de l'efficacité des recours internes. Il lui appartient, plutôt,
d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour épuiser, ou à tout
le moins, essayer d’épuiser les recours internes.°
4 Ab An et Af An c. République du Benin, CAfDHP, Requête n° 008/2020, Arrêt du 23 juin 2022 (compétence et recevabilité), 8 49 ; Aq Ad Aj c. République du Benin, CAfDHP, Requête n° 032/2020, Arrêt du 22 septembre 2022 (compétence et recevabilité), 8 38.
5 Ai Ae et autres c. Am Ar (fond) (5 décembre 2014)1 RICA 226, 8 68 ; Ao c. Am Ar (fond), supra, 8 108.
8 Aj c. Bénin (compétence et recevabilité), supra, 8 40.
31. La Cour observe, à la lecture du dossier, que les violations alléguées par
le Requérant résultent, selon lui, pour certaines de l’arrêté de suspension
du 28 juillet 2017 et du décret de révocation du 2 août 2017, et pour
d’autres de la procédure pénale à son encontre devant la CRIET. La Cour
déterminera si les recours internes ont été épuisés concernant ces deux
aspects.
32. Concernant l'arrêté de suspension et le décret de révocation, la Cour
observe au regard de la législation de l’État défendeur, que l’article 827
du Code de procédure civile” et suivants règlementent le recours en
annulation pour excès de pouvoir des décisions des autorités
administratives devant la Chambre administrative de la Cour suprême.8
Il s'ensuit donc que les recours en annulation de l’arrêté de suspension
du 28 juillet 2017 et du décret de révocation du 2 août 2017 pris par des
autorités administratives de l’État défendeur doivent être exercés devant
la Chambre administrative de la Cour suprême.
33. La Cour relève que bien que le Requérant affirme qu’il a exercé un
recours devant ladite Chambre en annulation de l’arrêté de suspension
et du décret de révocation, il n'apporte, cependant, aucune preuve pour
étayer l’existence ou l'issue de cette procédure malgré l’invitation qui lui
a été adressée à cet effet le 10 juillet 2023. Dès lors, la Cour estime que
le Requérant n’a pas épuisé les recours relativement aux violations en
lien avec l’arrêté de suspension et le décret de révocation.
7 Loi n° 2008-07 du 28 février 2011, Article 827 : « Le délai du recours pour excès de pouvoir est de deux (02) mois. Ce délai court de la date de publication ou de notification de la décision attaquée. Avant de se pourvoir contre une décision individuelle, le demandeur doit présenter un recours hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision. Le silence gardé plus de deux (02) mois par l'autorité compétente pour le recours hiérarchique ou gracieux vaut décision de rejet. Le demandeur dispose pour se pourvoir contre cette décision implicite, d’un délai de deux (02) mois à compter du jour de l'expiration de la période de deux (02) mois susmentionnés. Néanmoins, lorsqu’une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux (02) mois, elle fait à nouveau courir le délai de recours. Les délais prévus pour introduire le recours ne commencent à courir que du jour de la notification de la décision de rejet du recours gracieux ou à l'expiration du délai de deux (02) mois prévu à l'alinéa précédent. En matière fiscale, les délais applicables sont fixés par le code général des impôts et les lois fiscales en vigueur ».
8 Ibid, Article 818 alinéa 1 : « La juridiction statuant en matière administrative est compétente pour connaître du contentieux de tous les actes émanant de toutes les autorités administratives de son ressort. » 34. S’agissant de la … procédure pénale devant la CRIET, la Cour rappelle
l’affirmation du Requérant selon laquelle ladite juridiction a rendu à son
encontre, le 29 juin 2020, un jugement de culpabilité et de condamnation,
ce qui est confirmé par l’État défendeur. La Cour observe à cet égard
que la loi n° 2020-07 du 17 février 2020 modifiant et complétant la loi sur
la CRIET, a institué une Chambre d’appel pour connaître des appels
formés contre les jugements rendus en première instance par la chambre
de jugement de la CRIET.
35. La Cour note qu’en l’espèce, le Requérant reconnaît lui-même qu’il n’a
pas interjeté appel du jugement de la CRIET. Il souligne qu’il n’a pas pu
exercer ce recours puisqu'il était en exil en raison du mandat d’arrêt qui
avait été émis à son encontre.
36. La Cour observe relativement à cet argument que conformément à la
législation de l’État défendeur, la présence de l’inculpé n’est pas
obligatoire pour interjeter appel du jugement de condamnation. L'appel
peut être ainsi formalisé aussi bien par l’inculpé que par toute autre
personne qui a reçu pouvoir à cet effet.!° Il s'ensuit que le Requérant,
comme il l’a fait devant la Cour de céans, avait la possibilité de constituer
un avocat, pour interjeter appel du jugement de condamnation de la
CRIET, celui-ci ayant l’obligation d’accomplir tous les actes de procédure
nécessaires et de l’informer du déroulement de la procédure.
9 Loi n° 2020-07 du 17 février 2020 modifiant et complétant la loi sur la CRIET, Article 6 nouveau : « la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme est composée de : une chambre de jugement, une chambre d'appel
Tout jugement rendu par la chambre de jugement est susceptible d'appel suivant les conditions, modalités, formes et délais prévus au code de procédure pénale…
Les arrêts rendus par la chambre des appels sont susceptibles de pourvoi en cassation de la personne condamnée, du ministère public et des parties civiles dans les conditions, suivant les modalités, formes et délais prévues par le code de procédure pénale ».
10 Loi n° 2012-15 du 30 mars 2012 portant code de procédure pénale, article 515 : « … la déclaration d'appel doit être faite au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Elle doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, ou par un défenseur ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l'acte dressé par le greffier. Si l'appelant ne peut signer, il en est fait mention par le greffier. Elle est inscrite sur un registre public à ce destiné et toute personne a le droit de s’en faire délivrer copie ».
37. La Cour note, plus spécifiquement, que conformément à l’article 519 du
Code de procédure pénale, il est sursis à l’exécution du jugement tant
pendant les délais d’appel que durant l'instance d’appel.!* Il s’en suit
qu’en application de ces dispositions, le mandat d’arrêt prononcé par le
jugement de condamnation du 29 juin 2020 n’aurait pas pu être exécuté
de sorte que le Requérant aurait pu comparaître en personne pour
interjeter appel dudit jugement.
38. La Cour estime donc que l’argument du Requérant pour justifier le non-
exercice du recours en appel de la procédure pénale est inopérant et qu’il
pouvait l’exercer et en attendre l’issue avant de saisir la Cour de céans
à moins que la procédure se prolonge de façon anormale. La Cour
déclare que le Requérant n’a pas épuisé les recours internes concernant
les violations alléguées en lien avec la procédure pénale ouverte à son
encontre.
39. La Cour considère, dès lors qu’elle a conclu que le Requérant n’a pas
épuisé les recours concernant sa suspension et sa révocation ainsi que
la procédure pénale, il est superfétatoire de se prononcer sur l’exigence
alléguée de l’exercice et l’épuisement du recours devant la Cour
constitutionnelle évoquée par l’État défendeur.
40. En conséquence, la Cour déclare fondée l’exception tirée du non-
épuisement des recours internes et conclut que la Requête ne satisfait
pas à l’exigence de la règle 50(2)(e) du Règlement.
B. Sur les autres conditions de recevabilité
41. Ayant conclu que la présente Requête ne satisfait pas à l’exigence de
l’article 56(5) de la Charte et de la règle 50(2)(e) du Règlement et au
regard du caractère cumulatif des conditions de recevabilité,"? la Cour
11 Article 519 de la Loi n° 2012-15 portant code de procédure pénale en République du Bénin : « Pendant les délais d'appel et durant l’instance d'appel il est sursis à l'exécution du jugement … ». 12 Ah Aa et Ag Al c. République du Mali (compétence et recevabilité) (21 mars 13 estime qu’il est superfétatoire de se prononcer sur l’exception
d’irrecevabilité tirée de ce que la Requête n’a pas été introduite dans un
délai raisonnable ainsi que sur les autres conditions de recevabilité de la
Requête.
42. En conséquence, la Cour déclare la Requête irrecevable.
VII. SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES
43. La Cour rappelle que dans sa Requête introductive d'instance, le
Requérant a sollicité des mesures provisoires. La Cour a décidé de
joindre l'examen de la demande des mesures provisoires à celles au
fond.
44. Ayant conclu que la Requête est irrecevable pour non-épuisement des
recours internes, la Cour estime que la demande de mesures provisoires
est sans objet.
VIII. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
45. Les Parties n’ont soumis aucune observation sur les frais de procédure.
46. La Cour relève qu’aux termes de la règle 32(2) de son Règlement, « [à]
moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses
frais de procédure ».
2018) 2 RICA 246, 8 63 ; Ap Ac c. République du Rwanda (compétence et recevabilité) (11 mai 2018) 2 RICA 373, 8 48 ; Collectif des anciens travailleurs ALS c. République du Mali (Compétence et recevabilité) (28 mars 2019) 3 RICA 77, 8 39.
47. La Cour estime qu’il n’y a en l'espèce aucune raison de s’écarter du
principe posé par cette disposition. La Cour ordonne donc que chaque
Partie supporte ses frais de procédure.
IX. DISPOSITIF
48. Par ces motifs,
LA COUR
Sur la compétence
Sur la recevabilité
ii. Reçoit l'exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des
recours internes ;
iii. Déclare la Requête irrecevable.
Sur la demande de mesures provisoires
iv. Déclare la demande de mesures provisoires sans objet.
Sur les frais de procédure
v. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Imani D. ABOUD, Présidente —e1
Modibo SACKO, Vice-président ; fran fausse -
Ben KIOKO, Juge Vs ;
Rafaâ BEN ACHOUR, Juge ; MO lee)
Tujilane R. CHIZUMILA, Juge ; Li Oran la
Chafika BENSAOULA, Juge GE ;
Blaise TCHIKAYA, Juge : ges
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge Ag Æ
Dennis D. ADJEI, Juge ;
et Robert ENO, Greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 011/2021
Date de la décision : 07/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
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